RAPPORT N° 264 - PROJET DE LOI ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE PORTANT HABILITATION DU GOUVERNEMENT A PRENDRE PAR ORDONNANCES, LES MESURES LEGISLATIVES NECESSAIRES A L'ACTUALISATION ET A L'ADAPTATION DU DROIT APPLICABLE OUTRE-MER
M. Jean-Marie GIRAULT
Commission des Lois constitutionnelles, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale - Rapport n° 264 - 1997-1998
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
- EXPOSÉ GÉNÉRAL
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
Article premier
Champ de l'habilitation
et consultation des assemblées locales -
Article 2
Délais d'adoption des ordonnances et de dépôt
des projets de loi de ratification -
Article 3
Remise en vigueur du régime transitoire applicable
à l'Université française du Pacifique -
Article additionnel après l'article 3
Validation des actes relatifs à l'Université française du Pacifique -
Article 4
Validation des concessions d'endigage du port autonome de Nouméa
-
Article premier
N° 264
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 4 février 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant habilitation du Gouvernement à prendre, par ordonnances , les mesures législatives nécessaires à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable outre-mer ,
Par M. Jean-Marie GIRAULT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
428
,
590
et T.A.
54.
Sénat
:
196
(1997-1998).
|
Départements et territoires d'outre mer. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le 4 février 1998 sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, et de M.
René-Georges Laurin, vice-président, la commission des Lois a
examiné en première lecture, sur le rapport de M. Jean-Marie
Girault, le projet de loi portant habilitation du Gouvernement à
prendre, par ordonnances, les mesures législatives nécessaires
à l'actualisation et à l'adaptation du droit applicable
outre-mer, adopté par l'Assemblée nationale le 18 décembre
1997.
Après avoir rappelé que les départements d'outre-mer et la
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon d'une part, et les
territoires d'outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte
d'autre part, obéissaient à des régimes juridiques
distincts, les premiers étant régis par le principe dit de
" l'assimilation législative " et les seconds par celui dit
de
" la spécialité législative ", M. Jean-Marie
Girault a indiqué que si le recours à la procédure des
ordonnances avait par le passé été fréquemment
utilisé pour moderniser le droit applicable outre-mer, le présent
projet de loi se caractérisait par l'ampleur du champ de l'habilitation
demandée par le Gouvernement et la grande diversité des domaines
juridiques concernés.
A la suite de la présentation par son rapporteur de l'économie du
projet de loi d'habilitation, la commission a adopté deux amendements :
- le premier, tendant à insérer un article additionnel
après l'article 3 pour valider les actes relatifs à
l'Université française du Pacifique et remédier au vide
juridique résultant de la caducité, depuis le 9 octobre 1997, du
régime transitoire instauré par l'article 14 de la loi du 5
juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer ;
- le second, proposant une réécriture de l'article 4 introduit
dans le projet de loi par l'Assemblée nationale et portant validation
à la fois des concessions d'endigage autorisées par le territoire
de la Nouvelle-Calédonie sur le domaine public maritime situé
dans le périmètre du port autonome de Nouméa et des actes
pris sur leur fondement, pour réserver le cas des décisions
juridictionnelles devenues définitives.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 18
décembre 1997, le projet de loi d'habilitation aujourd'hui soumis
à votre examen est destiné à permettre au Gouvernement de
prendre par ordonnance, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, un
vaste ensemble de mesures législatives concernant des domaines
juridiques très divers, mesures "
nécessaires
",
selon l'intitulé du projet de loi, "
à l'actualisation et
à l'adaptation du droit applicable outre-mer
".
Les mesures envisagées concerneront aussi bien les départements
d'outre-mer que les territoires d'outre-mer et les deux collectivités
territoriales à statut particulier de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon, qui obéissent à
des régimes
juridiques distincts
.
Rappelons brièvement que
les départements d'outre-mer et la
collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon
1(
*
)
sont soumis au principe dit de
"
l'assimilation législative
" : les lois
métropolitaines s'y appliquent de plein droit, l'article 73 de la
Constitution prévoyant seulement que "
le régime
législatif et l'organisation administrative des départements
d'outre-mer peuvent faire l'objet de mesures d'adaptation
nécessitées par leur situation particulière
".
Précisons cependant qu'en dehors de ces mesures d'adaptation
liées à la spécificité de leur situation,
l'adoption de dispositions expresses d'extension est parfois requise concernant
les textes antérieurs à 1946, dès lors qu'avant la loi de
départementalisation du 19 mars 1946 la Guadeloupe, la Guyane, la
Martinique et la Réunion étaient soumises au régime de la
spécialité législative.
C'est à ce régime de "
la spécialité
législative
", découlant en ce qui les concerne de
l'article 74 de la Constitution, que sont soumis
les territoires
d'outre-mer
.
L'article 74 dispose en effet que "
les territoires d'outre-mer de
la
République ont une organisation particulière tenant compte de
leurs intérêts propres dans l'ensemble des intérêts
de la République
".
Ainsi, à l'exception des lois dites "
de
souveraineté
" (lois constitutionnelles, lois organiques, lois
relatives au statut civil des personnes...), selon l'expression
consacrée par la doctrine, l'applicabilité des textes
législatifs est subordonnée, pour ces territoires, à
l'adoption d'une disposition expresse d'extension. Depuis l'arrêt du
Conseil d'État du 9 février 1990 "
Élections
municipales de Lifou
", cette exigence vaut également pour
toute disposition modifiant une loi en vigueur dans un territoire d'outre-mer.
En outre, les dispositions législatives qui doivent faire l'objet d'une
extension expresse nécessitent en principe une consultation
préalable des assemblées territoriales intéressées,
sauf lorsque la disposition concernée "
n'introduit, ne modifie
ou ne supprime aucune disposition spécifique
" à ces
territoires "
touchant à
" leur
"
organisation
particulière
" (décision du Conseil constitutionnel
n° 94-342 DC du 7 juillet 1994).
Le principe de la spécialité législative s'applique
également à la collectivité territoriale de
Mayotte
, en vertu de l'article 10 de la loi du 24 décembre
1976. Toutefois, la consultation préalable du conseil
général de cette collectivité n'est pas obligatoire.
Ce particularisme des procédures conditionnant l'application du droit
à l'outre-mer conduit fréquemment, dès lors que des
adaptations se révèlent nécessaires, à
différer pour les collectivités régies par le principe de
spécialité législative, l'entrée en vigueur des
actualisations concernant la métropole.
Afin de
remédier à ce décalage temporel
récurrent, plusieurs circulaires émanant du Premier ministre se
sont attachées à rappeler les principes gouvernant
l'applicabilité du droit outre-mer ainsi que la démarche à
observer pour intégrer les préoccupations propres aux
collectivités de l'outre-mer lors de l'élaboration des projets de
loi.
Une circulaire du 21 avril 1988 a ainsi rappelé "
à
l'intention des ministères intéressés, les règles
de base et les textes de référence relatifs :
1. aux conditions dans lesquelles une législation ou une
réglementation peut être applicable à l'outre-mer
français ;
2. à la consultation (obligatoire ou non) des assemblées locales
sur des projets de loi ou de décret ;
3. au contreseing du ou des ministres chargés des DOM-TOM
".
