CONTRIBUTION DU GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN À LA COMMISSION D'ENQUÊTE PARLEMENTAIRE CHARGÉE D'EXAMINER LE DEVENIR DES GRANDS PROJETS D'INFRASTRUCTURES TERRESTRES D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DANS UNE PERSPECTIVE DE DÉVELOPPEMENT ET D'INSERTION DANS L'UNION EUROPÉENNE
A
l'origine, le groupe communiste républicain et citoyen s'était
opposé à la mise en place d'une commission d'enquête
chargée d'examiner le devenir des grands projets d'infrastructures
terrestres d'aménagement du territoire, considérant qu'elle
relevait alors d'une démarche politicienne de la part de la droite
sénatoriale dirigée contre les intentions prêtées au
gouvernement issu des élections de juin 1997.
Après avoir proposé des projets, certes séduisants, mais
sans les moyens juridiques et financiers de les réaliser, la droite
s'autorise aujourd'hui à faire la leçon sur l'état
d'avancement des schémas directeurs.
Il s'agit, à l'inverse, pour la nouvelle majorité
gouvernementale, de sortir de la méthode selon laquelle on annonce des
travaux d'envergure sans prévoir les conditions d'un financement
correspondant.
Le Gouvernement a été amené à effectuer des choix
positifs, dans le cadre d'une concertation relancée pour faire face aux
besoins de financement des projets annoncés. Les intentions de la droite
étaient de contester ces options sans assumer sa part de
responsabilité dans l'absence des crédits programmés.
A titre d'exemple, sur les 200 milliards de francs annoncés par le
schéma directeur des lignes à grande vitesse, seuls 500 millions
de francs étaient à la disposition du Ministère de
l'Equipement, des Transports et du Logement en 1997.
Le rapport Larcher procède à une analyse approfondie et assez
complète du déséquilibre dans la répartition des
différents modes de transports terrestres. Certaines pistes
proposées, dès lors qu'elles s'inscrivent dans le
développement durable et équilibré du territoire,
méritent d'être approfondies.
Le groupe communiste républicain et citoyen estime nécessaire
d'appréhender la question des transports et des projets
d'infrastructures de façon transversale et globalisante au lieu d'une
vision sectorielle qui a prévalu jusqu'ici.
Une approche transversale des modes de transport, l'intermodalité, doit
prévaloir sur la perspective de mise en concurrence entre le rail, la
route et les voies navigables qui génère, de fait, les
déséquilibres que nous connaissons aujourd'hui. Paradoxalement,
alors que le rapport rend compte de l'acuité des disparités dans
la croissance des différents modes de transport, il est proposé
de développer, non seulement la concurrence intermodale, mais aussi la
concurrence intramodale.
Un tel projet est tout autant inefficace sur le plan économique
qu'irréaliste en terme d'aménagement du territoire.
Nous préconisons, pour notre part, de favoriser la
complémentarité, et non la mise en compétition, des modes
de transport dans un cadre défini en commun par les pouvoirs publics,
les collectivités locales concernées, les acteurs
économiques, les usagers et les représentants des salariés.
Une approche globalisante, intégrant les exigences locales en
cohérence avec les préoccupations nationales en terme d'emploi,
d'aménagement du territoire et d'environnement, doit être
précisée. La distinction entre un schéma voyageurs d'une
part, et un schéma marchandises d'autre part, est susceptible de
faciliter la prise en compte des facteurs économiques, sociaux, humains
et territoriaux dans la conception, l'évolution et l'exécution
des projets d'investissement.
Les orientations du rapport de la commission d'enquête, s'inscrivant
délibérément dans le cadre de la
déréglementation européenne voulue par les forces
ultralibérales, échouent à définir les contours
d'un vaste projet national d'aménagement du territoire.
Ainsi, après avoir reconnu la qualité et l'efficacité du
système ferroviaire français, le rapport conclut à la
nécessité de mettre un terme à " l'illusion du
monopole perpétuel " de la SNCF et propose de satisfaire rapidement
aux objectifs de la directive 91/440 de libéralisation du marché
du transport ferroviaire. A cette fin, les Etats membres devront ouvrir au
privé leurs réseaux réciproques. Notre groupe s'oppose
résolument à une telle perspective qui relève davantage de
l'idéologie que de l'analyse sérieuse de la complexité de
notre réseau.
Sur le modèle du corridor Lyon-Anvers ou du programme THALYS, la France
est en mesure de faire valoir un modèle alternatif à la
concurrence sauvage entre compagnies ferroviaires européennes en
développant des accords réciproques de coopération avec
les pays limitrophes.
Le nécessaire développement de trafic marchandises doit s'appuyer
sur une véritable complémentarité à l'image du
ferroutage ou du transport combiné et non sur une mise en concurrence
interne et externe du marché ferroviaire.
Nous ne sommes pas opposés à une certaine forme de
régionalisation dès lors qu'il s'agit de prendre en
considération les demandes des élus locaux, des usagers et des
cheminots. Toute dérive vers une mise sous tutelle régionale des
infrastructures, premier pas vers une privatisation des liaisons locales,
serait dangereuse et contraire au principe d'égalité de
traitement des usagers et de péréquation financière.
Notre groupe réaffirme ici son attachement au principe d'unicité
du rail français dans le cadre du service public rénové et
démocratisé.
Ensuite, la promotion du rail engagée par l'actuel gouvernement n'est
pas contradictoire avec l'essor du transport routier. Il est, cependant,
indispensable de maîtriser la croissance de trafic routier afin
d'éviter un phénomène d'engorgement du réseau. Ceci
passe notamment par l'assainissement des conditions d'exercice de la profession
des transporteurs routiers pour mettre fin à la concurrence sauvage
entre les entreprises de ce secteur, qu'elles soient françaises ou
européennes. Le mouvement des chauffeurs routiers de l'automne 1997
n'était-il pas le reflet d'une dérive ultralibérale et de
l'exigence d'une régulation renforcée de ce secteur ?
Les efforts faits par le Ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot, en
faveur d'une harmonisation par le haut des règles sociales au niveau
européen doivent être encouragés, même si le rapport
constate le développement d'un " libéralisme familial "
dans ce domaine.
Une législation sociale et économique renforcée est le
meilleur rempart contre la précarisation de ce secteur et la
détérioration des conditions de travail des salariés.
Enfin, la commission d'enquête a porté une attention
particulière aux voies navigables. Il faut les conserver là
où c'est nécessaire et donner les moyens d'entretenir le
réseau existant. Le soutien accordé à la batellerie
artisanale confrontée à la compétition européenne
mérite d'être amplifié.
La France, de par sa position géographique en Europe, dispose de
multiples atouts qui démontrent la nullité et le simplisme de
l'idée que la Commission de Bruxelles se fait du territoire
français : un vaste lieu de transit traversé par de grands axes
internationaux.
Le souci des tenants du libéralisme serait, dans ce cadre, d'organiser
la pénurie au profit de quelques grands opérateurs privés.
Les conclusions du rapport, inspirées de la même logique
libérale qui organise le désengagement de l'Etat dans un secteur
essentiel au développement de notre économie, conduisent le
groupe communiste républicain et citoyen à émettre un vote
défavorable.