Rapport n° 266 - Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération culturelle, scientifique et technique
Mme Paulette BRISEPIERRE, Sénateur
Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces arméesRapport n°266 - 1997-1998
Table des matières
- I. LE MODÈLE NAMIBIEN
- II. LA NAMIBIE : UN POINT D'ACCÈS PRIVILÉGIÉ POUR UNE PRÉSENCE FRANÇAISE RENFORCÉE EN AFRIQUE AUSTRALE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT 33 document transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N° 266
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 février 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération culturelle, scientifique et technique ,
Par Mme Paulette BRISEPIERRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre
Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Marcel
Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert
Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, André Gaspard,
Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry,
Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune,
Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry,
MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait,
André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
203
(1997-1998).
|
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
La géographie, comme l'histoire, paraît avoir placé la
Namibie aux marges des intérêts français en Afrique.
Ancienne colonie allemande, mise sous la tutelle de l'Afrique du Sud
après la première guerre mondiale, ce pays cerné de vastes
déserts et peuplé par moins de deux millions d'habitants,
mérite pourtant le plus grand intérêt. En effet, dernier
pays africain à avoir accédé à
l'indépendance le 21 mars 1990, la Namibie s'est dotée d'un
régime politique stable et démocratique, et
bénéficie en outre d'un fort potentiel de développement
dans une région entraînée par le dynamisme
économique de l'Afrique du Sud.
Par ailleurs, les autorités namibiennes ont cherché à
diversifier leurs relations au-delà de la sphère traditionnelle
germano-anglo-saxonne et souhaité en particulier développer les
liens avec la France.
Notre Haute Assemblée a su reconnaître très tôt ces
atouts et nouer, au plus haut niveau, une relation suivie avec la Namibie : M.
Sam Nujoma, Président de la Namibie, a été reçu par
le Président du Sénat en novembre 1993 et de nouveau en juin
1996. M. René Monory a par ailleurs effectué une visite
officielle en Namibie en août 1997.
Ces relations régulières et le concours apporté par la
France à plusieurs projets de développement appelaient la mise en
place d'un cadre institutionnel. L'accord sur la coopération culturelle,
scientifique et technique répond à ce besoin.
Avant d'analyser les principaux éléments de ce texte qui ne se
distingue d'ailleurs guère des accords de même nature
signés avec d'autres pays, votre rapporteur s'attachera à
présenter la situation politique et économique d'un pays trop
souvent méconnu et les raisons de poursuivre et d'intensifier une
coopération avec la Namibie.
I. LE MODÈLE NAMIBIEN
La Namibie connaît à la fois une véritable stabilité politique et des perspectives de développement prometteuses. A ce double titre la gestion de ce pays apparaît exemplaire.
A. LA STABILITÉ POLITIQUE
Indépendante depuis 1990 seulement, après un
siècle de colonisation, la Namibie a su conjurer les écueils de
la période postcoloniale que n'ont pas toujours su éviter nombre
d'autres pays africains. Ce résultat apparaît d'autant plus
remarquable que ce pays réunit plusieurs ethnies que l'administration
sud-africaine avait tenté de diviser : les Ovambo (49 % de la population
totale), les Kavango (9,19 %), les Herero (7,4 %), les Damara (7,4 %), les Nama
(7,4 %) et d'autres groupes d'importance numérique plus faible.
Si la stabilité politique repose sur la forte personnalité de M.
Sam Nujoma, premier Président de la Namibie indépendante,
réélu le 7 décembre 1994 pour cinq ans avec plus de 76 %
des suffrages, la présidentialisation indéniable du régime
ne s'est pas accompagnée d'une remise en cause des libertés
fondamentales. Au contraire, la politique conduite par les autorités
namibiennes s'inspire de la recherche d'un meilleur équilibre
démocratique.