Précisant que son "
but
" était "
de
sensibiliser ces mêmes administrations à la prise en compte de
l'outre-mer dans l'élaboration de leur politique et dans la
rédaction des textes législatifs et
réglementaires
", elle indiquait : "
il est
encore
trop souvent constaté que cette préoccupation est tardive, voire
absente, et conduit, uniquement pour des raisons de calendrier ou de
procédure, à différer l'application de certains textes
outre-mer et, par conséquent, à accentuer des différences
non justifiées entre la métropole et les DOM-TOM
".
Rappelant les termes d'une circulaire du 4 avril 1989 soulignant
"
l'importance
" attachée par le Premier ministre
"
à la coordination de l'action du Gouvernement à
l'égard de l'outre-mer, dans tous les domaines et, en particulier, dans
celui de l'élaboration des textes législatifs et
réglementaires
", la circulaire du 15 juin 1990 a eu pour
objet, d'une part, d'informer les administrations des évolutions
jurisprudentielles précisant la portée du principe de
spécialité législative, d'autre part, d'exhorter les
services à "
appliquer dans l'élaboration des lois
modifiant les lois applicables dans les territoires d'outre-mer la même
discipline que pour les lois nouvelles
", cela impliquant
"
d'associer suffisamment tôt le ministère des
départements et territoires d'outre-mer aux travaux de
préparation des textes pour qu'il puisse apprécier, en droit et
en opportunité, leur applicabilité aux territoires
d'outre-mer
".
Toujours avec la même préoccupation, une circulaire du 21 novembre
1995 relative aux études d'impact devant accompagner les projets de loi
a considéré que ces études devraient préciser
"
les raisons pour lesquelles le texte est ou non rendu applicable
aux
départements ou aux territoires d'outre-mer et, en cas
d'applicabilité, les conditions de celle-ci (adaptation, respect des
procédures consultatives, etc...)
".
Si au cours de la période récente, il est possible de constater
que de plus en plus souvent les projets de loi ont comporté des
dispositions portant extension à l'outre-mer des mesures
proposées, laissant présumer que les recommandations
susvisées commencent à porter leurs fruits, il demeure que
celles-ci restent encore trop fréquemment lettre-morte, en particulier
lorsque l'application desdites mesures outre-mer nécessite des
adaptations. En outre, le retard enregistré depuis des dizaines
d'années au détriment des citoyens de l'outre-mer demeure
important en dépit des nombreuses et volumineuses "
lois
balai
" et des multiples ordonnances prises en vertu
d'habilitations
législatives. Ainsi le Gouvernement est-il aujourd'hui conduit à
saisir le Parlement d'un nouveau projet de loi d'habilitation afin de
procéder "
à l'actualisation, à la modernisation
et à l'adaptation
" du droit applicable outre-mer.
Aux termes de l'exposé des motifs, "
cette démarche
présente l'avantage d'empêcher l'alourdissement progressif du
dispositif législatif puisque le domaine d'intervention des ordonnances
est par nature limité et encadré par la loi d'habilitation. Elle
permet également de valoriser le processus législatif en ce que
la discussion au Parlement ne porte pas sur un ensemble indistinct de
dispositions aux finalités politiques, sociales et économiques
inégales mais sur les principes même des réformes
engagées
".
En dépit de ces justifications de
la démarche choisie
par
le Gouvernement, votre commission, à l'instar des observations
formulées par plusieurs députés en première lecture
à l'Assemblée nationale, et fidèle au point de vue que
votre rapporteur a exposé encore récemment dans son rapport
(n° 129 - 1995-1996) sur le projet de loi d'habilitation relatif à
l'extension et à l'adaptation de la législation en matière
pénale applicable aux territoires d'outre-mer et à la
collectivité territoriale de Mayotte, considère que le recours
aux ordonnances opère "
un dessaisissement du
législateur
" et "
doit rester
exceptionnelle
".
C'est cependant avec la préoccupation de ne pas retarder le processus de
modernisation de la législation applicable outre-mer qu'elle accueille
le choix d'une telle méthode.
Reconnaissant que le recours aux ordonnances, concernant l'outre-mer, a
fréquemment été utilisé par les Gouvernements
successifs, elle observe que le présent projet de loi se
caractérise par un champ particulièrement vaste de
l'habilitation, ce qui est tout à fait inhabituel. L'application de
cette procédure aux départements d'outre-mer est également
inhabituelle, puisque les quelque 55 ordonnances relatives à l'outre-mer
dénombrées depuis 1958 concernent presque exclusivement les
territoires d'outre-mer et les deux collectivités territoriales à
statut particulier, et pour près des trois cinquièmes portent
adaptation du droit applicable à Mayotte.
Cependant, ce champ d'habilitation ne paraît pas contraire aux exigences
définies par
la jurisprudence du Conseil constitutionnel en
matière d'habilitation législative
.
En effet, celui-ci impose seulement au Gouvernement, afin de préserver
les prérogatives du Parlement, de préciser la finalité des
mesures qu'il entend prendre par voie d'ordonnance. Sa décision n°
76-72 DC du 12 janvier 1977 énonce ainsi que "
s'il est (...)
spécifié à l'alinéa 1er de l'article 38 (...) de la
Constitution que c'est pour l'exécution de son programme que le
Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au Parlement
l'autorisation de légiférer par voie d'ordonnances, (...) ce
texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement
d'indiquer avec précision au Parlement lors du dépôt d'un
projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande
présentée par lui, quelle est la finalité des mesures
qu'il se propose de prendre ".
Dans sa décision n° 86-207
DC des 25 et 26
juin 1986, le Conseil constitutionnel a en outre
précisé que le Gouvernement aurait également l'obligation
d'indiquer le "
domaine d'intervention
" des mesures
envisagées, tout en rappelant que "
le Gouvernement n'est pas
tenu de faire connaître la teneur des ordonnances qu'il
prendra
".
Il convient à cet égard de souligner
qu'à l'occasion du présent projet de loi, votre rapporteur a
été rendu destinataire des avant-projets d'ordonnances, à
l'exception de celle relative au régime de l'enseignement
supérieur dans les territoires d'outre-mer du Pacifique. Il a ainsi
mieux pu cerner le champ de l'habilitation demandée et mesurer, avant
l'étape ultime de la ratification, l'ampleur de la "
mise
à niveau
" juridique qui sera ainsi opérée dans
les collectivités d'outre-mer.
Il convient de préciser que, pour la plupart d'entre elles, les
extensions et adaptations envisagées répondent à des
demandes formulées par les collectivités d'outre-mer. D'ailleurs,
l'ensemble des avis rendus par les conseils généraux et les
assemblées territoriales, dont la consultation a été mise
en oeuvre au mois d'octobre dernier, sont favorables, à l'exception de
celui émanant de Saint-Pierre-et-Miquelon considérant notamment
que les extensions d'articles du code de la construction et de l'habitation
proposées ne respectaient pas les compétences statutaires de
cette collectivité en matière d'urbanisme. Selon les informations
communiquées par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, seul
un département d'outre-mer n'a pas répondu expressément
à la consultation : la Martinique.
Les domaines du droit concernés par la demande d'habilitation sont
nombreux et les extensions et adaptations envisagées d'importance
variable.
