Raport n° 388 - Projet de loi adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au Système européen de banques centrales
M. Alain Lambert, Sénateur
Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation - Rapport n° 388 - 1997-1998
Table des matières
-
EXPOSE GENERAL
- I. L'AVÈNEMENT DU SYSTÈME EUROPÉEN DE BANQUES CENTRALES
- II. LE PROJET DE LOI PORTANT ADAPTATION DU STATUT DE LA BANQUE DE FRANCE
- III. LES QUESTIONS EN SUSPENS
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
ARTICLE PREMIER
Intégration de la Banque de France
au système européen de banques centrales -
ARTICLE 2
Transfert de la mise en oeuvre de la politique de change au SEBC -
ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 2
Bon fonctionnement et sécurité des systèmes de paiement -
ARTICLE 3
Emission des billets sur le territoire français -
ARTICLE 4
Adaptation des compétences du Conseil de la politique monétaire -
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4
Modalités de désignation des membres du Conseil de la politique monétaire de la Banque de France -
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE 5
Dispositions transitoires relatives à la désignation des membres
du Conseil de la politique monétaire de la Banque de France -
ARTICLE 5
Modalités des délibérations du Conseil de la politique monétaire -
ARTICLE 6
Exercice d'activités ne se rattachant pas directement
aux missions du SEBC en matière de politique monétaire -
ARTICLE 6 bis (nouveau)
Missions d'intérêt général de la Banque de France -
ARTICLE 6 ter (nouveau)
Prestations de la Banque de France -
ARTICLE 7
Rapport au Président de la République et contrôle du Parlement -
ARTICLE 7 bis (nouveau)
Etudes, analyses et statistiques -
ARTICLE 7 ter (nouveau)
Réseau de succursales -
ARTICLE 8
Adaptation des compétences
du Comité de la réglementation bancaire et financière -
ARTICLE 9
Entrée en vigueur de la loi -
ARTICLE 10
Conventions entre l'Etat et la Banque de France
-
ARTICLE PREMIER
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 388
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 avril 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au Système européen de banques centrales ,
Par M. Alain LAMBERT,
Sénateur,
Rapporteur général.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini,
René Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel
Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
779
,
819
et T.A.
118
.
Sénat
:
383
(1997-1998).
Banques et établissements financiers.
EXPOSE GENERAL
Le présent projet de loi tire les conséquences,
sur le statut de la Banque de France rénové par la loi du
4 août 1993, du titre VI du traité de Maastricht,
intitulé "la politique économique et monétaire", et plus
particulièrement de son chapitre 2 : "La politique monétaire".
En effet, si le Traité prévoit une plus grande coordination des
politiques économiques (chapitre 1er du titre VI : "la politique
économique"), il met essentiellement en oeuvre un transfert des
souverainetés nationales, en matière de politique
monétaire, vers le futur "Système européen de banques
centrales", composé de la Banque centrale européenne et des
banques centrales nationales. Au sein de ce "SEBC", le conseil et le
directoire
des gouverneurs de la banque centrale européenne détermineront et
mettront en oeuvre une politique monétaire unique pour l'Union
européenne, sous réserve des adaptations techniques
définies par les banques centrales nationales.
Le présent projet de loi, qui adapte le statut de la Banque de France
à ce transfert de souveraineté, prévu pour le mois de mai
1998, doit être resitué dans le contexte du cheminement de l'Union
économique et monétaire, avant que soient examinés son
contenu et les questions qu'il soulève.
I. L'AVÈNEMENT DU SYSTÈME EUROPÉEN DE BANQUES CENTRALES
La mise en place du Système européen de banques centrales se situe, selon le traité de Maastricht, à une étape charnière entre la deuxième phase de l'Union économique et monétaire, qui est celle de la convergence économique des Etats membres, et la troisième phase, qui est celle de la mise en place de la monnaie unique.
A. L'ETAT D'AVANCEMENT DE LA DEUXIÈME PHASE DE L'UNION ÉCONOMIQUE ET MONÉTAIRE
Cette deuxième phase a commencé le 1er janvier
1994 (article 109 E du Traité).
Elle comporte trois types de prescriptions.
1. L'indépendance des banques centrales nationales
L'article 109 E du Traité de Maastricht prévoit
qu'au cours de la deuxième phase, chaque Etat membre entame le processus
conduisant à l'indépendance de sa banque centrale.
Le protocole annexé au Traité, relatif aux statuts du SEBC et de
la Banque centrale européenne, prévoit que chaque Etat membre
veille à la "compatibilité" de sa législation nationale
avec le Traité et les statuts du SEBC, au plus tard avant la mise en
place de celui-ci. Le protocole précise expressément
que :"
les statuts des banques centrales nationales prévoient en
particulier que la durée du mandat du gouverneur d'une banque centrale
nationale n'est pas inférieure à cinq ans
"
1(
*
)
.
La loi du 4 août 1993, modifiée par la loi du
30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à
la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux
marchés financiers, a appliqué ces prescriptions au statut de la
Banque de France : c'est aujourd'hui le Conseil de la politique
monétaire, dont les membres sont désignés pour six ans sur
des listes proposées par les présidents du Sénat, de
l'Assemblée nationale et du Conseil économique et social, qui
définit et met en oeuvre la politique monétaire française,
en dehors de toute instruction d'une personne ou d'un organisme
extérieur. Cette indépendance se double toutefois de relations
organisées avec les pouvoirs publics : le gouverneur de la Banque de
France, membre du Conseil, qu'il préside, assisté de deux
sous-gouverneurs, remet un rapport annuel au Président de la
République et au Parlement, et peut être entendu par les
commissions des finances des Assemblées -à sa demande ou à
la leur.
2. L'institut monétaire européen
L'article 109 F du traité prévoit la mise en
place de l'Institut monétaire européen, l' "IME", chargé
notamment, dès le début de la deuxième phase, de renforcer
la coopération entre banques centrales nationales, la coordination des
politiques monétaires des Etats membres, et de préparer la mise
en place technique de la monnaie unique.
Depuis sa mise en place, l'IME a produit des rapports d'activité et des
rapports thématiques :
·
Novembre 1995 : "le passage à la monnaie unique".
Dans ce rapport, l'IME propose des mesures pour la préparation du
basculement vers la monnaie unique : mise en place concrète du SEBC,
mise en place des systèmes de conversion nationaux, d'un système
de paiement européen...
·
Avril 1996 : dans son rapport annuel, l'IME examine la
situation économique et financière des Etats membres, et le cadre
logistique de la monnaie unique.
·
Janvier 1997 : dans le rapport intitulé "la
politique monétaire unique en phase III", l'IME étudie les
modalités opérationnelles de la future politique monétaire
européenne : instruments d'open market, facilités permanentes,
réserves obligatoires...
·
Mars 1998 : l'IME publie son rapport sur la convergence
des Etats membres, selon un cadre d'analyse commun.
3. L'obligation de convergence économique
L'article 109 du Traité prévoit qu'au cours de
la deuxième phase, la commission des Communautés
européennes et l'IME font rapport au Conseil sur les progrès
faits par les Etats membres dans la convergence : compatibilité des
statuts des banques centrales, et convergence économique.
L'article 109 du traité de Maastricht définit les critères
de convergence auxquels les Etats membres doivent se conformer au cours de la
deuxième phase afin d'être qualifiés pour la monnaie unique
:
- réalisation d'un degré élevé de
stabilité des prix,
- caractère soutenable de la situation des finances publiques,
- respect des marges normales de fluctuation monétaire,
- niveau adéquat des taux d'intérêt à long
terme.
Ainsi, la commission et l'IME ont-ils statué de manière
séparée, respectivement les 24 et 25 mars 1998, sur le
degré de convergence des Etats membres, au plan juridique et
économique.
L'IME et la commission ont constaté que, dans douze Etats membres, la
législation relative à la banque centrale avait été
adaptée de manière adéquate, et qu'elle était en
voie de l'être dans quatre autres, dont la France, si le présent
projet est adopté. Ils ont également constaté que onze
Etats membres remplissaient les critères de convergence
économique, le Danemark et le Royaume-Uni ayant invoqué une
clause de non participation à la monnaie unique, la Suède et la
Grèce ne remplissant pas les critères de convergence
économique.
B. QU'EST-CE QUE LA "CONVERGENCE JURIDIQUE" ?
L'Institut monétaire européen a établi un
" vademecum " de la convergence juridique, qui peut servir
de grille
d'analyse au présent projet.
Le SEBC aura la compétence et la charge exclusives d'élaborer et
de mettre en oeuvre la politique monétaire. Cette indépendance
vis-à-vis des autorités politiques permettra au SEBC
d'élaborer une politique monétaire axée sur l'objectif de
stabilité des prix inscrit dans les statuts. Cette indépendance
suppose également que le Système dispose des pouvoirs
nécessaires à la mise en oeuvre des décisions de politique
monétaire.
L'indépendance de la banque centrale est essentielle pour la
crédibilité du passage à l'Union monétaire et
constitue ainsi une condition préalable à l'Union
monétaire. Les aspects institutionnels de l'Union monétaire
supposent que les attributions monétaires actuellement détenues
par les Etats membres soient exercées au sein du nouveau système.
L'indépendance d'une banque centrale trouve ses limites dans les statuts
définissant son objectif et l'étendue de ses pouvoirs ainsi que
dans l'examen de son action par le pouvoir judiciaire.
L'IME a dressé une liste des caractéristiques de
l'indépendance des banques centrales, en établissant une
distinction entre l'indépendance institutionnelle, personnelle et
financière. Cette analyse de l'IME repose sur plusieurs
hypothèses fondamentales :
- l'indépendance des banques centrales est nécessaire
à l'exercice des pouvoirs et à l'accomplissement des missions et
tâches que le Traité et les statuts assignent à la BCE et
aux banques centrales nationales (BCN) ; c'est dans cette perspective qu'il
faut considérer les différentes caractéristiques de cette
indépendance ;
- ces dernières ne doivent pas être considérées
comme une sorte de droit communautaire dérivé, débordant
le cadre du Traité et des statuts, mais comme des points de
repère pour guider l'appréciation portée sur
l'indépendance des BCN ;
- l'indépendance des banques centrales n'est pas un sujet qui peut
se réduire à des formules arithmétiques ni faire l'objet
d'une application mécanique et la façon dont elle est
réalisée pour chacune des BCN doit donc être
appréciée au cas par cas.
1. L'indépendance institutionnelle
L'indépendance institutionnelle
constitue une
caractéristique de l'indépendance des banques centrales à
laquelle il est expressément fait référence à
l'article 107 du Traité, repris à l'article 7 des statuts. Ces
articles interdisent à la BCE, aux BCN et aux membres de leurs organes
de décision de solliciter ou d'accepter des instructions des
institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats membres ou
de tout autre organisme. Ils font également obligation aux institutions
et organes communautaires et aux gouvernements des Etats membres de ne pas
chercher à influencer les membres des organes de décision de la
BCE ni des organes de décision des BCN susceptibles d'être
impliqués dans la conduite des missions relatives au SEBC
2(
*
)
.
La référence aux missions et tâches du SEBC dans l'article
107 du Traité signifie que l'obligation d'indépendance s'applique
à toutes les missions relatives au SEBC. Dans d'autres domaines
d'activité, il n'est pas interdit de donner des instructions. Cela
concerne notamment la réalisation, par les BCN, d'autres missions
autorisées dans les limites de l'article 14.4 des statuts, qui dispose
que les BCN peuvent exercer d'autres fonctions que celles
spécifiées dans les statuts, à moins que le Conseil des
gouverneurs ne décide, à la majorité des deux tiers des
suffrages exprimés, qu'elles interfèrent avec les objectifs et
missions du SEBC.
Cette interdiction de donner des instructions et de tenter d'exercer une
influence s'applique à toutes les sources d'influence extérieure
s'exerçant sur les BCN dans des domaines relatifs au SEBC qui les
empêcheraient de respecter le Traité et les statuts.
Les droits suivants de tiers (exemple : Gouvernement ou Parlement) sont
incompatibles avec le Traité et/ou les statuts et requièrent donc
une adaptation :
·
Le droit de donner des instructions :
Les droits reconnus à des tiers de donner des instructions aux BCN ou
à leurs organes de décision sont incompatibles avec le
Traité et les statuts dans les domaines touchant aux missions du SEBC.
·
Le droit d'approuver, de suspendre, d'annuler
ou de différer des décisions :
Les droits reconnus à des tiers d'approuver, de suspendre, d'annuler ou
de différer des décisions des BCN sont incompatibles avec le
Traité et les statuts pour les domaines intéressant les missions
du SEBC.
·
Le droit de censurer des décisions pour des
raisons juridiques :
L'existence d'un droit de censure, pour des raisons juridiques, de
décisions relatives à l'accomplissement de missions relatives au
SEBC est incompatible avec le Traité et les statuts, car il ne doit pas
pouvoir être fait obstacle au niveau national à l'accomplissement
des missions en question. Cela ne découle pas seulement de
l'indépendance de la banque centrale, mais aussi de l'obligation plus
générale d'intégration des BCN au SEBC. Par ailleurs, le
droit, pour un gouverneur, de censurer des décisions pour des raisons
juridiques et de les déférer ensuite aux autorités
politiques pour qu'elles se prononcent équivaudrait, bien qu'un
gouverneur de banque centrale ne puisse être considéré
comme un " tiers ", à solliciter des instructions auprès
d'instances politiques, ce qui est contraire à l'article 107 du
Traité.
·
Le droit de participer aux organes de décision
d'une BCN assorti d'un droit de vote :
La participation aux organes de décision d'une BCN de
représentants d'autres instances (par exemple le gouvernement ou le
Parlement) disposant d'un droit de vote sur des sujets en rapport avec
l'accomplissements par les BCN, de missions relatives au SEBC est incompatible
avec le Traité et les statuts, même si ce vote n'a pas de
caractère décisif.
·
Le droit d'être consulté
(préalablement) sur les décisions d'une BCN :
Une obligation statutaire explicite de consultation des autorités
politiques par une BCN, qui suppose l'existence d'un mécanisme formel
destiné à faire en sorte que leur point de vue influe sur la
décision finale, est incompatible avec le Traité et les statuts.
Il convient de noter que, dans la phase III, la responsabilité
première de l'accomplissement des missions du SEBC relève du
Conseil des gouverneurs de la BCE. Le dialogue avec des instances politiques
interviendra donc essentiellement au niveau communautaire. Toutefois, le
Traité et les statuts ne s'opposent pas à un dialogue entre les
BCN et leurs instances politiques nationales respectives, même dans
l'hypothèse où il reposerait sur une obligation statutaire de
donner des informations et de confronter des opinions, sous réserve
toutefois que :
- cette situation ne porte pas atteinte à l'indépendance des
membres des organes de décision des BCN ;
- qu'elle n'empiète pas sur les compétences de la BCE et ne
mette pas en cause l'obligation de rendre compte du SEBC au niveau
communautaire, non plus que le statut spécial du gouverneur agissant en
tant que membre des organes de décision de la BCE ;
- et que les obligations de confidentialité prévues par les
statuts du SEBC soient respectées.
L'indépendance des banques centrales est étayée par la
disposition des statuts prévoyant
la stabilité du mandat des
membres des organes de décision du SEBC
. En vertu de l'article 14.2
des statuts, les statuts des BCN doivent en particulier prévoir une
durée d'au moins cinq ans pour le mandat d'un gouverneur. Il garantit
également que les gouverneurs ne puissent pas être
révoqués de façon arbitraire, en stipulant que ceux-ci ne
peuvent être relevés de leurs fonctions que s'ils ne remplissent
plus les conditions nécessaires à l'exercice de leur charge ou
s'ils se sont rendus coupables d'une faute grave; ils bénéficient
également d'une possibilité de recours auprès de la Cour
européenne de justice.
2. L'indépendance personnelle
Dans ce contexte, ces statuts doivent respecter les aspects
de
l'indépendance personnelle mentionnés ci-après :
·
Mandat minimum pour les gouverneurs :
En vertu de l'article 14.2 des statuts, les statuts des BCN doivent
prévoir une durée de mandat d'au moins cinq ans pour le
gouverneur. Cette disposition n'empêche naturellement pas de fixer une
durée plus longue à l'exercice de ses fonctions; là
où les statuts ne posent pas de limitation à la durée du
mandat, il n'est pas nécessaire de les modifier pourvu que les motifs de
révocation du gouverneur soient conformes à ceux que mentionne
l'article 14.2. La fixation d'un âge de retraite obligatoire n'est pas,
en elle-même, incompatible avec l'impératif de mandat minimum de
cinq ans figurant dans les statuts.
