Rapport n° 226 - Proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
M. Pierre FAUCHON, sénateur
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel du Règlement et d'Administration générale. Rapport n° 226 - 1997-1998
Table des matières
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
- I. LA DIRECTIVE DU 25 JUILLET 1985 : UNE PREMIÈRE TENTATIVE DE TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE QUI N'A PU ABOUTIR
- II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE NOUVELLE TENTATIVE DE TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE DE LA DIRECTIVE DU 25 JUILLET 1985
-
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
- A. MAINTENIR LA RESPONSABILITÉ DU PRODUCTEUR POUR LES RISQUES DE DÉVELOPPEMENT
- B. INCLURE LES PRODUITS DU SOL AINSI QUE LES ELEMENTS ET PRODUITS DU CORPS HUMAIN DANS LE CHAMP D'APPLICATION DU DISPOSITIF
- C. UN DEBAT PREMATURE SUR LE REGIME DE LA GARANTIE DES VICES CACHES
- D. DES CLARIFICATIONS NECESSAIRES
-
EXAMEN DES ARTICLES
-
Article premier
Insertion dans le code civil d'un titre consacré
à la responsabilité du fait des produits défectueux -
Article 2
(art. 1386-1 du code civil)
Responsabilité du producteur -
Article 3
(art. 1386-2 du code civil)
Dommage réparable -
Article 4
(Art. 1386-3 du code civil)
Définition du produit -
Article 5
(art. 1386-4 du code civil)
Définition du défaut de sécurité -
Article 6
(art. 1386-7 du code civil)
Définition de la mise en circulation -
Article 7
(art. 1386-7 du code civil)
Définition du producteur -
Article 8
(art. 1386-7 du code civil)
Responsabilité du vendeur, du loueur
ou de tout autre fournisseur -
Article 9
(art. 1386-8 du code civil)
Dommage causé par le défaut d'un produit incorporé -
Article 10
(art. 1386-9 du code civil)
Charge de la preuve -
Article 11
(art. 1386-10 du code civil)
Circonstances ne supprimant pas la responsabilité du producteur -
Article 12
(art. 1386-11 du code civil)
Causes d'exonération -
Article 12 bis (nouveau)
(art. 1386-11-1 du code civil)
Obligation de suivi des produits -
Article 13
(art. 1386-12 du code civil)
Réduction ou suppression de la responsabilité du producteur
en cas de faute de la victime -
Article 14
(art. 1386-13 du code civil)
Incidence de l'intervention d'un tiers
dans la réalisation du dommage -
Article 15
(art. 1386-14 du code civil)
Obligation de suivi des produits -
Article 16
(art. 1386-15 du code civil)
Prohibition des clauses limitatives
ou exonératoires de responsabilité -
Article 17
(art. 1386-16 du code civil)
Extinction de la responsabilité du fait des produits défectueux -
Article 18
(art. 1386-17 du code civil)
Prescription de l'action en réparation -
Article 19
(art. 1386-18 du code civil)
Cumul de la responsabilité du fait des produits défectueux
avec les régimes de responsabilité existants -
Article 20
Application dans le temps du régime de responsabilité
du fait des produits défectueux -
Article 21
(art. 1641-1 du code civil)
Preuve du défaut caché de la chose vendue -
Article 22
(art. 1644-1 du code civil)
Modalités de réparation du préjudice -
Article 23
(art. 1648 du code civil)
Délai pour agir -
Article 24
(art. 1649 du code civil)
Exclusion de la garantie du vendeur dans les ventes imposées
par une division de justice -
Article 25
Application de la loi
aux territoires d'outre-mer et à Mayotte -
Article 26
Application aux territoires de la Nouvelle-Calédonie,
des îles Wallis et Futuna et à la collectivité territoriale de Mayotte
du régime des garanties immobilières
-
Article premier
- ANNEXE : DIRECTIVE DU 25 JUILLET 1985
N° 226
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 janvier 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux ,
Par M. Pierre FAUCHON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
10
ème législ.) :
469
,
3411
et T.A.
674
.
Sénat
:
260
(1996-1997).
Responsabilité civile.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le mercredi 21 janvier 1998, sous la
présidence de M. Jacques Larché, président, la commission
des Lois a examiné, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, la proposition
de loi n° 260 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée
nationale, relative à la responsabilité du fait des produits
défectueux.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi
tendait à transposer une directive communautaire adoptée en 1985
et qui aurait dû être transposée en droit français
depuis 1988. Il a indiqué que même si cette directive
n'améliorait guère le droit français de la
sécurité des produits, déjà très protecteur,
la France était néanmoins tenue de la transposer sous peine d'une
condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes.
Le rapporteur a précisé que la proposition de loi reprenait
largement les conclusions de la commission mixte paritaire qui s'était
réunie en 1992, après deux lectures par l'Assemblée
nationale et le Sénat d'un projet de loi de transposition. Ces
conclusions n'avaient pas été soumises pour approbation aux deux
assemblées par le Gouvernement de l'époque.
Il a toutefois noté que la proposition de loi adoptée par
l'Assemblée nationale permettait l'exonération de
responsabilité pour risque de développement, exclue par le texte
de la commission mixte paritaire de 1992. Il a en outre ajouté que la
proposition soumise au Sénat écartait du champ d'application du
nouveau régime de responsabilité les éléments et
produits du corps humain.
M. Pierre Fauchon, rapporteur, a fait valoir que l'exonération de la
responsabilité liée au risque de développement n'existait
pas en droit français et qu'elle avait été exclue par la
jurisprudence dans des arrêts importants relatifs au sang
contaminé. Il s'est déclaré opposé à cette
exonération de responsabilité, soulignant notamment qu'elle
n'inciterait guère les producteurs à effectuer rapidement les
recherches nécessaires pour déterminer la
défectuosité éventuelle de leurs produits. Le rapporteur
a, par ailleurs, souhaité que les produits du corps humain soient inclus
dans le champ d'application du texte.
Le rapporteur a enfin fait observer qu'en marge de la directive, le texte
contenait des dispositions relatives à la garantie des vices
cachés, sujet qui faisait l'objet d'une proposition de directive en
cours de discussion.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission des Lois a pris les
décisions suivantes :
- à l'
article 2
(responsabilité du producteur), elle a
adopté un amendement de suppression de l'alinéa qui
prévoit l'exclusion de la responsabilité des constructeurs pour
reporter cette disposition à l'article 7.
- à l'
article 4
(définition du produit), elle a
supprimé la disposition introduite par l'Assemblée nationale
visant à exclure des éléments du corps humain et des
produits issus de celui-ci du champ d'application du nouveau régime de
responsabilité.
- à l'
article 6
(mise en circulation), la commission a
adopté un amendement supprimant la mention précisant qu'un
produit ne pouvait faire l'objet que d'une seule mise en circulation.
- à l'
article 7
(notion de producteur), la commission a
adopté un amendement réintégrant l'exclusion de la
responsabilité des constructeurs qui figurait auparavant à
l'article 2 en prévoyant en outre l'exclusion de la
responsabilité de leurs sous-traitants.
- à l'
article 8
(responsabilité du vendeur, du loueur ou
de tout autre fournisseur), la commission a adopté, outre un amendement
rédactionnel, un amendement excluant les crédits-bailleurs du
champ de la responsabilité.
- à l'
article 10
(charge de la preuve), la commission a
proposé de supprimer l'obligation pour la victime de faire la preuve du
défaut du produit, celle-ci devant, dans le cadre d'une
responsabilité de plein droit, simplement prouver le dommage et le lien
de causalité entre le produit et le dommage.
- à l'
article 12
(causes d'exonération de la
responsabilité), la commission a adopté un amendement supprimant
l'exonération de responsabilité prévue par le texte pour
le risque de développement.
- à l'
article 12
bis
(obligation de suivi des produits),
la commission a adopté un amendement de précision, afin de
permettre l'application de certaines causes d'exonération.
- à l'
article 13
(réduction ou suppression de la
responsabilité du producteur en cas de faute de la victime), elle a
adopté un amendement de suppression de l'alinéa
définissant la faute de la victime, préférant s'en
remettre sur ce point à la jurisprudence.
- à l'
article 16
(clauses limitatives ou exonératoires de
responsabilité), la commission a adopté un amendement supprimant
les restrictions prévues par le texte à la validité des
clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité
passées entre professionnels.
- à l'
article 19
(cumul de la responsabilité du fait des
produits défectueux avec les régimes de responsabilité
existants), la commission a adopté un amendement supprimant
l'impossibilité prévue par le texte de mettre en jeu la
responsabilité du producteur à raison de la garde du produit
après sa mise en circulation.
Dans l'attente de l'intervention prochaine d'une directive européenne
sur la question, la commission a proposé de disjoindre les
articles
21 à 24
relatifs à la garantie des produits non couverte par
la présente directive.
