ARTICLE 2
Transfert de la mise en oeuvre de la politique de change au
SEBC
Commentaire : Le présent article, d'une part,
prévoit que la formulation des orientations générales de
la politique de change relèvera du Conseil de l'Union européenne,
la conduite des opérations de change étant
transférée au système européen de banques centrales
(SEBC) et, d'autre part, rattache la gestion des réserves de change par
la Banque de France au cadre du SEBC, la gestion de ces réserves
étant régie par une convention conclue entre l'Etat et la Banque
de France.
I. LA POLITIQUE DE CHANGE SERA DÉSORMAIS DÉTERMINÉE AU
NIVEAU EUROPÉEN
A. LE DROIT EXISTANT
Le premier alinéa de l'article 2 de la loi du 4 août
1993 dispose que : "
le Gouvernement détermine le
régime de change et la parité du franc
".
Son deuxième alinéa dispose : "
pour le compte de
l'Etat et dans le cadre des orientations générales de la
politique de change formulées par le ministre chargé de
l'économie et des finances, la Banque de France régularise les
rapports entre le franc et les devises étrangères
".
La distinction est donc simple : le Gouvernement définit le
régime de change et la parité de la monnaie (bandes de
fluctuations au sein du système monétaire européen),
tandis que la Banque de France exécute les opérations sur le
marché des changes dans le cadre des orientations données par le
Gouvernement.
Dans les faits, les banques centrales européennes ont très
souvent obtenu une très grande liberté opérationnelle dans
l'application au jour le jour de la politique de change.
Désormais, en effet, le Gouverneur de la Banque de France peut
toujours, en droit, arguer de l'obligation de résultat fixée
à l'article premier de la loi de 1993 (assurer la stabilité des
prix) pour refuser de suivre les orientations générales d'un
gouvernement dont la politique de change pourrait entraver l'objectif à
caractère légal auquel la Banque est tenue d'aboutir.
En revanche, il doit respecter la parité du franc telle qu'elle a
été définie par le Gouvernement.
Dans les faits, la Banque de France a pratiqué une politique d'ancrage
au deutsche mark, notamment au moment des crises monétaires de 1992 et
1993.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le I du présent article
prévoit de supprimer les premier
et deuxième alinéas de l'article 2 de la loi de 1993.
En effet, la conduite des opérations de change est la
deuxième des missions fondamentales imparties au SEBC par
l'article 105-2 du Traité.
En outre, l'article 109 du traité de Maastricht prévoit,
à partir de l'entrée dans la troisième phase, la mise en
oeuvre du régime suivant :
-
Le Conseil
, statuant à l'unanimité sur
recommandation de la Banque centrale européenne (BCE) ou de la
Commission, après consultation de la BCE en vue de parvenir à un
consensus compatible avec l'objectif de la stabilité des prix, et
après consultation du Parlement européen,
pourra conclure des
accords formels portant sur un système de taux de change pour
l'écu, vis à vis des monnaies non communautaires
(paragraphe 1).
-
Le Conseil
, statuant à la majorité
qualifiée sur recommandation de la BCE ou de la Commission, et
après consultation de la BCE, en vue de parvenir à un consensus
compatible avec l'objectif de la stabilité des prix,
pourra adopter,
modifier ou abandonner les cours centraux de l'écu dans le
système des taux de change
(paragraphe 1).
- En l'absence d'un système de taux de change vis à vis
d'une ou de plusieurs monnaies non communautaires,
le Conseil
, statuant
à la majorité qualifiée, soit sur recommandation de la
Commission et après consultation de la BCE, soit sur recommandation de
la BCE,
pourra formuler les orientations générales de la
politique de changes vis-à-vis de ces monnaies
.
Les dispositions du premier alinéa de l'article 2 de la loi de
1993 n'auraient donc qu'une valeur provisoire : elles ne seraient
applicables que jusqu'à la fin de la deuxième phase,
c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1998.
Cependant, jusque là, la politique de change doit être de toute
façon compatible avec les dispositions de l'article 109 M du
Traité.
En effet, celui-ci dispose que "
jusqu'au début de la
troisième phase, chaque Etat membre traite sa politique de change comme
un problème d'intérêt commun. Les Etats membres tiennent
compte, ce faisant, des expériences acquises grâce à la
coopération dans le cadre du système monétaire
européen (SME) et grâce au développement de l'écu,
dans le respect des compétences existantes.
"
La loi de 1993 avait ainsi inscrit le régime de la politique de
change dans le schéma prévu par le traité.
Le
I
du présent article se situe donc dans la logique du texte
précédent que votre commission avait adopté.
