Rapport n° 452 (1997-1998) de M. Hubert DURAND-CHASTEL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 27 mai 1998
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I. "UN PAYS, DEUX SYSTÈMES" : LA
RÉGION ADMINISTRATIVE SPÉCIALE DE HONG-KONG PRÈS D'UN AN
APRÈS LA RÉTROCESSION
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II. DES RELATIONS BILATÉRALES RELATIVEMENT
PRÉSERVÉES PAR LA RÉTROCESSION
-
III. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN
MATIÈRE PÉNALE DU 25 JUIN 1997
N° 452
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mai 1998 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces Armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de Hong Kong,
Par M. Hubert DURAND-CHASTEL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, Charles-Henri de Cossé-Brissac, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro :
Sénat : 371 (1997-1998)
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi vise
à autoriser l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en
matière pénale entre la France et le gouvernement de Hong-Kong.
Cette convention, signée le 25 juin 1997 -soit à quelques
jours de la rétrocession du territoire à la Chine- a reçu
l'aval tant du Foreing office que du ministère chinois des affaires
étrangères. Elle s'inspire de la convention relative à
l'entraide judiciaire en matière pénale élaborée
dans le cadre du Conseil de l'Europe le 20 avril 1959. Il s'agit du premier
texte de coopération judiciaire directe conclu avec Hong-Kong.
Notons que la Déclaration sino-britannique de décembre
1984, en prévoyant le
maintien d'un pouvoir judiciaire
indépendant
à Hong-Kong, a validé la conclusion,
par la Région administrative spéciale, d'accords internationaux
portant, comme celui-ci, sur la coopération judiciaire avec des
partenaires étrangers.
Cet accord, au contenu essentiellement
technique, qui se démarque peu des autres conventions de même
objet conclues par la France, constitue l'occasion de présenter un bilan
de la situation dans la nouvelle Région administrative spéciale
de Hong-Kong et des relations entre Hong-Kong et la France, près d'un an
après la rétrocession à Pékin de l'ancienne colonie
britannique.
*
* *
I. "UN PAYS, DEUX SYSTÈMES" : LA RÉGION ADMINISTRATIVE SPÉCIALE DE HONG-KONG PRÈS D'UN AN APRÈS LA RÉTROCESSION
La rétrocession de Hong-Kong à la Chine, le 1er
juillet 1997, donna lieu à des cérémonies que les
autorités de Chine populaire ont voulu grandioses. 8 000 journalistes
venus du monde entier ont très largement médiatisé la
descente de l'Union Jack et la retraite sur le Britannia du dernier gouverneur,
Chris Patten, aux côtés du Prince de Galles, tandis que la foule
réunie sur la place Tien an Men égrenait, devant l'horloge
électronique installée pour l'occasion, les dernières
secondes de l'ère coloniale.
A ce jour, le bilan politique de la
rétrocession paraît favorable par rapport aux craintes qui avaient
pu être exprimées en matière de libertés publiques,
en raison de la nature du régime chinois. La volonté de
Pékin d'appliquer ultérieurement à Taiwan le principe "un
pays, deux systèmes" entre pour beaucoup dans la prudence des
autorités chinoises à l'égard de Hong-Kong. En revanche,
les répercussions de la crise financière asiatique sur
l'économie de Hong-Kong constituent un motif d'inquiétude
évident.
1. Un bilan politique globalement positif, bien que nuancé, assorti de quelques interrogations
Le défilé, dans les rues de Hong-Kong, de
blindés de l'Armée populaire de Chine, dès le matin du 1er
juillet 1997, a pu symboliser la fin d'une époque. Mais onze mois
après la rétrocession, on peut estimer que les atteintes aux
libertés publiques
que d'aucuns avaient
redoutées (arrestations de nature politique, censure sur les
publications hostiles au régime chinois), n'ont pas été
véritablement constatées.
Peut-être faut-il voir
dans la sauvegarde, certes relative, des acquis du système politique de
Hong-Kong la conséquence de l'engagement très ferme des
autorités britanniques en faveur du maintien du régime politique,
juridique et économique du Territoire pendant les cinquante
années qui suivront la rétrocession, conformément à
la Déclaration conjointe sino-britannique du 19 décembre 1984.