L'article premier du projet de loi, qui définit le champ de
l'habilitation,
vise ainsi seize blocs de matières juridiques qui
devraient correspondre à autant d'ordonnances. Certains de ces blocs
concernent l'ensemble des collectivités d'outre-mer, notamment celui
figurant en tête de l'énumération : l'ordonnance relative
à la modernisation du droit du travail, qui devrait être la plus
volumineuse, intégrera des dispositions modifiant le code du travail
dans les départements d'outre-mer, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon
et procédera à une actualisation de ce même droit dans les
territoires d'outre-mer. S'agissant de la Polynésie française et
de la Nouvelle-Calédonie, d'importantes avancées en la
matière ont déjà été réalisées
à l'occasion de la loi du 5 juillet 1996 portant dispositions diverses
relatives à l'outre-mer. Cependant, les lois statutaires de ces deux
territoires ne donnent compétence à l'État que pour
définir les "
principes généraux
" et les
"
principes directeurs
" du droit du travail : aussi
les
ordonnances devront-elles respecter cette répartition des
compétences, la frontière étant parfois malaisée
à tracer.
D'autres blocs ont un objet ponctuel et ne visent qu'une seule
collectivité (régime de la pêche dans les Terres australes
et antarctiques françaises, réglementation de l'urbanisme
commercial à Mayotte...).
Deux d'entre eux concernent des problèmes spécifiques au
département de la Guyane. Ainsi, une ordonnance devra définir des
mesures appropriées pour remédier aux déficiences
actuelles de l'état civil et régler la situation de quelques
milliers de Français dépourvus de documents d'identité. En
matière foncière, une autre ordonnance est prévue afin
d'élargir les possibilités de cession gratuite de terres relevant
du domaine privé de l'Etat qui est aujourd'hui propriétaire de
90% du territoire guyanais.
L'Assemblée nationale a en outre élargi le champ de
l'habilitation en ajoutant un nouveau point relatif à l'adhésion
des chambres d'agriculture des territoires d'outre-mer à
l'assemblée permanente des chambres d'agriculture.
Elle a également opéré certains regroupements et a
précisé la rédaction de quelques rubriques pour cibler
davantage les points de droit sur lesquels devront intervenir les ordonnances
et prendre ainsi plus explicitement en considération les
préoccupations concrètes des collectivités
concernées. Si votre commission n'a pas estimé opportun de
proposer un retour à la rédaction initiale de ces dispositions
qui n'ont pas directement de portée normative, elle observe cependant
que certaines précisions ont introduit des imperfections
rédactionnelles dont il eût été possible de faire
l'économie.
Hormis cet article premier qui définit le champ de l'habilitation, le
projet de loi comprend trois autres articles.
L'article 2
répond aux exigences prescrites par l'article 38 de
la Constitution en
fixant un délai d'habilitation
-les
ordonnances devront être prises avant le 15 septembre 1998-
ainsi
qu'une date butoir
, celle du 15 novembre 1998,
pour le
dépôt des projets de loi de ratification
. Le Gouvernement
s'est en effet engagé, à la demande de la commission des Lois de
l'Assemblée nationale, à déposer plusieurs projets de loi
de ratification afin de permettre au Parlement d'exercer plus aisément
son contrôle.
L'article 3
, adopté sans modification par l'Assemblée
nationale,
concerne l'Université française du Pacifique
.
Rappelons que l'article 14 de la dernière "
loi
balai
"
du 5 juillet 1996 avait défini un nouveau statut de cette
université tout en différant de quinze mois sa mise en oeuvre
pour permettre l'élaboration des décrets d'application et
l'installation des nouvelles structures. Ce délai délimitait
ainsi une période transitoire pendant laquelle l'université
devait continuer à fonctionner sous l'empire des dispositions du
décret du 29 mai 1987. Or, le délai susvisé a
expiré le 9 octobre 1997, les décrets d'application de l'article
14 n'ayant pas été publiés.
L'Université française du Pacifique est donc depuis cette date
confrontée à un vide juridique. Aussi l'article 3 du projet de
loi propose-t-il de modifier la loi du 5 juillet 1996 pour substituer au
délai initial de quinze mois un délai de trente mois, en
attendant que l'ordonnance relative au "
régime de
l'enseignement supérieur dans les territoires d'outre-mer du
Pacifique
" soit prise.
Votre commission estime regrettable que des dispositions législatives,
adoptées il y a moins de deux ans, soient restées lettre morte en
créant, de surcroît, un vide juridique. Sur ce dernier point,
l'expression de "
prorogation de la période
transitoire
" figurant dans l'exposé des motifs, tendant
à justifier l'article 3, est inadaptée. En effet, la
période transitoire ouverte initialement s'est achevée : il est
possible d'ouvrir une nouvelle période transitoire, non de proroger
celle qui a expiré. Aussi paraît-il nécessaire, afin
d'éviter une multiplication des recours contentieux contestant la
régularité des actes pris entre cette date et l'adoption de
l'ordonnance, d'insérer dans le dispositif une mesure de validation,
à titre préventif.
Si votre commission considère que des mesures d'une telle nature doivent
rester exceptionnelles, une validation apparaît ici comme une
conséquence nécessaire et doit permettre de garantir la
continuité du service public de l'enseignement supérieur en
Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Elle vous
proposera donc à cet effet de compléter le dispositif
proposé.
Contrairement aux trois articles précédents,
l'article 4
a
été introduit par l'Assemblée nationale, à
l'initiative de M. Pierre Frogier, député de la
Nouvelle-Calédonie.
Il s'agit d'une disposition tendant à
valider des concessions
d'endigage
autorisées par les autorités territoriales sur le
domaine du port autonome de
Nouméa
, ainsi que les actes pris sur
leur fondement. Le territoire n'était en effet pas compétent pour
accorder de telles autorisations, l'État ayant compétence en
matière de domaine public maritime. Or, des recours sont aujourd'hui
portés devant la juridiction administrative, excipant de
l'illégalité de ces concessions.
La validation a pour objet d'éviter que ne soient remis en cause les
actes ayant permis l'édification de certains bâtiments sur les
terres exondées, notamment des bâtiments d'intérêt
public au nombre desquels figurent les halles du marché municipal de
Nouméa ou la capitainerie du port autonome.
Votre commission vous proposera une nouvelle rédaction de cet article 4
afin de le rendre conforme aux exigences définies en matière de
validation par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, en particulier pour
réserver le cas des décisions juridictionnelles devenues
définitives.
Votre commission des Lois entend enfin souligner la nécessité de
ne pas agréger au projet de loi de nouveaux articles additionnels qui,
sans lien direct avec son objet qui est d'habiliter le Gouvernement à
prendre des ordonnances dans les domaines énumérés
à l'article premier, aboutiraient à en faire en définitive
une nouvelle "
loi balai
".
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Champ de l'habilitation
et
consultation des assemblées locales
Cet article a un double objet:
- il définit tout d'abord la finalité et le champ de
l'habilitation législative accordée au Gouvernement, en
précisant les domaines d'intervention des ordonnances envisagées ;
- il prévoit, par ailleurs, la consultation des assemblées
locales intéressées sur les projets d'ordonnances et en
définit les modalités.
A. Champ de l'habilitation
La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à l'article 38 de
la Constitution exige que la loi d'habilitation indique la
"
finalité
" des mesures que le Gouvernement se
propose
de prendre par ordonnances et qu'elle précise les "
domaines
d'intervention
" des ordonnances envisagées.
L'article 1er du projet de loi répond à cette double exigence en
définissant la finalité de l'habilitation, à savoir
"
l'actualisation et l'adaptation du droit applicable
outre-mer
", puis en énumérant les différents
domaines d'intervention de l'ordonnance.