·
Motifs de révocation de gouverneurs :
Les statuts des BCN doivent garantir que le gouverneur ne puisse être
relevé de ses fonctions pour des raisons autres que celles figurant
à l'article 14.2 des statuts; c'est-à-dire s'il ne remplit plus
les conditions nécessaires à l'exercice de sa charge, ou s'il a
commis une faute grave. L'objectif est d'éviter que la révocation
d'un gouverneur puisse être décidée de façon
discrétionnaire par les autorités qui ont compétence pour
le nommer, en particulier le Gouvernement ou le Parlement. A compter de la mise
en place du SEBC, les motifs de révocation prévus par les statuts
des BCN devront être compatibles avec ceux que mentionne l'article 14.2
des statuts, à moins qu'il n'en soit pas fait état étant
donné que cet article est directement applicable.
·
Stabilité de la fonction des membres des
organes de décision des BCN participant à l'accomplissement des
missions relatives au SEBC autres que les gouverneurs :
L'indépendance personnelle pourrait être compromise si les
mêmes règles protectrices assurant la stabilité de la
fonction des gouverneurs n'étaient pas étendues aux autres
membres des organes de décision des BCN participant à
l'accomplissement des missions relatives au SEBC. On peut inférer de
divers articles du Traité et des statuts qu'il faut leur conférer
des garanties comparables. L'article 14.2 des statuts ne réserve pas la
garantie de stabilité du mandat au seul gouverneur, tandis que l'article
107 du Traité et l'article 7 des statuts visent explicitement
" tout membre des organes de décision des BCN". Cela s'applique
en
particulier là où le gouverneur est
primus inter pares,
ses collègues disposant du même droit de veto, et aussi dans
les cas, visés à l'article 10.2 des statuts, où les autres
membres des organes de décision peuvent être appelés
à suppléer le gouverneur au sein du Conseil des gouverneurs de la
BCE. Ce principe général n'excluerait pas une
différenciation tant pour la durée du mandat que pour les motifs
de révocation quand les membres des organes de décision ou ces
instances elles-mêmes ne participent pas à l'accomplissement des
missions relatives au SEBC.
S'agissant du système de nomination des membres des organes de
décision, un point particulier mérite de retenir l'attention: les
statuts de certaines BCN prévoient que, en cas de vacance d'un poste, le
nouveau membre est nommé pour la durée restant à courir du
mandat initial du membre qui quitte ses fonctions (ou qui est
décédé). Cette disposition vise à assurer un rythme
de remplacement établi à l'avance dans ces organes de
décision, même en cas de vacance prématurée et, en
ce sens, elle assure l'indépendance collective des organes de
décision par rapport aux autorités politiques. Même si ces
systèmes peuvent ne pas toujours garantir que chaque membre des organes
de décision remplisse le mandat minimum de cinq ans prévu par
l'article 14-2 des statuts du SEBC, l'objectif général
visé ici n'est pas incompatible avec le Traité si le mandat est
généralement fixé à cinq ans ou plus. Cependant,
afin de lever toute ambiguïté au regard de l'article 14.2 des
statuts du SEBC, l'IME recommande que tous les statuts des BCN garantissent un
mandat minimum de cinq ans à tout membre d'un organe de décision
participant à l'accomplissement des missions relatives au SEBC.
Une telle recommandation ne s'impose pas pour des accords temporaires en vertu
desquels de nouveaux organes de décision sont mis en place en
prévoyant des dates d'expiration de mandat différentes pour les
personnes nommées à ces postes. Il s'agit de dispositifs à
usage unique, visant à assurer des dates d'expiration de mandat
différentes pour les membres des organes de décision et, ainsi,
à garantir une continuité dans la gestion de la BCN.
·
Protection contre les conflits
d'intérêts :
L'indépendance personnelle exige aussi de se prémunir contre
d'éventuels conflits d'intérêts entre les obligations
incombant aux membres des organes de décision des BCN vis-à-vis
de celles-ci (et, en outre, des gouverneurs vis-à-vis de la BCE) et
toutes autres fonctions, que lesdits membres participant à
l'accomplissement des missions relatives au SEBC sont susceptibles d'exercer et
qui risquent de porter atteinte à leur indépendance personnelle.
Par principe, l'appartenance à une instance de décision
participant à l'accomplissement des missions relatives au SEBC est
incompatible avec l'exercice d'autres fonctions qui risqueraient de
créer un conflit d'intérêts.
·
Indépendance financière :
Si une BCN est pleinement indépendante des points de vue institutionnel
et fonctionnel mais ne peut, en même temps, se doter, de façon
autonome, des moyens économiques lui permettant d'accomplir son mandat,
son indépendance globale sera compromise. L'IME estime que les BCN
doivent être en mesure de se procurer par elles-mêmes les moyens
nécessaires à la bonne exécution des missions relatives au
SEBC. On peut considérer la surveillance a posteriori de la situation
financière d'une BCN comme une manifestation de responsabilité
à l'égard de ses actionnaires, sous réserve que les
statuts de la BCN en question prévoient des garanties suffisantes pour
qu'un tel contrôle n'empiète pas sur son indépendance.
Toutefois, dans les pays où des tiers, en particulier le Gouvernement ou
le Parlement, sont en mesure d'influencer, directement ou indirectement, le
budget de la BCN ou l'affectation de ses bénéfices, les
dispositions statutaires correspondantes doivent contenir une clause de
sauvegarde garantissant que cette situation n'empêche pas la BCN
d'accomplir de façon convenable les missions relatives au SEBC.
3. L'intégration des banques centrales nationales au SEBC
Un autre aspect de la convergence juridique concerne les
mesures législatives requises pour réaliser l'intégration
juridique des BCN au SEBC
. De telles mesures peuvent en particulier
s'avérer nécessaires pour permettre aux BCN d'exercer des
fonctions découlant de leur qualité de membres du SEBC et pour
l'application des décisions de la BCE. Les principaux domaines
visés sont ceux où les dispositions statutaires risqueraient
d'empêcher une BCN de se conformer aux exigences du SEBC ou un gouverneur
de remplir ses obligations de membre du Conseil des gouverneurs de la BCE; il y
a également le cas des dispositions statutaires qui contreviennent aux
prérogatives de la BCE. Une distinction a été
opéree entre les différents secteurs qui composent
généralement les statuts des BCN: objectifs statutaires,
missions, instruments, organisation et dispositions financières.
Objectifs statutaires
L'intégration des BCN au SEBC suppose que leurs objectifs statutaires
(principaux et subsidiaires) soient compatibles avec les objectifs du SEBC
figurant à l'article 2 des statuts. Cela signifie, entre autres, que les
objectifs " à connotation nationale ", par exemple ceux qui ont trait
à l'obligation, pour la banque centrale, de conduire la politique
monétaire dans le cadre de la politique économique
générale de l'État membre concerné, doivent
être adaptés.
Missions
Dans la phase III, les missions d'une BCN seront essentiellement
déterminées par sa situation en tant que partie intégrante
du SEBC et, donc, par le Traité et les statuts. Afin de se conformer
à l'article 108 du Traité, les dispositions relatives aux
missions des BCN contenues dans leurs statuts doivent dès lors
être examinées au regard des dispositions correspondantes du
Traité et des statuts, et les incompatibilités supprimées.
Cette obligation s'applique, en particulier, à toute disposition qui,
dans la phase Ill, constituerait un obstacle à l'exécution des
missions relatives au SEBC et, en particulier, qui ne respecterait pas les
compétences de la BCE en vertu du chapitre IV de ses statuts.
Instruments
Les statuts de nombreuses BCN, voire de la plupart, comportent des dispositions
relatives aux instruments de politique monétaire. Dans ce cas
également, les dispositions nationales en la matière doivent
étre comparées à celles figurant dans le Traité et
les statuts et les incompatibilités supprimées afin de satisfaire
à l'article 108 du Traité.
Organisation
Outre l'interdiction de donner, recevoir ou solliciter des instructions, les
statuts des BCN ne doivent comporter aucune disposition susceptible de
contraindre le comportement de vote d'un gouverneur agissant en tant que membre
du Conseil des gouverneurs de la BCE ou d'empêcher les organes de
décision d'une BCN de se conformer aux règles adoptées au
niveau de la BCE.
Dispositions financières
Les dispositions financières incluses dans les statuts, qui peuvent
être
particulièrement importantes pour le recensement des
incompatibilités figurant dans les statuts des BCN, peuvent se
répartir en règles relatives aux comptes financiers,
vérification des comptes, souscriptions au capital, transferts d'avoirs,
et répartition du revenu monétaire. Ces règles impliquent
que les BCN doivent être en mesure de respecter les obligations qui
s'imposent à elles en vertu des articles du Traité et des statuts
se rapportant à ces questions.
Divers
La liste ci-dessus des domaines susceptibles d'appeler une adaptation des
statuts des BCN n'est pas exhaustive. Ainsi, l'obligation de secret
professionnel à laquelle sont tenus les personnels de la BCE et des BCN,
telle qu'exposée à l'article 38 des statuts, peut
également avoir une incidence sur les dispositions correspondantes
figurant dans les statuts des BCN.
Point sur l'adaptation des statuts des banques centrales
nationales
dans les pays candidats à l'euro (France exceptée)
Procédure nationale d'adoption des textes
Allemagne Loi promulguée le 23 décembre 1997
Autriche Loi en cours d'examen au Parlement ; vote garanti pour avril 1998
Belgique Loi votée en janvier 1998 ; début d'entrée en
vigueur : février 1998
Espagne Décret-loi (sans procédure parlementaire) ; adoption
prévue en avril 1998
Finlande Loi votée au Parlement le 20 mars 1998
Irlande Loi votée le 13 mars 1998 ; entrée en vigueur le 20 mars
1998
Italie Décret-loi (sans procédure parlementaire) ; adoption le
10 mars 1998
Luxembourg Vote de la loi garanti pour avril 1998 (promulgation
ultérieure)
Pays-Bas Loi votée au Parlement fin mars 1998
Portugal Loi promulguée le 9 janvier 1998
C. VERS LA CRÉATION DU SYSTÈME EUROPÉEN DE BANQUES CENTRALES
Le traité de Maastricht et le protocole annexé sur les statuts du Système européen de banques centrales et de la banque centrale européenne définissent les objectifs et l'organisation du SEBC.
1. Objectifs et missions
a) L'objectif principal
L'article 105 du Traité définit un seul objectif
principal au SEBC, qui est le maintien de la stabilité des prix. Ce
n'est que sous cette réserve que le SEBC apportera son soutien aux
politiques économiques nationales dans la Communauté.
En effet, il a été considéré que cette
stabilité était le seul moyen de garantir un bas niveau de taux
d'intérêt, ainsi qu'une compétitivité internationale
satisfaisante.
Cet objectif a, d'ores et déjà, été
transposé dans les législations nationales : ainsi la loi du
4 août 1993 l'assigne expressément au Conseil de la politique
monétaire de la Banque de France.
b) Les missions fondamentales
Le Traité assigne quatre missions fondamentales au
Système européen de banques centrales :
- la définition et la mise en oeuvre de la politique
monétaire de la Communauté ;
- la conduite des opérations de change ;
- la détention et la gestion des réserves officielles de
change des Etats membres ;
- la promotion du bon fonctionnement des systèmes de paiement.
Ces quatre missions impliquent évidemment un transfert de
souveraineté de la part des banques centrales nationales, mais aussi des
Gouvernements, en ce qui concerne la politique de change. Les grandes
orientations en matière de change seront désormais de la
compétence du Conseil.
c) Les autres missions
Le Traité prévoit que le SEBC peut exercer
d'autres compétences, dérivées ou propres.
Les compétences dérivées sont les suivantes :
- la Banque centrale européenne est consultée sur tout acte
communautaire ou tout projet de réglementation nationale, dans les
domaines relevant de sa compétence ;
- elle est seule habilitée à autoriser l'émission de
billets de banque dans la Communauté.
Les compétences propres sont les suivantes :
- le SEBC contribue à la bonne conduite des politiques nationales
relatives au contrôle prudentiel des établissements de
crédit et à la stabilité du système financier ;
- le Conseil européen peut confier à la banque centrale
européenne des "missions spécifiques" ayant trait au
contrôle prudentiel des banques.
2. L'organisation du Système européen de banques centrales
Le Système européen de banques centrales est dirigé par les organes de décision de la Banque centrale européenne.
a) Le conseil des gouverneurs
Ce conseil se compose des membres du directoire de la BCE et
des gouverneurs des banques centrales nationales.
Le conseil "
arrête les orientations
" et "
prend les
décisions
" nécessaires à l'accomplissement des
missions confiées au SEBC. Le conseil définit donc la politique
monétaire, "
y compris, le cas échéant, les
décisions concernant les objectifs monétaires
intermédiaires, les taux directeurs, et l'approvisionnement en
réserves dans le SEBC
".
b) Le directoire
Le directoire se compose du président, du
vice-président, et de quatre autres membres. Ses membres sont
nommés d'un commun accord par les gouvernements, sur recommandation du
conseil et après consultation du Parlement européen et du conseil
des gouverneurs, "
parmi des personnes dont l'autorité et
l'expérience professionnelle dans le domaine monétaire ou
bancaire sont reconnues
".
Les quatre principaux Etats membres seront représentés au
directoire, de même que deux "petits" Etats membres.
Le directoire met en oeuvre la politique monétaire définie par
les orientations du conseil des gouverneurs, et donne pour ce faire des
instructions aux banques centrales nationales. Il prépare les
réunions du conseil des gouverneurs.
La participation au directoire et le choix de ses membres s'avèrent
stratégiques pour les Etats membres, dans la mesure ou cette instance
sera déterminante dans la conduite de la politique monétaire
européenne.
3. Le calendrier d'installation du SEBC
Le calendrier (le plus tardif) de la monnaie unique
prévu par le traité est le suivant :
Date |
Décision |
Responsabilité |
Décembre 1995 | Adoption du scénario pour l'introduction de la monnaie unique et annonce de la date d'achèvement du processus (ler juillet 2002) et du nom de la nouvelle monnaie. | Conseil européen |
31 décembre 1996 |
Définition du cadre réglementaire,
organisationnel et logistique
destiné à permettre à la BCE/au SEBC d'accomplir ses
missions pendant la troisième phase.
Préparation de la législation relative à la BCE/au SEBC et à l'introduction de la monnaie unique |
IME
Commission, IME, Conseil |
Avant la désignation des États membres participants | Conformité de la législation nationale. | États membres |
Le plus rapidement possible en 1998 (1 er et 2 mai 1998) | Désignation des États membres participants sur la base des chiffres réels 1997 | Conseil |
Dès que possible après désignation des États membres participants |
· Nomination du directoire de la BCE · Fixation de la date d'introduction des billets et pièces en euro. · Début de la production des billets en euro. · Début de la production des pièces en euro. |
États membres
BCE, Conseil SEBC Conseil et États membres |
Avant le 1er janvier 1999 |
Préparation finale de la BCE/du SEBC :
· Adoption d'actes de droit dérivé concernant : clé pour la souscription du capital ; collecte d'informations statistiques ; réserves minimales; consultation de la BCE ;.etc. · Préparation de la BCE/du SEBC à la phase opérationnelle (création de la BCE; adoption du cadre réglementaire ; mise à l'épreuve de la politique monétaire, etc.). |
BCE/SEBC |
1er janvier 1999 | Fixation de manière irrévocable des taux de conversion et entrée en vigueur de la législation relative à l'introduction de l'euro (statut juridique, continuité des contrats, arrondi, etc.). | Conseil |
A partir du 1er janvier 1999 |
· Définir et mettre en oeuvre la politique monétaire unique en euro. · Conduire les opérations de change en euro. · Entrée en fonctionnement du système de paiement Target. · Émettre les nouveaux titres de la dette publique en euro. |
SEBC
SEBC SEBC États membres |
Du ler janvier 1999 au 1er janvier 2002 au plus tard |
· Échanger au pair les devises en appliquant les taux de conversion fixés de manière irrévocable. · Surveiller le processus du passage à la monnaie unique dans les secteurs bancaire et financier · Aider tous les secteurs économiques à bien structurer le passage à la monnaie unique. |
SEBC
SEBC et autorités publiques des États membres de la Communauté |
1er janvier 2002 au plus tard |
· Mise en circulation des billets et des pièces en euro et retrait des monnaies nationales. |
SEBC, États membres |
1er juillet 2002 au plus tard |
· Fin du processus de transition dans les administrations publiques. · Suppression du cours légal des billets et pièces libellés en monnaies nationales. |
Conseil, États membres, SEBC |
II. LE PROJET DE LOI PORTANT ADAPTATION DU STATUT DE LA BANQUE DE FRANCE
La loi n° 93-980 du 4 août 1993, relative au
statut de la Banque de France, modifiée par celle du 31 décembre
1993, a accordé à celle-ci son indépendance, en
application du Traité de Maastricht.
Cinq ans après, il apparaît que cette réforme n'est pas
suffisante pour mettre les statuts de la Banque de France en conformité
avec le Système européen de banques centrales (SEBC). C'est ce
qui résulte notamment du rapport de l'Institut monétaire
européen publié en octobre 1997 sur "la convergence des
dispositions juridiques des Etats membres de l'Union européenne".