Mesdames, Messieurs,
La proposition de loi soumise à votre examen constitue une nouvelle
étape d'une procédure législative complexe qui,
commencée il y a plus de sept ans, a eu pour objet de transposer en
droit interne la directive du conseil des communautés européennes
du 25 juillet 1985 relative au "
rapprochement des dispositions
législatives, réglementaires et administratives des Etats membres
en matière de responsabilité du fait des produits
défectueux ".
Il s'agit, ici, de la responsabilité pour
la sécurité des produits et non pas de la question, certes
très importante, de la qualité de ces derniers.
La France a ainsi pris un retard considérable dans l'adaptation de son
droit national puisque cette directive aurait dû y être
transposée avant le
30 juillet 1988.
Si différents facteurs peuvent expliquer ce retard, force est de
constater que l'existence en droit interne de régimes de
responsabilité, précisés au fil du temps par la
jurisprudence, rend plus difficile l'adaptation de nouvelles règles qui
ne sauraient aboutir à diminuer le niveau de protection des
consommateurs exposés à des produits défectueux,
conformément d'ailleurs aux prescriptions de l'article 13 de la
directive.
Toujours est-il que la première tentative engagée pour assurer
cette transposition par le dépôt d'un projet de loi sur le bureau
de l'Assemblée nationale au mois de mai 1990 n'a pu aboutir en
dépit de l'élaboration d'un texte par la commission mixte
paritaire réunie au mois de décembre 1992 à l'issue des
deux lectures effectuées à l'Assemblée nationale et au
Sénat.
Le Gouvernement de l'époque n'a, en effet, curieusement pas jugé
utile de soumettre ce texte à l'Assemblée nationale et au
Sénat. Il est permis de s'interroger sur les raisons de cette abstention.
Dans ces conditions, ce défaut de transposition de la directive en droit
interne a été sanctionné par la Cour de Justice des
Communautés Européennes dans une décision du 13 janvier
1993 et l'on ne peut exclure que la France soit de nouveau condamnée
pour ce manquement à ses obligations communautaires.
Depuis lors, une proposition de directive (97/0244) du Parlement
européen et du Conseil modifiant la directive du 25 juillet 1985 a
été présentée, afin d'étendre le champ
d'application de cette dernière aux produits agricoles.
La proposition de loi -issue d'une initiative de Mme Nicole Catala et
adoptée par l'Assemblée nationale le 13 mars 1997
après le rejet d'une question préalable- a donc pour
finalité de relancer la procédure législative avec
l'espoir qu'elle puisse aboutir dans un délai rapproché.
Le présent rapport, après avoir rappelé le contenu de la
directive et les principaux aspects de la première tentative de
transposition, vous présentera l'économie de la proposition de
loi et les propositions de votre commission des Lois.
*
* *
I. LA DIRECTIVE DU 25 JUILLET 1985 : UNE PREMIÈRE TENTATIVE DE TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE QUI N'A PU ABOUTIR
A. LE CONTENU DE LA DIRECTIVE
Sur l'excellent rapport de notre ancien collègue M.
Jacques Thyraud (n° 425, seconde session ordinaire 1991-1992), la
commission des Lois avait soumis au Sénat une présentation
détaillée du contenu de la directive du 25 juillet 1985.
Votre rapporteur en rappellera les principales caractéristiques.
La directive organise un régime de responsabilité
réputée de plein droit
du producteur en cas de dommages
aux personnes ou aux biens causés par un défaut de son produit,
dès lors que sont établis par la victime le
dommage
, le
défaut
du produit et le
lien de causalité
entre le
défaut et le dommage.
Ce régime concerne
tout meuble
même incorporé dans
un autre meuble ou un immeuble, à l'exclusion possible des
matières premières agricoles et des produits de la chasse. Une
proposition de directive (97/0244) prévoit d'inclure les produits
agricoles dans le champ d'application de la directive du 25 juillet 1985.
La directive écarte, par ailleurs, toute différence entre les
demandeurs selon qu'ils ont acquis l'usage d'un produit
par un contrat ou
non.
Elle centre la responsabilité sur le producteur considéré
comme le principal agent de la production et le plus apte à s'assurer.
Sont néanmoins assimilés au producteur l'importateur et, à
titre subsidiaire, le vendeur lorsque le producteur ou l'importateur ne peut
être identifié.
Elle écarte la possibilité de prévoir dans les contrats
des clauses limitatives ou exonératrices de la responsabilité
qu'elle institue.
La mise en oeuvre de la responsabilité du producteur est
néanmoins enfermée dans des délais assez courts qui
contrastent avec ceux applicables en droit interne pour la mise en oeuvre d'une
action en réparation.
La directive établit ainsi deux délais : un délai de
prescription de l'action d'une durée de
trois ans
à
compter de la date à laquelle le plaignant aurait dû avoir
connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur
(article 10) ; un délai d'extinction de la responsabilité du
producteur, d'une durée de
dix ans
à compter de la mise en
circulation par le producteur du produit même qui a causé le
dommage (article 11).
Elle prévoit en outre un certain nombre de causes d'exonération
de responsabilité au profit du producteur, à charge pour celui-ci
d'apporter la preuve de sa non-responsabilité.
Enfin, elle ouvre aux Etats membres trois options :
- inclure les
produits agricoles
et les
produits de la chasse
dans le champ d'application du nouveau dispositif ;
- laisser à la charge du producteur ce qui est communément
désigné comme le
" risque de
développement "
, c'est-à-dire la responsabilité
des dommages causés par un défaut du produit que
"
l'état des connaissances scientifiques et techniques ne
permettait pas de déceler, au moment où le produit a
été mis en circulation
" ;
- limiter la responsabilité globale du producteur pour les dommages
résultant de la mort ou des lésions corporelles et causées
par des articles identiques présentant les mêmes défauts,
à un montant qui ne peut être inférieur à 70
millions d'écus (490 millions de francs environ).
B. L'ÉCHEC DE LA PREMIÈRE TENTATIVE DE TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE EN DROIT INTERNE
Alors que la directive aurait dû être
transposée en droit interne avant le 30 juillet 1988, la France a
dès l'origine pris un certain retard dans la procédure de
transposition.
En premier lieu, le projet de loi modifiant le code civil et relatif à
la responsabilité du fait du défaut de sécurité des
produits, qui assurait cette transposition, n'a été
déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale que le
23 mai 1990, après de longs travaux préparatoires,
menés notamment par un groupe de travail mis en place à la
Chancellerie, qui témoignent de la complexité des
problèmes juridiques posés.
En second lieu, le projet de loi n'a été examiné en
première lecture par l'Assemblée nationale que le 11 juin 1992 et
par le Sénat le 25 juin 1992.
Après une deuxième lecture dans chacune des deux
assemblées, une commission mixte paritaire s'est réunie le 15
décembre 1992 fin de proposer un texte sur les dispositions du projet de
loi restant en discussion.
Cependant, le Gouvernement n'a pas soumis aux assemblées le texte
élaboré par la commission mixte paritaire.
Il convient de rappeler que, lors de cette première tentative de
transposition de la directive en droit interne, la question de
l'exonération du producteur pour les risques dits de
" développement " fut longuement discutée.
Comme votre rapporteur l'a indiqué ci-dessus, la directive laisse aux
Etats membres la faculté de ne pas permettre au producteur de
s'exonérer de sa responsabilité en établissant que
"
l'état des connaissances scientifiques et techniques, au
moment où il a mis le produit en circulation, n'a pas permis de
déceler l'existence du défaut ".
Cette question revêt, en effet, une importance particulière pour
l'équilibre de notre droit de la responsabilité puisque, dans
l'état actuel du droit positif,
la jurisprudence ne reconnaît
pas une telle cause d'exonération
.
Or, l'adaptation en droit interne du nouveau régime de
responsabilité issu de la directive
ne saurait
-comme l'article
13 de cette dernière le spécifie expressément-
aboutir
à réduire les droits
dont peut se prévaloir la victime
d'un dommage.
De même a été posée, à l'occasion de l'examen
de ce projet de loi, la question du cumul ou du non cumul du nouveau
régime issu de la directive avec les régimes de
responsabilité existants.
En définitive, contrairement aux solutions initialement
envisagées par le projet de loi mais conformément à la
position exprimée par le Sénat en seconde lecture, le texte issu
des travaux de la commission mixte paritaire avait exclu l'exonération
du producteur pour les risques de " développement " et avait
prévu le cumul des régimes de responsabilité.
Quoi qu'il en soit, la décision du Gouvernement de l'époque de ne
pas soumettre le texte de la commission mixte paritaire à l'approbation
de l'Assemblée nationale et du Sénat a fait échouer la
procédure de transposition de la directive.
Dans ces conditions, la directive n'ayant pas été
intégrée dans le droit national, plus de quatre ans après
l'expiration du délai prévu, la France a été
condamnée le 13 janvier 1993 par la Cour de Justice des
Communautés européennes.
Cette dernière a rendu un arrêt en manquement à l'encontre
de la France, qui est le seul des Etats membres à ne pas avoir
satisfait, en l'espèce, à ses obligations communautaires.