1. Une volonté d'équilibre
Cette volonté d'équilibre apparaît d'abord
dans le domaine institutionnel. La constitution namibienne, fruit d'un
compromis entre le parti issu du principal mouvement de libération, la
South West Africa People's Organization (SWAPO) et les autres partis, a
été adoptée à l'unanimité par
l'Assemblée constituante le 9 février 1990. Elle institue un
système de contrepoids aux pouvoirs présidentiels : le parlement
bicaméral peut désavouer le Chef d'Etat à la
majorité des deux tiers. Par ailleurs la justice bénéficie
de l'indépendance nécessaire. De même la liberté de
la presse tranche avec les pratiques trop souvent observée par les Etats
voisins. Les critiques sur la situation des droits de l'homme dans les camps de
la SWAPO durant les années de lutte pour l'indépendance ont ainsi
pu s'exprimer librement au début de l'année 1996.
Le souci d'équilibre se manifeste également à travers le
respect des ethnies minoritaires : la deuxième Chambre, le Conseil
national, représente les treize régions et permet ainsi de
limiter l'influence de l'ethnie majoritaire des Ovambo concentrée au
nord du pays et soutien traditionnel de la SWAPO.
Enfin, la recherche de l'équilibre guide aussi la politique menée
à l'égard de la minorité blanche. La volonté de
réconciliation nationale a conduit à exclure toute
épuration dans la fonction publique et à procéder
plutôt à une "discrimination positive" prudente et progressive
destinée à rééquilibrer la composition de
l'administration à la faveur du recrutement de nouveaux fonctionnaires.
De même, le gouvernement, respectueux du principe constitutionnel de
propriété et désireux de ne pas déstabiliser une
agriculture dominée par les grands propriétaires blancs, a pour
le moment, différé la réforme agraire initialement
projetée.
Cette prudence et ce pragmatisme favorisent à coup sûr une
stabilité dont les principaux fondements reposent cependant sur la
personnalité du Président Nujoma et une vie politique
marquée par la prépondérance de la SWAPO.
Principal artisan de l'indépendance de son pays, M. Nujoma peut se
pévaloir de l'autorité que lui confère le rôle qu'il
a joué comme père de la Nation et de l'appui d'une large fraction
de l'opinion publique. Le deuxième Congrès de la SWAPO en juin
1997, lui a permis de briguer un troisième mandat jusqu'en 1999.
L'incontestable présidentialisation du régime n'a pas remis en
cause l'orientation démocratique de la Namibie et apparaît pour
l'heure comme un gage de stabilité. Elle a repoussé à des
échéances plus lointaines, sans le trancher, le débat sur
la succession de M. Nujoma.
Trois personnalités se distinguent jusqu'à présent : M.
Geingob, Premier ministre depuis 1990, M. Gurirab, ministre des affaires
étrangères, et enfin M. Pohamba. Si les deux premiers incarnent
l'aile libérale de la SWAPO mais souffrent du handicap d'appartenir
à l'ethnie minoritaire des Damara, le dernier, apprécié
par les militants, reste marqué par son passé de
révolutionnaire.
Aujourd'hui le Président Nujoma peut s'appuyer sur un parti dont
l'hégémonie s'est confirmée au fil des scrutins
caractérisés par une importante participation : élections
législatives de 1990, scrutins régionaux et municipaux de
décembre 1992 -où la SWAPO l'a emporté dans 9
régions sur 13 et 71 districts sur 94-, élections
législatives de 1994 au cours desquelles le mouvement a remporté
53 sièges sur 72, disposant ainsi de la majorité des deux tiers
à l'assemblée nationale.
Face à la SWAPO, la DTA (Democratic Trunhall Alliance) constitue le seul
mouvement d'opposition de quelque poids. Cette coalition entre une
majorité de blancs, anciens alliés du pouvoir à Pretoria,
et des nationalistes opposés à la SWAPO, met en présence
des intérêts hétérogènes : aux
élections de 1994, elle n'a pu gagner que 15 sièges sur 72.
La SWAPO a su pour sa part élargir sa base électorale
au-delà de la seule ethnie des Ovambo. En particulier, elle a
tiré parti du brassage des populations lié à une
urbanisation rapide -plus de la moitié de la population habite dans des
villes et 30 % dans la seule capitale, Windhoek.