Ces seize domaines d'intervention, qui sont assez précisément
décrits dans l'exposé des motifs du projet de loi, seront
brièvement analysés ci-après ; les projets
d'ordonnance correspondants ont tous été communiqués
à votre rapporteur, à l'exception de celui concernant
"
le régime de l'enseignement supérieur dans les
territoires d'outre-mer du Pacifique
" (12°).
1°. Droit du travail
Ce premier domaine correspond au projet d'ordonnance le plus volumineux et
intéresse l'ensemble des territoires, collectivités territoriales
et départements d'outre-mer, à l'exception de Wallis-et-Futuna.
Comme le précise l'exposé des motifs, le Gouvernement envisage en
effet une large modernisation du droit du travail applicable en
Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, ainsi que
des modifications plus ponctuelles concernant les départements
d'outre-mer, les collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon, et les terres australes et antarctiques
françaises.
On notera cependant que, s'agissant de la Polynésie française et
de la Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement devra respecter le partage des
compétences dans cette matière résultant des lois
statutaires, ainsi que l'a d'ailleurs fait observer la commission des Affaires
administratives, du Statut et des Lois de l'Assemblée de la
Polynésie française à l'occasion de sa consultation sur le
projet de loi d'habilitation.
Selon l'exposé des motifs et le projet d'ordonnance, les principales
dispositions envisagées sont les suivantes :
- modernisation des principes généraux du droit du travail en
Polynésie française par un rapprochement avec les règles
fondamentales du droit du travail applicable dans les départements
français, portant sur de nombreux aspects tels que les conditions de la
rupture du contrat de travail, le régime de la saisie et de la cession
de rémunération, l'aménagement du temps de travail, le
travail temporaire, les conventions collectives, l'hygiène et la
sécurité des conditions de travail, la médecine du
travail, la répression du travail clandestin, le statut des syndicats,
la définition des activités de VRP et de journaliste, les
garanties des assesseurs du tribunal du travail ;
- modernisation des principes directeurs du droit du travail en
Nouvelle-Calédonie sur plusieurs points déjà
mentionnés pour la Polynésie française : le régime
de la saisie et de la cession de rémunération,
l'aménagement du temps de travail, le travail temporaire, les
conventions collectives, la définition des activités de VRP et de
journaliste, les garanties des assesseurs du tribunal du travail ;
- redistribution entre l'échelon local et ministériel des
compétences législatives du directeur régional du travail
et de l'emploi pour permettre la fusion de la direction du travail et de la
délégation régionale à la formation
professionnelle, dans chaque département d'outre-mer et à Mayotte
;
- extension du droit à un congé non rémunéré
pour adoption, dans les collectivités territoriales de
Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte ;
- enfin, création d'une inspection du travail maritime contrôlant
le régime de travail des marins à bord des navires
immatriculés sous " pavillon Kerguelen ".
2°. Droit commercial, droit civil et droit applicable à
certaines activités libérales
Ce second domaine d'habilitation particulièrement vaste concerne un
projet d'ordonnance regroupant des dispositions nombreuses et d'une grande
variété.
En matière de
droit commercial
, il est envisagé
d'étendre aux territoires d'outre-mer et à Mayotte un certain
nombre de textes concernant notamment le nantissement des fonds de commerce, de
l'outillage et du matériel d'équipement, le crédit-bail,
les baux professionnels et la location-gérance des fonds de commerce.
En matière de
droit civil
, les dispositions prévues
concernent des sujets très divers :
- régime de la preuve des actes juridiques en Nouvelle-Calédonie
et Polynésie française ;
- rapports locatifs et copropriété dans les territoires
d'outre-mer et à Mayotte ;
- prélèvements biologiques dans les territoires d'outre-mer et
à Mayotte ; greffes d'organes en Nouvelle-Calédonie.
L'exposé des motifs fait également mention de mesures relatives
à l'état civil en Guyane et à Mayotte. Cependant,
l'Assemblée nationale a préféré faire figurer
explicitement ce sujet dans le projet de loi d'habilitation (cf. infra 5°
bis).
Par ailleurs, il est prévu de donner une base juridique à
l'
exercice des professions
de géomètre-expert et de
commissaire-priseur dans les départements d'outre-mer, aux
activités de gardiennage et de transport de fonds à Mayotte et en
Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'à l'exercice de la médecine
vétérinaire à Saint-Pierre-et-Miquelon.
3°. Droit de la construction et de l'habitation - Régime de
l'épargne-logement
En dépit de la large portée de l'intitulé initial du
3° de l'article premier du projet de loi d'habilitation, l'exposé
des motifs n'aborde que trois sujets précis :
- les règles acoustiques et thermiques dans les départements
d'outre-mer ;
- la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les
établissements recevant du public à Saint-Pierre-et-Miquelon ;
- le régime de l'épargne-logement en Nouvelle-Calédonie et
Polynésie française.
Aussi l'Assemblée nationale a-t-elle souhaité préciser le
champ de ce troisième domaine d'habilitation en le limitant aux trois
domaines susmentionnés.
Les différentes mesures envisagées sont les suivantes.
- Dans les départements d'outre-mer, il s'agit de permettre l'adaptation
de la réglementation acoustique et thermique à la situation
particulière de ces départements.
- En ce qui concerne l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon, le projet
d'ordonnance prévoyait l'extension d'un certain nombre d'articles du
code de la construction et de l'habitation, ce qui a suscité un avis
défavorable du conseil général. Celui-ci a en effet fait
valoir que les mesures envisagées portaient atteinte à la
compétence de la collectivité territoriale en matière
d'urbanisme et risquaient en outre d'entraîner des difficultés
pratiques en raison des différences entre les normes de
sécurité européennes et nord-américaines.
Dans la rédaction du projet de loi issue des travaux de
l'Assemblée nationale, l'habilitation dans cette matière est
désormais réduite à la "
protection contre les
risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du
public
".
- Enfin, s'agissant de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie
française, le Gouvernement envisage une extension, moyennant certaines
adaptations spécifiques, du régime de l'épargne-logement
prévu par le code de la construction et de l'habitation.
4°. Douanes et transferts financiers
En matière douanière, le projet de loi d'habilitation mentionne
tout d'abord des dispositions concernant la "
déclaration
périodique douanière "
à laquelle sont soumis les
mouvements de marchandises entre la Martinique et la Guadeloupe en application
de la loi du 17 juillet 1992 relative à l'octroi de mer ; il est en
effet prévu de préciser le régime contentieux de cette
déclaration.
Une "
modernisation des codes des douanes applicables dans les
territoires d'outre mer et les collectivités territoriales de Mayotte et
de Saint-Pierre-et-Miquelon
" est également prévue ;
elle devrait consister en l'extension et l'adaptation de certaines dispositions
du code des douanes métropolitain, concernant notamment les
prérogatives des agents des douanes.
L'Assemblée nationale a en outre ajouté dans ce quatrième
domaine d'habilitation une référence explicite au
"
contrôle des transferts financiers avec l'étranger dans
les territoires d'outre-mer et les collectivités territoriales de
Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon
" afin de couvrir
l'extension à ces territoires et collectivités de l'obligation
déclarative de tout transfert de fonds d'un montant supérieur
à 50 000 F en provenance ou à destination de l'étranger,
prévue par le projet d'ordonnance.