A. LE TRANSFERT DE COMPÉTENCES AU SEBC
Le présent projet de loi a voulu apporter les seules
modifications au statut de la Banque de France qui étaient
justifiées par la création de la Banque centrale
européenne et la mise en conformité avec le SEBC.
Selon l'exposé des motifs du projet de loi, son objet "est d'apporter
les modifications nécessaires au statut de la Banque de France pour
tenir compte de la mise en place du Système européen de banques
centrales (SEBC) et assurer ainsi son intégration dans celui-ci. Un
processus similaire d'adaptation des statuts de leur banque centrale nationale
a été engagé par les autres pays de la Communauté
souhaitant adopter la monnaie unique
3(
*
)
. La loi
n° 93-980 du 4 août 1993 avait déjà donné
à la Banque de France un statut d'indépendance en ce qui concerne
la définition et la mise en oeuvre de la politique monétaire. Les
modifications apportées à cette loi par le présent projet
portent essentiellement sur trois points :
- la définition de la politique monétaire interne
relèvera désormais du SEBC : le conseil des gouverneurs de la
Banque centrale européenne (BCE) sera ainsi chargé de
définir la politique monétaire et les banques centrales
nationales seront compétentes pour en assurer, en liaison avec le
directoire de la BCE, la mise en oeuvre ;
- la détermination du régime de change et des orientations
générales de la politique de change relèveront
désormais du Conseil de l'Union européenne pour ce qui concerne
sa définition (article 109 du Traité) et du SEBC pour sa mise en
oeuvre (article 105 du Traité) ;
- la promotion du bon fonctionnement des systèmes de paiment, qui
constitue une des missions du SEBC (article 3 des statuts du SEBC), ne peut
donc plus relever du Conseil général de la Banque de France
(article 4 de la loi du 4 aout 1993), au sein duquel le censeur
représentant de l'Etat dispose d'un droit de veto.
Les deux premiers articles du projet de loi sont les plus importants.
L'article 1er
assure l'intégration de la Banque de France dans le
SEBC conformément à l'article 106 du Traité qui stipule
que
"le SEBC est composé de la BCE et des banques centrales
nationales".
Il
transfère la définition de la politique
monétaire du Conseil de la politique monétaire (CPM) au SEBC
et dispose que la Banque de France participe à l'accomplissement des
missions assignées par le Traité au SEBC dont l'objectif
principal est d'assurer la stabilité des prix. Dans ce cadre, et sans
remettre en cause l'objectif de stabilité des prix, la Banque de France
apportera son soutien à la politique économique
générale du Gouvernement. Le troisième alinéa de
cet article prohibe l'intervention de toute autorité extérieure
dans l'exercice des missions du SEBC par la Banque de France.
L'article 2 transfère la conduite des opérations de change au
SEBC
. La formulation des orientations générales de la
politique de change relèvera du Conseil de l'Union européenne en
application de l'article 109 du Traité. Le II de cet article confirme
que, dans les conditions fixées par les statuts du SEBC, les
réserves de change de l'Etat sont détenues et
gérées par la Banque de France. Elles figurent à son bilan
selon des modalités précisées dans une convention qu'elle
conclut avec l 'Etat. Le dernier alinéa de l'article 2 de la loi du
4 août 1993 est complété de façon à
préciser que la participation de la Banque de France à des
accords monétaires internationaux doit s'exercer dans le respect des
compétences et des règles du SEBC.
L'article 9 du projet de loi organise le transfert progressif des
compétences, tout au long de l'année 1998, la BCE devant voir le
jour au plus tard le 1er juillet 1998.
B. LES CONSÉQUENCES SUR LA BANQUE DE FRANCE
L'insertion de la Banque de France dans le SEBC modifie profondément ses compétences, mais n'a pas d'influence sur ses structures. Votre commission y voit une occasion de renforcer la légitimité démocratique du Conseil de la politique monétaire. L'indépendance renforcée des autorités monétaires justifie une telle attitude.
1. Les structures
a) Le Conseil de la politique monétaire (art. 4, art. 5)
Le Conseil de la politique monétaire aura
désormais deux missions essentielles :
- la mise en oeuvre au niveau national de la politique monétaire
européenne unique ;
- un rôle de lien entre les instances monétaires
européennes et le niveau national. S'il devra faire passer le "message
monétaire" européen en France, on peut également concevoir
qu'il devra représenter auprès du SEBC les intérêts
monétaires de la France. Cette mission devra être accomplie dans
le respect de l'indépendance du gouverneur, membre du Conseil des
gouverneurs de la BCE. Il ne pourra donc le mandater.
Soucieuse d'appliquer le Traité, mais également de renforcer la
légitimité démocratique des autorités
monétaires, votre commission vous propose un amendement inspiré
de la proposition de loi n° 378 (1996-1997) de nos collègues
Philippe Marini, Hubert Haenel et Roland du Luart. Il s'agit d'appliquer au CPM
la procédure de nomination prévue pour le Conseil
Constitutionnel. Celle-ci est de nature à renforcer
l'indépendance du CPM, car aucun de ses membres ne serait plus
renouvelable, et tous les mandats seraient portés à neuf ans.
Elle serait de nature à mieux asseoir la légitimité
démocratique du CPM, car ses membres seraient directement nommés
par les trois plus hautes autorités élues du pays.
b) Le Conseil général (art. 6)
Le Conseil général, qui comprend un représentant du personnel et où le Gouvernement est présent, devra voir ses missions définies de façon étanche par rapport à celles que la Banque de France accomplit dans le cadre du SEBC.
c) Le Comité de la réglementation bancaire et financière (art. 8)
Le comité de la réglementation bancaire et financière (CRBF) ne voit ses compétences que très marginalement modifiées. Celui-ci établit en effet la réglementation relative au crédit, sous réserve des compétences du CPM, notamment en matière de réserves obligatoires. Désormais, le CRBF ne verra plus sa compétence limitée que par l'action du SEBC.
2. Les missions
a) La gestion des réserves de change (art. 2)
La Banque de France demeurera en charge des réserves de change (or et devises), lesquelles appartiennent à l'Etat. Toutefois, une partie de ces réserves devra être transférée à la BCE, qui les utilisera aux fins de la politique monétaire européenne.
b) L'émission des billets de banque (art. 3)
La Banque de France conservera le monopole d'émission des billets de banque sur le territoire national, libellés en francs jusqu'en 2002, puis en euros. Toutefois, ce monopole sera subordonné à l'autorisation de la Banque centrale européenne, qui aura par construction la charge du contrôle de la masse monétaire.
3. Les relations avec les pouvoirs publics
a) Le rapport au président de la République et au Parlement (art. 7)
Le rapport annuel de la Banque de France ne portera plus sur la politique monétaire française, mais sur la politique monétaire européenne, et particulièrement dans sa mise en oeuvre par le Conseil de la politique monétaire.
b) L'audition par les commissions des finances des assemblées (art.7)
Comme actuellement, le gouverneur pourra demander à
être entendu par les commissions des finances, qui auront
également le pouvoir de le convoquer. Ces auditions auront lieu comme
aujourd'hui dans le respect de l'indépendance du gouverneur, auquel
s'ajoutera le respect de la confidentialité de l'activité de la
banque centrale européenne.
Votre commission considère indispensable le maintien de ce lien entre le
gouverneur de la Banque de France et la représentation nationale.
Toutefois, le gouverneur deviendra un interlocuteur européen,
représentant de la banque centrale européenne. L'une des raisons
pour lesquelles le Conseil de la politique monétaire est maintenu
réside dans la volonté de voir subsister une autorité
monétaire nationale, représentative des intérêts
monétaires de la France. Cet éclairage doit également
être fourni aux commissions des finances qui doivent pouvoir entendre le
CPM.
III. LES QUESTIONS EN SUSPENS
A. LE CONSEIL DE L'EURO, PENDANT POLITIQUE DU SEBC ?
Un débat s'est instauré sur la
nécessité d'instituer un contre-pouvoir à la Banque
centrale européenne, indépendante : c'est le thème du
"gouvernement économique", dont les vertus seraient doubles :
- d'une part, constituer l'instance politique de l'Union économique
et monétaire (UEM), en face de la BCE ;
- et d'autre part, rééquilibrer l'UEM, grâce à
une coordination beaucoup plus étroite des politiques économiques
entre les pays participant à la zone euro.
Le Conseil européen de Luxembourg, en décembre 1997, a
adopté une résolution dont les principales dispositions sont les
suivantes :
- le passage à la monnaie unique exigera un renforcement de la
surveillance et de la coordination entre tous les Etats membres ;
- la nécessité d'une coordination encore plus étroite
entre les pays qui participeront à la monnaie unique a été
reconnue.
Ainsi,
la résolution conforte l'existence d'un Conseil de l'euro
.
Elle indique que les ministres des Etats participant à la zone "euro"
peuvent se réunir entre eux de façon informelle pour discuter de
questions liées aux responsabilités spécifiques qu'ils
partagent en matière de monnaie unique et que la Commission ainsi que,
le cas échéant, la Banque centrale européenne (BCE),
peuvent être invitées à participer aux réunions.
La résolution aborde également la mise en oeuvre des dispositions
du Traité relatives à la politique de change, à la
position extérieure et à la représentation de la
Communauté (article 109 du Traité).
Elle indique que
le Conseil devrait surveiller l'évolution du taux
de change de l'euro à la lumière d'une large gamme de
données économiques et qu'il convient d'assurer entre le Conseil
et la BCE un échange de vues et d'informations sur le taux de change de
l'euro. Elle précise que le Conseil peut, dans des circonstances
exceptionnelles, par exemple en cas de désalignement manifeste, formuler
des orientations générales de politique de change
vis-à-vis des monnaies non communautaires, conformément à
l'article 109, paragraphe 2, du Traité mais que
ces
orientations générales devraient toujours respecter
l'indépendance du SEBC et être conformes à l'objectif
principal du SEBC
, qui est d'assurer la stabilité des prix.
Elle ajoute que le Conseil devra arrêter la position de la
Communauté au niveau international en ce qui concerne des questions qui
revêtent un intérêt particulier pour l'UEM,
conformément à l'article 109, paragraphe 4, du
Traité pour les relations bilatérales entre l'Union
européenne et des pays tiers et pour les travaux se déroulant
dans des enceintes internationales ou des groupements informels d'Etats.
Plusieurs problèmes relatifs au Conseil de l'euro sont cependant
toujours en suspens.
En premier lieu, certains Etats n'étaient guère favorables
à sa création. Ainsi l'Allemagne a cherché à en
réduire les compétences, afin qu'il ne porte pas atteinte
à l'indépendance de la BCE. De même, le Royaume-Uni a
obtenu le droit de participer au Conseil de l'euro, quand des "questions
d'intérêt commun" seront à l'ordre du jour. Cette
possibilité ne doit pas être utilisée trop
fréquemment, à moins d'empêcher le bon fonctionnement du
Conseil.
En second lieu, il existe des incertitudes quant aux compétences exactes
du Conseil de l'euro, notamment en matière de politique de change.
L'article 109 du Traité -particulièrement complexe en raison des
enchevêtrements de compétences qu'il comporte- concerne les
compétences des institutions communautaires pour la politique de change
de l'euro. Le Conseil Ecofin, dans ce cadre, détermine les cours
centraux en système de changes fixes, ou peut formuler, en l'absence
d'un tel système, des orientations générales de change.
Un risque de conflit de compétences entre les deux Conseils existe donc
: il aurait des conséquences néfastes sur la gestion de la
parité externe de la monnaie unique.
B. QUELLES RELATIONS LES POUVOIRS PUBLICS DES ÉTATS MEMBRES ENTRETIENDRONT-ILS AVEC LE SEBC ?
La pratique apportera des réponses aux questions
soulevées par les dispositions du Traité relatives aux relations
entre le SEBC et le pouvoir politique européen (article 109 B).
Le président du Conseil Ecofin ainsi que le commissaire européen
chargé des affaires économiques, monétaires et
financières, pourront participer, sans droit de vote, aux
réunions du Conseil des gouverneurs de la BCE.
Quant au président de la BCE, il pourra assister aux réunions du
Conseil lorsque ce dernier abordera des sujets en rapport avec les
compétences de la Banque.
Le président de la BCE devra également remettre un rapport annuel
au Conseil des ministres et au Parlement européen, les commissions
compétentes de ce dernier pouvant auditionner l'ensemble des membres du
directoire de la BCE.
Non seulement le Traité n'interdit pas aux Parlements nationaux de
procéder à de telles auditions, mais la résolution de
Luxembourg encourage le dialogue entre les instances politiques et les
autorités monétaires européennes.
En effet, la crédibilité de la monnaie unique sera
renforcée si l'évolution de l'économie européenne
et les choix de politique économique seront débattus. Il est en
effet crucial que l'ensemble des agents économiques, à commencer
par les entreprises et l'opinion publique, comprennent et perçoivent
comme légitime la politique monétaire qui sera
arrêtée à Francfort.
Il n'est bien sûr pas possible de définir, à l'avance, ce
que seront les conditions d'un tel dialogue, indispensable à la fois
à l'exercice démocratique comme à la solidité de
l'euro.
Votre commission sera attentive à la façon dont se
déroulera ce dialogue. Elle vous rappelle qu'elle invite le gouvernement
à y veiller dans sa proposition de résolution n° 382 du
8 avril 1998.
Mais, dès à présent, elle vous fait part de son intention
d'auditionner, lorsqu'elle le jugera opportun, le président et le
directoire de la BCE.
C'est également afin de comprendre et d'analyser au mieux les
implications, pour la France, de la politique monétaire définie
au niveau européen, que votre commission vous demandera d'adopter un
amendement lui permettant d'entendre l'ensemble des membres du Conseil de la
politique monétaire de la Banque de France, dont le rôle de relais
de cette politique monétaire deviendra fondamental.
EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE PREMIER
Intégration de la Banque
de France
au système européen de banques centrales
Commentaire : Le présent article introduit la
participation de la Banque de France au système européen de
banques centrales, et garantit son indépendance dans l'exercice des
missions qu'elle accomplit à raison de cette participation.
Le présent article modifie l'article 1er de la loi n° 93-980
du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France, à
l'activité et au rôle des établissements de crédit,
lequel article constitue l'élément central du texte de 1993
puisqu'il instaure l'indépendance de la Banque de France pour l'exercice
de la politique monétaire, cette disposition étant une exigence
de l'Union économique et monétaire (UEM).
I. LE STATUT ACTUEL DE LA BANQUE DE FRANCE
A. SA COMPÉTENCE MONÉTAIRE
L'article 1er de la loi du 4 août 1993, modifié par la
loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993, donne une
mission
essentielle
à la Banque de France :
celle de la
définition et de la mise en oeuvre de la politique monétaire
.
L'article 4 de la loi du 3 janvier 1973 définissait la
compétence de la Banque de France dans ce domaine comme une
simple
contribution à une politique alors menée par le Gouvernement
.
L'article 1er de la loi du 4 août 1993 a ainsi
transféré la compétence de la politique monétaire
du Gouvernement à la Banque de France.
Il est nécessaire de préciser que la mise en oeuvre de la
politique monétaire, distincte de sa définition par le Conseil de
la politique monétaire (CPM), n'incombe pas à ce Conseil, mais au
gouverneur de la Banque de France.
Cette distinction existait déjà dans la loi du 3 janvier
1973 et répond à une logique simple et forte, celle de la
pratique quotidienne.
B. LA STABILITÉ DES PRIX
L'article 1er de la loi de 1993 définit très simplement
l'objectif de la politique monétaire définie et mise en oeuvre
par la Banque de France, son but étant "
d'assurer la stabilité
des prix
".
Cet objectif est repris de l'article 105 du Traité sur l'Union
européenne, signé à Maastricht le 25 février
1992.
La Banque de France estime que la stabilité des prix est assurée
lorsque la croissance de la masse monétaire n'excède pas 2 %
par an.
Votre commission se réjouit de constater qu'un tel objectif est atteint
depuis le 1er janvier 1994.
C. SON INDÉPENDANCE
La loi du 4 août 1993 a rendu la Banque de France
indépendante. Cette indépendance était une obligation
posée par la conjonction des articles 108 et 109 E du
Traité.
L'article 107 du Traité de Maastricht et l'article 7 du
protocole sur les statuts du système européen de banques
centrales et de la Banque centrale européenne, définissent
l'indépendance des banques centrales
, sous forme négative
:
"Article 107
"Dans l'exercice des pouvoirs et dans l'accomplissement des missions et des
devoirs qui leur ont été conférés par le
présent Traité et les statuts du SEBC, ni la BCE, ni une banque
centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision
ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes
communautaires, des gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme.
Les institutions et organes communautaires ainsi que les gouvernements des
Etats membres s'engagent à respecter ce principe et à ne pas
chercher à influencer les membres des organes de décision de la
BCE ou des banques centrales nationales dans l'accomplissement de leurs
missions."