2. Un environnement régional pacifié
Le pragmatisme et le souci d'équilibre dont la vie
politique intérieure de la Namibie offre l'exemple, inspirent
également la diplomatie de ce pays. Les relations extérieures
s'inscrivent principalement dans un cadre régional et répondent
à la priorité assignée par les autorités de
Windhoek au développement économique.
Membre de la Communauté de développement de l'Afrique Australe
-Southern African Development Community (SADC)- la Namibie a cherché
à tirer parti de la dynamique d'intégration économique
régionale. Dans cette perspective, elle s'est efforcée de tisser
des relations harmonieuses avec ses voisins.
Les rapports noués avec l'Afrique du Sud, principal interlocuteur de la
Namibie, ne présentent plus de contentieux majeur depuis la
réintégration, le 1er mars 1994, de l'enclave de Walvis Bay,
négociée sous les auspices de l'ONU avec les autorités de
transition de Pretoria. En août 1994, le Président Mandela a
effectué sa seconde visite officielle à l'étranger
-après le Mozambique- à Windhoek.
A la suite de cette visite, le gouvernement sud-africain a annulé la
dette, estimée à 2,8 milliards de dollars, due par la Namibie.
Par ailleurs la Namibie a établi des contacts réguliers avec
l'Angola et la Zambie, pays avec lequel un accord de coopération
policière et douanière a été signé pour
résoudre en particulier le conflit relatif à la limite
septentrionale de la bande de Caprivi. Enfin, après des incidents
frontière répétés entre la Namibie et le Botswana
en 1992, les deux pays ont décidé en 1995 de soumettre leur
différend à la Cour internationale de justice.
Au-delà du cercle régional, la Namibie a recherché le
soutien des bailleurs de fonds au premier rang desquels figurent la
Suède et l'Allemagne. Elle souhaite également susciter
l'intérêt des industriels et peut se prévaloir à ce
titre de résultats économiques encourageants, même si de
nombreuses difficultés restent encore à surmonter.
B. DES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES ENCOURAGEANTES
1. Un potentiel important
La Namibie présente, sous l'angle économique,
plusieurs atouts. Sous son apparence austère, le désert de
Namibie, mais plus encore les fonds sous-marins qui le bordent recèlent
d'importants gisements de diamants mêlés aux alluvions
apportées par les fleuves venus de l'intérieur.
Le secteur minier contribue ainsi pour 17 % à la formation du produit
intérieur brut et représente près de 60 % des exportations
namibiennes, les diamants à eux seuls constituant près de 30 %
des ventes de ce pays à l'étranger.
Par ailleurs le secteur de l'élevage fondé sur de vastes
exploitations, dégage un surplus (notamment pour la viande de boeuf)
destiné à l'exportation.
Quant aux ressources halieutiques potentiellement importantes en raison du
courant froid du Benguela, elles ont souffert d'une exploitation
désordonnée et excessive. Le gouvernement namibien s'efforce
aujourd'hui, par une politique de contrôle des pêches, de restaurer
cette richesse.
Ces ressources seules ne suffiraient peut-être pas à susciter
l'intérêt des investisseurs étrangers, sans l'atout majeur
que représente l'appartenance de la Namibie à un ensemble
régional, l'Afrique australe, fort de 140 millions d'habitants et
appelé à connaître une croissance importante dans la
perspective de la création, décidée en août 1996,
d'une zone de libre échange dans un délai de 10 ans sous les
auspices de la SADC.
La Namibie peut faire valoir un remarquable réseau de transports et de
communications. Le développement du port de Walvis Bay restitué
définitivement par l'Afrique du Sud en 1996, bénéficiera
de l'achèvement des axes routiers transcaprivi et transkalahari d'ici
1998, et de la modernisation du réseau ferroviaire.
Parallèlement le gouvernement conduit une politique d'encouragement des
investissements. Il cherche ainsi à mettre en oeuvre un régime
fiscal compétitif. D'ores et déjà une loi d'avril 1995 a
autorisé la création de zones franches de réexportation
dont la première se trouve à Walvis Bay.
Enfin, la Namibie s'enorgueillit d'un système financier moderne : la
bourse (le Namibian stock exchange) figure ainsi au deuxième rang des
places financières d'Afrique subsaharienne en terme de capitalisation.
