2. Les conséquences de la réalisation du TGV-Est sur les capacités de financement de l'Etat en matière de grandes infrastructures de transport

La commission " Réseaux et territoires " avait préconisé le réexamen " d'un certain nombre d'investissements lourds comme le TGV-Est (...) ".

Cette conclusion résultait d'un double constat fondé, d'une part, sur la forte contrainte financière pesant sur le budget de l'Etat et, d'autre part, sur le niveau de l'endettement ferroviaire.

Votre commission s'est interrogée sur l'effet d'éviction du projet de TGV-Est par rapport à d'autres investissements, compte tenu du coût de sa réalisation et de ses conditions actuelles de financement.

a) L'augmentation des recettes du FITTVN profite essentiellement aux investisseurs ferroviaires

L'augmentation des recettes du FITTVN justifiée par l'abandon du canal Rhin-Rhône profitera essentiellement au transport ferroviaire et au TGV-Est en particulier.

M. Jean-Claude Gayssot a indiqué, devant votre commission d'enquête, que la participation de l'Etat au financement du TGV-Est " sera financée par le fonds d'investissement des transports terrestres et des voies navigables dont l'enveloppe sera portée progressivement à 2,3  milliards de francs . "

Le " recyclage " de la rente du Rhône

Cette augmentation des crédits résultera essentiellement de l'accroissement des recettes provenant du prélèvement pesant sur les producteurs d'énergie hydroélectrique, qui, avec celui pesant sur les sociétés d'autoroutes constitue une des deux sources de recettes du FITTVN. Ce prélèvement pèse en réalité sur EDF au travers de la taxe sur les ouvrages hydroélectriques concédés. Son taux a été doublé par la loi de finances pour 1998 afin de reconvertir l'effort prévu par EDF au titre du canal Rhin-Rhône pour lequel la compagnie d'électricité s'était engagée pour 13 milliards de francs 1996 financés par la marge qu'elle obtient sur l'électricité produite sur le Rhône par la compagnie nationale du Rhône (CNR) et qui est habituellement désignée comme " la rente du Rhône ". Ce surplus de recettes (environ 800  millions de francs) devrait essentiellement bénéficier au transport ferroviaire et au transport combiné pour 410 millions de francs, 310 millions de francs étant prévus pour le réseau routier national et 80 millions de francs pour les voies navigables.

C'est donc le transport ferroviaire et notamment le TGV-Est qui profitent essentiellement de la reconversion de la rente du Rhône et de l'abandon du canal Rhin-Rhône.

Les redéploiements des crédits au FITTVN
Au-delà des critiques relatives à une politique d'investissement de l'Etat qui conduit à faire financer la politique ferroviaire par EDF, votre commission s'interroge sur les conséquences de la réalisation du TGV-Est sur les autres investissements d'infrastructures éligibles au FITTVN.

En effet, sauf à accroître la taxe pesant sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, ce qui semble difficilement envisageable compte tenu de leur situation financière et du niveau des prélèvements étatiques et ce qui aurait sans doute des répercussions sur leurs possibilités d'investissement, les recettes du FITTVN ne pourront pas s'accroître significativement.

Compte tenu du niveau de concours étatique envisagé pour le TGV-Est (8 milliards de francs au mieux), qui est supérieur à celui consenti pour le TGV-Méditerranée, et de la volonté de répartir équitablement les crédits entre les lignes classiques et le réseau à grande vitesse, le financement de ce projet risque de se substituer à d'autres investissements éligibles au FITTVN. Rappelons que l'une des règles de base des comptes d'affectation spéciale est que le total des dépenses engagées ou ordonnancées ne peut excéder le total des recettes affectées disponibles.

D'ores et déjà, la répartition initiale des crédits du FITTVN a été modulée pour augmenter les dotations bénéficiant au transport ferroviaire, ceci résultant d'une part de la volonté affirmée lors du vote de la loi du 13 février 1997 de favoriser le renouveau du transport ferroviaire et, d'autre part, de la décision de lancer le TGV-Est.

Lors du comité de gestion du 26 mars 1997, le montant des crédits affectés au chapitre 3 a été majoré de 83 millions de francs prélevés sur les crédits du chapitre 1 destinés aux investissements routiers.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DU FITTVN

( en millions de francs )


 

1996

1997

1998

Chap. 1 : Investissement sur le réseau routier national

1 453

1 525

1 835

Chap. 2 : Investissements destinés aux voies navigables

613,7

350

430

Chap. 3 : Subventions d'investissement en matière de transport ferroviaire et de transport combiné

343

1 225

1 635

TOTAL

2 409,7

3 100

3 900

Comme en témoigne le tableau précédent, le montant pour 1998 des crédits du chapitre 3 a consacré la volonté d'accélérer le développement du transport ferroviaire. Les crédits seront affectés de la manière suivante :

- 1.250 millions de francs sont destinés aux investissements ferroviaires proprement dits, plus de la moitié étant consacrée aux travaux du TGV-Méditerranée ;

- 350 millions de francs, aux investissements au transport combiné ;

- et 35 millions de francs, aux études et recherches en matière de transports terrestres.

Pour 1998, l'impact du TGV-Est est faible. Des besoins de financement significatifs devraient apparaître à partir de 2001-2002, concomitamment à la baisse des dépenses relatives au TGV-Méditerranée. Compte tenu du niveau de la contribution de l'Etat, les dépenses liées au TGV-Est feront plus que compenser celles afférentes au TGV-Méditerranée.

Si l'on prend en compte la volonté exprimée par le Gouvernement de répartir les investissements " de manière équilibrée entre la réalisation de lignes nouvelles et l'amélioration et la réhabilitation de lignes existantes " et du coût du TGV-Est, il faut donc envisager soit un étalement considérable des dépenses du TGV-Est dans le temps, soit un redéploiement des crédits au détriment des investissements routiers ou fluviaux.

Le communiqué du Gouvernement précisait que les ressources seraient dégagées grâce à un rendement croissant des taxes alimentant le FITTVN et " par redéploiement des crédits affectés aux infrastructures routières ". Compte tenu des témoignages recueillis par votre commission d'enquête, cette solution ne peut que soulever des interrogations liées aux besoins du secteur routier, notamment en ce qui concerne l'entretien des routes nationales.

b) Des perspectives d'investissements limitées pour le secteur ferroviaire

Dans ces conditions, il apparaît exclu d'envisager d'ici une dizaine d'années le financement d'une autre ligne à grande vitesse, concomitamment à celle du TGV-Est. On peut se demander en conséquence s'il est pertinent de continuer à financer les études d'avant-projet de TGV-Rhin-Rhône et les études préliminaires au TGV-Bretagne-Pays de la Loire.

Mais, on peut également a contrario s'interroger sur la pertinence d'un projet coûteux et peu rentable qui ralentit considérablement la dynamique de la politique ferroviaire alors que d'autres projets offraient de meilleures performances socio-économiques et financières pour un coût moins élevé. C'est le cas en particulier de réalisations plus modestes permettant de poursuivre des lignes existantes.

Enfin, il est légitime de s'interroger sur le niveau des ressources dont dispose l'Etat pour remettre à niveau et développer le réseau classique. En effet, si on applique le principe suivant : " 1 franc pour le TGV et 1 franc pour le réseau classique " cela exigera soit un ralentissement de la réalisation des lignes à grande vitesse envisagées, soit un redéploiement des crédits du FITTVN qui trouvera rapidement ses limites.

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