5°. Santé publique et sécurité sociale
En matière de santé publique et de sécurité
sociale, le Gouvernement envisage tout d'abord de donner une base
législative à la tarification des produits sanguins dans les
départements d'outre-mer, ainsi qu'à la fixation du prix des
médicaments remboursables dans les départements d'outre-mer et
à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Il prévoit également d'insérer dans la même
ordonnance une disposition autorisant l'Etat à réviser l'accord
de coordination des régimes métropolitain et
néo-calédonien de sécurité sociale, afin d'en
élargir la portée à l'ensemble des risques et des
personnes assurées.
Il propose en outre de modifier le régime d'assurance vieillesse
applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon en vue de permettre aux personnes
non salariées non agricoles d'adhérer à un régime
de retraite complémentaire obligatoire de métropole.
Enfin, l'Assemblée nationale, sur la proposition de Mme Christiane
Taubira-Delannon, a étendu ce cinquième domaine d'habilitation au
"
remboursement des médicaments indispensables en prophylaxie et
en thérapeutique palustre
", en dépit de l'avis
défavorable de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'Outre-mer, qui a fait valoir que le principe de ce remboursement avait
déjà été fixé par une instruction de la
direction de la santé datée du 28 juillet 1993 et qu'il
appartenait aux organismes de sécurité sociale de procéder
audit remboursement.
5° bis. État civil en Guyane et à Mayotte
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, la présentation des
dispositions envisagées par le Gouvernement en matière
d'état civil en Guyane et à Mayotte est rattachée au
domaine d'habilitation concernant le droit civil.
Cependant, en raison de l'importance de ce sujet, l'Assemblée nationale
a souhaité le faire apparaître explicitement dans le projet de loi
comme un point particulier du champ de l'habilitation.
S'agissant de Mayotte, il s'agit de régulariser la situation des
mahorais qui ont omis de souscrire la déclaration recognitive de
nationalité française au moment de l'indépendance des
Comores.
En ce qui concerne la Guyane, le projet d'ordonnance préparé par
le Gouvernement se limite à prévoir un allongement du
délai de droit commun de trois jours fixé par le code civil pour
la déclaration des naissances à l'officier d'état civil,
afin de tenir compte de l'isolement de certaines populations de ce
département ; ainsi, ce délai serait porté à trente
jours dans les communes du département de la Guyane riveraines du fleuve
Maroni et de ses affluents, ou du fleuve Oyapock.
Cependant, les déficiences actuelles de l'état civil en Guyane ne
peuvent être entièrement réglées par cette seule
mesure qui ne concernerait que les enfants à naître.
En effet, plusieurs milliers de personnes appartenant aux populations
amérindiennes et " noires marrons " sont actuellement
dépourvues d'état civil, ce qui cause de graves
difficultés, tant pour le contrôle des mouvements de population
dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine, que pour les
intéressés eux-mêmes qui, par exemple, ne peuvent
poursuivre des études secondaires ou supérieures, ou encore
participer aux élections.
C'est pourquoi l'Assemblée nationale a souhaité, suivant la
proposition de Mme Christiane Taubira-Delannon, définir très
précisément la portée de l'habilitation donnée au
Gouvernement sur ce point en visant successivement "
les futurs
nouveaux-nés, les enfants, les adolescents et les adultes actuellement
sans état civil
", de manière à indiquer
clairement que l'ordonnance prise sur ce fondement devrait permettre de
régler la situation de l'ensemble des Français dépourvus
d'état civil en Guyane.
6°. Régime du domaine privé de l'Etat en Guyane
En matière foncière, la Guyane connaît une situation
très particulière puisque l'Etat est propriétaire de 90 %
du territoire du département.
L'article L. 91-1 du code du domaine privé de l'Etat, issu de la loi de
finances rectificative du 29 décembre 1989, prévoit un dispositif
-spécifique à la Guyane- de cession gratuite des terres
dépendant du domaine privé de l'Etat, aux agriculteurs titulaires
de concessions, ainsi qu'aux agriculteurs installés depuis au moins cinq
ans en 1989 (à condition que ces derniers en aient fait la demande avant
le 31 décembre 1992).
Le projet d'ordonnance préparé par le Gouvernement tend à
compléter cet article en étendant la possibilité de
bénéficier de cessions gratuites au profit des agriculteurs
n'ayant pu se voir attribuer de terres en application du dispositif
précédent, à condition qu'ils en fassent la demande avant
le 31 décembre 2000, qu'ils se soient installés avant le
31 décembre 1995 et depuis au moins cinq ans, et qu'ils
s'engagent à maintenir les terres à l'usage agricole pendant au
moins trente ans à compter du transfert de propriété.
A l'initiative de Mme Christiane Taubira-Delannon, l'Assemblée nationale
a entendu préciser la portée de l'habilitation accordée au
Gouvernement dans ce domaine, en mentionnant dans le projet de loi des
"
dispositions relatives au régime du domaine privé de
l'Etat en Guyane en vue de cession gratuite en propriété aux
agriculteurs installés ainsi qu'aux personnes physiques qui en font la
demande
".
Cette formulation a pour conséquence d'élargir le champ du
dispositif de cession gratuite qui pourrait ainsi bénéficier, non
plus aux seuls agriculteurs comme le prévoit le projet d'ordonnance,
mais également à toute personne physique demanderesse. Il
appartiendra cependant au Gouvernement de définir dans la future
ordonnance les conditions qui devront être remplies par les
intéressés pour bénéficier d'une attribution
gratuite de terre.
7°. Organisation juridictionnelle dans les territoires d'outre-mer et
les collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon
Au sujet de l'organisation juridictionnelle, l'exposé des motifs du
projet de loi envisage trois séries de dispositions.
- Il prévoit tout d'abord l'extension aux territoires d'outre-mer et
à Mayotte de certaines dispositions de la loi du 8 février 1995
relative à l'organisation des juridictions et à la
procédure civile, pénale et administrative (notamment celles
prévoyant des délégations de compétences des
magistrats au profit des greffiers en chef), ainsi que des dispositions du code
de l'organisation judiciaire sur "
la délégation des
magistrats du siège et du parquet, par décision des chefs de
cour, pour exercer temporairement des fonctions judiciaires dans d'autres
tribunaux du ressort de la cour
" (c'est-à-dire du
mécanisme des magistrats " placés ", permettant
d'assurer une mutualisation des moyens pour faire face aux vacances de postes).
- En second lieu, est prévue une modernisation de l'organisation
juridictionnelle à Saint-Pierre-et-Miquelon ayant principalement pour
objet : d'une part, de mettre fin à l'absence actuelle
d'incompatibilité entre les fonctions d'instruction et de jugement et
d'autre part, de limiter le rôle des juges non professionnels qui
aujourd'hui peuvent statuer seuls sur des affaires correctionnelles. Compte
tenu de la faiblesse des effectifs, le projet d'ordonnance prévoit la
possibilité, pour le magistrat assurant le remplacement d'un
collègue empêché, de participer à distance à
l'audience
" par un moyen de télédiffusion ",
la
transmission des pièces de procédure étant alors
assurée par
" tous moyens de communication ".
- En troisième lieu, la création d'une chambre territoriale de
discipline des chirurgiens-dentistes est projetée en
Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.