Dans un avis en date du 28 novembre 1995, la Commission européenne a par
la suite constaté la non exécution de l'arrêt rendu par la
Cour.
En conséquence, conformément à
l'article 171
du
traité de Rome, tel que modifié par le traité sur l'Union
européenne, la Cour de Justice pourra -sur proposition de la Commission-
infliger à la France le paiement d'une somme forfaitaire ou d'une
astreinte.
Dans une communication en date du 5 juin 1996, la Commission a
précisé les critères sur lesquels elle se
déterminerait avant de saisir la Cour de Justice : la gravité de
l'infraction qui est elle-même appréciée en fonction de
l'importance des règles communautaires visées et des
conséquences du manquement pour les intérêts
généraux et particuliers ; la durée de l'infraction et la
nécessité d'un effet dissuasif.
La Commission européenne a par ailleurs adopté, le 8 janvier
1997, une méthode de calcul des astreintes à partir d'une base
forfaitaire multipliée par des coefficients relatifs à la
gravité de l'infraction et à sa durée, à la
capacité financière de l'État évaluée sur la
base de son PIB et au nombre de voix dont il dispose lors des votes au Conseil
(ce qui permet d'apprécier son poids dans la définition des
règles qu'il n'a pas respectées).
Sur ces bases, la France pourrait encourir des astreintes quotidiennes
comprises entre 10.350 écus (environ 67.300 francs) et 631.771
écus (environ 4.107.000 francs).
Conscient de ces enjeux financiers, le précédent Gouvernement
avait transmis, au mois de juin 1996, à la Commission européenne
un
mémorandum
qui soulignait l'inadéquation des
règles de responsabilité édictées par la directive
pour ce qui est des produits issus du corps humain.
La Commission européenne, après avoir analysé ce
mémorandum
, n'a pas jugé que les réponses du
Gouvernement français pouvaient justifier une remise en cause de la
procédure contentieuse engagée. Celle-ci a néanmoins
été différée, compte tenu de l'engagement du
Gouvernement français de transposer la directive durant le premier
semestre 1997.
II. LA PROPOSITION DE LOI : UNE NOUVELLE TENTATIVE DE TRANSPOSITION EN DROIT INTERNE DE LA DIRECTIVE DU 25 JUILLET 1985
Présentée dès le mois de juillet 1993
-soit très rapidement après l'ouverture de la dernière
législature- la proposition de loi de Mme Nicole Catala tend à
assurer cette transposition en reprenant la plupart des solutions issues des
travaux de la commission mixte paritaire. Néanmoins, contrairement au
texte élaboré par cette dernière et à la position
retenue par le Sénat lors de la deuxième lecture du projet de
loi, elle permet au producteur de s'exonérer des risques de
" développement " (
article 12
) ce qui -votre
rapporteur
y reviendra- constitue une divergence majeure.
En outre, les éléments et produits du corps humain seraient
exclus du champ d'application du nouveau dispositif et resteraient en
conséquence soumis aux régimes de responsabilité de droit
commun (
article 4
).
Sous cette double réserve -dont la portée est loin d'être
négligeable- l'économie du dispositif proposé est pour
l'essentiel une reprise du texte issu des travaux de la Commission mixte
paritaire.
En conséquence, inséré après l'article 1386 du code
civil, il repose sur les principes suivants :
- le producteur sera responsable du dommage causé par un défaut
de son produit qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime
(
article 2
) ;
- la réparation concernera les dommages qui résultent d'une
atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit
défectueux lui-même (
article 3
) ;
- un produit sera défectueux lorsqu'il n'offrira pas "
la
sécurité à laquelle on peut légitimement
s'attendre
" (
article 5
) ;
- le demandeur devra prouver le dommage, le défaut et le lien de
causalité entre le défaut et le dommage (
article 10
) ;
- le producteur pourra être responsable du défaut alors même
que le produit a été fabriqué dans le respect des
règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une
autorisation administrative (
article 11
) ;
- outre des risques de " développement " le producteur
pourra
s'exonérer s'il prouve qu'il n'a pas mis le produit en circulation, que
le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment
où il a mis le produit en circulation, que le produit n'a pas
été destiné à la vente ou à toute autre
forme de distribution, que le défaut est dû à la
conformité du produit avec des règles impératives d'ordre
législatif ou réglementaire (
article 12
) ;
- néanmoins, ces causes d'exonération ne pourront être
invoquées par le producteur lorsque celui-ci, en présence d'un
défaut qui s'est révélé dans le délai de dix
ans après la mise en circulation du produit, n'aura pas pris les
dispositions propres à prévenir les conséquences
dommageables
(article 12 bis)
;
- les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité
à l'égard des particuliers seront réputées non
écrites (
article 16
). Cependant, la faute de la victime pourra,
dans certaines conditions, réduire ou supprimer la
responsabilité du producteur (
article 13
) ;
- la responsabilité de plein droit du producteur pour défaut de
sécurité des produits s'éteindra
dix ans
après la mise en circulation du produit (
article 17
). Les
victimes auront
trois ans
pour la mettre en oeuvre (
article 18
).
Ce nouveau régime de responsabilité, conformément à
l'article 13 de la directive, ne portera pas atteinte aux droits dont la
victime peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité
contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un régime
spécial de responsabilité (
article 19
). D'où il
ressort que le régime légal et jurisprudentiel en vigueur
continuera à s'appliquer.
Enfin, la présente proposition de loi reprend plusieurs dispositions du
projet de loi précité qui -hors du cadre de la directive-
modifiaient sous certains de ses aspects, le régime de la garantie des
vices cachés afin de renverser la charge de la preuve de
l'antériorité du vice à la vente (
article 21
) qui
pèse actuellement sur les victimes ; de fixer à
un an
le
délai de l'action en garantie des vices cachés
(article
23
) ; de préciser les modalités de réparation du
préjudice subi par la victime, lorsque la vente a été
faite par un professionnel
(article 22)
et les limites dans lesquelles
la forme judiciaire de la vente exclut la garantie du vendeur
(article
24).
On relèvera qu'une proposition de directive du Parlement européen
et du Conseil relative à la vente et aux garanties des biens de
consommation a été publiée au Journal officiel des
Communautés européennes du 16 octobre 1996.
La proposition de loi est applicable aux territoires d'outre-mer et à la
collectivité territoriale de Mayotte (
article 25).
En outre, en marge de ce dispositif, le régime des garanties
immobilières prévues notamment par le code civil est
étendu à certains territoires d'outre-mer et à la
collectivité territoriale de Mayotte (
article 26
).
III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
A. MAINTENIR LA RESPONSABILITÉ DU PRODUCTEUR POUR LES RISQUES DE DÉVELOPPEMENT
Divergence majeure avec les conclusions de la Commission
mixte
paritaire, la proposition de loi permet l'exonération -c'est à
dire l'irresponsabilité- du producteur pour les risques de
" développement ". Les arguments favorables et hostiles
à une telle cause d'exonération ont été largement
développés lors de l'examen du projet de loi de transposition.
Votre commission des Lois a considéré que les arguments
avancés à l'appui d'une telle cause d'irresponsabilité
n'étaient pas convaincants au regard des inconvénients majeurs
que présenterait son corollaire, à savoir laisser les
conséquences du dommage causé par le produit défectueux
à la charge de la victime ou, en définitive, de l'Etat.
Une telle solution serait d'ailleurs contraire à l'article 13 de la
directive qui prévoit expressément que cette dernière
"
ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage
peut se
prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou
extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de
responsabilité existant au moment de la notification
". Elle
serait également contraire aux principes les plus établis de
notre droit.
1. En faveur de l'irresponsabilité
, il est tout d'abord
affirmé que l'absence d'exonération du producteur dans un tel cas
aurait des
effets négatifs sur la recherche et l'innovation
.
Or, on peut se demander si l'admission de l'exonération -qui permettrait
au producteur d'invoquer son ignorance- n'aurait pas des effets plus
négatifs encore sur la recherche.
L'innovation ne semble pas avoir été jusqu'à
présent entravée, alors même que le droit en vigueur ignore
cette cause d'exonération. La comparaison avec des exemples
étrangers ne permet pas d'établir une corrélation entre
l'exonération pour le risque de développement et le dynamisme de
l'innovation.
En second lieu, la différence du régime juridique applicable en
France et dans les autres Etats de l'Union européenne serait
susceptible, aux yeux de certains, d'entraîner des distorsions de
concurrence préjudiciables aux producteurs français.
Or, la différence de régime juridique existant de longue date, il
ne semble pas que cette situation ait jusqu'à ce jour créé
des préjudices aux producteurs français, bien que le
marché national constitue pour eux un marché important. En outre,
faut-il rappeler que sur le marché national, les entreprises
étrangères se trouvent confrontées aux mêmes
obligations que leurs homologues français.
Il n'y a donc pas de
"
distorsion de concurrence
"
.