Ainsi les autorités de Pékin ont-elle veillé
à éviter que la souveraineté chinoise conduise à
remettre en cause l'
autonomie
du Territoire, qu'il s'agisse
des compétences de celui-ci dans les domaines économique,
financier et commercial, ou même de l'action extérieure de
Hong-Kong. Le Territoire continue donc à assurer sa
représentation dans des organisations internationales à vocation
économique (OMC, APEC ...), à conduire des rapports directs avec
ses consulats, et à être Partie en tant que tel à des
conventions internationales auxquelles la Chine n'a pas nécessairement
adhéré. Les déplacements à l'étranger
(Etats-Unis, Japon, Grande-Bretagne, France) du chef de l'exécutif de la
Région administrative spéciale, M. Tung Chee-Hwa, ont
apporté une illustration manifeste de l'autonomie de Hong-Kong, de
même que la participation du chef de l'exécutif au sommet de
l'APEC, en décembre 1997, aux côtés des principaux
dirigeants de la région Asie-Pacifique.
Les autorités de
Pékin ont donc respecté les fondements de l'autonomie de la
Région administrative spéciale définis par la
Déclaration sino-britannique de 1984 et par la
loi
fondamentale
du Territoire. Cette dernière habilite les
autorités de Hong-Kong à conduire, par délégation,
une part des affaires étrangères de la Région
administrative spéciale dans les "domaines appropriés"
(économie, commerce, culture, sports, tourisme, navigation,
communications, finances). Dans ces divers domaines, les autorités de
Hong-Kong peuvent participer à des négociations diplomatiques
ainsi qu'à des organisations et conférences internationales.
Il n'en demeure pas moins que le
Conseil législatif
provisoire,
constitué en décembre 1996 et appelé
à siéger le 1er juillet 1997, a dès mai 1997
rétabli
l'autorisation préalable de manifestation
abolie par le gouvernement Patten, et a décrété
l'interdiction du soutien financier étranger aux formations
politiques locales,
visant expressément le parti
démocrate de Martin Lee.
Le
paysage
institutionnel
de Hong-Kong a, par ailleurs, été
profondément bouleversé par l'échéance de juillet
1997. Un chef de l'exécutif s'est ainsi substitué à
l'ancien gouverneur, tandis que le Conseil législatif (LEGCO) élu
en 1995 pour un mandat de quatre ans était dissous dès le 1er
juillet, en dépit des demandes exprimées par les autorités
britanniques, et remplacé par une
assemblée
législative provisoire
, constituée dès
décembre 1996 et
majoritairement prochinoise
. Depuis la
rétrocession, cette assemblée est revenue sur la plupart des
mesures adoptées à l'initiative du dernier gouverneur et,
notamment, sur des dispositions libérales de la législation
relative au travail et sur la suppression de l'autorisation préalable de
manifestation. De manière générale, les observateurs
relèvent que
l'oeuvre législative et démocratique
du dernier gouverneur britannique, Chris Patten, a été assez
largement démantelée
depuis le ler juillet 1997.
Certes, un climat
d'atonie politique
a paru
caractériser les mois qui ont suivi la rétrocession. Cette
situation était probablement imputable à une certaine autocensure
(ainsi a-t-on pu constater l'émergence d'une nouvelle culture ayant
intériorisé le "politiquement correct" de Chine
continentale
1(
*
)
),
voire à une attitude attentiste, plus qu'à de réelles
manoeuvres des autorités prochinoises pour altérer
fondamentalement les acquis du système.
Une question reste
néanmoins pendante :
au terme des cinquante
années
pendant lesquelles, selon la Déclaration
sino-britannique de décembre 1984 définissant les
modalités de la rétrocession, le système social et
économique, y compris les droits et libertés individuels, doit
être maintenu en l'état, la Chine ne se considérera-t-elle
pas en droit de
mettre fin à ce statut de transition pour
aligner Hong-Kong sur le reste de la Chine continentale
? Il est vrai
qu'il paraît difficile, à ce jour, de porter un jugement sur ce
que sera la Chine en 2047...
D'autres interrogations portent sur le
risque de développement de la
corruption
à
Hong-Kong, sur la
survie d'une presse indépendante
particulièrement dynamique, sur l'éventuelle intervention de
l'
armée
dans les affaires locales, et sur
l'étendue de la
surveillance exercée par la Chine sur les
frontières douanières
de Hong-Kong, en principe
territoire douanier indépendant aux yeux de l'OMC
2(
*
)
.