8°. Régime des activités financières dans les
territoires d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
Dans ce domaine, est prévue l'extension aux territoires d'outre-mer et
à Mayotte de la loi du 2 juillet 1996 de modernisation des
activités financières et "
des textes qui en sont le
soutien nécessaire
", ainsi que de la loi du 31 décembre
1970 fixant le régime applicable aux sociétés civiles
autorisées à faire publiquement appel à l'épargne.
9°. Droit pénal et procédure pénale dans les
territoires d'outre-mer, à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon
On peut au premier abord s'interroger sur l'habilitation demandée par le
Gouvernement dans ce domaine, dans la mesure où le nouveau code
pénal, ainsi que certaines dispositions du code de procédure
pénale, ont été récemment étendus aux
territoires d'outre-mer et à Mayotte par les ordonnances n° 96-267
et n° 96-268 du 28 mars 1996, entrées en vigueur le 1er mai 1996 et
ratifiées par la loi n° 96-1240 du 30 décembre 1996.
Ainsi que le précise l'exposé des motifs du projet de loi, les
mesures que le Gouvernement entend à nouveau prendre par ordonnance dans
ce domaine se limitent en fait à l'extension de certaines dispositions
ponctuelles non codifiées, ainsi que de certaines lois
postérieures aux ordonnances précitées.
- Il s'agit, d'une part, de certaines dispositions diverses relatives au
régime d'interdiction d'exercice des activités commerciales ou
industrielles applicable aux personnes ayant fait l'objet de condamnations
judiciaires, aux droits fixes de procédure et, s'agissant plus
spécifiquement de la Nouvelle-Calédonie, aux courses de chevaux
et à la police municipale.
- D'autre part, est prévue l'extension de la loi du 13 mai 1996 relative
à la lutte contre le blanchiment et le trafic de stupéfiants et
à la coopération internationale en matière de saisie et de
confiscation des produits du crime, de la loi du 19 juin 1996 relative au
contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances
susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de
stupéfiants ou substances psychotropes (moyennant les adaptations
nécessaires à la prise en compte du statut des territoires
d'outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon au sein de l'Union européenne), enfin, d'une
disposition de la loi du 26 février 1996 relative aux transports.
En outre, il est à noter qu'au cours du débat à
l'Assemblée nationale, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat
à l'Outre-mer, s'est engagé à traiter également
dans la même ordonnance le régime de l'exploitation des loteries
et des jeux de hasard en Nouvelle-Calédonie.
10°. Droit électoral dans les territoires d'outre-mer et la
collectivité territoriale de Mayotte
Selon l'exposé des motifs, le Gouvernement projette, en matière
électorale :
- d'étendre aux territoires d'outre-mer et à Mayotte diverses
dispositions concernant notamment le financement des campagnes
électorales ;
- d'organiser les campagnes télévisées pour les
élections aux assemblées territoriales en Polynésie
française et à Wallis-et-Futuna, et pour les élections
législatives en Polynésie française ;
- d'étendre à Mayotte certaines dispositions des lois du 19
novembre 1982 et du 30 décembre 1988, relatives à
l'élection des conseillers municipaux, ainsi qu'aux procédures de
vote et au fonctionnement des conseils municipaux ;
- enfin, de procéder "
à la codification, à
l'actualisation, à l'harmonisation et au regroupement de textes,
actuellement épars, inadaptés ou obsolètes
"
concernant les diverses élections dans les territoires d'outre-mer et
à Mayotte.
Sur ce dernier point, le rapport établi par M. Jérôme
Lambert, au nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale,
souligne à juste titre que l'habilitation ne pourrait concerner des
dispositions qui relèveraient de la loi organique parce qu'elles
toucheraient "
l'organisation et le fonctionnement d'une
institution
propre
" à un territoire d'outre-mer, au sens de la
jurisprudence du Conseil constitutionnel (cf. décision n° 96-372 DC
du 6 février 1996).
11°. Régime de la pêche dans le territoire des terres
australes et antarctiques françaises (TAAF)
Selon l'exposé des motifs et le projet d'ordonnance communiqué
à votre rapporteur, les modifications qu'il est envisagé
d'apporter à la loi n° 66-400 du 18 juin 1966 relative
à l'exercice de la pêche maritime et de l'exploitation des
produits de la mer dans les TAAF, ont pour objet :
- d'une part, de donner une base législative aux droits de pêche
locaux perçus au profit du budget du territoire (dans la pratique, il
s'agit d'un " droit de sortie " relatif à la pêche
à la langouste, fixé chaque année par arrêté
de l'administrateur supérieur des TAAF) ;
- d'autre part, de clarifier le régime de saisie des navires en
identifiant précisément le fonctionnaire habilité à
procéder à la saisie des navires ayant servi à
pêcher en infraction à la loi de 1966 précitée.
12°. Régime de l'enseignement supérieur dans les
territoires d'outre-mer du Pacifique
2(
*
)
Ce domaine d'habilitation constitue le seul point sur lequel aucun avant-projet
d'ordonnance n'a été communiqué au rapporteur.
D'après l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement
souhaite "
reprendre une réflexion globale sur l'avenir de
l'enseignement supérieur dans le Pacifique
" et
"
rapprocher le fonctionnement de l'enseignement supérieur
dans les territoires d'outre-mer du droit commun applicable à
l'ensemble des universités métropolitaines et de
l'université Antilles-Guyane
".
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a
précisé en séance publique à l'Assemblée
nationale qu'il était prévu de créer deux
universités distinctes en Nouvelle-Calédonie et en
Polynésie française, appelées à succéder
à l'actuelle Université française du Pacifique qui
comprend aujourd'hui un centre situé en Nouvelle-Calédonie et un
autre en Polynésie.
En attendant l'entrée en vigueur de l'ordonnance qui devrait
définir le statut de ces deux nouvelles universités, le
Gouvernement propose de maintenir à titre provisoire, par
l'article 3 du présent projet de loi, le régime transitoire
prévu par le III de l'article 14 de la loi n° 96-609 du
5 juillet 1996 portant dispositions diverses relatives à
l'outre-mer.
13°. Régime des privilèges et sûretés du
Trésor et procédure fiscale contentieuse en Polynésie
française
En Polynésie française, si la fiscalité relève de
la compétence du territoire, il n'en est pas de même du
régime des privilèges et sûretés du Trésor,
ni de la procédure contentieuse en matière d'impôt. En
effet, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, les règles relatives
à la réclamation préalable ne sont pas détachables
de la procédure administrative contentieuse, laquelle ressortit à
la compétence de l'Etat.
Répondant à une demande du territoire qui vient de mettre en
place une taxe sur la valeur ajoutée, le Gouvernement envisage donc de
préciser dans une ordonnance les règles relatives à la
procédure de recouvrement et au contentieux de l'impôt, de
manière à permettre aux contribuables polynésiens de
bénéficier de garanties analogues à celles
accordées aux contribuables métropolitains.
14° et 15°. Action foncière, offices d'intervention
économiques et aide au logement à Mayotte
Le Gouvernement a prévu de rassembler dans une même ordonnance
diverses dispositions applicables à la collectivité territoriale
de Mayotte, qui faisaient initialement l'objet de deux rubriques distinctes
dans le projet de loi d'habilitation (14° et 15°), mais que
l'Assemblée nationale a préféré regrouper en un
seul point (14°) puisqu'une seule ordonnance était envisagée.