Un troisième argument avancé à l'appui de
l'exonération concerne les assurances : l'assurance
" responsabilité civile " des entreprises serait rendue plus
difficile, voire impossible, en raison d'une incertitude accrue dans
l'appréciation des risques.
Or, dans la situation actuelle qui ne reconnaît pas l'exonération
du risque de développement, la couverture du risque par les assurances
n'a pas été mise en cause.
D'une manière générale, il paraît peu convaincant
d'affirmer que le défaut d'exonération mettrait en cause les
équilibres actuels alors que ces équilibres ont été
précisément établis dans le cadre d'un système
juridique qui ignore cette exonération.
C'est précisément le constat que notre système juridique
présente l'avantage d'être stabilisé de longue date et,
sans générer de déséquilibres significatifs, qui a
conduit le Sénat, en seconde lecture du projet de loi de transposition,
à souhaiter ne pas y apporter de perturbations qui seraient source de
longs et difficiles contentieux.
2. Le maintien d'un principe général de responsabilité
répond au fait que les risques liés au développement
des produits deviendront à l'évidence un
problème
essentiel dans les sociétés modernes
.
L'obligation de sécurité qui pèse sur tout fabricant ou
vendeur d'un produit, consacrée de longue date par le droit
français, apparaît donc tout à fait essentielle
. Elle
est indissociable de la liberté de créer et de vendre des
produits.
Plutôt que de poser un principe
d'" irresponsabilité ", il est préférable de
laisser à la jurisprudence le soin d'appliquer le principe de
responsabilité avec la souplesse nécessaire, souplesse
qu'autorise la formule de l'article 5 selon lequel "
un
produit
est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à
laquelle on peut légitimement s'attendre
".
Reconnaître le risque de développement comme cause
d'exonération ouvrirait donc une brèche considérable dans
ce système juridique bien établi. Cette solution réduirait
le niveau de protection des victimes potentielles, situation difficilement
justifiable alors que le développement économique doit au
contraire tendre à une meilleure maîtrise des dangers de tous
ordres et a fortiori de ceux qu'il génère.
L'irresponsabilité du producteur au titre du risque de
" développement " aurait, en outre, pour conséquences
pratiques, de faire jouer par les premières victimes une fonction de
" révélateurs " sans être indemnisées. Une
telle solution est moralement et politiquement inacceptable, voire scandaleuse.
Aurait-on envisagé dans la pénible affaire du sang
contaminé de ne pas indemniser les premières victimes, au motif
que le vice n'était pas décelable au moment de leur contamination
?
Il convient d'ajouter que le vice en cause étant un vice de conception
du produit, les dommages provoqués ne seront pas isolés mais
multiples.
L'application d'une telle cause d'exonération ne manquerait pas
également d'ouvrir des
contentieux extrêmement difficiles
.
Il appartiendrait au producteur de prouver un fait négatif -qu'il ne
pouvait pas prévoir le défaut- ce qui pourrait se retourner en
l'obligation pour la victime d'apporter la preuve contraire, à savoir
que le producteur pouvait prévoir, preuve par définition
extrêmement difficile à rapporter puisque la recherche directement
liée au développement est le fait des producteurs eux-mêmes
et relève de secrets professionnels.
Il s'agirait par ailleurs de définir les " connaissances
générales " auxquelles il conviendrait de se
référer (recherche scientifique, nationale ou internationale,
communication d'un savant dans un congrès ?), exercice par nature
difficile.
La détermination du degré de prévisibilité du
risque, à partir duquel l'exonération ne pourrait pas jouer
serait elle-même fort mal aisée, comme le drame du sang
contaminé l'atteste.
Le maintien par la proposition de loi de l'application des régimes de
responsabilité existants -lesquels ne reconnaissent pas cette
exonération- n'apparaît pas comme une réponse satisfaisante
aux différents arguments énoncés ci-dessus à
l'encontre d'une telle irresponsabilité du producteur.
Comment, en effet, envisager une stabilité des solutions
jurisprudentielles sur le fondement desdits régimes, alors que le
législateur aurait admis cette exonération dans le cadre du
nouveau régime issu de la directive ?
Comment, au surplus, se satisfaire de cette différence entre les
régimes de responsabilité sur un aspect essentiel de la
réparation des dommages ?
Pour tous ces motifs, votre commission des Lois n'a pas jugé possible de
maintenir l'exonération du producteur pour le risque de
" développement ". Elle croit infiniment
préférable de laisser au juge le soin d'apprécier les
contraintes de ce risque à travers la notion de sécurité
à laquelle "
on peut légitimement s'attendre
".
B. INCLURE LES PRODUITS DU SOL AINSI QUE LES ELEMENTS ET PRODUITS DU CORPS HUMAIN DANS LE CHAMP D'APPLICATION DU DISPOSITIF
Le nouveau régime de responsabilité issu de la
directive serait applicable à tous les biens meubles, y compris les
produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche.
Cette inclusion des produits agricoles -admise par le Sénat lors de la
deuxième lecture du projet de loi de transposition- paraît
nécessaire, dès lors que les producteurs demeureraient en toute
hypothèse responsables sur le fondement de la garde ou de la garantie
des vices cachés, régimes qui ne leur seraient pas plus
favorables. En outre, la distinction entre les produits agricoles ayant subi
une première transformation et les autres pourrait être
artificielle et d'application difficile. Enfin, les graves questions
posées par la sécurité alimentaire justifient une telle
solution. Une nouvelle proposition de directive du Parlement européen et
du conseil (97/0244) a précisément pour objet d'étendre le
champ d'application de la directive du 25 juillet 1985 aux produits
agricoles.
Le Sénat s'est également montré soucieux de la
prévention en matière de sécurité sanitaire des
produits destinés à l'Homme en adoptant le 25 septembre
1997- sur une initiative de MM. Charles Descours, Claude Huriet et plusieurs de
nos collègues- une proposition de loi destinée à
réformer les règles du contrôle et de la veille sanitaires.
Cependant, solution qui n'avait pas été envisagée lors des
travaux parlementaires sur le projet de loi de transposition, la proposition de
loi exclut de son champ d'application les éléments du corps
humain et les produits qui sont issus de celui-ci
(article 4
).
Trois arguments
ont été avancés à l'appui de
cette exclusion. D'une part, ce type de produit n'obéirait pas au
régime de la production industrielle ni à celui des
échanges commerciaux. Ainsi, l'article 16-1 du code civil
spécifie-t-il que "
le corps humain, ses éléments
et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit
patrimonial
". Les
directives communautaires postérieures à la directive du 25
juillet 1985 et relatives aux spécialités pharmaceutiques ont
pour leur part exclu le sang total, le plasma et les cellules sanguines
d'origine humaine. Enfin, le régime de responsabilité du fait des
produits défectueux serait moins protecteur que celui résultant
de la jurisprudence française et du fonds d'indemnisation des personnes
transfusées et des hémophiles contaminés par le virus de
l'immunodéficience humaine, créé en 1991.
Ces arguments ne paraissent
pas convaincants
. D'une part, la directive
ne permet pas d'exclure les produits et éléments du corps humain
de son champ d'application.
D'autre part, dès lors que la proposition de loi préserve
l'application des régimes de responsabilité existants, la victime
pourra choisir le régime qui lui paraîtra le mieux à
même d'assurer la réparation du dommage qu'elle a subi. En outre,
le maintien de la responsabilité du producteur pour le risque de
développement -que vous propose votre commission des Lois-
atténue les différences entre les régimes applicables.
Enfin, il serait paradoxal d'écarter du champ d'application du nouveau
dispositif des produits pour lesquels les risques sont particulièrement
sensibles. Seraient en effet exclus une partie de la production pharmaceutique
et notamment les médicaments qui relèvent du domaine de
l'hormonologie dont la composition ferait apparaître des
éléments du corps humain (les extraits placentaires ou le sang
notamment).
Il reste bien entendu que les dons d'organes ou de produits du corps humain
échappent à ce nouveau dispositif qui concerne les producteurs
agissant à titre professionnel.
C. UN DEBAT PREMATURE SUR LE REGIME DE LA GARANTIE DES VICES CACHES
Les
articles
21 à 24
de la proposition de
loi -qui modifient sous certains aspects, le régime de la garantie des
vices cachés- figuraient dans le projet de loi présenté en
1990 et dans le texte issu des délibérations de la commission
mixte paritaire.
Cependant, depuis lors et postérieurement au dépôt de sa
proposition de loi par Mme Nicole Catala, une proposition de directive a
été -comme votre rapporteur l'a indiqué-
présentée sur le sujet de la vente et des garanties des biens de
consommation. Cette proposition devrait être examinée au mois de
mars prochain par le Parlement européen et soumise au Conseil au mois
d'avril.
Dans ces conditions, votre commission des Lois a considéré qu'il
ne serait pas de bonne procédure d'anticiper sur l'issue des
débats préalables à l'adoption de cette directive.
C'est pourquoi, elle vous propose de supprimer les articles 21 à 24 de
la proposition de loi.