Par ailleurs la fin de la "lune de miel" entre population de Hong-Kong
et nouvelles autorités prochinoises a été confirmée
par les
élections législatives du 24 mai 1998
,
qui ont clairement montré avec un
taux de participation en nette
augmentation
(35 % en 1995, 50 % en mai 1998), les limites de
l'atonie de l'opinion hongkongaise, et, surtout, la
permanence des
aspirations démocratiques
en dépit de la
rétrocession, dont témoigne le soutien majoritaire
attribué aux candidats démocrates parmi les 20 sièges
soumis au suffrage universel. Certes, la Chine s'est tenue à
l'écart du scrutin, de manière à rassurer
l'électorat de Hong-Kong et l'opinion internationale. Mais les
règles électorales en vigueur -un Conseil législatif
dénué de véritable pouvoir, dominé
de facto
par des élus désignés par des collèges de
grands électeurs acquis aux milieux conservateurs favorables à
Pékin- rendaient toute intervention chinoise superflue. Les
résultats des élections de mai 1998 traduisent donc un certain
désenchantement de l'opinion hongkongaise à l'égard du
gouvernement local, même si ce climat paraît lié, dans une
assez large mesure, aux effets de la crise asiatique sur l'économie du
Territoire.
2. Une économie ébranlée par la crise asiatique
En octobre 1997, la crise asiatique a atteint Hong-Kong, mettant
un terme à un certain état de grâce qui, sur les plans tant
politique qu'économique, caractérisait le Territoire depuis la
rétrocession. Les activités les plus touchées sont
l'immobilier, le tourisme, le commerce de détail et le secteur
financier.
En 1998, la croissance économique pourrait
connaître un ralentissement assez sensible, s'établissant à
3,5 % (voire moins) au lieu de 5,5 % en 1997.
Le rôle central de
Hong-Kong dans la circulation des capitaux pourrait aussi être
affecté par le ralentissement annoncé de la croissance chinoise,
alors même que l'économie de Hong-Kong est étroitement
liée à celle de la Chine méridionale, et que la
République populaire de Chine est le principal partenaire commercial du
Territoire. Celui-ci réalise en Chine un tiers de ses échanges,
et est le premier investisseur étranger en Chine, principalement dans la
province de Guangdong et à Shanghai. La Chine est le deuxième
investisseur (après la Grande-Bretagne) dans le Territoire, et
contrôle 15 % de l'économie de Hong-Kong (20 % du secteur
bancaire). L'avenir économique du territoire est donc subordonné
à la
croissance chinoise
, et paraît
fragilisé par les hypothèques semblant peser sur celle-ci.
L'économie de Hong-Kong dispose cependant, malgré la
panique suscitée par les premiers signes de la crise économique,
d'
atouts importants
. Il s'agit principalement d'
atouts
financiers
: stabilité offerte par la
place
financière de Hong-Kong
-comme d'ailleurs par celle de
Singapour- et niveau élevé des
réserves de change
du Territoire
, qui semblent justifier la décision de maintenir
dans la tourmente la
parité avec le dollar
américain
("peg").
Il n'en demeure pas moins que la
dévaluation opérée par les pays voisins est de nature
à renforcer la
compétitivité
de ceux-ci
par rapport à Hong-Kong.
II. DES RELATIONS BILATÉRALES RELATIVEMENT PRÉSERVÉES PAR LA RÉTROCESSION
Le relatif dynamisme des relations entre la France et Hong-Kong ne semble pas avoir été affecté par la rétrocession. C'est avant tout les effets de la crise asiatique sur l'économie de Hong-Kong qui pourraient affecter les échanges bilatéraux et l'avenir de la communauté française dans la Région administrative spéciale.
1. L'engagement français en faveur de la spécificité du Territoire
Pendant les mois qui ont précédé la
rétrocession, les relations politiques bilatérales avaient
été dominées par l'
engagement
de
la France en faveur du maintien des spécificités de
Hong-Kong
, et des excellentes relations traditionnellement entretenues
entre la France et le Territoire. Après la visite du ministre des
Affaires étrangères français en février 1996,
l'année 1997 s'est caractérisée par un calendrier de
visites officielles particulièrement nourri (séjours à
Hong-Kong du ministre des postes, télécommunications et de
l'espace, du ministre délégué aux finances et au commerce
extérieur, puis des ministres de la francophonie et de la culture). Des
contacts de haut niveau ont également eu lieu en marge de
l'Assemblée générale du FMI et de la Banque mondiale, en
septembre 1997.