Ces atouts ne produiront toutefois leur plein effet que lorsque la Namibie aura
surmonté les handicaps d'une économie encore dépendante et
fragilisée par de graves inégalités sociales.
2. Une économie vulnérable
Après une croissance de 6,5 % en 1994, le PNB namibien
a progressé de 3 % en 1996. Cette évolution
irrégulière traduit la dépendance étroite de la
Namibie à l'égard des résultats aléatoires d'un
nombre limité de produits et de la conjoncture économique du
puissant voisin sud-africain.
La croissance namibienne dépend tout d'abord des performances de trois
secteurs clefs : la pêche, l'exploitation minière et
l'élevage. Or, la reconstitution des ressources halieutiques suppose une
limitation des droits de pêche, l'épuisement de certains gisements
et les fluctuations des cours mondiaux ont affecté la production
minière, enfin une sécheresse prolongée a pesé sur
le secteur agricole.
Par ailleurs, la Namibie dépend très étroitement de
l'Afrique du Sud qui absorbe 87 % de ses exportations et fournit 25 % de ses
importations. Les fluctuations du rand affectent directement la Namibie qui
appartient tout à la fois à l'Union douanière de l'Afrique
australe (SACU) et à la zone rand. En particulier, la hausse des taux
d'intérêt suscitée par les mouvements de faiblesse de la
devise sud-africaine pèse sur les conditions d'investissements en
Namibie.
Toutefois le principal défi que la Namibie se devra de relever dans les
prochaines années demeure la réduction des
inégalités sociales.
Certes, avec un PIB de 1 600 $ par habitant, la Namibie se classe au
quatrième rang des pays africains et entre dans la catégorie des
pays à revenu intermédiaire selon le classement des organisations
internationales. Cependant, ces données masquent de nombreuses
disparités entre couches sociales mais aussi entre régions : 20 %
des Namibiens consomment 70 % de la richesse nationale tandis que 4 200
fermiers possédent 44 % des terres, soit autant que 130 000 familles
noires du Nord.
Le Nord en effet, qui regroupe pourtant 70 % de la population, a
été laissé à l'écart de la modernisation par
le colonisateur sud-africain. Le sous-développement de la région
a été accentué dans le passé par les affrontements
qui y ont opposé la SWAPO et l'armée sud-africaine et les
désordres entraînés aux frontières au moment de la
crise angolaise.
Favoriser une redistribution de la richesse tout en préservant un cadre
économique libéral et en évitant le départ de la
population blanche qui constitue l'un des éléments moteurs de
l'économie namibienne apparaît pour la Namibie comme l'une des
clefs de la réussite. L'objectif suppose une croissance
économique régulière et forte. Il s'agit cependant
aujourd'hui d'une gageure au moment où la Namibie connaît l'un des
taux de croissance démographique les plus forts de l'Afrique (+ 3,1 %
par an contre 2,9 %). Le pays compte aujourd'hui plus de 30 % des
chômeurs et la croissance économique apparaît encore
insuffisante pour satisfaire les aspirations de la population.
*
* *
II. LA NAMIBIE : UN POINT D'ACCÈS PRIVILÉGIÉ POUR UNE PRÉSENCE FRANÇAISE RENFORCÉE EN AFRIQUE AUSTRALE
A. UNE COOPÉRATION APPELÉE À SE DÉVELOPPER
Si la France a su nouer avec la Namibie des relations politiques très confiantes, les liens économiques demeurent encore faibles. Ils pourraient toutefois se développer à la faveur d'une coopération à même de répondre aux besoins de notre partenaire.
1. Une relation économique qui n'est pas à la mesure des liens politiques
La France bénéficie d'une image très
positive en Namibie qui n'est pas due seulement à la francophonie
reconnue du Président Nujoma. En effet, notre pays a apporté un
soutien constant au processus d'indépendance de la Namibie ; membre du
"groupe de contact" sur la Namibie à l'ONU, la France a participé
à la rédaction de la résolution 435 du Conseil de
sécurité, qui a fixé le cadre de l'indépendance de
la Namibie.