Le second alinéa de l'article 1er de la loi du 4 août
1993 propose un dispositif directement inspiré de l'article 107 du
Traité pour garantir l'indépendance des membres du Conseil de la
politique monétaire (CPM).
L'idée dont il s'inspire consiste à préserver les
membres du CPM de toute influence dans la conduite de la politique
monétaire.
Le texte de ce second alinéa se présente comme
une version
synthétique de l'article 107 du Traité
:
"Dans l'exercice de ces attributions, la Banque de France, en la
personne de
son gouverneur, de ses sous-gouverneurs ou d'un membre quelconque du Conseil de
la politique monétaire ne peut ni solliciter ni accepter d'instructions
du Gouvernement ou de toute personne".
Cette rédaction appelle deux remarques :
- en dépit de son caractère ramassé, ce dispositif
semble mieux assurer l'indépendance des membres protégés
que celui du Traité, notamment parce qu'il exclut l'influence de toute
autre personne physique ou morale ;
- l'indépendance est garantie
"dans l'exercice de ces
attributions"
, c'est-à-dire d'une part en qualité de membre
responsable dans le collège du Conseil de la politique monétaire,
chargé de définir la politique monétaire (ce
collège de neuf personnes comprenant entre autres le gouverneur et les
deux sous-gouverneurs) et d'autre part en qualité de gouverneur
(délégation pour les sous-gouverneurs) mettant en oeuvre la
politique monétaire. Dans tous les autres cas, en particulier lorsque
les mêmes membres se réunissent dans le collège du Conseil
général, ils sont appelés à solliciter ou à
accepter des instructions du Gouvernement.
L'intérêt de confier la définition de la politique
monétaire à une autorité indépendante mérite
d'être rappelé.
·
L'intérêt de la formule vient tout d'abord
de ce que l'indépendance du Conseil de la politique monétaire,
qu'on qualifie parfois de "sanctuaire", rejaillit sur la banque
centrale
,
renforce la crédibilité de la politique monétaire
et
donc son aptitude à assurer et maintenir la stabilité des prix
pour un coût économique minimum. L'indépendance des
personnalités qui composent le Conseil permet d'adopter un point de vue
à long terme, dégagé des contingences conjoncturelles de
la politique économique. Une telle option permet aussi de limiter les
effets de ce que l'on désigne parfois par "l'incohérence
temporelle" des politiques monétaires.
Un gouvernement imaginant de poursuivre plusieurs objectifs en même temps
sur les plans de l'inflation, de l'emploi ou de la production, pourrait, par
exemple, être tenté de modifier sa politique monétaire
précédemment non inflationniste, soit pour réaliser une
croissance de la production à court terme, soit pour modifier la
répartition des revenus. Une telle politique conduirait en principe
à une diminution relativement lente des anticipations inflationnistes et
à des taux d'intérêt nominaux plus élevés que
si les agents économiques considéraient que la stabilité
des prix reste le seul objectif poursuivi.
Pour résoudre ce problème d'"incohérence temporelle", et
pour convaincre les acteurs économiques de l'intangibilité de la
politique monétaire -dès lors qu'on ne dispose plus d'une forme
de règle fixe comme l'étalon or- l'une des mesures les plus
souhaitables qui semble pouvoir être prise consiste à
désigner une autorité indépendante qui donne, par son
pouvoir discrétionnaire dans un domaine de compétence
limité, le degré de flexibilité nécessaire à
la politique monétaire pour réagir à des perturbations
inattendues, telles qu'un choc dans la demande de monnaie ou sur le prix du
pétrole.
Assurer un pouvoir clair et indépendant pour définir la politique
monétaire favorise en outre la crédibilité de cette
politique en la rendant plus transparente, c'est-à-dire en rendant ses
objectifs directement compréhensibles par le public. La transparence des
politiques monétaires est d'autant plus nécessaire qu'il est, en
général, plus difficile, à court terme, de contrôler
et d'évaluer leurs résultats.
·
La clarté du mandat statutaire des membres du
Conseil de la politique monétaire chargé de définir la
politique monétaire était impérative pour rendre cette
politique monétaire crédible, notamment parce que, en 1993, la
Banque de France bénéficiait depuis moins longtemps que d'autres
d'une réputation bien établie de rigueur monétaire.
Cependant, même s'il est clair, ce mandat a été
considéré par certains comme peu conforme aux principes
démocratiques dès lors qu'il ne procède pas de
l'élection.
C'est oublier le fait que la mission de l'autorité chargée de
définir la politique monétaire est délimitée
nettement, qu'une telle politique doit inéluctablement être
coordonnée avec la politique économique générale du
Gouvernement, et que le législateur pouvait, à tout moment,
revenir sur cette indépendance.
II. LA PARTICIPATION DE LA BANQUE DE FRANCE AU SYSTEME EUROPEEN DE BANQUES
CENTRALES (SEBC)
A. L'INSERTION DE LA BANQUE DE FRANCE AU SEIN DU SEBC
Le premier alinéa du présent article assure,
conformément à l'article 106-1 qui dispose que "le SEBC est
composé de la BCE et des banques centrales nationales",
l'intégration de la Banque de France dans le SEBC.
Cet alinéa transfère donc la définition de la politique
monétaire au SEBC, et dispose que la Banque de France participe à
l'accomplissement des missions assignées par le Traité au SEBC,
dont l'objectif principal est d'assurer la stabilité des prix.
A cet égard, le premier alinéa du présent article fait
référence à l'article 4 A du Traité :
"Il est institué, selon les procédures prévues par le
présent Traité, un Système européen de banques
centrales, ci-après dénommé "SEBC", et une Banque centrale
européenne, ci-après dénommée "BCE" ; ils agissent
dans les limites des pouvoirs qui leur sont conférés par le
présent Traité et les statuts du SEBC et de la BCE,
ci-après dénommés "statuts du SEBC" qui lui sont
annexés."
Une version précédente du présent projet de loi faisait,
en revanche, référence aux articles 105-1 et 105-2 du
Traité qui définissent, respectivement, l'objectif principal et
les missions fondamentales du SEBC. La différence ne paraît pas,
à première vue, considérable.
Comment expliquer, dès lors, cette évolution du texte ? Il
semble, d'après les informations reçues par votre commission, que
la présente rédaction réponde à un souhait du
Conseil d'Etat qui a estimé que la référence aux articles
105-1 et 105-2 du Traité présentait le risque d'une
interprétation éventuelle trop restrictive et qu'il était
par conséquent préférable d'évoquer un article dont
la portée est très générale, comme c'est le cas
pour l'article 4 A.
En outre, le premier alinéa du présent article, tel qu'il est
rédigé, permet de prendre en considération l'avis de
l'Institut monétaire européen (IME), relatif à la
situation de la Banque de France au regard des exigences du Traité.
En effet, au regard des exigences de l'article 107 du Traité
relatives à l'indépendance, la situation de la Banque de France
apparaît contrastée. La loi du 4 août 1993 distingue,
en effet, clairement la politique monétaire des autres missions
fondamentales du SEBC et notamment de la politique de change.
Pour ce qui concerne la définition et la mise en oeuvre de la politique
monétaire qui constituent l'une des missions fondamentales du SEBC, la
Banque est incontestablement déjà indépendante. L'article
1er du statut de la Banque relatif à la politique monétaire ainsi
que les articles 7 à 10 relatifs à la mise en oeuvre de la
politique monétaire et au fonctionnement du Conseil de la politique
monétaire n'appellent pas de critiques au regard de
l'indépendance.
En revanche, pour les autres missions fondamentales du SEBC
énumérées à l'article 105-2 du Traité,
à savoir la conduite des opérations de change, la
détention et la gestion des réserves officielles de change et le
fait de promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement, les
dispositions de la loi du 4 août 1993 n'assurent pas
expressément l'indépendance de la Banque de France.
B. LES OBJECTIFS STATUTAIRES DE LA BANQUE DE FRANCE
L'objectif principal de la Banque de France est le
respect des objectifs du
SEBC.
La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 1
er
de la loi du 4 août 1993 modifiée dispose que la Banque de
France
"accomplit sa mission dans le cadre de la politique économique
générale du Gouvernement".
Votre commission rappelle que cette disposition, intégrée au
texte originel de la loi du 4 août 1993, avait été
censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°
93-324 du 3 août 1993, au motif qu'elle méconnaissait l'article 20
de la Constitution qui attribue au Gouvernement, notamment, la
détermination et la conduite de la politique monétaire, le
traité de Maastricht, à cette époque, n'étant pas
encore entré en vigueur (il le sera le 1
er
novembre 1993).
Cette disposition a donc été de nouveau intégrée
à l'article 1
er
de la loi du 4 août par la loi n°
93-1444 du 31 décembre 1993.
Le deuxième alinéa du présent article
, qui
constitue la transcription du Traité au niveau national, dispose que
"la Banque de France apporte son soutien à la politique
économique générale du Gouvernement,"
prend acte de
deux faits :
- d'une part, de l'exposé des motifs du projet de loi de 1993, qui
indiquait "qu'une fois entrées en vigueur, les dispositions pertinentes
du Traité sur l'Union européenne relatives à l'Union
économique et monétaire, il y aura lieu de modifier sur ce point
l'article premier" ;
- d'autre part, de l'avis de l'IME qui estime que cette disposition, si elle
n'est pas contraire à l'indépendance, devait néanmoins
être aménagée dans la mesure où elle ne fait pas
apparaître clairement la primauté de l'objectif de
stabilité des prix.
C'est pourquoi, le deuxième alinéa du présent article
dispose que la politique économique générale du
Gouvernement sera soutenue par la Banque de France,
"sans
préjudice de l'objectif principal de stabilité des prix".
C. L'EXERCICE DES MISSIONS DU SEBC PAR LA BANQUE DE FRANCE DOIT ÊTRE
INDÉPENDANT
Le troisième alinéa du présent article
reprend les
dispositions du second alinéa de l'article 1er de la loi du 4 août
1993 relatives à la garantie de l'indépendance des membres du
Conseil de la politique monétaire, ce texte étant lui-même
une version synthétique de l'article 107 du Traité (cf. supra),
en l'adaptant à l'exercice des missions que la Banque de France
accomplit
"à raison de sa participation au système
européen de banques centrales".
De cette disposition, il ressort également que
la Banque de France
reste dépendante dans l'exercice de toutes ses autres activités.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter le
présent article sans modification.
ARTICLE 2
Transfert de la mise en oeuvre de la
politique de change au SEBC
Commentaire : Le présent article, d'une part,
prévoit que la formulation des orientations générales de
la politique de change relèvera du Conseil de l'Union européenne,
la conduite des opérations de change étant
transférée au système européen de banques centrales
(SEBC) et, d'autre part, rattache la gestion des réserves de change par
la Banque de France au cadre du SEBC, la gestion de ces réserves
étant régie par une convention conclue entre l'Etat et la Banque
de France.
I. LA POLITIQUE DE CHANGE SERA DÉSORMAIS DÉTERMINÉE AU
NIVEAU EUROPÉEN
A. LE DROIT EXISTANT
Le premier alinéa de l'article 2 de la loi du 4 août
1993 dispose que : "
le Gouvernement détermine le
régime de change et la parité du franc
".
Son deuxième alinéa dispose : "
pour le compte de
l'Etat et dans le cadre des orientations générales de la
politique de change formulées par le ministre chargé de
l'économie et des finances, la Banque de France régularise les
rapports entre le franc et les devises étrangères
".
La distinction est donc simple : le Gouvernement définit le
régime de change et la parité de la monnaie (bandes de
fluctuations au sein du système monétaire européen),
tandis que la Banque de France exécute les opérations sur le
marché des changes dans le cadre des orientations données par le
Gouvernement.
Dans les faits, les banques centrales européennes ont très
souvent obtenu une très grande liberté opérationnelle dans
l'application au jour le jour de la politique de change.
Désormais, en effet, le Gouverneur de la Banque de France peut
toujours, en droit, arguer de l'obligation de résultat fixée
à l'article premier de la loi de 1993 (assurer la stabilité des
prix) pour refuser de suivre les orientations générales d'un
gouvernement dont la politique de change pourrait entraver l'objectif à
caractère légal auquel la Banque est tenue d'aboutir.
En revanche, il doit respecter la parité du franc telle qu'elle a
été définie par le Gouvernement.
Dans les faits, la Banque de France a pratiqué une politique d'ancrage
au deutsche mark, notamment au moment des crises monétaires de 1992 et
1993.
B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le I du présent article
prévoit de supprimer les premier
et deuxième alinéas de l'article 2 de la loi de 1993.
En effet, la conduite des opérations de change est la
deuxième des missions fondamentales imparties au SEBC par
l'article 105-2 du Traité.
En outre, l'article 109 du traité de Maastricht prévoit,
à partir de l'entrée dans la troisième phase, la mise en
oeuvre du régime suivant :
-
Le Conseil
, statuant à l'unanimité sur
recommandation de la Banque centrale européenne (BCE) ou de la
Commission, après consultation de la BCE en vue de parvenir à un
consensus compatible avec l'objectif de la stabilité des prix, et
après consultation du Parlement européen,
pourra conclure des
accords formels portant sur un système de taux de change pour
l'écu, vis à vis des monnaies non communautaires
(paragraphe 1).
-
Le Conseil
, statuant à la majorité
qualifiée sur recommandation de la BCE ou de la Commission, et
après consultation de la BCE, en vue de parvenir à un consensus
compatible avec l'objectif de la stabilité des prix,
pourra adopter,
modifier ou abandonner les cours centraux de l'écu dans le
système des taux de change
(paragraphe 1).
- En l'absence d'un système de taux de change vis à vis
d'une ou de plusieurs monnaies non communautaires,
le Conseil
, statuant
à la majorité qualifiée, soit sur recommandation de la
Commission et après consultation de la BCE, soit sur recommandation de
la BCE,
pourra formuler les orientations générales de la
politique de changes vis-à-vis de ces monnaies
.
Les dispositions du premier alinéa de l'article 2 de la loi de
1993 n'auraient donc qu'une valeur provisoire : elles ne seraient
applicables que jusqu'à la fin de la deuxième phase,
c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1998.
Cependant, jusque là, la politique de change doit être de toute
façon compatible avec les dispositions de l'article 109 M du
Traité.
En effet, celui-ci dispose que "
jusqu'au début de la
troisième phase, chaque Etat membre traite sa politique de change comme
un problème d'intérêt commun. Les Etats membres tiennent
compte, ce faisant, des expériences acquises grâce à la
coopération dans le cadre du système monétaire
européen (SME) et grâce au développement de l'écu,
dans le respect des compétences existantes.
"
La loi de 1993 avait ainsi inscrit le régime de la politique de
change dans le schéma prévu par le traité.
Le
I
du présent article se situe donc dans la logique du texte
précédent que votre commission avait adopté.
II. LA GESTION DES RÉSERVES DE CHANGE PAR LA BANQUE DE FRANCE SERA
RATTACHÉE AU CADRE DU SEBC
Le troisième alinéa de l'article 2 de la loi du
4 août 1993, relatif à la gestion des réserves de
change de l'Etat, mentionne expressément la propriété de
l'Etat sur les réserves publiques de change en or et en devises.
L'avantage de cette disposition était de fixer clairement le principe
d'une gestion fiduciaire dérogatoire au droit commun, puisque la notion
juridique de patrimoine d'affectation (ou fiducie) n'existe pas en droit
français, en indiquant :
- que les réserves de change appartiennent à l'Etat ;
- et qu'elles sont inscrites à l'actif du bilan de la Banque de
France qui reçoit mandat de les gérer dans le cadre des
orientations générales de la politique de change formulées
par le Gouvernement.
Le II du présent article
tend à modifier les dispositions
commentées ci-dessus, en les adaptant aux statuts du SEBC, dont
l'article 30-1 dispose que "
la BCE est dotée par les banques
centrales nationales d'avoirs de réserve de change... Elle est
pleinement habilitée à détenir et à gérer
les avoirs de réserve qui lui ont été
transférés et à les utiliser aux fins fixées dans
les présents statuts
". L'article 30-2 ajoute :
"
la contribution de chaque banque centrale nationale est fixée
proportionnellement à sa part dans le capital souscrit de la
BCE
".
III. LA FUTURE CONVENTION ENTRE L'ETAT ET LA BANQUE DE FRANCE
Le II du présent article prévoit que les modalités de
détention et de gestion par la Banque de France des réserves de
change seront "
précisées dans une convention qu'elle
conclut avec l'Etat
".
4(
*
)
Cependant, votre commission note que
la convention
en question
n'est
plus soumise à l'approbation du Parlement
, contrairement à ce
que la loi du 4 août 1993 prévoyait.
L'absence de cette disposition ne paraît cependant pas illogique.