La visite du ministre des Affaires
étrangères, en février 1998, a été
l'occasion de réaffirmer le souci français que soient
respectées l'autonomie et la spécificité du Territoire. Il
est clair que notre pays doit faire preuve d'une
vigilance
particulière à l'encontre de toute remise en cause
éventuelle, par les autorités chinoises, des libertés
publiques et des droits de l'homme à Hong-Kong
.
La
visite en France, en mars 1998, du chef de l'exécutif de Hong-Kong,
reçu notamment par le Président de la République, par le
Premier ministre et par le Président du Sénat, a constitué
une étape importante des relations politiques bilatérales depuis
la rétrocession.
2. Des relations culturelles et scientifiques à développer
La France occupe, dans le domaine culturel, une place
éminente parmi les partenaires étrangers de Hong-Kong.
.
Sur le
plan artistique,
les manifestations françaises
("french may", festival multiculturel, et "french cinepanorama", festival
annuel de cinéma organisé par l'Alliance française),
connaissent un
succès important
.
.
L'Alliance française,
implantée à
Hong-Kong depuis quarante-cinq ans, est aujourd'hui confrontée au
problème de la
diminution des effectifs d'apprenants
(-
20 % depuis les trois derniers trimestres). Le nombre d'apprenants
français était, en 1997, estimé à 12 000. A cette
évolution contribue, entre autres causes, le souci des autorités
de Hong-Kong d'assurer, dès le niveau scolaire, un enseignement
d'anglais, de mandarin et de cantonais, qui laisse peu de place à
l'apprentissage d'une langue étrangère supplémentaire.
Il paraît nécessaire, pour enrayer cette érosion
des effectifs, de contribuer à la
formation des professeurs de
français
, et d'adapter la politique linguistique
française aux priorités définies par les autorités
du territoire. Il est probable que la diffusion du français à
Hong-Kong passera désormais -ce qui n'est d'ailleurs pas
spécifique à la Région administrative spéciale- par
le
renforcement de notre présence économique
locale
, et par la recherche de
synergies entre les entreprises
et les universités
.
. La
coopération
scientifique et technique
doit désormais être prioritaire
au sein de notre action culturelle à Hong-Kong. Le Territoire
possède aujourd'hui sept universités et plusieurs instituts
privés de formation supérieure et de recherche, où sont
accueillis près de 150 000 étudiants. Parmi ceux-ci, le nombre
d'étudiants chinois est tout naturellement appelé à
croître. Les établissements de pointe implantés à
Hong-Kong sont appelés à jouer un rôle décisif, en
Asie, dans le domaine de la formation à la gestion et en matière
d'innovation technologique. Or, les universités de Hong-Kong expriment
actuellement la volonté de diversifier leurs partenariats,
jusqu'à présent majoritairement anglo-saxons, en se tournant vers
l'Europe. Il serait donc regrettable que la France ne saisisse pas ce type
d'opportunité en ne répondant pas à la demande
exprimée par Hong-Kong.
Le développement de relations
étroites entre universités françaises et hong-kongaises
permettrait, à l'évidence, d'exercer une
influence
positive sur les entreprises françaises implantées à
Hong-Kong
-et, de manière générale, en Asie du
Sud-Est-, et permettrait de renforcer les relations bilatérales en les
fondant sur des initiatives offrant des
perspectives d'avenir
.
A cet égard, la création, en 1995, d'une nouvelle association
d'anciens élèves des grandes écoles, qui s'est
donné pour but le rapprochement entre grandes écoles
françaises et universités de Hong-Kong, constitue une
démarche intéressante.
3. Le dynamisme des relations économiques et de la communauté française à Hong-Kong
Hong-Kong est le
premier débouché de la
France hors OCDE
(18 milliards de francs d'exportations, 14
milliards de francs d'excédent commercial), et le
deuxième débouché en Asie après le
Japon
. Rappelons que, 80 % du PNB du Territoire étant assis sur
les services, Hong-Kong joue un rôle important pour nos exportations dans
ce domaine et, plus particulièrement, dans le secteur financier.