En outre, la France a appuyé la position de la SWAPO en refusant de lier
la question de l'indépendance de la Namibie au retrait des forces
cubaines d'Angola en 1983. Par ailleurs, le mouvement de libération a
disposé d'un bureau d'information à Paris de 1981 à 1990.
La France a ouvert une ambassade à Windhoek dès la proclamation
de l'indépendance en mars 1990. Une ambassade de Namibie a
été ouverte à Paris. Compte tenu des moyens
nécessairement limités du réseau diplomatique namibien,
cette initiative traduit une volonté politique d'élargir les
relations au-delà de la sphère traditionnelle
germano-anglo-saxonne.
Depuis lors, des contacts réguliers et fréquents (trois
déplacements effectués par le ministre de la coopération
dans ce pays depuis 1992, la visite du Président Nujoma en France en
novembre 1993 et en juin 1996) ont permis de préserver et d'approfondir
des relations bilatérales confiantes.
La qualité de ces relations a, du reste, reçu une confirmation
notable au moment de la reprise des essais nucléaires français
quand la Namibie a refusé de s'associer à la condamnation de
notre pays par les Nations unies malgré les positions affichées
par la plupart des bailleurs de fonds de la Namibie. En Afrique australe,
Windhoek et Luanda ont été les seules capitales à
préférer ainsi l'abstention à la condamnation.
Au regard de la densité des liens économiques, les
échanges économiques entre nos deux pays demeurent modestes et ne
dépassent pas 100 à 150 millions de francs. Nos exportations
portent sur les produits industriels et agroalimentaires (principalement le
blé) et les importations sur la viande bovine et les produits de la
pêche. La balance commerciale se solde par un excédent en notre
faveur. Quant aux investissements, la présence française
apparaît très en retrait par rapport à l'Afrique du Sud (80
% des investissements étrangers en Namibie) et à l'Allemagne (7
%), avec un stock de 100 millions de francs, soit 1 % des investissements
étrangers.
Le développement économique de la Namibie ouvre pourtant des
perspectives intéressantes pour nos industriels. D'ores et
déjà l'expertise française sur le port de Walvis Bay
(financée par le ministère de la coopération) et sur
l'aéroport de Roikop près de ce port, pourrait déboucher
sur des contrats importants. La recherche pétrolière mais aussi
les transports ferroviaires, les télécommunications et
l'approvisionnement en eau potable (projet d'une usine de dessalement dont le
coût est évalué à 150 millions de francs)
représentent des marchés importants. Il convient également
de mentionner des projets de partenariat dans les secteurs de la pêche,
de l'industrie du ciment et dans celui du développement des
infrastructures touristiques. Par ailleurs, les autorités namibiennes
ont manifesté leur intérêt dans le domaine
aéronautique, pour l'achat d'un ou de deux ATF, voire d'Airbus (A320 ou
A340) pour Air Namibie et dans le secteur de l'armement pour des
matériels destinés à l'armée de terre.
En novembre 1997, la France a emporté un premier contrat d'importance
avec l'attribution à la CEGELEC, associée au groupe ABB d'un
marché de 440 millions de francs pour la construction d'une ligne de 400
Kv permettant l'interconnexion entre la Namibie et l'Afrique du Sud.
Le gouvernement français a mis en place progressivement les instruments
de soutien à nos entreprises, même s'il convient sans doute encore
de les améliorer. Certes, la Caisse française de
développement est autorisée à intervenir en Namibie depuis
1990. D'une part, cependant, il lui a fallu attendre l'année 1996 pour
accorder un premier prêt de 23,2 millions de francs destiné
à financer un projet d'approvisionnement en eau de Windhoek. En effet,
la Namibie s'était montrée jusque là réticente
à s'endetter en devises étrangères du fait de son
appartenance à la zone rand, monnaie dont elle ne contrôle pas
l'évolution. D'autre part, les offres de la CFD paraissent moins
avantageuses que celles de l'Allemagne ou de l'Espagne -deux bailleurs de fonds
qui accordent à titre bilatéral le traitement plus favorable
réservé aux pays les moins avancés (PMA).