D. DES CLARIFICATIONS NECESSAIRES
Votre commission des Lois vous soumet par ailleurs plusieurs
amendements destinés à clarifier certains aspects du dispositif
qui vous est soumis.
En premier lieu, dès lors que le vendeur, le loueur ou tout autre
fournisseur professionnel est assimilé au producteur (
article 8
),
il paraît nécessaire, conformément au texte de la
commission mixte paritaire, de ne pas prévoir une mise en circulation
unique du produit (
article 6
).
En second lieu, l'exclusion du secteur de la construction du champ
d'application du nouveau régime de responsabilité doit concerner
les sous-traitants (
articles 2 et 7
).
L'assimilation du loueur au producteur ne doit pas concerner le
crédit-bailleur
qui n'a lui-même pas la détention
matérielle du produit (
article 8
).
Par ailleurs, s'agissant d'un régime de responsabilité de plein
droit, il doit revenir à la victime de prouver le
dommage
et le
lien de causalité entre le
produit
et le
dommage
et non
pas, comme le suggère la proposition de loi, le
dommage
, le
défaut
et le lien de causalité entre le
défaut
et le
dommage
(
article 10
).
La définition de la
faute de la victime
, susceptible de
réduire voire de supprimer la responsabilité du producteur, qui
ne résulte pas de la directive elle-même, apparaît peu
satisfaisante et de nature à nourrir des contentieux difficiles
(
article 13
).
Les
clause limitatives ou exonératoires
de responsabilité
entre professionnels doivent être admises, sans la restriction
prévue par la proposition de loi qui concerne l'abus de puissance
économique (
article 16
).
En outre, il ne paraît pas justifié de prohiber, après la
mise en circulation du produit, la recherche de la responsabilité du
producteur sur le fondement de la
garde
, alors que la proposition de loi
-conformément à l'article 13 de la directive- entend
préserver les droits dont une victime peut se prévaloir au titre
d'un régime de responsabilité existant (
article 19
).
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Insertion dans le code civil d'un titre
consacré
à la responsabilité du fait des produits
défectueux
L'article premier de la proposition de loi insère dans
le
livre troisième
du code civil ("
Des
différentes manières dont on acquiert la
propriété
"), un
titre IV bis
relatif à la
responsabilité du fait des produits défectueux
(art.
1386-1
à
1386-18
).
Conformément à ce qu'avait prévu le projet de loi
présenté en 1990, ce nouveau titre prend place après le
titre IV ("
Des engagements qui se forment sans
convention
"),
lequel -dans son chapitre II- définit le régime de la
responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle
(
articles 1382 et suivants
).
Ce nouveau régime de responsabilité s'ajoute ainsi à ceux
d'ores et déjà susceptibles de s'appliquer en matière de
produits défectueux, à savoir outre le régime de la faute
et de la garde définis aux articles 1382 et suivant, celui de garanties
des vices cachés institués par les articles 1641 et suivants.
Votre commission vous propose d'adopter cet article
sans modification.
Article 2
(art. 1386-1 du code
civil)
Responsabilité du producteur
Conformément à l'article premier de la
directive, cet article tend à établir le principe de la
responsabilité du producteur pour le dommage causé par un
défaut de son produit.
Indépendant de l'existence d'une faute du producteur, la
responsabilité ainsi établie est
objective
.
Néanmoins, dispensée de prouver une faute du producteur, la
victime devra établir l'existence d'un dommage, le défaut de
sécurité ainsi que le lien de causalité entre le
défaut et le dommage, conformément à l'article 4 de la
directive transposé par l'article 10 de la proposition de loi (article
1386-9 du code civil). Cette preuve pourra, dans certains cas, être
difficile à apporter.
Aucune distinction n'est, par ailleurs, opérée entre la source
contractuelle et délictuelle de la responsabilité, le producteur
pouvant être tenu pour responsable "
qu'il soit ou non lié
par un contrat avec la victime
". Ce régime uniforme devrait
simplifier l'action de la victime en lui évitant la recherche souvent
difficile du fondement de la responsabilité.
Cependant, conformément à l'article 19 de la proposition de loi
(art. 1386-18 deuxième alinéa du code civil), ce
régime de responsabilité sans faute n'empêchera pas la
victime de se prévaloir d'une
faute
du producteur ou des
personnes dont celui-ci répond.
La responsabilité du producteur sera, en outre,
illimitée
.
La proposition de loi, en effet, ne retient pas, l'option ouverte par l'article
16 de la directive qui permet aux Etats membres de prévoir une
limitation de responsabilité globale du producteur pour les dommages
résultant de la mort ou de lésions corporelles, à un
montant qui ne peut être inférieur à 70 millions d'Ecu
(environ 460 millions de francs).
Une telle limitation légale de responsabilité, traditionnelle en
droit allemand, n'est en effet pas courante en droit français et
résulte -en matière de dépôt hôtelier ou de
transport aérien notamment- de l'application de conventions
internationales.
Le second alinéa de l'article 2 exclut du champ d'application du nouveau
régime de responsabilité les professionnels du secteur de la
construction immobilière qui sont d'ores et déjà soumis au
régime de responsabilité de plein droit organisé par les
articles 1792 à 1792-6 et 1646-1 du code civil (responsabilité du
constructeur d'un ouvrage et du vendeur d'un immeuble à construire).
Cette exclusion se veut conforme à l'esprit de la directive qui exclut
les immeubles de son champ d'application.
S'il est vrai que, dès lors, il pourrait paraître inutile de
prévoir une telle exclusion, celle-ci semble néanmoins
nécessaire dans la mesure où l'article 4 de la proposition de loi
intègre dans le champ d'application du nouveau régime de
responsabilité les
meubles incorporés dans des immeubles.
Cette disposition doit néanmoins figurer non pas au présent
article mais à l'article 7 de la proposition de loi qui définit
la notion de producteur.
Pour ce motif, votre commission des Lois vous soumet un
amendement
supprimant le second alinéa du texte proposé, lequel sera repris
par un autre amendement à l'article 7.
Elle vous propose d'adopter l'article 2 ainsi
modifié
.
Article 3
(art. 1386-2 du code civil)
Dommage
réparable
Transposant l'article 9 de la directive, cet article
précise la nature des dommages pouvant faire l'objet d'une
réparation.
Seront ainsi réparables les dommages résultant d'une atteinte
à la personne (mort ou lésions corporelles) ou à un bien
autre que le produit défectueux lui-même.
Ce faisant, l'article 3 de la proposition de loi retient une définition
plus large du dommage réparable que la directive. Celle-ci vise, en
effet, le dommage causé par la mort ou par des lésions
corporelles. Ce qui est couvert par la notion de
dommage qui résulte
d'une atteinte à la personne
retenue par la proposition de loi. En
revanche, s'agissant du dommage causé à un bien, celle-ci
-contrairement à la directive- ne distingue pas selon que ce bien sera
ou non d'un type normalement destiné à l'usage ou à la
consommation privés et sera utilisé ou non par la victime
principalement pour son usage ou sa consommation privés.
En conséquence, ce sont tant les dommages causés à un
consommateur que ceux subis par un professionnel qui entreront dans le champ
d'application du nouveau régime de responsabilité.
Ce régime uniforme répond à un souci de simplification,
qui parait opportun. L'article 16 de la proposition de loi (article 1386-15 du
code civil) autorise néanmoins les clauses stipulées entre
professionnels visant à écarter ou à limiter la
responsabilité du fait des produits défectueux.
En revanche, les dommages causés au produit défectueux de
même que les dommages immatériels -définis par le
neuvième considérant de la directive comme le
pretium
doloris
et d'autres dommages moraux- n'entrent pas dans le champ
d'application de la directive. Ils continueront donc à être
indemnisés selon les règles en vigueur.
Enfin, la proposition de loi n'a pas retenu -contrairement à l'article 9
de la directive- l'établissement d'une franchise de 500 ECU (environ
3.300 francs) pour l'évaluation du dommage causé à
une chose.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article
sans
modification.
Article 4
(Art. 1386-3 du code
civil)
Définition du produit
Cet article a pour objet de définir le produit dont le
défaut de sécurité sera susceptible d'engager la
responsabilité du producteur dans les conditions prévues par la
proposition de loi.
L'article 2 de la directive précise que le terme
"
produit
" désigne tout meuble, à l'exception
des matières premières agricoles et des produits de la chasse,
même s'il est incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble.
Le même article définit les "
matières
premières agricoles " comme " les produits du sol, de
l'élevage et de la pêcherie (sic), à l'exclusion des
produits ayant subi une première transformation
" et
précise que le terme " produit " désigne
également l'électricité.
Se conformant à cette définition, l'article 4 de la
proposition de loi vise
tous les biens meubles
même s'ils sont
incorporés
dans un immeuble. Dans ce dernier cas, le producteur
de la partie composante et celui qui aura réalisé l'incorporation
seront solidairement responsables (article 9 de la proposition de loi).