Les mesures projetées ont un triple objet :
- donner au Centre national pour l'aménagement des structures des
exploitations agricoles (CNASEA), à titre provisoire, les
compétences nécessaires pour intervenir comme opérateur
foncier à Mayotte en acquérant des terres et en exerçant
un droit de préemption, conformément à une convention
conclue entre l'Etat, la collectivité territoriale et le CNASEA ;
- autoriser les offices d'intervention économique dans le secteur de
l'agriculture et de la pêche, en particulier l'Office de
développement de l'économie agricole dans les départements
d'outre-mer (ODEADOM), à intervenir à Mayotte ;
- et permettre la diversification du dispositif d'aide au logement à
Mayotte, notamment en faisant appel au réseau bancaire.
14° bis. Adhésion des chambres d'agriculture des territoires
d'outre-mer à l'Assemblée permanente des chambres
d'agriculture
A l'initiative de M. Pierre Frogier, et avec l'avis favorable de sa commission
des Lois et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a
complété le champ de l'habilitation afin de prévoir qu'une
disposition législative serait prise pour permettre aux chambres
d'agriculture des territoires d'outre-mer d'adhérer à
l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, conformément
à une demande de la chambre d'agriculture de Nouvelle-Calédonie.
16°. Réglementation de l'urbanisme commercial à
Mayotte
Enfin, pour remédier à l'obsolescence des textes régissant
l'organisation des activités commerciales et artisanales à
Mayotte, un dernier projet d'ordonnance prévoit l'adaptation des
dispositions de la loi n° 73-1193 du
27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat
(dite " loi Royer "), dans leur rédaction issue de la loi
n° 93-122 du 29 janvier 1993, par la création d'une
commission territoriale d'organisation des activités commerciales et
artisanales, chargée notamment d'examiner les demandes d'implantation de
grandes surfaces.
B. Consultation des assemblées territoriales, des conseils
régionaux et des conseils généraux
intéressés sur les projets d'ordonnance
Après avoir défini le champ de l'habilitation, l'article premier
du projet de loi prévoit, dans son dernier alinéa, la
consultation des différentes assemblées représentant
respectivement les territoires, départements et collectivités
territoriales sur les projets d'ordonnance les intéressant.
Pour les territoires d'outre-mer, cette consultation apparaît requise par
l'article 74 de la Constitution, dans la mesure où celui-ci
prévoit que "
les modalités de leur organisation
particulière sont définies et modifiées par la loi
après consultation de l'assemblée territoriale
intéressée
".
Aussi l'Assemblée nationale a-t-elle précisé que les
projets d'ordonnance seraient soumis pour avis aux assemblées des
territoires d'outre-mer intéressés "
dans les conditions
prévues pour leur consultation sur les projets de loi visés
à l'article 74 de la Constitution
".
S'agissant de la Polynésie française et de la
Nouvelle-Calédonie, cette consultation est organisée par les lois
statutaires : les assemblées territoriales devront donc se prononcer
dans des délais fixés à deux mois pour la Polynésie
française et un mois pour la Nouvelle-Calédonie, réduits
respectivement à un mois et quinze jours en cas d'urgence, l'avis
étant réputé avoir été donné à
l'expiration de ces délais. En revanche, aucun délai
spécifique de consultation n'est fixé pour Wallis-et-Futuna.
En ce qui concerne la collectivité territoriale de
Saint-Pierre-et-Miquelon, la consultation du conseil général sur
les projets de loi portant dispositions spéciales pour l'archipel est
prévue par la loi statutaire du 11 juin 1985. Quant à
la collectivité territoriale de Mayotte, la consultation
préalable du conseil général, sans être
juridiquement obligatoire, est cependant usuelle.
Enfin, la consultation des conseils généraux des
départements d'outre-mer sur les projets de loi tendant à adapter
la législation ou l'organisation administrative des départements
d'outre-mer à leur situation particulière, est effectuée
sur la base d'un simple décret (décret n° 60-406 du
26 avril 1960).
L'article premier du projet de loi prévoit que les projets d'ordonnances
seront également soumis aux conseils généraux
intéressés des départements d'outre-mer et des
collectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte,
en fixant un délai uniforme d'un mois pour cette consultation, les avis
étant réputés avoir été donnés
à l'expiration de ce délai.
A l'initiative de Mme Christiane Taubira-Delannon, l'Assemblée nationale
a souhaité étendre le champ de cette consultation aux conseils
régionaux des départements d'outre-mer.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 2
Délais d'adoption des ordonnances et de
dépôt
des projets de loi de ratification
Cet article a pour objet de fixer, conformément aux
dispositions de l'article 38 de la Constitution, deux délais : le
délai pendant lequel le Gouvernement est habilité à
prendre des ordonnances et le délai à l'expiration duquel les
projets de loi de ratification devront avoir été
déposés.
En effet, il convient de rappeler que l'article 38 de la Constitution ne
permet au Gouvernement de demander au Parlement l'autorisation de prendre par
ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi que
"
pendant un délai limité
". En outre, le même
article précise que les ordonnances deviennent caduques si le projet de
loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la
date fixée par la loi d'habilitation.
Aussi l'article 2 du projet de loi d'habilitation prévoit-il que
les ordonnances devront être prises avant le 15 septembre 1998
et que le dépôt des projets de loi de ratification devra
intervenir avant le 15 novembre 1998.
On notera que l'Assemblée nationale, suivant la proposition de sa
commission des Lois, a précisé que plusieurs projets de loi de
ratification, et non un seul, devraient être déposés, afin
de permettre le renvoi de ces projets aux différentes commissions
compétentes au fond. Cette disposition tout à fait opportune,
compte tenu de la grande diversité des sujets traités, devrait
assurer un contrôle plus efficace du Parlement sur les mesures prises par
ordonnance au moment de la ratification.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification
.
Article 3
Remise en vigueur du régime transitoire
applicable
à l'Université française du Pacifique
Cet article a pour objet de
" ressusciter " le
régime transitoire applicable à l'Université
française du Pacifique en vertu du dernier alinéa de
l'article 14 de la loi n° 96-609 du 5 juillet 1996
portant dispositions diverses relatives à l'outre-mer, en doublant le
délai qui y est mentionné (trente mois au lieu de quinze).
L'article 14 susvisé, introduit dans le texte par voie d'amendement
gouvernemental lors de son examen au Sénat le 12 mars 1996, a
conféré à cette université un nouveau statut par
extension des dispositions de la loi n° 68-978 du
12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur et
de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement
supérieur, moyennant certaines adaptations figurant aux
articles 71, 72 et 73 insérés dans cette dernière loi.
Par ailleurs, tirant ainsi les conséquences de deux jugements du
tribunal administratif de Papeete qui avaient reconnu le caractère
illégal du décret n° 87-360 du 29 mai 1987
portant jusqu'alors statut de l'université, cet article 14 a
validé les actes pris par les autorités universitaires
"
en tant que leur régularité serait mise en cause sur le
fondement de l'incompétence de l'auteur du décret
" et
"
sous réserve des droits nés des décisions
juridictionnelles passées en force de chose jugée
" afin
de prévenir la multiplication des recours.
Enfin, pour permettre l'adoption des décrets d'application des nouvelles
dispositions et la mise en place des nouveaux organes, ce même
article 14 a prévu que le dispositif n'entrerait en vigueur au plus
tard qu'au terme d'un délai de quinze mois à compter de la
publication de la loi.