En effet, le projet de loi de 1993 prévoyait que la convention conclue
entre l'Etat et la Banque de France était " approuvée "
et non " soumise à l'approbation " du Parlement. Or, la
seconde rédaction a finalement été introduite dans le
texte par un amendement de l'Assemblée nationale, puisque le Parlement
n'était pas tenu d'approuver ladite convention et qu'il devait pouvoir
l'amender, cette dernière ne relevant pas de la catégorie des
traités ou accords internationaux.
Or, la future convention conclue conformément au présent
projet de loi, entrera dans cette catégorie, puisque la
détermination du régime de change, à partir du
1
er
janvier 1999, ne sera plus une compétence
nationale
.
Les modalités, précisées dans la convention, relatives
à la détention et à la gestion par la Banque de France,
des réserves de change de l'Etat, découleront des dispositions du
Traité ou du protocole concerné.
IV. LA BANQUE DE FRANCE POURRA PARTICIPER A DES ACCORDS MONÉTAIRES
INTERNATIONAUX DANS LE CADRE DU PROTOCOLE SUR LE SEBC
Le quatrième alinéa de l'article 2 de la loi du
4 août 1993, en reprenant du reste les dispositions du
deuxième alinéa de l'article 3 de la loi du 3 janvier
1973, donne à la Banque de France la possibilité de participer,
avec l'autorisation du ministre chargé de l'économie et des
finances, à des accords monétaires internationaux.
La Banque de France n'est partie à aucun accord monétaire
international : ceux-ci restent de la compétence exclusive des
Etats. En revanche, elle sera appelée par le ministre de
l'économie et des finances, plus " qu'autorisée "
à proprement parler, en vue de prêter son soutien logistique au
Gouvernement. Si elle ne signe pas les accords, la Banque de France participe
bien évidemment aux négociations conduisant à leur
conclusion.
En outre, une fois l'accord conclu, les banques centrales peuvent avoir
à fixer entre elles, par exemple, les procédures concrètes
permettant de mettre en oeuvre les principes de coopération
prévus dans tel ou tel domaine par l'accord. La Banque de France
participe seule, mais toujours sous le contrôle du ministre, aux
négociations portant sur les éléments concrets
d'application d'un traité international.
Ces dispositions ne portent que sur la participation de la Banque de France
à la préparation et à la conclusion d'accords
monétaires internationaux. Il ne concerne donc pas la participation du
Gouverneur de la Banque de France dans différentes instances
internationales, notamment celles prévues par le traité sur
l'Union européenne ou celles existant actuellement (comme la Banque des
règlements internationaux...).
Le III du présent article reprend cette formule en l'inscrivant
"
dans le respect des dispositions de l'article 109 du
Traité et de l'article 6-2 du protocole sur les statuts du SEBC et de la
BCE
".
Les présentes dispositions permettent ainsi de rendre compatible
cette compétence traditionnelle de la Banque de France avec le
Traité
.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter deux amendements rédactionnels, et le présent article
ainsi amendé.
ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 2
Bon
fonctionnement et sécurité des systèmes de paiement
Commentaire : Le présent article additionnel a pour
objet de combler une lacune du projet de loi, qui ne tient pas compte des
compétences du SEBC en matière de fonctionnement des
systèmes de paiement.
L'article 4 de la loi du 4 août 1993 confie à la Banque de France
une compétence générale sur les systèmes de
paiement en France (paiements fiduciaires, scripturaux et électroniques)
en lui assignant la mission de veiller à leur bon fonctionnent et
à leur sécurité.
Or, l'article 105, paragraphe 2, du Traité instituant la
Communauté européenne confie au SEBC la mission de promouvoir le
bon fonctionnement des systèmes de paiement. Il s'agit d'une des quatre
missions "fondamentales" du SEBC, au même titre que la définition
et la mise en oeuvre de la politique monétaire. Il en résulte que
les compétences des banques centrales nationales ne peuvent que lui
être subordonnées dans ce domaine également.
Il paraît d'autant plus nécessaire de le préciser que la
surveillance des systèmes de paiement est confiée en France
à la Banque de France, et non pas au seul Conseil de la politique
monétaire. Votre rapporteur rappelle que si ce dernier est
indépendant, la Banque de France, dirigée par le Conseil
général, reste un organisme partiellement placé sous le
contrôle de l'Etat qui en est propriétaire. En l'absence d'une
telle précision, il subsisterait une ambiguïté quant
à l'étanchéité prévue par l'article 11 de la
loi de 1993 modifié par l'article 6 du présent projet entre les
compétences du Conseil général et les missions du SEBC.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article additionnel.
ARTICLE 3
Emission des billets sur le territoire
français
Commentaire : Le présent article précise
que la Banque de France conserve le monopole d'émission des billets,
sous réserve de l'autorisation d'émettre donnée par la
Banque centrale européenne, conformément à l'article 105 A
du traité de Maastricht.
I. LE MONOPOLE D'ÉMISSION DES BILLETS DE LA BANQUE DE FRANCE S'EXERCERA
DÉSORMAIS DANS UN CADRE EUROPÉEN
L'article 5 de la loi du 4 août 1993, reprenant d'ailleurs l'article 2 de
la loi du 3 janvier 1973, accorde le monopole d'émission de la monnaie
légale à la Banque de France.
Le I du présent article, en modifiant le premier alinéa de
l'article 5 de la loi du 4 août 1993, ne retire pas ce monopole à
la Banque de France, mais l'inscrit dans le cadre fixé par le premier
paragraphe de l'article 105 A du Traité, qui dispose que
"la BCE est
seule habilitée à autoriser l'émission de billets de
banque dans la Communauté".
Il ajoute aussitôt :
"la BCE et
les banques centrales nationales peuvent émettre de tels
billets."
Cette disposition introduit donc une distinction entre, d'une part,
l'autorisation d'émettre des billets de banque, et, d'autre part,
l'émission de billets proprement dite : la première relève
exclusivement de la BCE, la seconde pouvant être une "compétence
partagée" entre la BCE et les Banques centrales nationales.
Deux remarques sont ici nécessaires.
La première est relative à la fabrication des billets. En effet,
le monopole d'émission ne signifie pas que la Banque de France soit
tenue de fabriquer les billets qu'elle met en circulation.
Elle est cependant aujourd'hui l'une des très rares banques centrales
à gérer l'intégralité de la filière de
production des billets :
- la papéterie est installée à Vic-le-Comte, dans le
Puy-de-Dôme ;
- l'imprimerie se trouve à Chamalières, également dans le
Puy-de-Dôme ;
- enfin, les services de direction sont installés à Puteaux, dans
les Hauts-de-Seine, ainsi que le Centre d'études et de
réalisations fiduciaires (CERF), dont l'objet est essentiellement la
recherche et le développement.
D'après les informations données à votre commission, le
mode de fabrication des billets de banque de chaque banque centrale sera
respecté.
Cela n'empêche évidemment pas la Banque de France de poursuivre
ses efforts en matière de réduction du coût de fabrication
des billets, de manière à le ramener au niveau de celui des
billets produits à l'étranger. Ainsi, le prix d'achat payé
par la Bundesbank aux imprimeries privées allemandes est nettement moins
élevé.
La seconde remarque est relative aux dispositions du
I
du présent
article qui concernent
les départements d'outre-mer,
Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte.
La loi de 1993 n'évoquait en effet que les billets reçus comme
monnaie légale "sur le territoire de la France métropolitaine",
à l'exclusion, par conséquent, de l'outre-mer.
Trois points doivent être, dès lors, précisés :
- les territoires d'outre-mer (TOM) utilisent aujourd'hui le franc-pacifique et
devraient le conserver ;
- la situation de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte, collectivités
territoriales à statut particulier, n'a pas été
évoquée par le Traité : le
I
du présent
article, comme certaines mesures du projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier, vise donc à combler cette lacune
juridique ;
- la Banque de France va reprendre les compétences de l'Institut
d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) en la
matière.
Les relations Banque de France-IEDOM
1. Aspects institutionnels
Créé en 1959, l'institut d'émission des
départements d'outre-mer (IEDOM) est un Etablissement public à
caractère industriel et commercial (EPIC) national placé sous la
tutelle conjointe du ministre de l'économie et de celui de l'outremer.
Cet établissement, dont le directeur général est le
directeur général de la Caisse française de
développement (CFD), exerce ses missions sous la tutelle d'un
Conseil
de surveillance présidé par le Gouverneur de la Banque de
France
représenté par le premier sous-gouverneur de la
Banque. Le Conseil de surveillance compte au total
quatre
représentants de la Banque de France
dont l'un des deux censeurs.
2. Activités monétaires
2.1 Activités exercées en vertu d'une convention passée
avec la Banque de France
- la mise en circulation des billets de la Banque de France assurée
depuis 1975 (loi du 27/12/74), par l'IEDOM dans sa zone d'émission en
tant que correspondant de la Banque centrale qui lui consent les avances
nécessaires
(1)
;
- la tenue du
fichier central des impayés
(chèques et
effets) ;
- le suivi des
transferts avec l'étranger
pour permettre
l'établissement de la balance des paiements ;
- une convention passée avec la Commission bancaire permet à
l'IEDOM d'accomplir certaines missions ponctuelles pour le compte de cette
dernière.
2.2 Activité exercée par délégation de la Banque
de France
- la fixation des
taux des réserves obligatoires
par habilitation
du Conseil de la politique monétaire (décisions des 24/3/94 et
25/8/94) ;
2.3 Enfin, l'IEDOM exerce de manière autonome le refinancement des
établissements de crédit dans les DOM
L'IEDOM met en oeuvre dans les DOM une politique monétaire
caractérisée par un objectif de sélectivité du
crédit (secteurs prioritaires et de critères
d'éligibilités des créances réescomptées) et
une absence de recours aux taux de marché (automaticité du
réescompte à des taux administrés).
Le refinancement des banques s'effectue grâce à deux instruments :
les
accords de classement
(les crédits qui en
bénéficient sont exonérés des réserves
obligatoires sur concours) et les
accords de réescompte
(dans ce
cadre, le refinancement des banques s'effectue au taux de 2 %, taux aujourd'hui
indexé sur le taux des appels d'offres de la BdF).
5
L'IEDOM est également chargé de la mise en
circulation des monnaies du Trésor
3. Comptabilité
La
Banque de France tient dans ses livres le compte d'opération de
l'IEDOM
qui retrace l'ensemble des transferts entre la métropole et
les DOM. Initialement logé au Trésor Public, ce compte a
été transféré dans les livres de la Banque de
France en février 1997, pour se mettre en conformité avec les
dispositions des articles 104 et 104A du Traité de Maastricht
(1)
Comme la Banque de France en métropole, l'
IEDOM est
outre-mer le teneur de compte du Trésor public.
4. Services à destination de la communauté bancaire
(assurés en métropole par la Banque de France)
Il s'agit essentiellement des activités suivantes :
- secrétariat de la commission d'examen des situations de surendettement
(sauf à Saint-Pierre-et-Miquelon) et tenue du fichier des incidents de
remboursements des crédits aux particuliers DOM ;
- gestion des chambres de compensation interbancaire ;
- tenue du fichier des déclarations de retrait des cartes bancaires.
(1)L'Institut monétaire européen (IME) avait en effet,
observé que les avances faites par la Banque de France à l'IEDOM
au titre de la mise en circulation des billets métropolitains dans sa
zone d'émission, ne respectaient pas l'interdiction du financement
monétaire et de l'accès privilégié aux institutions
financières, dès lors que le compte d'opération de l'IEDOM
se trouvait dans les livres du Trésor.
II. LE COURS LÉGAL DES BILLETS
L'article 5 de la loi de 1993 décalque les dispositions de l'article 33
du statut de 1973 en substituant le Conseil de la politique monétaire au
Conseil général de la Banque de France.
La limitation du délai d'échange des billets qui n'ont plus cours
légal (10 ans dans la loi de 1993 alors que le statut de 1973 ne fixe
aucune limite) permet notamment à l'Etat de bénéficier
plus rapidement du "solde non présenté à ses guichets de
types de billets retirés de la circulation" (ce que l'on appelle le
"culot d'émission"). Dans la pratique, toutefois, les billets
échangés après 10 ans sont très peu nombreux. Leur
valeur numismatique est généralement supérieure à
la valeur faciale.
Le
II
du présent article ne laisse plus au décret que la
possibilité de supprimer le cours légal d'un type
déterminé de billets "
libellés en francs
", cette
suppression restant proposée par la Banque de France.
Cette modification est logique, d'une part, puisque l'euro sera la monnaie
unique de probablement onze Etats européens, et, d'autre part, parce que
le franc, en tant que monnaie nationale, devrait définitivement
disparaître au 1
er
juillet 2002.
L'Assemblée nationale a adopté un
amendement
portant
modification du quatrième alinéa de l'article 5 de la loi du
4 août 1993.
Ce quatrième alinéa dispose que la Banque de France "veille
à la bonne qualité de la circulation fiduciaire".
L' amendement introduit par l'Assemblée nationale tend à
préciser les dispositions précédentes, de deux
manières :
·
en prévoyant qu'il est de la mission de la Banque
de France d'assurer l'entretien de la monnaie fiduciaire ;
·
et, que la Banque a également pour mission de
gérer la bonne qualité de la circulation de cette monnaie
fiduciaire sur l'ensemble du territoire.
Votre commission estime inutilement lourde la rédaction de cet
amendement, par rapport au dispositif actuel, s'interroge sur sa réelle
portée normative et considère donc qu'il ne pourra atteindre les
résultats qui lui sont implicitement assignés.
C'est pourquoi, elle vous présentera un
amendement
tendant
à le
supprimer
.
III. LE SOLDE NON PRÉSENTÉ DES BILLETS RETIRÉS DE LA
CIRCULATION
Le troisième paragraphe de l'article 5 de la loi du 4 août 1993
reprenait les dispositions de l'article 35 de la loi du 3 janvier 1973 relative
au solde non présenté aux guichets de la Banque de France des
billets retirés de la circulation, ce solde continuant à
être versé à l'Etat.
Le
II
du présent article, ici, aussi, évoque le cas du
solde non présenté des billets "
libellés en francs
"
retirés de la circulation.
Cette disposition ne modifie donc pas, au fond, l'article 5 de la loi de 1993,
mais prend en considération l'adaptation européenne du texte.
IV. EXCLUSION DES BILLETS DU CHAMP D'APPLICATION DES DISPOSITIONS RELATIVES
AUX TITRES AU PORTEUR
Le cinquième alinéa de l'article 5 de la loi du 4 août 1993
reprend le texte de l'article 34 de la loi du 3 janvier 1973. Il prévoit
que les dispositions relatives aux titres au porteur perdus ou volés ne
sont pas applicables aux billets de la Banque de France.
Cet article trouve sa justification dans la nature juridique du billet de
banque. Celui-ci s'analyse, en effet, depuis qu'il n'est plus convertible en
or, non plus comme une créance sur la Banque de France, mais comme un
bien meuble corporel qui a une valeur par lui-même et qui permet au
porteur de se libérer de sa dette par la seule remise à son
créancier.
Le
III
du présent article prévoit que les dispositions
relatives aux titres au porteur perdus ou volés ne sont pas applicables
aux billets "
ayant cours légal
", au lieu des billets "de
la
Banque de France".
En effet, les billets émis par la Banque seront les signes
monétaires d'une monnaie unique ayant cours légal dans l'ensemble
des Etats participants à l'Union économique et monétaire,
et non plus du seul franc français.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article ainsi amendé.
ARTICLE 4
Adaptation des compétences du
Conseil de la politique monétaire
Commentaire : Le présent article définit
les compétences du Conseil de la politique monétaire à
compter de l'entrée en fonction du Système européen de
banques centrales.
I. LES COMPÉTENCES DU CONSEIL DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE...
L'article 7 de la loi du 4 août 1993 définit les
compétences du Conseil de la politique monétaire. A cet
égard, il constitue, avec l'article 1er, l'élément
essentiel de cette loi.
Le premier alinéa de l'article 7 dispose que "le Conseil de la
politique monétaire est chargé de définir la politique
monétaire", et qu' "il surveille l'évolution de la masse
monétaire et de ses contreparties".
La définition, et elle seule, de la politique monétaire
française relève ainsi du Conseil de la politique
monétaire, dont l'article 1er a garanti l'indépendance : sa
mise en oeuvre appartient en effet, aux termes du troisième
alinéa de l'article 13, au gouverneur de la Banque de France.
En outre, la masse monétaire, pour la première fois,
apparaissait en tant que référence dans un texte.
L'Assemblée nationale avait aussi adopté un amendement
précisant que le Conseil de la politique monétaire surveille, non
seulement la masse monétaire, mais également ses contreparties,
ce qui a donné au Conseil le devoir de surveiller le rôle de
chaque type de financement dans la création monétaire :
créances sur l'extérieur, sur le Trésor public, sur
l'économie.