Par ailleurs, utilisant la faculté laissée aux Etats membres par
l'article 15-1
de la directive de déroger sur ce point
à son article 2, le présent article inclut dans le champ
d'application de la responsabilité du fait des produits, les produits
agricoles et de la chasse, en reprenant pour les premiers la définition
donnée par l'article 2 de la directive qui a été
rappelée ci-dessus.
Cette prise en compte des produits agricoles est conforme à la
jurisprudence de la Cour de Cassation qui applique les règles strictes
de la garantie du vendeur professionnel aux défauts de tous produits
qu'ils soient naturels ou manufacturés (Cour de Cassation,
première chambre civile, 11 mars 1980). En outre, la distinction
entre les produits agricoles ayant subi une première transformation et
les autres pourrait s'avérer artificielle et d'application difficile.
Enfin, les producteurs demeureraient, en toute hypothèse, responsables
sur le fondement de la garde ou de la garantie des vices cachés,
régimes qui ne leur seraient pas plus favorables. Pour ces mêmes
motifs, le Sénat avait choisi d'insérer les produits agricoles
dans le dispositif du projet de loi présenté en 1990.
Une nouvelle proposition de directive du Parlement européen et du
Conseil (97/0244) prévoit d'inclure ces produits dans le champ
d'application de la directive du 25 juillet 1985.
En revanche, innovant sur ce point par rapport tant à la directive qu'au
projet de loi précité, l'Assemblée nationale a choisi
d'exclure les éléments du corps humain et les produits issus de
celui-ci du champ d'application du nouveau régime de
responsabilité.
Trois motifs énoncés dans le rapport, à l'Assemblée
nationale, de notre ancien collègue Xavier Becq ont
présidé à cette exclusion. D'une part, ce type de produit
n'obéirait pas au régime de la production industrielle ni
à celui des échanges commerciaux. Ainsi, l'article 16-1 du code
civil -dont la rédaction est issue de la loi
" bioéthique " du 29 juillet 1994- spécifie-t-il que
"
le corps humain, ses éléments et ses produits ne
peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial
". Les
directives
communautaires postérieures à la directive du 25 juillet 1985 et
relatives aux spécialités pharmaceutiques ont pour leur part
exclu le sang total, le plasma et les cellules sanguines d'origine humaine.
Enfin, le régime de responsabilité du fait des produits
défectueux serait moins protecteur que celui résultant de la
jurisprudence française et du fonds d'indemnisation des personnes
transfusées et des hémophiles contaminés par le virus de
l'immunodéficience humaine acquise, créé en 1991.
L'ancien Garde des Sceaux, M. Jacques Toubon, a pour sa part, justifié
en ces termes devant l'Assemblée nationale l'exclusion des
éléments et produits du corps humain.
"
Je ne suis pas certain qu'en 1985 le problème ait
été clairement perçu dans tous ses aspects par les Etats
membres ni même sans doute par les instances communautaires. Je n'ai pas
besoin de rappeler le développement, depuis douze ans, des risques
sériels de contamination virale par transfusion sanguine.
" Or il est clair que ni éthiquement ni juridiquement, il n'est
concevable de faire des produits issus du corps humain et des
éléments de celui-ci, des " produits " au sens de la
directive, c'est-à-dire des produits du commerce, alors même que
la généralité de ce concept y invite.
" Les éléments de son corps, les produits qui en sont issus,
n'obéissent pas au régime de la production industrielle ni
à celui des échanges commerciaux. Ils sont soumis aux principes
fondamentaux de non-patrimonialité et d'anonymat du don.
" En outre, sur le plan de la sécurité sanitaire, le champ
des risques liés à l'origine des produits issus du corps humain
est indéfini, de même qu'il est impossible d'aboutir à leur
sécurisation complète en raison précisément de
cette origine. On comprend dès lors combien le débat auquel
invite la directive sur le risque de développement devient artificiel
à leur égard.
" Enfin, sur le strict plan juridique, force est de constater que le
régime de la directive est inadapté à cette
catégorie de produits. Ainsi le principe de l'anonymat du don s'oppose
à ce que la victime puisse, comme l'autorise le texte communautaire,
remonter la chaîne de distribution du produit jusqu'au producteur
originaire. De même, la personne qui bénéficie à des
fins thérapeutiques d'éléments ou produits du corps humain
ne peut être assimilée à un consommateur. Quant à la
notion de mise en circulation, elle ne peut à l'évidence couvrir
celle de prélèvement.
" Tout invite donc à l'exclusion que vous proposera le Gouvernement.
" Bien sûr, ne seraient pas couverts par cette exclusion les
produits dont l'élaboration ne se réduirait pas à un
simple conditionnement mais nécessiterait un processus technologique
où la part de l'inventivité technique serait prédominante.
" La France a d'ailleurs eu l'occasion de faire connaître sa
position aux autorités communautaires, destinataires d'un
mémorandum sur cette question : elle soutient un processus de
révision de la directive sur ce point.
".
Mais la directive ne permet pas une telle exclusion des
éléments et produits du corps humain.
La proposition de loi préserve, par ailleurs, l'application des
régimes existants. Dès lors, il appartiendra à la victime
de choisir le régime qui lui apparaîtra le plus susceptible
d'assurer la réparation du dommage qu'elle a subi. En outre, votre
commission des Lois, vous proposant de ne pas retenir, à
l'article 12, la faculté pour le producteur de s'exonérer du
risque de développement, les différences entre les régimes
applicables s'atténueront.
Enfin, il serait paradoxal d'exclure du nouveau régime issu de la
directive des produits -tels que les produits pharmaceutiques, notamment ceux
qui relèvent de l'hormonologie- dont la composition ferait
apparaître des éléments du corps humain (les extraits
placentaires et le sang, par exemple) et pour lesquels les conséquences
d'un défaut peuvent être particulièrement graves.
Au demeurant, les dons d'organes et de produits du corps humain ne rentrent pas
dans le champ d'application du dispositif qui concerne les producteurs agissant
à titre professionnel.
C'est pourquoi, votre commission des Lois vous soumet un
amendement
destiné à supprimer cette exclusion.
Elle vous propose d'adopter l'article 4 ainsi
modifié
.
Article 5
(art. 1386-4 du code
civil)
Définition du défaut de sécurité
Conformément à l'article 6 de la directive, le
présent article précise qu'un produit sera
considéré comme défectueux lorsqu'il n'offrira pas la
sécurité à laquelle on peut légitimement
s'attendre
.
Sont ainsi repris par la proposition de loi les termes de l'article premier de
la loi n° 83-660 du 21 juillet 1983 relative à la
sécurité des consommateurs qui précise que "
les
produits et les services doivent, dans des conditions raisonnablement
prévisibles par le professionnel, présenter la
sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre
et ne pas porter atteinte à la sécurité des
personnes.
"
A la différence du défaut visé dans la garantie des vices
cachés dont la définition conduit à apprécier de
façon générale si le produit est apte à l'usage
pour lequel il est mis en circulation, la détermination du défaut
visé par la directive impliquera de se prononcer, de manière plus
précise, sur la sécurité qu'il présente.
C'est ce qu'indique le sixième considérant de la directive en
relevant que "
pour protéger l'intégrité physique
et les biens du consommateur, la détermination du caractère
défectueux d'un produit doit se faire en fonction non pas de
l'inaptitude du produit à l'usage mais du défaut de
sécurité à laquelle le grand public peut
légitimement s'attendre
".
Le deuxième alinéa de l'article 1386-4 du code civil
précise, conformément à la directive, les critères
qui devront être pris en compte, notamment par le juge, pour
apprécier la sécurité à laquelle on peut
légitimement s'attendre.
L'utilisation du pronom personnel indéfini "
on
"
tant
par la directive que par le présent article, rend compte du
caractère objectif que revêt l'appréciation du degré
de sécurité attendu. Ce n'est pas l'attente particulière
de la victime d'un produit qui doit être prise en considération
mais celle de la collectivité, en général.
A la suite de l'article 6-1 de la directive, l'article 1386-4 prévoit
qu'il doit être tenu compte de toutes les circonstances. Parmi ces
circonstances, trois d'entre elles sont plus particulièrement
soulignées : la présentation du produit, l'usage qui peut en
être raisonnablement attendu -notion plus protectrice pour l'utilisateur
que celle d'usage conforme à la destination- le moment de sa mise en
circulation.
L'appréciation sur la sécurité du produit devra être
faire au moment de sa mise en circulation qui, selon la définition qu'en
donne l'article 6 de la proposition de loi, est celui où le producteur
s'en dessaisit volontairement.
Enfin, le dernier alinéa du présent article reprend les
dispositions de l'article 6-2 de la directive qui précise qu'un produit
ne peut être considéré comme défectueux par le seul
fait qu'un produit plus perfectionné a été mis en
circulation postérieurement à lui. En conséquence, un
produit qui répondrait aux attentes légitimes de
sécurité, telles qu'on pouvait les apprécier lors de sa
mise en circulation, ne deviendra pas défectueux ultérieurement
du seul fait que des produits plus perfectionnés auront
été mis sur le marché afin de répondre à des
exigences plus fortes de sécurité.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 5
sans
modification
.