Les règles de la CFD ne peuvent varier quant à elles d'un pays
à l'autre. Cependant, la PROCARCO, filiale de la CFD,
spécialisée dans les projets du secteur privé, a
signé en janvier 1996 un accord avec la Namibian Commercial Bank pour le
développement des PME, pour un montant de 15 millions de francs. De
même, plusieurs projets dans les secteurs agroalimentaire, pêche et
tourisme, sont par ailleurs à l'étude.
En outre, s'agissant de l'assurance crédit, la COFACE est
autorisée à garantir les transactions dans la limite d'un plafond
de 90 millions de francs, le court terme restant libre. Toutefois, ce plafond
n'a pas encore été entièrement utilisé en raison de
la modestie de la présence française en Namibie.
Enfin un accord fiscal, signé à Windhoek le 29 mai 1996 et
présenté au Sénat au même moment que le
présent accord, permettra d'éviter les doubles impositions. Il
devrait ouvrir la voie à la négociation d'un accord
bilatéral de protection des investissements.
La présence économique française bénéficiera
certainement du développement de notre politique de coopération
avec la Namibie. L'aide française ne devrait pas seulement en effet
conforter la qualité des relations bilatérales, elle permettra de
financer de nouveaux marchés et de créer de nouveaux besoins dont
nos entreprises pourront tirer parti.
2. Une coopération prometteuse
Après avoir surtout cherché à satisfaire
les besoins urgents de la Namibie au lendemain de l'indépendance
(construction d'un hôpital, adduction d'eau, création d'une
brigade aérienne de surveillance de pêches), la coopération
française privilégie désormais trois axes d'intervention :
la satisfaction des besoins essentiels des populations
défavorisées du Nord (santé, hydraulique), la
participation au développement économique et institutionnel et
enfin, l'aide à la formation des ressources humaines (cadres de la
fonction publique, ingénieurs, personnels de l'aviation civile...). Ces
orientations correspondent également aux priorités que s'est
assigné le gouvernement namibien dans le cadre du premier plan de
développement national.
Au titre du développement rural par exemple, il convient de mentionner
le soutien à la vulgarisation et à l'élevage en zones
communales pour lequel deux projets de quatre millions de francs chacun seront
soumis au comité directeur du Fonds d'aide et de coopération
(FAC) au cours de cette année.
L'action culturelle reste une dimension essentielle de notre
coopération. Un centre culturel franco-namibien fonctionne à
Windhoek depuis 1991 et assure l'enseignement du français à plus
de deux cents auditeurs chaque année. Par ailleurs, douze enseignants du
secondaire ont suivi un stage intensif en français à
Besançon et enseignent désormais notre langue à 500
élèves. Un cursus de formation des enseignants de français
pourrait se concrétiser à l'université de Namibie. Parmi
les projets envisagés dans ce domaine figurent la construction d'un
nouveau centre culturel franco-namibien et la recherche d'une
contractualisation plus réelle des programmes de formation d'enseignants
et de cadres.
En tout état de cause, la promotion du français rencontre un
écho certain dans un pays soucieux de s'ouvrir sur l'extérieur et
en particulier sur l'Afrique francophone.
Notre coopération mobilise actuellement 15 assistants techniques
(7 pour le développement rural, 4 pour l'enseignement et la
culture, 1 pour l'audiovisuel, 2 pour la santé, 1 pour la
sécurité) et 10 millions de francs aux titres IV et VI du budget
du ministère des affaires étrangères en 1997.
Aujourd'hui, le développement de la coopération appelle et
justifie un cadre juridique sous la forme de l'accord de coopération
signé à Windhoek le 22 mars 1995.
B. L'ACCORD DE COOPÉRATION : UN CADRE JURIDIQUE DEVENU NÉCESSAIRE
L'accord de coopération fixe d'une part les objectifs de la coopération et détermine d'autre part les droits et obligations des deux parties.
1. Une coopération envisagée sous un angle très large
La coopération concerne un
vaste champ
d'activité
: le développement économique et social, la
technique, l'éducation, l'administration publique, la culture et la
recherche (art 1er).