Les alinéas deux et trois de l'article 7 de la loi de 1993
précisent les compétences du Conseil de la politique
monétaire, concernant les instruments de la politique monétaire.
Le deuxième alinéa arrête, de manière non
exhaustive, la liste des instruments de la politique monétaire, et
prévoit que
"le Conseil définit les opérations
auxquelles procède la Banque",
c'est-à-dire
"les
modalités d'achat ou de vente, de prêt ou d'emprunt, d'escompte,
de prise en gage, de prise ou de mise en pension de créances et
d'émission de bons portant intérêt".
Le même
alinéa, suite à l'adoption d'un amendement par l'Assemblée
nationale, donne compétence au Conseil de la politique monétaire
pour déterminer
"la nature et l'étendue des garanties dont
sont assortis les prêts consentis par la Banque",
cette disposition
se justifiant par le rôle de prêteur en dernier ressort que joue la
Banque de France.
Le troisième alinéa de l'article 7, quant à lui,
attribue au Conseil de la politique monétaire la définition des
"obligations que la politique monétaire peut conduire à
imposer aux établissements de crédit et notamment l'assiette et
les taux des réserves obligatoires qui, le cas échéant,
s'appliquent dans le cadre comptable de la réglementation bancaire".
Cet alinéa, par l'emploi de l'adverbe "notamment", permet toute
obligation éventuelle et ne cite expressément que la seule
obligation existante, celle des réserves obligatoires. Il est à
noter que l'adjectif "comptable" permet au Comité de la
réglementation bancaire et financière de rester responsable de la
définition des postes comptables des établissements sur lesquels
s'imputent les réserves obligatoires, ce qui entre dans le domaine
normal de la réglementation bancaire. En outre, cet alinéa
accorde au CPM la possibilité de consentir au gouverneur des
délégations temporaires de pouvoir.
II. ...SERONT CONSIDÉRABLEMENT RÉDUITES PAR LA MISE EN PLACE
DU SYSTÈME EUROPÉEN DE BANQUES CENTRALES
Il était clair, dès l'adoption de la loi du 4 août
1993, que les compétences du Conseil de la politique monétaire,
décrites ci-dessus, s'exerceraient de la date de son entrée en
fonction, soit le 1er janvier 1994 (début de la deuxième
phase de l'UEM) jusqu'au début de la troisième phase,
conformément à l'article 109 J du Traité, et
que, dès lors, la SEBC se substituerait au Conseil de la politique
monétaire.
Le I du présent article
supprime les deux premiers alinéas
de l'article 7 de la loi de 1993, et les remplace par deux dispositions
nouvelles.
Dès lors, le Conseil de la politique monétaire ne
définit plus ni la politique monétaire, ni les instruments de la
politique monétaire, ni les obligations que la politique
monétaire peut conduire à imposer aux établissements de
crédit.
Le Conseil de la politique monétaire perd ainsi l'essentiel de ses
compétences actuelles, à savoir son rôle déterminant
en matière de politique monétaire.
Les
deux dispositions nouvelles
, introduites par le I du présent
article, prennent acte de ce que la définition et la mise en oeuvre de
la politique monétaire, en vertu de l'article 105-2 du Traité,
constituent la première des quatre "missions fondamentales relevant du
SEBC".
Ainsi,
la première phrase du I du présent article
prévoit que
"le Conseil de la politique monétaire examine
les évolutions monétaires et analyse les implications de la
politique monétaire élaborée dans le cadre du
Système européen de banques centrales".
Le Conseil de la politique monétaire, faute de définir la
politique monétaire française, pour la raison que les politiques
monétaires nationales n'existeront plus en UEM, aura, dans ce domaine,
un rôle, d'une part, de conseiller -mais en aucun cas de mandant du
Gouverneur- et, d'autre part, d'étude et d'information.
Il est certain que les termes "examine" et "analyse" sont
extrêmement
généraux.
Votre commission a été informée de ce que le Conseil de la
politique monétaire, grâce à ses contacts locaux et
sectoriels, devrait examiner, au niveau de la France, les évolutions
économiques et monétaires, ainsi que la situation des
marchés. En outre, il devrait transmettre et expliquer, auprès
des agents économiques comme de l'opinion publique en
général, le message monétaire du SEBC.
Votre commission estime que le Conseil de la politique monétaire, afin
de relayer au mieux les décisions arrêtées à
Francfort, doit en tenir régulièrement au courant le Parlement,
par une transmission régulière de ses "examens" et
"analyses" aux
commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Celle-ci pourrait avoir lieu à l'occasion des auditions prévues
par l'article 19 de la loi de 1993, modifiée par le présent
projet (voir commentaire de l'article 7).
La deuxième phrase du I du présent article concerne les
instruments de la politique monétaire qui, comme la politique
monétaire elle-même, seront définis par le SEBC.
Le Conseil de la politique monétaire perd par conséquent le
pouvoir de définir ces instruments. Il ne garde que la
compétence,
"dans le cadre des orientations et instructions de la
Banque centrale européenne",
de les
préciser
. Il faut
voir, dans la rédaction de cette disposition, à la fois une
adaptation technique résultant du transfert de compétences
affectant la politique monétaire et ses instruments, et l'application du
principe de subsidiarité laissant aux banques centrales nationales le
soin de réaliser des aménagements nationaux aux décisions
prises par la BCE.
Enfin, le
II
du présent article supprime le troisième
alinéa de l'article 7 de la loi du 4 août 1993.
Il appartiendra en effet au SEBC de tirer les conséquences de la
politique monétaire sur les établissements de crédit, et
notamment de définir ou non un système de réserves
obligatoires. De même, les délégations de pouvoir que le
CPM pouvait accorder au gouverneur deviennent sans objet.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4
Modalités de désignation des membres du Conseil de la
politique monétaire de la Banque de France
Commentaire : Le présent article additionnel
tend à modifier les modalités de nomination des membres du
Conseil de la politique monétaire.
Dans le régime actuel, le Conseil de la politique monétaire
(CPM) comprend neuf membres :
le gouverneur ;
les deux sous-gouverneurs ;
et, six autres membres.
Le gouverneur et les deux sous-gouverneurs sont nommés en Conseil des
ministres pour un mandat de six ans renouvelable une fois.
La désignation des six autres membres comprend deux phases (article 8
de la loi du 4 août 1993) :
- la première est relative à leur proposition : ils
sont en effet choisis sur une liste, comprenant un nombre de noms triple de
celui des membres à désigner, qui est établie d'un commun
accord, ou à défaut à parts égales, par les
présidents du Sénat, de l'Assemblée nationale et du
Conseil économique et social ;
- la seconde phase est relative à la nomination des membres du
CPM : ils sont nommés par décret en Conseil des ministres
pour une durée de neuf ans, ces six membres étant
renouvelables par tiers.
Le présent article additionnel prévoit des modalités
de désignation des membres du CPM similaires à celles du Conseil
constitutionnel ou du Conseil supérieur de l'audiovisuel
.
Le Président de la République nommerait trois membres du CPM,
dont le Gouverneur, le Président du Sénat, trois membres, dont un
sous-gouverneur et le Président de l'Assemblée nationale, trois
membres également dont un autre sous-gouverneur.
Leur mandat serait de neuf ans, et ne serait ni révocable, ni
renouvelable.
Le CPM se renouvellerait par tiers, comme aujourd'hui, tous les trois ans.
Ce dispositif revêt deux avantages principaux :
- il donne au Conseil de la politique monétaire, et à son
président en particulier, une
plus grande légitimité
démocratique,
ce qui est important dans la perspective où le
gouverneur sera partie prenante à la définition d'une politique
monétaire européenne qui s'imposera à la France. Un des
intérêts de la monnaie unique est de rendre à notre pays
une voix dans le concert monétaire européen. Le statut
subordonné du franc par rapport au deutschemark lui avait fait perdre
cette voix. Il est donc indispensable que celle-ci soit représentative
des intérêts français, tout en étant statutairement
parfaitement moulée dans le système européen de banques
centrales ;
- dans le même temps, en étendant l'interdiction de
renouvellement à l'ensemble des membres du CPM, tout en les faisant
bénéficier d'un mandat long,
il accroît leur
indépendance du pouvoir politique
dès qu'ils ont
été nommés.
Cet accroissement de l'indépendance du gouverneur et des
sous-gouverneurs est plus conforme aux prescriptions du Traité telles
qu'interprétées par l'IME
5(
*
)
. On
sait en effet que la perspective du renouvellement affaiblit le titulaire d'un
mandat vis-à-vis de l'autorité de nomination, qui détient
ainsi sur lui une influence.
Renforcement de l'indépendance et accroissement de la
légitimité démocratique sont liés. On ne pourrait
en effet concevoir une indépendance accrue pour des organes
essentiellement technocratiques.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article additionnel.
ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE
5
Dispositions transitoires relatives à la désignation des
membres
du Conseil de la politique monétaire de la Banque de
France
Commentaire : Le présent article additionnel
est relatif aux dispositions transitoires rendues nécessaires par la
modification des modalités de désignation des membres du Conseil
de la politique monétaire.
La combinaison des articles 8 et 13 de la loi n° 93-980 du
4 août 1993 permet d'exposer la situation relative au mandat de
chacun des neufs membres du Conseil de la politique monétaire de la
Banque de France.
Le gouverneur et les deux sous-gouverneurs, dont le mandat est d'une
durée de six ans renouvelable une fois, sont renouvelables en 2000 ;
deux autres membres du CPM voient leur mandat d'une durée de neuf ans
non renouvelable, arriver à échéance également en
2000 ;
deux membres sont renouvelables en 2003 ;
les deux derniers le sont en 2006.
Le présent article additionnel propose un dispositif permettant de
renouveler les cinq mandats arrivant à échéance en l'an
2000, en donnant aux mandats autres que ceux du gouverneur et des
sous-gouverneurs une durée assurant le futur renouvellement par tiers du
CPM.
Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter
le présent article additionnel.
ARTICLE 5
Modalités des
délibérations du Conseil de la politique monétaire
Commentaire : Le présent article prévoit
que le Conseil de la politique monétaire délibère dans le
respect de l'indépendance de son président, membre du Conseil des
gouverneurs de la Banque centrale européenne, et des règles de
confidentialité de celle-ci.
L'article 109 A, paragraphe 1, du Traité dispose que "
le conseil des
gouverneurs de la BCE se compose des membres du directoire de la BCE et des
gouverneurs de banques centrales nationales
".
Le Gouverneur de la Banque de France sera, par conséquent, membre du
Conseil des gouverneurs de la BCE.
Le présent article
, en introduisant des dispositions selon
lesquelles le Conseil de la politique monétaire devra
délibérer dans le respect de l'indépendance de son
président et des règles de confidentialité de la BCE,
reconnaît le statut particulier du Gouverneur de la Banque de France :
ce dernier n'est pas un membre comme les autres du Conseil de la politique
monétaire
. Par conséquent, des contraintes de
confidentialité s'imposent à lui, vis-à-vis des autres
membres du Conseil de la politique monétaire.
Votre commission entend expliciter sa conception du rôle du Conseil de la
politique monétaire. Il est clair que, à partir du 1
er
janvier 1999, le Conseil de la politique monétaire verra son rôle
considérablement réduit.
Dès lors, l'alternative suivante est possible :
soit supprimer purement et simplement le Conseil ;
soit le maintenir, en le confortant dans l'exercice de ses
compétences résiduelles.
Votre commission opte clairement pour le second terme de l'alternative.
En effet, le I de l'article 4 du présent projet de loi prévoit
que
"le Conseil de la politique monétaire examine les
évolutions monétaires et analyse les implications de la politique
monétaire élaborée dans le cadre du SEBC".
Le Conseil de la politique monétaire aura donc essentiellement une
mission d'étude et d'information et une mission de mise en oeuvre des
instruments de la politique monétaire au niveau national
. Or, ces
missions ne pourraient être menées à bien si le Gouverneur
de la Banque de France, qui, de par son statut de membre du Conseil des
gouverneurs, participe à la définition de la politique
monétaire européenne unique, pouvait, en arguant de son
indépendance et des règles de confidentialité de la Banque
centrale européenne, ne pas faire part au Conseil de la politique
monétaire des débats en cours au sein du Conseil des gouverneurs.
Plusieurs dispositions de la loi de 1993, qui restent inchangées dans le
présent projet de loi confortent cette argumentation :
les premier et deuxième alinéas de l'article 9 posent le
principe de la collégialité du Conseil de la politique
monétaire ;
l'article 13 prévoit que le Gouverneur de la Banque de France
préside le Conseil de la politique monétaire, et qu'il
prépare et met en oeuvre ses décisions, ces dispositions tendant
à renforcer la collégialité du Conseil ;
le troisième alinéa de l'article 9 dispose notamment
que
"le Premier ministre et le ministre chargé de l'économie
et des finances... peuvent soumettre toute proposition de décision
à la délibération du Conseil"
: ce dernier ne pourrait
valablement délibérer s'il n'était pas tenu au courant de
la politique monétaire arrêtée par la BCE.
En outre, votre commission rappelle que, d'une part, l'article 1
er
de la loi de 1993, tel qu'il résulte de la rédaction du
présent projet de loi, garantit déjà l'indépendance
des membres du Conseil de la politique monétaire, et donc celle de son
président - le Gouverneur de la Banque de France - et que, d'autre part,
en vertu du I de l'article 10 de ladite loi,
"les membres du Conseil de
la
politique monétaire sont tenus au secret professionnel dans les
conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du Code
pénal".
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.
ARTICLE 6
Exercice d'activités ne se
rattachant pas directement
aux missions du SEBC en matière de
politique monétaire
Commentaire : Le présent article
délimite le champ de compétences du Conseil général
aux activités de la Banque de France qui ne relèvent pas des
missions du Système européen de banques centrales.
Aux termes du premier alinéa de l'article 11 de la loi du
4 août 1993,
la Banque de France est administrée par le
Conseil général
.
Le deuxième alinéa dispose que "
le Conseil
délibère sur les questions relatives à la gestion des
activités de la banque autres que celles qui se rattachent directement
aux missions définies par l'article 1er
". Ce dernier, dans la loi du
4 août 1993, confie à la Banque de France la
définition et la mise en oeuvre de la politique monétaire.
Par conséquent, les compétences du Conseil général
ont été modifiées du fait de l'indépendance du
Conseil de la politique monétaire, qui implique que la compétence
de ce dernier ne soit pas partagée avec le Conseil
général, où l'Etat est en effet représenté
par un censeur.
Le Conseil général comprend l'ensemble des neuf membres du
Conseil de la politique monétaire auquel s'adjoint un
représentant des salariés de la Banque de France élu au
scrutin secret par les salariés de la Banque et remplissant les
conditions requises pour être électeur au comité
d'entreprise.
L'article 12 de la loi de 1993 a maintenu la présence du censeur aux
séances du Conseil général. Le censeur est le directeur du
Trésor, son suppléant étant le chef du service des
affaires monétaires et financières à la direction du
Trésor. Le censeur ou, en son absence, son suppléant peuvent
soumettre au Conseil général des propositions de décision.
Ils peuvent également faire opposition aux décisions que le
Conseil a adoptées : ils disposent ainsi d'un droit de veto.
Le même article 12 prévoit que "
le Conseil
général peut consentir des délégations de pouvoir
au gouverneur de la Banque de France, qui peut les subdéléguer
dans les conditions fixées par le Conseil
".
Le troisième alinéa de l'article 13 dispose que le gouverneur
prépare et met en oeuvre les décisions du Conseil
général, qu'il préside.
La loi du 4 août 1993 a maintenu la mission fondamentale du Conseil
général, à savoir
l'administration de la Banque de
France
. Ainsi, le Conseil continue de délibérer sur les
statuts du personnel et sur l'emploi des fonds propres (article 11).
Mais la principale modification apportée par la loi de 1993
résulte du partage de compétences opéré entre le
Conseil général, d'une part, et le Conseil de la politique
monétaire, d'autre part.
Le chapitre Ier de la loi définit les "missions fondamentales de la
Banque de France", qui comprennent :
- la définition et la mise en oeuvre de la politique
monétaire (article 1er) ;
- la détention et la gestion des réserves de change, pour
le compte de l'Etat (article 2) ;
- le bon fonctionnement et la sécurité des systèmes
de paiement (article 4).
Le chapitre III concerne les "autres missions d'intérêt
général et autres activités" de la Banque de France.
Le présent article
, en disposant que le Conseil
général
"délibère sur les questions relatives
à la gestion des activités de la Banque de France autres que
celles qui relèvent des missions du Système européen de
banques centrales",
exclut des délibérations du Conseil
général les missions fondamentales définies au chapitre
Ier de la loi de 1993, qui deviennent, en vertu de l'article 105-2 du
Traité, "les missions fondamentales relevant du SEBC".
Quant aux "activités de la Banque de France autres que celles qui
relèvent des missions du SEBC", elles ne sont, par définition,
pas concernées par le présent article et continuent à
relever de la compétence du Conseil général.