Article 6
(art. 1386-7 du code
civil)
Définition de la mise en circulation
Cet article a pour objet de définir la notion de mise
en circulation du produit, précision qui ne résulte pas de la
directive elle-même.
Au sens du présent article, un produit sera considéré
comme mis en circulation lorsque le producteur s'en sera
dessaisi
volontairement
. En conséquence, il n'y aura pas mise en circulation
dans les cas de vol.
La mise en circulation conditionne la définition du défaut de
sécurité (article 1386-4), l'exonération du producteur
(article 1386-11), l'obligation de suivi du produit (article 1386-11-1),
l'extinction de la responsabilité du producteur (article 1386-16),
l'exclusion de l'application du régime de responsabilité à
raison de la garde du produit (article 1386-18) ainsi que l'application dans le
temps du régime intégrant la directive (article 20).
Le second alinéa prévoit, par ailleurs, que le produit ne fait
l'objet que d'une seule mise en circulation.
Cette restriction ne parait cependant pas cohérente avec les
dispositions de l'article 8 de la proposition de loi, qui précise que le
vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel est responsable dans
les mêmes conditions que le producteur.
C'est pourquoi, votre commission des Lois vous soumet un
amendement
supprimant cette notion de mise en circulation unique, conformément
d'ailleurs à la solution retenue par la commission mixte paritaire
réunie en 1992.
Elle vous propose d'adopter l'article 6 ainsi
modifié.
Article 7
(art. 1386-7 du code
civil)
Définition du producteur
Cet article a pour objet de définir la notion de
producteur, définition qui conditionne l'application du nouveau
régime de responsabilité.
Au sens de son premier alinéa, qui reprend les dispositions de l'article
3-1 de la directive, est considéré comme producteur, lorsqu'il
agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le
producteur d'une matière première et le fabricant d'une partie
composante. Ce dernier ne sera responsable que des dommages causés par
un défaut de cette partie elle-même.
En outre, le présent article prévoit, conformément
à l'article 3-1 de la directive, que sera assimilé à
un producteur celui qui se présente comme producteur en apposant sur le
produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.
Par cette formule, sont visés, en pratique, les grands distributeurs qui
vendent des produits sans autre marque que la leur et assument, en
conséquence, la responsabilité du producteur.
Sera également assimilé à un producteur,
conformément à l'article 3-2 de la directive, celui qui
importe un produit dans la Communauté européenne en vue d'une
vente, d'une location, avec ou sans promesse de vente, ou de toute autre forme
de distribution.
La définition du producteur par le présent article doit
être complétée par la lecture de l'article 8 de la
proposition de loi, qui déclare responsable dans les mêmes
conditions que le producteur, le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur.
Votre commission des Lois vous propose, par un
amendement
, d'ajouter
à cet article un alinéa qui, reprenant les dispositions figurant
à l'article 2 de la proposition de loi, exclut du champ
d'application du nouveau régime les professionnels déjà
exposés au régime de responsabilité prévu par les
articles 1792 et suivants du code civil.
Le même amendement prend en compte les sous-traitants. Ceux-ci, en effet,
ne sont pas liés juridiquement avec le maître de l'ouvrage et ne
sont pas tenus à la responsabilité décennale ou biennale.
Ils peuvent cependant être appelés en garantie par l'entrepreneur
principal. Il paraît donc logique de soumettre à un même
régime l'ensemble des professionnels intéressés à
la construction de l'ouvrage, en levant un doute qui pourrait résulter
de la rédaction retenue par la proposition de loi.
Cette exclusion vaudra évidemment pour le cas où ces
professionnels, déjà exposés au régime de la
responsabilité des constructeurs d'ouvrage, se trouveraient dans l'une
des situations que l'article 8 de la proposition de loi assimile à celle
du producteur.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 7 ainsi
modifié.
Article 8
(art. 1386-7 du code
civil)
Responsabilité du vendeur, du loueur
ou de tout autre
fournisseur
Cet article -étendant la définition du
producteur donnée par l'article 3 de la directive- prévoit que
le vendeur
, le
loueur
ou tout autre
fournisseur
professionnel
sera responsable du défaut de sécurité
du produit dans les mêmes conditions que le producteur.
L'article 3-3 de la directive, pour sa part, n'assimile le fournisseur au
producteur que si le premier n'a pas indiqué à la victime, dans
un délai raisonnable, l'identité du second ou de celui qui lui a
fourni le produit.
En ne retenant pas cette hiérarchisation des responsabilités, le
présent article permet à la victime d'assigner
indifféremment le producteur ou le vendeur sur le fondement de la
responsabilité du fait du défaut de sécurité. Il
lui évite ainsi de rechercher la personne qu'elle doit assigner.
Sur le fondement des régimes existants, la victime peut actuellement
engager, d'une part, la responsabilité du producteur sur le terrain de
la faute ou en sa qualité de gardien de la structure de la chose et,
d'autre part, celle du vendeur sur la base de la responsabilité
contractuelle.
Cependant, le loueur, le vendeur ou fournisseur professionnel disposera d'un
recours en garantie contre le producteur qui obéira aux mêmes
règles que la demande émanant de la victime directe qui dispose
d'un délai de trois ans pour mettre en oeuvre l'action en
réparation (art. 18 de la proposition de loi). Il devra
néanmoins agir dans l'année suivant le moment où il aura
été lui-même cité en justice.
Votre commission des Lois vous propose, par un
amendement
, de ne pas
assimiler le crédit-bailleur au producteur.
En effet, la fonction du crédit-bailleur est purement financière.
Il n'intervient pas dans le choix du matériel ni dans les pourparlers
avec le fournisseur sur les modalités de la commande. En pratique, la
garantie due par le vendeur du matériel est transférée au
bénéfice du locataire.
Votre commission des Lois vous soumet par ailleurs un
amendement d'ordre
rédactionnel.
Elle vous propose d'adopter l'article 8 ainsi
modifié
.
Article 9
(art. 1386-8 du code civil)
Dommage
causé par le défaut d'un produit incorporé
Cet article prévoit, pour les dommages causés
par un produit incorporé dans un autre produit, la responsabilité
solidaire du producteur de la partie composante et de celui qui en a
réalisé l'incorporation.
L'article 5 de la directive précise que lorsque plusieurs personnes sont
responsables d'un même dommage, leur responsabilité est solidaire,
sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de
recours.
La responsabilité solidaire instituée par le présent
article doit être rapprochée des dispositions de l'article 1386-6
(article 7 de la proposition de loi) qui qualifie comme producteur non
seulement le fabricant d'un produit fini mais aussi le fabricant d'une partie
composante.
La solution ainsi retenue est favorable à la victime qui n'aura pas
à rechercher -notamment par le recours à des expertises- la part
de responsabilité de chacun des producteurs.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 9
sans
modification
.
Article 10
(art. 1386-9 du code civil)
Charge de la
preuve
Conformément à l'article 4 de la directive, cet
article fait supporter par la victime la charge de la preuve du
dommage
,
du
défaut
et du
lien de causalité
entre le
défaut et le dommage.
Ainsi, la charge de la preuve incombant au demandeur contredirait le principe
de la responsabilité de plein droit qui est à la base de la
directive. En effet, l'existence d'un dommage et d'un lien de causalité
avec un produit ne conduirait donc pas à présumer un
défaut de sécurité de ce produit.
Dans certains cas, la preuve pourra être difficile, voire impossible
à rapporter par la victime qui en subira les conséquences. En
revanche, à la différence de la garantie des vices cachés,
elle n'aura pas à prouver l'antériorité du vice.
La rédaction proposée par le présent article ne rend pas
compte de la nature de la responsabilité édictée par la
directive. S'agissant d'une responsabilité sans faute, en effet, il
appartient à la victime d'établir l'existence d'un dommage et le
lien de causalité entre le dommage et le produit mais non le
défaut lui-même dont l'existence résulte du principe
posé par l'article 5 "
un produit est défectueux
lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut
légitimement s'attendre ".
Votre commission des Lois vous soumet un
amendement
modifiant en ce sens
la rédaction de l'article 10.
Elle vous propose d'adopter cet article ainsi
modifié
.
Article 11
(art. 1386-10 du code civil)
Circonstances
ne supprimant pas la responsabilité du producteur
Bien que cette disposition ne soit pas prévue par la
directive, le présent article tend à préciser que le
producteur peut être responsable du défaut alors même que le
produit a été fabriqué dans le respect des règles
de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation
administrative.
Il reprend ainsi une solution traditionnellement admise en jurisprudence pour
la garantie des vices cachés. Le producteur ne pourrait donc pas
s'exonérer en établissant que le produit qu'il a mis en
circulation et qui a provoqué le dommage était conforme aux
règles de l'art ou aux normes existantes ou encore qu'il avait fait
l'objet d'une autorisation administrative.