II. LA GESTION DES RÉSERVES DE CHANGE PAR LA BANQUE DE FRANCE SERA
RATTACHÉE AU CADRE DU SEBC
Le troisième alinéa de l'article 2 de la loi du
4 août 1993, relatif à la gestion des réserves de
change de l'Etat, mentionne expressément la propriété de
l'Etat sur les réserves publiques de change en or et en devises.
L'avantage de cette disposition était de fixer clairement le principe
d'une gestion fiduciaire dérogatoire au droit commun, puisque la notion
juridique de patrimoine d'affectation (ou fiducie) n'existe pas en droit
français, en indiquant :
- que les réserves de change appartiennent à l'Etat ;
- et qu'elles sont inscrites à l'actif du bilan de la Banque de
France qui reçoit mandat de les gérer dans le cadre des
orientations générales de la politique de change formulées
par le Gouvernement.
Le II du présent article
tend à modifier les dispositions
commentées ci-dessus, en les adaptant aux statuts du SEBC, dont
l'article 30-1 dispose que "
la BCE est dotée par les banques
centrales nationales d'avoirs de réserve de change... Elle est
pleinement habilitée à détenir et à gérer
les avoirs de réserve qui lui ont été
transférés et à les utiliser aux fins fixées dans
les présents statuts
". L'article 30-2 ajoute :
"
la contribution de chaque banque centrale nationale est fixée
proportionnellement à sa part dans le capital souscrit de la
BCE
".
III. LA FUTURE CONVENTION ENTRE L'ETAT ET LA BANQUE DE FRANCE
Le II du présent article prévoit que les modalités de
détention et de gestion par la Banque de France des réserves de
change seront "
précisées dans une convention qu'elle
conclut avec l'Etat
".
4(
*
)
Cependant, votre commission note que
la convention
en question
n'est
plus soumise à l'approbation du Parlement
, contrairement à ce
que la loi du 4 août 1993 prévoyait.
L'absence de cette disposition ne paraît cependant pas illogique.
En effet, le projet de loi de 1993 prévoyait que la convention conclue
entre l'Etat et la Banque de France était " approuvée "
et non " soumise à l'approbation " du Parlement. Or, la
seconde rédaction a finalement été introduite dans le
texte par un amendement de l'Assemblée nationale, puisque le Parlement
n'était pas tenu d'approuver ladite convention et qu'il devait pouvoir
l'amender, cette dernière ne relevant pas de la catégorie des
traités ou accords internationaux.
Or, la future convention conclue conformément au présent
projet de loi, entrera dans cette catégorie, puisque la
détermination du régime de change, à partir du
1
er
janvier 1999, ne sera plus une compétence
nationale
.
Les modalités, précisées dans la convention, relatives
à la détention et à la gestion par la Banque de France,
des réserves de change de l'Etat, découleront des dispositions du
Traité ou du protocole concerné.
IV. LA BANQUE DE FRANCE POURRA PARTICIPER A DES ACCORDS MONÉTAIRES
INTERNATIONAUX DANS LE CADRE DU PROTOCOLE SUR LE SEBC
Le quatrième alinéa de l'article 2 de la loi du
4 août 1993, en reprenant du reste les dispositions du
deuxième alinéa de l'article 3 de la loi du 3 janvier
1973, donne à la Banque de France la possibilité de participer,
avec l'autorisation du ministre chargé de l'économie et des
finances, à des accords monétaires internationaux.
La Banque de France n'est partie à aucun accord monétaire
international : ceux-ci restent de la compétence exclusive des
Etats. En revanche, elle sera appelée par le ministre de
l'économie et des finances, plus " qu'autorisée "
à proprement parler, en vue de prêter son soutien logistique au
Gouvernement. Si elle ne signe pas les accords, la Banque de France participe
bien évidemment aux négociations conduisant à leur
conclusion.
En outre, une fois l'accord conclu, les banques centrales peuvent avoir
à fixer entre elles, par exemple, les procédures concrètes
permettant de mettre en oeuvre les principes de coopération
prévus dans tel ou tel domaine par l'accord. La Banque de France
participe seule, mais toujours sous le contrôle du ministre, aux
négociations portant sur les éléments concrets
d'application d'un traité international.
Ces dispositions ne portent que sur la participation de la Banque de France
à la préparation et à la conclusion d'accords
monétaires internationaux. Il ne concerne donc pas la participation du
Gouverneur de la Banque de France dans différentes instances
internationales, notamment celles prévues par le traité sur
l'Union européenne ou celles existant actuellement (comme la Banque des
règlements internationaux...).
Le III du présent article reprend cette formule en l'inscrivant
"
dans le respect des dispositions de l'article 109 du
Traité et de l'article 6-2 du protocole sur les statuts du SEBC et de la
BCE
".
Les présentes dispositions permettent ainsi de rendre compatible
cette compétence traditionnelle de la Banque de France avec le
Traité
.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter deux amendements rédactionnels, et le présent article
ainsi amendé.