Ces activités, dont le Conseil général continuera de
délibérer, sont celles relatives aux métiers
décrits par le plan d'entreprise de la Banque, à l'exception du
métier n
o
6 (mise en oeuvre de la politique
monétaire).
Les dix-sept métiers de la Banque de France
Métier 1 - Fabrication de billets de banque
Métier 2 - Gestion de la circulation fiduciaire
Métier 3 - Gestion des instruments scripturaux et des
systèmes d'échange
Métier 4 - Gestion des affaires internationales
Métier 5 - Préparation de la politique monétaire ;
élaboration et diffusion de statistiques et d'études
monétaires, financières et économiques
Métier 6 - Mise en oeuvre de la politique monétaire
Métier 7 - Opérations sur titres
Métier 8 - Réglementation bancaire et financière
Métier 9 - Réglementation prudentielle et surveillance du
système bancaire
Métier 10 - Collecte, analyse et mise à disposition
d'informations sur les entreprises non financières
Métier 11 - Gestion et animation du réseau
Métier 12 - Programmation et gestion financière
Métier 13 - Gestion des ressources humaines
Métier 14 - Gestion des moyens administratifs
Métier 15 - Gestion de l'organisation informatique
Métier 16 - Contrôle sur place et supervision des risques
Métier 17 - Communication externe et interne
Le présent article ne constitue ainsi qu'une adaptation de
l'article 11 de la loi du 4 août 1993, rendue nécessaire
par la création de la Banque centrale européenne et par
l'entrée en vigueur des dispositions du Traité relatives au SEBC.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.
ARTICLE 6 bis (nouveau)
Missions
d'intérêt général de la Banque de France
Commentaire : Inséré par
l'Assemblée nationale, le présent article confie à la
Banque de France des missions d'intérêt général
autres que celles relatives à la politique monétaire.
Cet article additionnel vise à modifier le premier alinéa de
l'article 15 de la loi du 4 août 1993, qui n'était pas
modifié par le texte originel du présent projet de loi, et qui
permet à la Banque de France de continuer à exercer les
activités qui ne se rattachent pas directement aux missions
définies au chapitre 1er de la loi de 1993, à savoir, dans
sa rédaction résultant de la loi de 1993 : la politique
monétaire, la politique de change, la sécurité des
systèmes de paiement, l'émission de billets.
Le présent article additionnel n'évoque que des
missions
d'intérêt général
de la Banque, sans
préciser, même par défaut, comme le fait l'article 15
de la loi de 1993 dans sa rédaction actuelle, en quoi consistent ces
missions. Il est donc
plus restrictif
que les dispositions actuelles,
qui permettent à la Banque d'exercer des activités qui ne sont
nécessairement pas d'intérêt général.
Votre commission comprend l'objectif poursuivi par l'Assemblée
nationale, et le partage. Elle considère néanmoins qu'il est
mieux atteint par la rédaction actuellement en vigueur.
Décision de la commission : votre commission vous propose de
supprimer le présent article.
ARTICLE 6 ter (nouveau)
Prestations de la Banque
de France
Commentaire : Inséré par
l'Assemblée nationale, le présent article modifie le dernier
alinéa de l'article 15 de la loi du 4 août 1993, relatif aux
prestations fournies par la Banque de France.
Les deux derniers alinéas de l'article 15 de la loi de 1993 disposent
que la Banque de France, à la demande de l'Etat ou avec son accord, peut
fournir des prestations pour le compte de celui-ci ou le compte de tiers ; ces
prestations sont rémunérées afin de couvrir les
coûts engagés par la Banque.
La nature de ces prestations et les conditions de leur
rémunération sont fixées par des conventions conclues
entre la Banque de France et, selon le cas, l'Etat ou les tiers
intéressés.
Le présent article additionnel paraît souffrir les mêmes
critiques que l'article 6 bis (nouveau), avec lequel il se coordonne. Compte
tenu de la suppression que votre commission vous propose pour cet article 6
bis, le présent article n'a guère de portée par rapport
à la rédaction en vigueur.
Décision de la commission : votre commision vous propose de supprimer
le présent article
ARTICLE 7
Rapport au Président de la
République et contrôle du Parlement
Commentaire : Le présent article
prévoit, d'une part, que le rapport adressé par le gouverneur de
la Banque de France au Président de la République et au Parlement
porte désormais sur la politique monétaire que la Banque de
France met en oeuvre dans le cadre du Système européen de banques
centrales et, d'autre part, que l'audition du gouverneur par les commissions
des finances du Parlement doit s'effectuer dans le respect des règles de
confidentialité de la Banque centrale européenne et
d'indépendance du gouverneur de la Banque de France, conformément
à l'article 107 du Traité.
L'article 19 de la loi n
o
93-980 du 4 août 1993
est relatif au rapport que la Banque de France adresse au Président de
la République et au Parlement ainsi qu'au contrôle que le
Parlement exerce sur la Banque.
Dans le régime actuel, en effet, le gouverneur de la Banque de France
adresse au chef de l'Etat et au Parlement, au moins une fois par an, un rapport
sur les opérations de la Banque, la politique monétaire et ses
perspectives.
Le I du présent article
adapte le premier alinéa de
l'article 19 de la loi de 1993 à la mise en place du Système
européen de banques centrales (SEBC).
En effet, le rapport qu'adresse le gouverneur de la Banque de France au
Président de la République et au Parlement portera toujours sur
"les opérations de la Banque de France" mais aussi sur "la
politique
monétaire qu'elle met en oeuvre dans le cadre du SEBC et les
perspectives de celle-ci", c'est-à-dire non plus la politique
monétaire française, mais la politique monétaire
européenne.
Le présent article adapte donc la rédaction de cette disposition
relative au rapport du gouverneur, au transfert de la politique
monétaire, opéré par le Traité de Maastricht, du
Conseil de la politique monétaire de la Banque de France au SEBC. La
périodicité de dépôt du rapport reste la même
: "
au moins une fois par an
".
Votre commission n'a pas la même appréciation du
II du
présent article
, qui modifie la rédaction du deuxième
alinéa de l'article 19 de la loi de 1993.
L'alinéa en question dispose que "
le gouverneur de la Banque de
France est entendu, sur leur demande, par les commissions des finances des deux
assemblées et peut demander à être entendu par elles
".
Votre commission a toujours attaché beaucoup d'importance et
d'intérêt à l'audition du gouverneur de la Banque de
France, et a pu apprécier, à cette occasion, la richesse des
informations transmises par le gouverneur et sa liberté de parole.
L'indépendance d'une banque centrale et son contrôle
démocratique ne sont pas incompatibles. Au contraire, son
indépendance exige la transparence de sa politique.
Lors de l'examen du projet de loi de 1993, votre commission avait
affirmé ne pas vouloir consacrer "une souveraineté de
technocrates" ni encourager "l'autisme monétaire". Elle était en
effet d'avis que l'indépendance de la Banque de France devait
s'accompagner d'un débat public sur la politique monétaire, la
meilleure méthode pour instaurer ce débat étant de
l'instituer devant la représentation nationale, qui doit le relayer
auprès de l'opinion publique.
Votre commission estime que, dès lors que la politique monétaire
sera définie à Francfort, son analyse n'a rien perdu de sa
pertinence. Au contraire : cette politique devra être connue,
comprise et regardée comme légitime par l'opinion publique de
chaque Etat participant à l'Union économique et monétaire,
l'opinion publique française notamment.
Par conséquent, votre commission ne perçoit guère
l'utilité des dispositions du
II
du présent article, en
vertu desquelles le gouverneur de la Banque de France pourra toujours
être auditionné, ou demander à l'être, par les
commissions des finances du Parlement,
"dans le respect des
dispositions de
l'article 107 du Traité".
La référence à cet article ne se justifie pas : en
effet, la rédaction actuelle ne porte pas atteinte à
l'indépendance de la Banque de France.
L'article 107 du Traité
a été transposé à l'article 1er du présent
projet de loi. Il prévoit que le gouverneur ne peut recevoir
d'instruction de quiconque.
Votre commission vous présentera donc un
amendement
tendant à
supprimer
la référence
à cet article.
En outre, le Conseil de la politique monétaire sera davantage
représentatif des intérêts nationaux que le gouverneur, qui
deviendra en quelque sorte le représentant du Conseil des gouverneurs de
la Banque centrale européenne auprès des instances nationales.
Les commissions des finances des deux assemblées auraient donc avantage
à connaître les positions du Conseil dans son ensemble. Celles-ci
seront complémentaires de celles du gouverneur, ce dernier étant
membre du CPM et ne pouvant donc lui être opposé. Votre commission
vous proposera, par conséquent, un
amendement
dans ce sens.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article ainsi amendé.
ARTICLE 7 bis (nouveau)
Etudes, analyses et
statistiques
Commentaire : Inséré par
l'Assemblée nationale, le présent article tend à
compléter l'article 20 de la loi du 4 août 1993, relatif aux
documents et renseignements qui sont nécessaires à la Banque de
France pour exercer ses missions.
L'article 20 de la loi de 1993 permet en effet à la Banque de France de
se faire communiquer par les établissements de crédit et les
établissements financiers tous documents et renseignements qui sont
nécessaires à l'exercice de ses missions.
Le présent article additionnel prévoit que la Banque effectue et
diffuse toutes études, analyses et statistiques utiles à son
information et à celle des pouvoirs publics, et qu'elle collecte les
données et tient les fichiers nécessaires à
l'exécution des tâches entrant dans le cadre de ses missions
d'intérêt général.
L'objectif des promoteurs de cet article est de conforter la mission de
connaissance fine du tissu économique français accompli par les
succursales de la Banque, et centralisée au niveau de son siège.
La Banque de France est ainsi le seul organisme à connaître de
façon détaillée toutes les entreprises françaises.
Cette connaissance sert l'accès au crédit de ces entreprises tout
en permettant aux établissements de crédit de bien
connaître leur risque, et permet aux pouvoirs publics d'avoir une
idée précise de la situation économique du pays.
Votre commission estime que ces missions doivent être poursuivies, mais
considère le présent article comme d'ordre réglementaire.
Décision de la commission : votre commission vous propose de
supprimer le présent article.
ARTICLE 7 ter (nouveau)
Réseau de
succursales
Commentaire : Ajouté à l'initiative de
l'Assemblée nationale, le présent article additionnel tend
à insérer un nouvel article 20-1 dans la loi du 4 août
1993, relatif aux succursales de la Banque de France.
Cet article additionnel dispose que les succursales de la Banque de France
participent à l'exercice des missions de la Banque.
Quatre missions sont notamment définies :
- l'entretien de la monnaie fiduciaire et l'exécution des
paiements scripturaux ;
- la connaissance du tissu économique local et la diffusion des
informations monétaires et financières ;
- la gestion et le suivi des dossiers de surendettement ;
- les relations avec des partenaires extérieurs.
Cet article est sans lien avec l'intégration de la Banque de France
dans le SEBC.
En outre, tel qu'il est rédigé, il introduit un risque de
rigidité quant à la définition des missions des
succursales de la Banque de France.
Enfin, cet article est d'ordre purement réglementaire, voire
relève de normes d'organisation internes de la Banque, notamment le
second alinéa de l'article 20-1 nouveau.
Votre commission est toutefois consciente de l'intérêt, au moins
symbolique, de la reconnaissance législative de l'existence des
succursales, toutes les banques centrales ne disposant pas
nécessairement d'un réseau étoffé. C'est pourquoi
elle a dans un premier temps réservé sa position sur le
présent article, même s'il est probable que la portée
normative d'une disposition de cette nature soit faible.
Décision de la commission : votre commission a
décidé de réserver sa position sur le présent
article.
ARTICLE 8
Adaptation des compétences
du Comité de la réglementation bancaire et
financière
Commentaire : Le présent article modifie le
8° de l'article 33 de la loi n° 84-46 du 24 janvier
1984 relative à l'activité et au contrôle des
établissements de crédit.
La loi du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au
contrôle des établissements de crédit a institué, en
son article 29, le Comité de la réglementation bancaire et
financière (CRBF).
Le CRBF fixe des prescriptions d'ordre général applicables aux
établissements de crédit.
L'article 33 de la loi du 24 janvier 1984 précise les domaines
soumis à la réglementation du CRBF.
Le comité de la réglementation bancaire et financière
établit la réglementation concernant notamment :
1° - Le montant du capital des établissements de
crédit et les conditions dans lesquelles des participations directes ou
indirectes peuvent être prises, étendues ou cédées
dans ces établissements ainsi que dans les établissements
financiers, tels que définis à l'article 71-1 de la loi du
24 janvier 1984, détenant directement ou indirectement un pouvoir de
contrôle effectif sur un ou plusieurs établissements de
crédit ;
2° - Les conditions d'implantation des réseaux ;
3° - Les conditions dans lesquelles ces établissements
peuvent prendre des participations ;
4° - Les conditions des opérations que peuvent effectuer
les établissements de crédit, en particulier dans leurs relations
avec la clientèle, ainsi que les conditions de la concurrence ;
5°- L'organisation des services communs ;
6° - Les normes de gestion que les établissements de
crédit doivent respecter en vue notamment de garantir leur
liquidité, leur solvabilité et l'équilibre de leur
structure financière ;
7° - Le plan comptable, les règles de consolidation des
comptes, ainsi que la publicité des documents comptables et des
informations destinées tant aux autorités compétentes
qu'au public ;
8° -
Sous réserve des compétences
conférées au Conseil de la politique monétaire de la
Banque de France par la loi n° 93-980 du 4 août 1993
relative au statut de la Banque de France et à l'activité et au
contrôle des établissements de crédit, les instruments et
les règles du crédit ;
9° - Les règles relatives à la protection des
déposants mentionnées à l'article 52-1 de la
loi du 24 janvier 1984;
10° - Les règles applicables à l'organisation
comptable, aux mécanismes de contrôle et de sécurité
dans le domaine informatique ainsi que les procédures de contrôle
interne.
En cas de manquement aux prescriptions édictées par le
comité de la réglementation bancaire pour l'application des
dispositions du 1° du présent article et sans préjudice
des dispositions de l'article 356-4 de la loi n° 66-537 du
24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, le Procureur
de la République, la commission bancaire ou le Comité des
établissements de crédit et des entreprises d'investissement ou
tout actionnaire peut demander au juge de suspendre jusqu'à
régularisation de la situation, l'exercice des droits de vote
attachés aux actions ou parts sociales d'établissements de
crédit ou d'établissements financiers détenues
irrégulièrement, directement ou indirectement.
Ainsi, le 8° de l'article 33 dispose que le CRBF établit la
réglementation concernant les instruments et les règles du
crédit, cette attribution s'exerçant sous réserve des
compétences du Conseil de la politique monétaire. Ces
compétences emportent notamment la fixation et le taux des
réserves obligatoires.
La modification du 8° de l'article 33 de la loi du
24 janvier 1984 est rendue nécessaire par le transfert de la
définition de la politique monétaire au SEBC, en vertu de
l'article 105-2 du Traité.
Désormais, l'activité du CRBF, concernant la
réglementation relative aux instruments et règles du
crédit, s'exercera sous réserve des missions confiées au
SEBC, le Conseil de la politique monétaire n'étant plus
compétent dans le domaine.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 9
Entrée en vigueur de la loi
Commentaire : Le présent article règle
les problèmes d'entrée en vigueur des dispositions du
présent projet de loi.
Le
premier alinéa
du présent article dispose que "les
dispositions de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier
1999 ou, si elle est différente, à la date à laquelle la
France participe à la monnaie unique".
La troisième phase de l'Union économique et monétaire
(UEM), à savoir l'entrée en vigueur de la monnaie unique
européenne, commencera au plus tard le 1er janvier 1999. Les monnaies
nationales des Etats participants à l'UEM ne seront plus que
"l'expression non décimale de l'euro".
D'après les informations recueillies par votre commission, les mots "ou,
si elle est différente, à la date à laquelle la France
participe à la monnaie unique" ont été ajoutés sur
avis du Conseil d'Etat, qui s'interrogeait sur les conséquences
juridiques d'une participation éventuellement ultérieure de la
France à la monnaie unique.
En effet, cette participation n'a rien d'automatique puisque la décision
relative à la liste des Etats participants à l'UEM ne sera
définitivement arrêtée par le Conseil européen que
le 2 mai 1998 à Bruxelles.
La France pourrait donc ne pas y figurer.
Du fait de nos performances économiques, tel ne sera très
certainement pas le cas. Or votre rapporteur rappelle que le traité
prévoit l'adoption de la monnaie unique au plus tard le 1er janvier 1999
pour les pays qui le souhaitent et qui sont qualifiés. C'est pourquoi,
votre commission vous proposera un
amendement
tendant à
supprimer
les mots en question.