Cinq cents entreprises françaises
sont
implantées à Hong-Kong, et bénéficient de
l'expansion actuelle du marché chinois (les ventes françaises
à la Chine ont ainsi augmenté de 60 % en 1997), malgré les
quelques hypothèques qui pèsent désormais sur la
croissance chinoise. Hong-Kong est le premier
pôle d'implantation
régionale pour nos entreprises en Asie,
notamment pour la
qualité des infrastructures et des services offerts aux entreprises.
Les exportations françaises vers Hong-Kong sont fondées,
pour l'essentiel, sur les ventes d'Airbus et sur les biens de consommation,
(vins et spiritueux notamment). Le dynamisme des ventes françaises,
à Hong-Kong comme à la Chine, de cognac et de vins, mérite
d'être souligné. Le Territoire est, par ailleurs, en raison d'un
niveau de vie élevé, un débouché
privilégié pour les produits de luxe français (LVMH,
Cartier, Hermès). La présence économique française
s'appuie également sur les banques (BNP, Paribas, Crédit
Agricole-Indosuez, Société Générale), sur les
réalisations de Bouygues (tunnels, stades, centres commerciaux), et,
dans le domaine de la distribution, sur deux supermarchés Carrefour.
Les effets de la crise économique sur la présence
française sont encore relativement limités,
même
si, entre autres conséquences, une baisse de 10 à 20 % des ventes
de produits de luxe est attendue en 1998. La plupart des entreprises
françaises paraissent attentistes, et n'envisageraient pas, à ce
jour, selon les informations transmises à votre rapporteur, de quitter
Hong-Kong.
Par ailleurs, l'
augmentation prévue de la
population de Hong-Kong
, qui devrait passer de 6,5 à 8 millions
d'habitants à l'échéance de 2016, pourrait susciter
d'
importants besoins en logements et en transports
, ouvrant
ainsi des perspectives aux
entreprises françaises du
bâtiment
.
Rappelons aussi que l'achèvement
prochain du chantier de l'
aéroport de Chek Lap Kok
, qui
fut le premier chantier du monde, sera suivi d'
importants travaux
ferroviaires et routiers
qui devraient contribuer au dynamisme de
l'économie du Territoire -et des échanges économiques
bilatéraux.
La
communauté française
à Hong-Kong
-la deuxième en Asie après le Japon-
compte
5 000 personnes
. Composée dans sa grande
majorité d'hommes d'affaires (il s'agit, pour plus de 66 %, de
cadres et de chefs d'entreprises) et de leurs familles, cette communauté
n'a pas souffert, d'après les informations transmises à votre
rapporteur, de la rétrocession, malgré les inquiétudes
véhiculées par les médias européens et
américains.
Le
lycée français
international
offre deux filières, française et
anglaise. Il compte, à ce jour, 1 048 élèves (dont 89 en
maternelle française, 289 en primaire français, 256 dans le
secondaire français, et 414 élèves inscrits dans le cursus
anglais). C'est à la rentrée scolaire prochaine que l'on
mesurera, à partir des effectifs scolarisés dans cet
établissement, l'incidence éventuelle de la crise asiatique sur
la communauté française de Hong-Kong.
III. LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE DU 25 JUIN 1997
La présente convention constitue un texte classique, qui
s'inspire non seulement des conventions de même objet conclues avec
d'autres pays et, notamment, avec le Mexique (convention du 27 janvier 1994),
mais aussi de la convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale, faite dans le cadre du Conseil de l'Europe le 20
avril 1959.
Parmi les
nuances rédactionnelles
liées au statut particulier de Hong-Kong
, mentionnons la
référence aux "résidents permanents" du Territoire
(article XX) de préférence au terme de ressortissants.
Avant l'entrée en vigueur de la présente convention, les
questions traitées par celle-ci relèvent de la
loi
française du 10 mars 1927
relative à l'extradition des
étrangers
3(
*
)
,
dont les articles 30 à 34 concernent les relations entre
autorités judiciaires françaises et étrangères en
cas de "poursuites répressives non politiques dans un pays
étranger" (transmission des commissions rogatoires, notification d'actes
de procédures, communication de pièces à conviction et
autres documents, comparution de témoins, participation de
détenus à des confrontations).
Votre rapporteur
commentera ci-après successivement le champ d'application de la
convention du 25 juin 1997, les modalités de l'entraide judiciaire en
matière pénale entre Hong-Kong et la France, ainsi que les
limites de ce type de coopération prévues par la présente
convention.