Elle prévoit dans cette perspective trois types d'intervention (art. 3) :
- l'aide à la réalisation de programmes et de projets communs,
- la mise à disposition d'experts recrutés par la France pour
accomplir une mission de coopération culturelle, scientifique ou
technique en Namibie ;
- la fourniture des matériels liés à la mise en oeuvre
d'un programme de coopération.
La coopération correspond aux principes fondamentaux de notre politique
d'aide, aujourd'hui, en Afrique. En particulier les coopérants
français se voient assigner des objectifs précis -dans le cadre
de la "lettre de mission" établie par la France et la Namibie qui leur
est adressée- pour une période limitée. En outre
l'objectif principal reste la "formation professionnelle des personnels
namibiens" destinés à prendre à un moment donné la
relève des assistants techniques français et non cette
"coopération de substitution" aux personnels africains -longtemps
pratiquée par la France en Afrique.
Une commission mixte composée de représentants de chacune des
parties détermine les grandes orientations et les modalités
pratiques de la coopération. Elle se réunit une fois tous les
trois ans alternativement en France et en Namibie (art. 16).
2. Les droits et obligations des parties
L'accord pose les obligations qui incombent aux deux
gouvernements.
Ainsi le gouvernement français doit prendre en charge deux types de
dépenses : d'une part la rémunération des experts mis
à disposition y compris l'indemnité de logement qui leur est
allouée ; d'autre part, les frais financiers liés à
l'achat et au transport des matériels et fournitures associés aux
projets de coopération (art. 4).
En contrepartie la Namibie prend trois types d'engagement : une prise en charge
évidemment modeste de certains frais liés à l'action de
coopération, l'exonération de droits fiscaux, et enfin
l'exemption de certaines obligations et procédures.
En premier lieu, la Namibie procure le personnel de soutien, les espaces de
bureaux, le téléphone et les autres installations de base. En
second lieu, elle confère aux personnels techniques français la
même couverture sociale qu'aux fonctionnaires namibiens de même
niveau (art. 5). Par ailleurs, lors des déplacements de l'expert
liés à l'accomplissement de sa mission, la Namibie "s'efforce"
-il faut sans doute entendre : dans la mesure de ses moyens- de prendre en
charge les frais de transport et l'indemnité spéciale qui peut
revenir, dans ces circonstances, à l'expert.
Cependant les principales obligations qui incombent à la Namibie
revêtent un coût indirect :
- l'exemption des impôts sur les revenus versés aux experts par le
gouvernement français (art. 7) ;
- l'exonération des droits et taxes à l'importation pour
l'ensemble des équipements du coopérant dans un délai de
six mois suivant son arrivée (y compris un véhicule si la mission
dépasse une durée de six mois
1(
*
)
)
ainsi que pour l'exportation ou l'importation des équipements
destinés à remplacer les équipements perdus et hors
d'usage ; cependant la franchise ne vaut que si l'équipement n'est pas
revendu dans les vingt-quatre mois qui suivent l'arrivée du
coopérant, à moins que cette vente ne soit liée à
un départ définitif (art. 10) ;
- l'exonération des droits de douane, des taxes et de tout autre droit,
les biens ou services importés ou achetés sur place par la France
pour mettre en oeuvre la politique de coopération en Namibie (art. 11).
Enfin la Namibie dispense les coopérants français de certaines
obligations -comme les obligations militaires- ou de certaines
formalités : ainsi en matière de change ou de transfert de
devises, les experts bénéficient des mêmes facilités
que les membres des personnels administratifs et techniques des missions
diplomatiques (art. 8).
Par ailleurs, les coopérants sont tenus au devoir de discrétion
professionnelle et, au delà, à une obligation de réserve
vis-à-vis de la France et de la Namibie (art. 9). En cas de faute
professionnelle, la Namibie peut demander, sur un rapport motivé, qu'un
expert soit remis à la disposition de la partie française (art.
6). De façon générale, la France comme la Namibie peuvent
mettre fin à tout moment à la mission d'un expert en principe
avec un préavis d'un mois (art. 15).
La convention est conclue pour une période de cinq ans renouvelable par
tacite reconduction pour de nouvelles périodes de deux ans (art. 18).