Le
deuxième alinéa
du présent article entend
apporter à la règle précédemment posée une
double dérogation
:
- d'une part, les dispositions du troisième alinéa de
l'article 1er de la loi du 4 août 1993, dans sa
rédaction résultant du présent projet de loi, entreront en
vigueur "aux fins de la mise en place du système européen de
banques centrales", dès la date à laquelle la France participe
à la nomination des membres du directoire de la BCE : en effet, le
2 mai, le Conseil européen de Bruxelles devra également
choisir le président de la BCE et nommer les membres du directoire,
conformément à l'article 109 L-1 du Traité; le
SEBC et la BCE sont institués dès la nomination du directoire,
soit avant le basculement officiel à l'euro, qui aura lieu le
1er janvier 1999, le 30 juin 1998 constituant la date limite pour la
mise en place de la BCE : cette période, qui sépare
l'institution du SEBC de la participation de la France à la monnaie
unique, devra en effet être mise à profit par le SEBC pour prendre
des décisions préparatoires à son entrée en
fonction, le 1er janvier 1999 ;
- d'autre part, la règle applicable est la même pour les
dispositions du deuxième alinéa de l'article 7 du
présent projet de loi, relatives à l'audition du gouverneur et du
Conseil de la politique monétaire par les commissions des finances du
Parlement.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article ainsi amendé.
ARTICLE 10
Conventions entre l'Etat et la Banque
de France
Commentaire : Le présent article prévoit que
la loi n
o
93-944 du 23 juillet 1993 approuvant une convention
conclue entre le ministre de l'économie et le Gouverneur de la Banque de
France, et la convention ainsi approuvée, cessent d'avoir effet à
la date de publication au Journal officiel de la convention conclue en
application du troisième alinéa de l'article 2 de la loi du
4 août 1993 dans sa rédaction résultant du
présent projet de loi.
Le troisième alinéa de l'article 2 de la loi
n
o
93-980 du 4 août 1993 dispose notamment que "la
Banque de France détient et gère les réserves de change de
l'Etat en or et en devises. Ces réserves sont inscrites à l'actif
de son bilan. Les modalités d'application de ces dispositions font
l'objet d'une convention entre l'Etat et la Banque de France".
La convention conclue, sur ces fondements législatifs, entre le ministre
de l'économie et le Gouverneur de la Banque de France, a
été signée le 10 juin 1993. Elle a été
approuvée par la loi n
o
93-944 du 23 juillet 1993.
La convention du 10 juin 1993 a pour objectif majeur de préciser le
cadre comptable et financier dans lequel la Banque de France gérera un
élément d'actif appartenant à l'Etat.
La mise en oeuvre de ce nouveau cadre contractuel est aussi pour partie
justifiée par le principe fixé à l'article 3 de la loi du
4 août 1993, qui précise notamment que la Banque de France ne
peut plus désormais autoriser de découvert ou accorder tout autre
type de crédit au Trésor public.
La convention du 10 juin 1993 apportait
deux innovations majeures.
·
La définition d'un nouveau cadre comptable et
financier pour la gestion des réserves de change de l'Etat
La convention passait d'un système où l'Etat supportait dans ses
écritures le risque sur devises et, par dérogation introduite en
1975, dans les écritures de la Banque de France, le risque sur or,
à un système où l'ensemble des réserves de change
de l'Etat (or et devises) étaient gérées dans des postes
spécifiques du bilan de la Banque de France. Le compte de
résultat de la Banque de France continuait de n'être aucunement
affecté par les gains ou les pertes découlant des
opérations sur les réserves de change : la Banque
était simplement devenue gestionnaire d'un risque qui n'affectait pas
ses comptes.
·
L'apurement des concours accordés à
l'Etat
L'article 3 de la loi du 4 août 1993 dispose que la Banque de France
ne peut pas accorder de découvert ou de crédit à l'Etat,
ou à une autre personne publique, conformément à l'article
104 du Traité.
Votre Haute Assemblée avait adopté un amendement précisant
que les concours déjà accordés à l'Etat faisaient
l'objet, le cas échéant, de remboursements dans le cadre de
conventions entre la Banque de France et l'Etat.
Le présent article
tend à abroger la loi
n
o
93-944 du 23 juillet 1993 approuvant cette convention
et, de ce fait, la convention elle-même, à la date de la
publication au Journal officiel de la convention conclue en application du
troisième alinéa de l'article 2 de la loi du 4 août
1993 dans sa rédaction résultant de la présente loi.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 9 avril 1998, sous la
présidence de M. Christian Poncelet, président, puis de M.
Philippe Marini, vice-président, la commission a procédé
à l'examen du rapport de M. Alain Lambert, rapporteur
général, sur le projet de loi n° 383 (1997-1998)
modifiant le statut de la Banque de France en vue de sa participation au
système européen de banques centrales (SEBC).
M. Alain Lambert, rapporteur, a expliqué que, pour la
deuxième fois en cinq ans, le législateur était
amené à modifier les statuts de la banque centrale, afin de les
rendre compatibles avec les dispositions du Traité sur l'Union
européenne, signé à Maastricht le 7 février
1992.
Il a rappelé que la loi du 4 août 1993 avait accordé
son indépendance à la Banque de France, dont le Conseil de la
politique monétaire, créé à cette occasion,
définissait la politique monétaire française. Il a
précisé que cette indépendance ne valait que pour la
politique monétaire, la Banque de France exerçant d'autres
activités, soumises au contrôle du Gouvernement, et qu'il
s'agissait, à l'époque, de permettre à la France d'entrer
dans la deuxième phase de l'Union économique et monétaire
(UEM), qui a débuté le 1er janvier 1994 et qui se terminera
le 31 décembre 1998.
M. Alain Lambert, rapporteur, a noté que ces cinq années
avaient permis aux Etats membres de réaliser une forte convergence de
leurs économies, soulignée à la fois par le rapport de la
Commission européenne et par celui de l'Institut monétaire
européen (IME) publiés le 25 mars dernier.
Il a également rappelé que, si la convergence
s'appréciait à partir de critères économiques, elle
comportait également des exigences en termes juridiques, à savoir
la compatibilité des législations nationales avec le
traité et le système européen de banques centrales.
Il a évoqué le Conseil européen qui se réunira
à Bruxelles le 2 mai prochain et qui arrêtera la liste des
Etats participants à l'UEM, qui devraient être au nombre de onze
dont la France.
M. Alain Lambert, rapporteur, a précisé que la
préparation de la troisième phase commencerait dès cette
date, avec la mise en place des institutions monétaires
européennes, c'est-à-dire le système européen de
banques centrales (SEBC) réunissant les banques centrales nationales et
la Banque centrale européenne (BCE). A cette date interviendra
également la nomination des six membres du directoire de la BCE, qui
siégeront au Conseil des gouverneurs aux côtés des
gouverneurs des banques centrales nationales.
Mais, il a noté que les statuts actuels de la Banque de France ne
permettaient pas encore à son gouverneur de participer au Conseil des
gouverneurs de la Banque centrale européenne.
Il a indiqué que l'objet du présent projet de loi était
précisément d'apporter les modifications nécessaires au
statut de la Banque de France pour tenir compte de la mise en place du SEBC, et
assurer ainsi son intégration dans ce dernier, le législateur
ayant sur ce dossier, comme en 1993, une compétence en grande partie
liée puisqu'il s'agissait à nouveau de tirer les
conséquences du traité de Maastricht, approuvé par
référendum, et non de légiférer ex nihilo.
M. Alain Lambert, rapporteur, a ensuite présenté les
principales dispositions du projet de loi, après avoir rappelé
que le texte ayant un caractère technique évident, son examen
serait détourné de sa vocation s'il visait à remettre en
cause le choix qu'ont fait les Français il y a bientôt six ans.
M. Alain Lambert, rapporteur, a expliqué que les modifications
apportées à la loi du 4 août 1993 par le projet de loi
portaient essentiellement sur deux points :
en vertu de l'article premier, la définition de la politique
monétaire interne relèvera du SEBC, organe composé de la
BCE et des banques centrales nationales. Le Conseil des gouverneurs de la
Banque centrale européenne sera chargé de définir la
politique monétaire, dont l'objectif principal est la stabilité
des prix, et les banques centrales nationales seront compétentes pour en
assurer, en liaison avec le directoire de la BCE, la mise en oeuvre ;
l'article 2 prend acte de ce que la détermination du
régime de change et des orientations générales de la
politique de change relèveront du Conseil de l'Union européenne
pour ce qui concerne sa définition (article 109 du Traité)
et du SEBC pour sa mise en oeuvre (article 105).
Il a estimé que les autres dispositions du projet de loi en tiraient
les conséquences sur d'autres domaines : le Conseil
général ne sera plus en charge de la promotion du bon
fonctionnement des systèmes de paiement, qui constitue l'une des
missions fondamentales du SEBC. De même le Conseil de la politique
monétaire (CPM) ne pourra en aucun cas adresser de mandat au gouverneur
lorsque ce dernier prendra part au Conseil des gouverneurs de la BCE.
M. Alain Lambert, rapporteur, a ensuite exposé son point de vue
sur la réforme des missions du Conseil de la politique monétaire,
constatant qu'il ne serait plus compétent pour définir la
politique monétaire interne. Il a relevé que l'article 4 du
projet de loi lui assignait néanmoins deux missions importantes :
- l'examen des évolutions monétaires et l'analyse des
implications de la politique monétaire élaborée dans le
cadre du SEBC ;
- et la mise en oeuvre des instruments nationaux de la politique
monétaire dans le cadre des orientations et instructions de la Banque
centrale européenne.
Le CPM devrait donc étudier la politique monétaire
européenne et en tenir informés les agents économiques
nationaux ainsi que l'opinion publique française en
général. Sa tâche serait donc à la fois technique et
pédagogique.
M. Alain Lambert, rapporteur, a estimé qu'un accroissement de la
légitimité du CPM permettrait de renforcer son rôle et sa
crédibilité.
C'est pourquoi il a noté que l'examen du projet de loi constituait une
bonne occasion de modifier les modalités de désignation des
membres du CPM, le système actuel étant à la fois
complexe, de par la distinction qu'il opère entre proposition et
nomination, et opaque, en raison du mécanisme des listes de
présentation.
M. Alain Lambert, rapporteur, a donc proposé un dispositif
inspiré de la proposition de loi de MM. Philippe Marini, Hubert
Haenel et Roland du Luart, dont les principales dispositions sont les
suivantes :
- les neufs membres du CPM seraient désignés, par tiers,
par le Président de la République, par le Président du
Sénat et par le Président de l'Assemblée nationale, le
Président de la République nommant le gouverneur ;
- le mandat des membres du Conseil serait de neuf ans ; il ne serait
ni révocable ni renouvelable ;
- le Conseil se renouvellerait par tiers tous les trois ans.
Le CPM serait ainsi comparable, dans son mode de désignation, au
Conseil Constitutionnel et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Il a également estimé que le CPM, puisqu'il ne définirait
plus la politique monétaire interne, devrait voir son rôle
d'information considérablement accru : c'est pourquoi il a
proposé un amendement lui permettant d'être auditionné par
les commissions des finances du Parlement.
Enfin, M. Alain Lambert, rapporteur, a abordé un dernier point
relatif à la qualité rédactionnelle du projet de loi. Il a
rappelé que le Conseil d'Etat avait, il y a quelques années,
déploré la détérioration de la règle
juridique, en dénonçant l'absence de portée normative d'un
nombre croissant de dispositions, ce qu'il avait appelé le droit
"gazeux", ainsi que l'illisibilité de certaines règles.
Or, il a constaté que quelques dispositions du présent projet de
loi pouvaient appeler une telle critique, certains alinéas
procédant par référence à des articles du
Traité, sans en préciser l'objet, ce qui en rendait impossible la
lecture, et vaine l'affirmation selon laquelle "nul n'est censé ignorer
la loi".
M. Alain Lambert, rapporteur, a donc proposé que le Sénat
reste le gardien de la lisibilité des textes, et que chaque article de
ce projet de loi soit une disposition juridique accessible à chaque
citoyen français.
Enfin, dans le même souci de ne pas multiplier les normes inutiles, il a
proposé de supprimer certains articles additionnels introduits par
l'Assemblée nationale, qui ont pour objet de réaffirmer certaines
missions de la Banque de France sans que celles-ci ne soient remises en cause
par le présent projet de loi.
M. Paul Loridant est ensuite intervenu pour relever qu'à ses yeux,
la commission des finances avait changé d'avis sur la procédure
de nomination des membres du Conseil de la politique monétaire, car elle
s'était, en 1993, opposée à l'intervention du
Président de la République dans cette procédure.
En réponse, M. Alain Lambert, rapporteur, a
considéré qu'il fallait tenter de fixer des règles
indépendantes de la conjoncture politique.
Puis, la commission a procédé à l'examen des articles du
projet de loi.
La commission a adopté, sans modification, l'article premier, relatif
à l'intégration de la Banque de France au système
européen de banques centrales.
A l'article 2, relatif au transfert de la mise en oeuvre de la politique
de change au SEBC, la commission a adopté deux amendements
rédactionnels.
Puis, elle a adopté un article additionnel après
l'article 2, tendant à adapter l'article 4 de la loi du
4 août 1993 aux dispositions du Traité relatives à la
surveillance des systèmes de paiement.
A l'article 3, relatif à l'émission des billets de banque
sur le territoire français, la commission a adopté deux
amendements rédactionnels.
M. Paul Loridant a alors estimé que le sort du franc-CFA,
dispositif essentiel de la francophonie et de la présence
française en Afrique, resterait incertain une fois la monnaie unique
instituée.
La commission a ensuite adopté, sans modification, l'article 4
relatif à l'adaptation des compétences du Conseil de la politique
monétaire.
M. Alain Lambert, rapporteur, a ensuite présenté un
amendement cosigné par M. Philippe Marini insérant un
article additionnel après l'article 4, tendant à modifier
les modalités de désignation des membres du CPM, dans le sens
indiqué lors de la discussion générale.
Après un débat auquel ont pris part MM. René Ballayer,
Jean Clouet, Maurice Blin, Guy Cabanel, Paul Loridant et Philippe Marini, la
commission a adopté cet amendement.
Avant l'article 5, la commission a adopté un article additionnel
tendant à assurer la transition entre l'ancienne et la nouvelle
procédure de nomination des membres du CPM.
La commission a ensuite adopté, sans modification, les articles 5
relatif aux modalités des délibérations du Conseil de la
politique monétaire et 6 relatif à l'exercice d'activités
ne se rattachant pas directement aux missions du SEBC en matière de
politique monétaire.
Après un débat auquel ont participé MM. Guy Cabanel,
Paul Loridant, Denis Badré, Philippe Marini, président, et Alain
Lambert, rapporteur, la commission a supprimé les articles 6 bis et
6 ter, ajoutés par l'Assemblée nationale et relatifs aux
activités de la Banque de France autres que la politique
monétaire. Le rapporteur a considéré que cette
rédaction n'apportait rien au droit existant et qu'elle ne garantissait
pas le maintien des activités de la Banque si celles-ci devaient
être mises en cause. La commission a estimé
préférable, sur ce point, de demander des engagements au
Gouvernement.
Sur l'article 7 relatif au rapport au Président de la
République et aux relations avec le Parlement, la commission a
adopté deux amendements, l'un rédactionnel, l'autre créant
une procédure d'audition du CPM devant les commissions des finances des
deux assemblées, après les interventions de MM. Michel
Charasse et Philippe Marini, président.
La commission a ensuite supprimé l'article 7 bis,
ajouté par l'Assemblée nationale et relatif aux
études, analyses et statistiques de la Banque de France.
Après les interventions de MM. Michel Charasse, Philippe Marini,
président, Jean Clouet et Alain Lambert, rapporteur, soulignant
l'importance du réseau de succursales, la commission ne s'est pas
opposée au rappel du rôle des succursales mentionné
à l'article 7 ter mais a décidé de
réexaminer, lors de sa prochaine réunion, la rédaction de
cet article relatif aux missions du réseau de la Banque de France tel
qu'il avait été ajouté par l'Assemblée nationale.
La commission a ensuite adopté, sans modification, l'article 8
relatif à l'adaptation des compétences du comité de la
réglementation bancaire et financière.
A l'article 9, relatif à l'entrée en vigueur de la loi, la
commission a adopté un amendement tendant à exclure
l'éventualité, pour la France, de participer à la monnaie
unique à une date ultérieure à celle du 1er janvier 1999.
Enfin, la commission a adopté sans modification, l'article 10
relatif aux conventions entre l'Etat et la Banque de France.
La commission a enfin approuvé, à la majorité des membres
présents, l'ensemble du projet de loi modifiant le statut de la Banque
de France en vue de sa participation au système européen de
banques centrales.
1
Voir infra B.
2
Voir infra : C-1. b)
3
Voir supra B. 3. (encadré)
4
Des précisions relatives à cette convention sont
apportées dans le commentaire de l'article 10 du présent
projet de loi, ci-après.
5
Voir exposé général B - 2.