B. LES JURIDICTIONS INTERNATIONALES RECONNAISSENT LE PRINCIPE DU SECRET DE LA DÉFENSE NATIONALE
Les principales juridictions internationales : Cour européenne des droits de l'Homme, Cour de justice des Communautés européennes, Cour internationale de Justice, prévoient, dans leur statut, les hypothèses où elles seraient appelées à juger des affaires impliquant la mise en oeuvre, par un Etat partie à un litige, du secret défense. Chacune de ces juridictions reconnaît le droit, pour tout Etat, d'exercer une protection particulière pour certaines informations liées à sa sécurité et la possibilité de se voir opposer par ledit Etat la règle du secret, opposition dont la juridiction se bornerait alors à "prendre acte".
1. La Cour européenne des droits de l'homme
L'article 10 de la Convention européenne des droits de
l'homme du 4 novembre 1950 prévoit la possibilité de
restreindre la liberté de recevoir ou de communiquer des informations
"
qui constituent des mesures nécessaires, dans une
société démocratique, à la sécurité
nationale
(...)
pour empêcher la divulgation d'informations
confidentielles."
Dans sa jurisprudence, la Cour n'a jamais sanctionné ou contesté
la validité de tels dispositifs de protection, ni
considéré qu'ils constituaient une entrave à la
liberté de communication.
2. La Cour de justice des Communautés européennes
L'article 223 du Traité de Rome prévoit,
à ses deuxième et troisième alinéas, que :
"a) aucun Etat membre n'est tenu de fournir des renseignements dont il
estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa
sécurité".
Il laisse par ailleurs, dans ce contexte, toute latitude à chaque Etat
pour adopter, en la matière, le dispositif qu'il estime le plus
approprié :
"b) Tout Etat membre peut prendre les mesures qu'il estime
nécessaires à la protection des intérêts essentiels
de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au
commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre"
(...).
L'article 21 du statut de la CJCE tire les conséquences de l'article 223
du Traité en stipulant que "
La Cour peut demander aux parties de
produire tous documents et de fournir toutes informations qu'elle estime
désirables. En cas de refus, elle en prend acte."
Cela étant, compte tenu de la rareté de la jurisprudence de la
Cour en ce domaine, la Cour n'a pas eu l'occasion de développer une
théorie sur le secret défense ni sur la notion
"d'intérêts essentiels de sécurité
, qui
puisse donner une indication sur l'appréciation, large ou restrictive,
qu'elle porte sur ce thème.
3. La Cour internationale de Justice
L'article 49 du statut de la Cour internationale de justice
prévoit que
"La Cour peut, même avant tout débat,
demander aux agents de produire tout document et de fournir toutes
explications. En cas de refus, elle en prend acte."
La jurisprudence de la Cour a consisté à faire une stricte
application de ce principe, dans le cas de différends complexes entre
deux Etats ; affaire du détroit de Corfou entre la Grande-Bretagne et
l'Albanie (1949) ou, plus récemment, litige opposant les Etats-Unis au
Nicaragua (1986). Dans ces deux cas, la Cour se borna en effet à prendre
acte du refus qui lui était opposé de communiquer certains
documents.