II. QUEL AVENIR POUR LA POLITIQUE DE LA MEMOIRE ?
Au
cours du premier semestre 1997, votre rapporteur avait effectué une
mission de contrôle, sur pièces et sur place, sur l'utilisation
des crédits affectés à la Délégation
à la mémoire et à l'information historique. Il avait alors
insisté sur les enjeux de la mémoire collective. En effet,
celle-ci constitue un ciment puissant pour chaque société
puisqu'elle véhicule son histoire et transmet ses valeurs, mais elle est
par ailleurs fragilisée par la disparition de ses témoins et
vecteurs. Il s'agit donc d'un patrimoine à protéger, à
entretenir et surtout à partager, notamment avec les jeunes.
Parmi les propositions de votre rapporteur figurait la nécessité
de donner à la politique de la mémoire une vision plus globale et
à long terme, notamment en direction des jeunes, par
l'établissement de relations permanentes avec les collèges et les
lycées et l'organisation, chaque année, d'une manifestation sur
un thème lié à la mémoire des conflits.
Il semble que le secrétaire d'Etat se soit directement inspiré
de ces remarques pour proposer la création d'un emploi
" mémoire " dans chaque département auprès des
services départementaux de l'ONAC. En effet, les emplois
" mémoire " répondent à un double objectif :
- d'une part, une mission de conservation au titre de laquelle il aura
pour tâche de fédérer les initiatives locales nombreuses
dans ce domaine, mais de sources diverses (élus locaux, associations)
qui méritent d'être rassemblées et mises en perspective en
vue de l'élaboration d'une politique départementale de la
mémoire combattante.
- d'autre part, une mission de transmission de la mémoire
collective locale aux jeunes générations et de sensibilisation
au valeurs de la citoyenneté et de la solidarité.
Votre rapporteur s'interroge toutefois sur les modalités de
rémunération de ces emplois " mémoire ".
Le niveau de recrutement est élevé puisque les candidats doivent
avoir au moins une maîtrise. La rémunération doit donc
être adaptée en conséquence pour éviter l'apparition
d'emplois qualifiés sous-payés, qui risquerait de perturber le
bon fonctionnement du marché du travail. C'est pourquoi votre rapporteur
soutient la politique de l'ONAC consistant à financer les 20 % qui
lui incombent quel que soit le montant du financement extérieur
trouvé par le directeur départemental de l'ONAC.
Cette stratégie a deux avantages. D'une part, elle ne décourage
pas les directeurs qui recherchent des financements extérieurs puisque
ces derniers s'ajoutent à la participation de l'Etat et de l'ONAC,
permettant soit d'augmenter la rémunération de l'emploi
" mémoire ", soit d'adapter les moyens mis à sa
disposition, par exemple en lui procurant un véhicule. D'autre part,
elle permet de compléter la rémunération de l'emploi
" mémoire " et rapproche cette dernière de la
rémunération moyenne observée à niveau
d'études équivalent. Ainsi, à partir du mois de janvier
1999, des journées citoyennes vont être organisées par les
jeunes recrutés. Ces journées, qui s'inscrivent dans le
prolongement de la Journée d'Appel de Préparation à la
Défense (J.A.P.D) seront conçues comme des rencontres entre les
acteurs de l'Histoire que sont les anciens combattants et les jeunes
générations. Elles mettront en oeuvre divers vecteurs :
expositions, projets d'actions éducatifs, concours scolaires,
colloques...
Si votre rapporteur est satisfait par la création de ces emplois
" mémoire ", son bilan global de l'évolution des
crédits en faveur de la mémoire est plus mitigé.
Ainsi, il constate qu'en dépit de la hausse des crédits
observée pour 1999, les moyens financiers mis à la disposition de
la délégation à la mémoire et à
l'information historique se caractérisent par une tendance à la
baisse.
En 1996, ils s'élevaient à 36,49 millions de
francs, en 1997 à 27,63 millions de francs, en 1998 à
20,73 millions de francs, enfin à 25,91 millions de
francs pour 1999, soit moins qu'en 1997. Votre rapporteur ne peut que souligner
le décalage entre cette baisse des crédits et l'enjeu que
représente la politique de la mémoire.
En outre, il regrette que le gouvernement actuel n'ait pas tenu compte de ses
critiques développées dans son rapporte sur le défi de la
mémoire et compte sur le vote de crédits non reconductibles par
le Parlement pour boucler le budget de la Délégation à la
mémoire et à l'information historique. Cette année,
2,13 millions de francs ont été votés à
l'Assemblée nationale au chapitre 43-02 pour abonder les crédits
des interventions en faveur de l'information historique.
Par ailleurs, votre rapporteur s'inquiète du devenir de la politique de
la mémoire en cas d'intégration du secrétariat d'Etat aux
anciens combattants au ministère de la défense. Il a pu constater
que ce dernier a financé une partie non négligeable des
dépenses liées à la célébration du
80
ème
anniversaire de l'armistice.
Toutefois, votre rapporteur se demande si le développement de la
coopération entre le ministère de la défense et le
secrétariat aux anciens combattants ne risque pas de faire perdre
à la Délégation à la Mémoire et à
l'Information Historique (DMIH) sa compétence exclusive en
matière de politique de la mémoire au profit du ministère
de la défense.
En effet, il ne faudrait pas que sous prétexte de financer certaines
actions en matière de mémoire, le ministère de la
défense puisse imposer ses choix à la DMIH. Un tel transfert des
compétences peut entraîner des changements significatifs dans
l'orientation philosophique de la politique de la mémoire
caractérisée par sa neutralité en matière de
présentation des conflits.
Votre rapporteur demandera donc au secrétariat d'Etat aux anciens
combattants sa position sur ce sujet ainsi que des garanties concernant le
maintien de la DMIH en tant que responsable exclusif de la conception de la
politique de la mémoire.