Ce délai a expiré le 9 octobre 1997 et les
décrets d'application n'ayant jamais été
promulgués, l'Université française du Pacifique se trouve
aujourd'hui confrontée à un vide juridique. Afin d'éviter
que cette situation ne se pérennise, le Gouvernement a
décidé d'ouvrir une nouvelle période de transition pour
permettre à l'Université française du Pacifique de
continuer à fonctionner selon les modalités prévues par le
décret du 29 mai 1987.
Il eût sans doute été préférable
d'éviter l'apparition de ce vide juridique qui ne manquera pas de
susciter de nouveaux contentieux si les actes pris depuis le
9 octobre 1997 par les autorités universitaires ne font pas
l'objet d'une mesure de validation. Il est en outre préoccupant de
constater qu'un dispositif, adopté par le Parlement il y a moins de deux
ans, est remis en cause avant même d'être entré en vigueur :
la présentation des différents projets d'ordonnances transmis
à l'assemblée de la Polynésie française mentionne
en effet que "
l'ordonnance
" relative à
l'Université française du Pacifique - d'ailleurs, à
ce jour, la seule de toutes celles annoncées par le Gouvernement
à ne pas avoir été communiquée pour information
à votre rapporteur sous forme d'avant-projet - aurait "
pour
objet d'abroger l'article 72 de la loi n° 84-52 du
26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur et de le
remplacer par de nouvelles dispositions
".
Aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi d'habilitation, le
Gouvernement "
souhaite reprendre une réflexion globale sur
l'avenir de l'enseignement supérieur dans le Pacifique
". Il
s'agirait, selon la note de présentation adressée à
l'assemblée de Polynésie française, de
"
rapprocher le fonctionnement de l'enseignement supérieur dans
les territoires d'outre-mer du droit commun applicable à l'ensemble des
universités métropolitaines et de l'université
Antilles-Guyane
", ce nouveau cadre juridique devant
"
prendre
en compte les spécificités des territoires d'outre-mer et
notamment la faiblesse des effectifs d'étudiants et d'enseignants, la
nécessité d'une ouverture vers les pays de la zone".
Selon les informations complémentaires recueillies par votre rapporteur,
le nouveau dispositif permettrait la création de deux universités
distinctes implantées respectivement en Polynésie
française et en Nouvelle-Calédonie, leurs présidents
étant désormais élus et non plus nommés par
arrêté du ministre chargé de l'enseignement
supérieur.
Votre commission vous propose d'adopter
l'article 3 sans modification
.
Article additionnel après l'article 3
Validation
des actes relatifs à l'Université française du
Pacifique
Comme cela a été indiqué
précédemment, l'Université française du Pacifique
se trouve dépourvue de fondement statutaire depuis que le délai
de quinze mois prévu par la loi du 5 juillet 1996 précitée
instaurant une période de transition a expiré.
De ce fait, la modification de l'article 14 de la loi du 5 juillet 1996
proposée à l'article 3 du projet de loi ne peut avoir pour effet
de proroger le régime transitoire susvisé puisque celui-ci,
depuis le 9 octobre 1997, n'a plus d'existence juridique. Une telle mesure ne
peut que faire revivre ce régime à compter de la date de
publication de la présente loi.
Dès lors, les actes relatifs à l'Université
française du Pacifique, concernant tant son organisation et son
fonctionnement que les personnels de l'établissement et ses usagers,
pris entre le 9 octobre 1997, date d'expiration du délai de quinze mois
susvisé, et la date d'entrée en vigueur de la présente
loi, sont susceptibles de recours en annulation pour défaut de base
légale.
Il paraît donc nécessaire d'adopter, à titre
préventif et afin de tirer toutes les conséquences de l'article 3
du projet de loi, une disposition de validation de ces actes, pour
préserver la continuité du service public de l'enseignement
supérieur dans les territoires concernés. Votre commission vous
soumet à cet effet
un amendement
.
Article 4
Validation des concessions d'endigage du port
autonome de Nouméa
L'article 4, introduit par l'Assemblée nationale
à l'initiative de M. Pierre Frogier, député de la
Nouvelle-Calédonie, tend à valider les concessions d'endigage
accordées par le territoire sur le domaine public maritime dans le
périmètre du port autonome de Nouméa, ainsi que les actes
translatifs de propriété subséquents.
Par une délibération du 13 août 1987, le congrès de
Nouvelle-Calédonie avait en effet autorisé le port autonome de
Nouméa à exonder, par endigage, trois parcelles situées
dans la Baie de la Moselle. Or, la cour administrative d'appel de Paris, dans
un arrêt du 17 avril 1997 confirmant le jugement du tribunal
administratif de Nouméa du 21 juin 1995 portant annulation d'un permis
de construire délivré par la province sud à la compagnie
des chargeurs calédoniens, a jugé qu'une telle autorisation ne
relevait pas de la compétence du territoire de la
Nouvelle-Calédonie, l'État étant seul compétent
concernant le domaine public maritime. Cet arrêt fait application d'une
jurisprudence du Conseil d'État de 1994 affirmant la compétence
exclusive de l'État en la matière (arrêt du 18 novembre
1994, Haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie ;
arrêt du 9 décembre 1994, Société civile
d'études et de développement immobilier et autres).
Il apparaît qu'un pourvoi en cassation aurait de fortes chances d'aboutir
à une confirmation de l'arrêt de la cour administrative d'appel,
remettant en cause les fondements juridiques de nombreuses installations
portuaires et d'intérêt public construites sur les terres
exondées. Hormis des bâtiments à usage d'habitation, sont
en effet implantés dans la zone concernée l'Hôtel de la
province sud, les halles du marché communal ainsi que la capitainerie du
port autonome. Il semble donc que la condition de préservation d'un
intérêt général justifiant la validation, requise
par la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel (décisions
n° 119 DC du 22 juillet 1980, n° 85-192 DC du 24 juillet 1985,
n° 87-228 DC du 26 juillet 1987, n° 93-332 DC du 13 janvier 1994),
soit satisfaite.
En revanche, le dispositif proposé à l'article 4 du projet de loi
pour la validation des actes pris sur le fondement des concessions d'endigage
ne répond pas à une autre exigence résultant de cette
jurisprudence dans la mesure où "
il n'appartient ni au
législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des
juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer
à elles dans le jugement des litiges relevant de leur
compétence
" : il s'agit, selon la formule consacrée, de
réserver le cas des actes annulés par des décisions
juridictionnelles passées en force de chose jugée
(décisions n° 119 DC du 22 juillet 1980, n° 86-223 DC du
29 décembre 1986, n° 88-250 DC du 29 décembre 1988, n°
93-332 DC du 13 janvier 1994).
Enfin, les validations ayant pour objet de modifier rétroactivement
l'état du droit, le législateur s'efforce traditionnellement,
concernant les décisions individuelles, de limiter la portée de
la validation en précisant qu'elle ne vaut que dans l'hypothèse
où leur régularité serait contestée par le moyen
tiré de l'illégalité de l'acte principal qui en constitue
le fondement.
Votre commission vous soumet, en conséquence, un
amendement
de
réécriture de l'article 4.
Elle vous propose d'adopter cet article
ainsi modifié
.
*
* *
Votre commission vous propose d'adopter le présent projet de loi ainsi modifié.
1
Département jusqu'en 1985
2
Sur ce point, voir également le commentaire de l'article 3
du projet de loi.