CONCLUSION
Un Etat de droit, une politique pragmatique et prudente : la
Namibie a su incontestablement réussir sa transition
démocratique. A ce titre, l'expérience namibienne présente
une valeur exemplaire pour le continent ; elle a d'ailleurs sans doute
inspiré, dans une certaine mesure, les autorités sud-africaines
actuelles.
Ce pays, même s'il lui reste à surmonter une situation sociale
délicate, dispose d'un réel potentiel de développement
dans la perspective de l'intégration économique régionale.
Or ce pays, que son histoire comme son environnement portent plutôt vers
la sphère germano-anglo-saxonne s'est montré très
attaché à l'amitié de la France. Il y a donc là un
atout pour notre pays au moment même où il cherche à
diversifier ses champs d'intérêt sur le continent, mais aussi pour
nos entreprises qui ne peuvent rester indifférentes au dynamisme
économique de cette partie de l'Afrique.
Le développement de notre coopération permettra de conforter
l'image positive dont bénéficie la France en Namibie. C'est
pourquoi votre rapporteur vous invite à donner un avis favorable au
présent projet de loi.
*
* *
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des Affaires étrangères, de la
Défense et des Forces armées a examiné le présent
rapport lors de sa réunion du mercredi 4 février 1998.
A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Guy Penne, après avoir
rappelé les grandes étapes de l'histoire coloniale de la Namibie,
a observé que l'influence de l'Allemagne restait encore très
forte dans ce pays. Il a souligné que la stabilité de la Namibie
représentait un facteur d'équilibre, dans un environnement
régional marqué par de nombreuses incertitudes. Il a enfin
observé que si la France bénéficiait d'une image favorable
en Namibie, il convenait de renforcer notre présence dans cette partie
du monde. Mme Paulette Brisepierre
a précisé que la
Namibie avait été occupée en juillet 1915 par l'Afrique du
Sud, puis confiée en 1920 à ce dernier pays, sous la forme d'un
mandat accordé par la Société des Nations ; ce mandat
avait été retiré à l'Afrique du Sud en 1966. Elle a
souligné la remarquable intégration de la population namibienne,
malgré la diversité de ses origines. Elle a insisté sur le
potentiel considérable que représentait le développement
du tourisme en Namibie.
M. Jacques Habert, après avoir souligné l'importance du taux de
natalité namibien, a observé que la minorité blanche et la
majorité noire vivaient en bonne intelligence. Il a regretté, par
ailleurs, l'absence d'une école française à Windhoek.
Mme Paulette Brisepierre
a noté que nous comptions une
centaine d'immatriculés en Namibie ; elle a précisé que,
si les germanophones représentaient un cercle plus large de 50.000
personnes, les Allemands constituaient, à eux seuls, une
communauté d'environ 20.000 personnes.
M. Xavier de Villepin, président, a interrogé le rapporteur sur
les langues parlées en Namibie. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur,
lui a précisé que l'anglais s'était imposé dans
l'administration, même si l'Afrikaans constituait la langue
utilisée par 80 % de la population.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Namibie sur la coopération culturelle, scientifique et technique, signé à Windhoek le 22 mars 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi 2( * ) .
ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT 3(
*
)
1 - Etat du droit
La coopération française à l'égard de la Namibie
est active depuis de ce pays en 1990 mais elle n'était pas
encadrée par un accord international jusqu'à ce jour.
L'accord de coopération, classique dans son contenu, précise les
statuts des personnels mis à disposition par la France et les
règlements s'appliquant aux matériels et fournitures
associés à l'assistance technique prévue par un programme
ou un projet de coopération.
2. Bénéfices escomptés
En termes d'emploi
: impossible à quantifier.
Intérêt général
: renforcement de la
présence française en Namibie, développement de
l'influence culturelle française, retombées pour des projets
industriels et commerciaux français.
En matière financière
: impossible à quantifier.
En matière de simplification des formalités administratives
: sans objet.
En matière de complexité de l'ordonnancement juridique
:
sans objet.
1
L'importation d'un véhicule en
franchise de droits peut être renouvelée tous les quatre ans.
2
Voir le texte annexé au document Sénat n° 203
(1997-1998)
3
document transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.