1. Champ d'application
La présente convention engage les Parties à
s'accorder mutuellement "l'entraide la plus large possible en ce qui concerne
les enquêtes et les poursuites d'infractions pénales" (article
Ier).
L'énumération des différents formes de
l'entraide résulte du paragaphe 2 de l'article Ier, et sont
définies plus précisément par les articles X à XX :
échanges d'informations sur les casiers judiciaires, remise de
documents, transfert de détenus pour qu'ils comparaissent en
qualité de témoins, transmission d'informations, de pièces
à conviction, perquisitions et saisies, et confiscation des "produits et
des instruments d'activités criminelles"... De manière
générale, la présente convention vise "toute autre forme
d'aide (...) qui ne soit pas incompatible avec la législation de la
Partie requise". Enfin, l'article Ier n'exclut pas que l'entraide soit
accordée en cas d'infraction pénale à la
législation relative aux impôts, aux droits de douane, au
contrôle des changes ou à d'autres questions fiscales, sans
toutefois que l'entraide constitue, dans ces divers domaines, une obligation
pour la partie requise.
Notons que l'article Ier de la présente
convention se réfère aux poursuites d'infractions pénales
"relevant de la juridiction de la Partie requérante". Le terme "relevant
de la juridiction" se substitue aux termes habituellement retenus en
l'espèce de "compétence des autorités judiciaires" (cf
l'article Ier de la convention européenne de 1959). La rédaction
de l'article Ier de la présente convention vise, selon les informations
transmises à votre rapporteur, à éviter toute
ambiguïté sur les rapports de juridiction entre Hong-Kong et la
Chine.
2. Modalités de l'entraide judiciaire en matière pénale
. L'article II désigne les
autorités
centrales
chargées de l'application de la présente
convention (Ministère de la justice pour la France, Attorney general
pour Hong-Kong). Chaque autorité centrale assure l'interface entre les
auteurs des demande et les organismes compétents de la Partie requise.
l'article II prescrit une saisine écrite, tout en admettant le recours
aux télécopies en cas d'urgence.
. Le
contenu des
demandes
est défini de manière relativement
détaillée par l'article V (description de l'objet de la demande,
de la nature de l'enquête ou de l'infraction, exposé sommaire des
faits, détails de procédure, délais,
confidentialité, exigence de traduction).
. les
frais
afférents à l'exécution des demandes
(article
VII) sont pris en charge par la Partie requise, à l'exception des
honoraires d'experts, des frais de traduction et des frais de voyage des
témoins, experts, des détenus transférés et des
agents qui les escortent.
. L'article VIII fixe la
règle
de la spécialité,
selon laquelle la Partie
requérante est liée par le contenu de sa demande pour divulguer
ou utiliser une information transmise par la Partie requise, sauf autorisation
de celle-ci.
. L'article XIX précise enfin que, quand une
infraction commise sur le territoire de l'une des Parties peut être
poursuivie par l'autre Partie, la Partie qui déciderait de ne pas
poursuivre en informe l'autre Partie et, le cas échéant, lui
communique les éléments de preuve relatifs à
l'infraction.
3. Limites de l'entraide
Les limites à l'entraide judiciaire en matière
pénale entre la France et Hong-Kong peuvent tenir :
- au champ
d'application de la présente convention,
- aux restrictions
posées par l'article IV de la convention en vue notamment d'assurer le
respect des droits de l'homme,
- à la législation de
l'Etat requis, qui peut autoriser les personnes appelées à
témoigner par l'Etat requérant à refuser de se rendre
à une telle demande.
. Comme la convention européenne de
1959, la présente convention exclut de son champ d'application, d'une
part, les
infractions militaires
(qui ne sont pas
considérées comme des infractions de droit commun) et, d'autre
part,
l'exécution
des décisions d'arrestation et
des condamnations.
. L'article IV de la présente convention
précise le contenu des
restrictions à l'entraide
entre les Parties.
De manière classique, la Partie
requise est fondée à refuser l'entraide pour des raisons tenant
à la
souveraineté,
à la
sécurité ou à l'ordre public.
D'autres motifs de
refus concernent le
respect des droits de l'homme,
et
constituent une
garantie appréciable depuis la
rétrocession
. La demande d'entraide peut ainsi faire l'objet
d'un refus
si l'infraction considérée est de nature
politique,
ou si cette demande était susceptible de "porter
préjudice à une personne du fait de sa race, de sa religion, de
sa nationalité ou de ses opinions politiques". Le fait que l'infraction
soit passible de la
peine de mort
dans l'Etat requérant
est également un motif de refuser une demande d'entraide. Ces
stipulations prennent tout leur sens si l'on se réfère à
la conception chinoise des droits de l'homme et des libertés publiques.
L'article IV permet aussi d'opposer un refus à une demande
d'entraide, si celle-ci est de nature à
interférer avec
des poursuites en cours dans la Partie requise
, et si cette demande
porte sur une
infraction déjà jugée dans la Partie
requise.
Enfin, une stipulation classique de ce type de
convention permet de ne pas accéder à une demande d'entraide si
celle-ci était de nature à
porter "gravement atteinte"
aux "intérêts essentiels" de la Partie requise
(article IV-1-b). On peut s'interroger sur la portée de la
faculté ainsi reconnue à la Partie requise d'opposer un refus
à une demande d'entraide. Le caractère très
général et subjectif de cette formulation pourrait, en effet, le
cas échéant, permettre aux autorités chinoises de
limiter la portée de la présente convention.
. La faculté de refus reconnue aux personnes appelées par
la Partie requérante à apporter leur
témoignage
(personnes détenues, témoins
et experts), si la législation de la Partie requise les y autorise,
constitue une autre limite à l'entraide judiciaire entre la France et
Hong-Kong (articles X-4, XIV et XV).
CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR
Le présent projet de loi vise donc à autoriser l'approbation d'un texte classique, conforme aux engagements souscrits par la France dans le cadre du Conseil de l'Europe, et qui pourrait permettre à Hong-Kong de préserver son expérience de la démocratie.
EXAMEN EN COMMISSION
Votre commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a examiné le présent
projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 27 mai 1998.
A
l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin,
président, est revenu, avec le rapporteur, sur l'ampleur de la crise
financière asiatique et sur l'importance de ses conséquences sur
l'économie de Hong-Kong. A cet égard, M. Hubert Durand-Chastel a
souligné l'avantage qui résulte pour les autres pays d'Asie, en
termes de compétitivité, de la dévaluation de leur
monnaie. Il s'est interrogé sur les réactions chinoises à
l'extension de cette crise financière, dont l'Europe a, selon lui, dans
un premier temps, sous-estimé la gravité. M. Xavier de Villepin a
également rappelé le risque désormais lié, pour les
banques françaises, à leur engagement important dans la
région Asie-Pacifique.
Puis la commission a, suivant l'avis de
son rapporteur, approuvé le projet de loi qui lui était
soumis.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Hong-Kong, signée à Hong-Kong le 25 juin 1997 et dont le texte est annexé à la présente loi 4( * ) .
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT5(
*
)
-
Etat de droit et situation de fait existants et leurs
insuffisances :
Jusqu'au 25 juin 1997, la France
n'était liée avec Hong-Kong par aucun texte bilatéral
d'entraide judiciaire, la négociation en vue de la signature d'une
convention d'extradition n'ayant pas encore abouti.
La convention
d'entraide judiciaire en matière pénale constitue le premier
texte de coopération judiciaire directe avec Hong-Kong.
Cette
convention s'inspire de la convention européenne d'entraide judiciaire
en matière pénale du 20 avril 1959. Elle comporte toutefois des
dispositions qui tiennent compte du système juridique anglo-saxon en
vigueur à Hong-Kong ainsi que de la spécificité du statut
de ce territoire.
- Bénéfices escomptés en
matière :
. d'emploi :
sans objet ;
.
d'intérêt général :
la convention, par son
existence, ne peut que faciliter et rendre plus efficaces les procédures
d'instruction. De ce fait, elle tend vers une meilleure administration de la
justice ;
. financière :
sans objet ;
. de simplification des formalités administratives :
la procédure d'entraide judiciaire en matière
pénale reçoit un cadre juridique qui lui permet de s'affranchir
des aléas liés aux demandes jusqu'ici fondées sur le
principe de la réciprocité ;
. de
complexité de l'ordonnancement juridique :
compte tenu de
l'aval de Pékin, la convention simplifie les procédures
d'entraide judiciaire.
1 Rubrique Chine, L'état du monde - 1998.
2 Institut français des relations internationales, Ramsès 1998 ("Hong-Kong après la rétrocession")
3
JO du 11 mars 1927.
4
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 371.
5
Texte
transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.