Le Sénat avait jugé préférable de supprimer la
même disposition prévue par le projet de loi
présenté en 1990, considérant qu'il convenait de faire
confiance à la jurisprudence.
La commission mixte paritaire avait en définitive décidé
de rétablir cette disposition qui, en définitive, ne modifie pas
le droit positif.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter
sans modification
l'article 11.
Article 12
(art. 1386-11 du code civil)
Causes
d'exonération
Cet article tend à prévoir des causes
d'exonération de la responsabilité du producteur. Il appartiendra
à ce dernier d'établir l'existence de la cause
exonératoire.
Sous cette réserve, la producteur pourra s'exonérer de sa
responsabilité :
- S'il n'a pas mis le produit en circulation, c'est-à-dire au sens de
l'article 1386-5 (article 6 de la proposition de loi), s'il ne s'en est
pas dessaisi volontairement. Tel peut, par exemple, être le cas d'un
produit volé à un producteur ou qui n'a pas encore
été livré.
- Si le défaut n'existait pas au moment où il a mis le produit en
circulation. A la suite de la directive, le présent article opère
ainsi un renversement de la charge de la preuve par rapport au régime de
la garantie des vices cachés, lequel fait peser sur le demandeur la
charge de la preuve de l'antériorité du défaut par rapport
à la livraison. Le producteur apparaît, en effet, comme mieux
placé et mieux armé pour rapporter une telle preuve.
- Si le produit n'a pas été destiné à la vente ou
à toute forme de distribution. Serait ainsi exonéré le
producteur qui n'a pas fabriqué le produit en cause dans le cadre de son
activité professionnelle.
- Si le défaut est dû à la conformité du produit
avec des règles impératives d'ordre législative ou
réglementaire.
- Enfin, et surtout, le producteur ne serait pas responsable du
"
risque de développement
", c'est-à-dire s'il
prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au
moment où il a mis le produit en circulation ne lui a pas permis de
déceler l'existence du défaut.
Cette cause d'exonération est expressément prévue par
l'article 7-e de la directive. Mais l'article 15-1 (a) ouvre aux Etats membres
la faculté de maintenir la responsabilité du producteur dans ce
cas.
En droit français, l'exonération des risques de
développement n'est actuellement pas reconnue par la jurisprudence.
Tout au plus, celle-ci a-t-elle admis une atténuation à cette
règle de non exonération, en matière de
médicaments, en considérant que le producteur n'était pas
responsable au cas où le dommage n'était pas imputable à
un vice de la chose mais à un danger dont il pouvait ne pas avoir
connaissance, en l'espèce une contre-indication liée à la
combinaison de deux médicaments (Cour de Cassation, 1ère chambre
civile, 8 avril 1986).
Mais trois arrêts récents rendus dans la dramatique affaire du
sang contaminé ont rappelé la solution jurisprudentielle
traditionnelle qui exclut l'exonération du producteur : le vice interne
du sang, même indécelable, ne constitue pas une cause
exonératoire de responsabilité (Cour de Cassation, 1ère
chambre civile, 9 juillet 1996).
Le droit français conserve ainsi une
obligation de
sécurité
qui pèse sur tout fabricant ou vendeur d'un
produit, obligation indissociable de la liberté de créer et de
vendre, dont on ne peut s'exonérer que par la preuve d'une cause
étrangère.
En conséquence, l'introduction de l'exonération des risques de
développement dans le nouveau régime de responsabilité
entraînerait une réduction des droits des victimes, contrairement
à ce que prévoit expressément l'article 13 de la
directive. Elle pourrait inciter la jurisprudence à étendre
l'exonération aux régimes de responsabilité existants,
dont l'article 19 de la proposition de loi préserve l'application.
Une telle cause d'exonération aurait des conséquences pratiques
difficilement acceptables. Elle reviendrait, en effet, à admettre que
les premières victimes serviraient de
" révélateurs ", sans être indemnisées,
solution à l'évidence moralement et politiquement insoutenable.
Aurait-on ainsi envisagé dans le cas du sang contaminé de ne pas
indemniser les premières victimes, au motif que la contamination
n'aurait pas été " décelable " ?
Par définition, le vice en cause est un vice de conception, ce qui
signifie que les accidents qu'il peut provoquer ne sont pas isolés mais
multiples
.
Il convient d'y prêter la plus grande attention à une
époque où les dangers semblent se multiplier, dans les domaines
de la santé et de la nutrition, en particulier.
Par ailleurs, une telle cause d'exonération ne manquerait pas d'ouvrir
des contentieux extrêmement difficiles.
La charge de la preuve incomberait certes au professionnel. Mais, dans la
pratique, il s'agirait de la preuve d'un fait négatif (prouver qu'on ne
pouvait pas prévoir) qui ne manquerait pas de se transformer en la
nécessité pour la victime d'apporter la preuve contraire (prouver
que le producteur aurait pu prévoir). Or, la victime aurait le plus
grand mal à déterminer dans quelle mesure le producteur aura
reçu ou acquis des informations l'avertissant du danger du produit,
alors que la recherche directement liée au développement est le
fait des producteurs eux-mêmes.
Si l'on se référait aux connaissances générales,
encore faudrait-il préciser lesquelles (recherche scientifique,
nationale, internationale ? une communication d'un savant dans un
congrès ?).
La détermination du degré de prévisibilité du
dommage à partir de laquelle l'exonération ne pourrait pas jouer
sera elle-même très difficile, comme le drame du sang
contaminé le montre.
Cette cause d'exonération conduirait ainsi à une multiplication
des expertises au cours de la procédure, perspective peu favorable aux
victimes dépourvues de compétences et de moyens.
Enfin, le risque de " développement " déjà
couvert par les assurances dans le cadre du droit actuel, pourra continuer
à l'être dans le cadre du nouveau régime de
responsabilité.
On ajoutera que la responsabilité du producteur doit s'apprécier,
conformément à l'article 5 de la proposition de loi, en
fonction de la sécurité à laquelle
" on peut
légitimement s'attendre "
pour le produit
considéré, cette sécurité étant
elle-même appréciée, compte tenu de toutes les
circonstances, notamment du moment de la mise en circulation. Aussi la
jurisprudence se voit-elle reconnue une marge d'appréciation très
préférable à l'énoncé d'un principe
général d'irresponsabilité fondamentalement contraire
à notre droit.
Pour ces motifs, votre commission des Lois vous soumet un
amendement
supprimant cette cause d'exonération, ce qui est d'ailleurs conforme au
texte de la commission mixte paritaire réunie en 1992.
Le présent article précise également dans son dernier
alinéa, que le producteur de la partie composante n'est pas non plus
responsable s'il apporte la preuve que le défaut est imputable à
la conception du produit dans lequel cette partie a été
incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce
produit.
En revanche, en application de l'article 1386-8 (article 9 de la
proposition de loi), le fabricant du produit fini ne pourra pas
s'exonérer de sa responsabilité en cas de dommage causé
par le défaut du produit incorporé. Sous réserve de
recours entre professionnels, il est en effet solidairement responsable avec
celui qui a réalisé l'incorporation.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article ainsi
modifié
.
Article 12 bis (nouveau)
(art. 1386-11-1 du code
civil)
Obligation de suivi des produits
Cet article -qui constitue une innovation par rapport à
la directive- tend à faire peser sur le producteur l'obligation de
suivre le produit après sa mise sur le marché.
Le producteur ne pourra ainsi invoquer les causes d'exonération
prévues par l'article 12 de la proposition de loi, lorsqu'en
présence d'un défaut qui s'est révélé dans
le délai de
dix ans
après la mise en circulation du
produit, il n'a pas pris les dispositions propres à en prévenir
les conséquences dommageables.
Ces dispositions pourraient notamment consister dans l'
information
du
public, le
rappel
pour révision ou le
retrait
du produit.
C'est au producteur qu'il appartiendra d'établir qu'il a pris toutes les
mesures propres à prévenir le dommage.
Le présent article doit être rapproché des dispositions
déjà prévues par l'article 3 de la loi n° 83-660 du
21 juillet 1983 relative à la sécurité des consommateurs
et de celles résultant de l'article 7 de la loi n° 77-771 du
12 juillet 1977 sur le contrôle des produits chimiques.
L'article 3 de la loi du 21 juillet 1983 prévoit qu' "
en cas de
danger grave ou immédiat, le ministre chargé de la consommation
et le ou les ministres intéressés peuvent suspendre par
arrêté conjoint, pour une durée n'excédant pas un
an, la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché
à titre gratuit ou onéreux d'un produit et faire procéder
à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa
destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger.
Ils ont également la possibilité d'ordonner la diffusion de mises
en garde ou de précautions d'emploi ainsi que la reprise en vue d'un
échange ou d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel
(...)
".
L'article 7 de la loi du 12 juillet 1977 précise que "
les
substances chimiques (...) présentant des dangers pour l'homme ou son
environnement (...) peuvent être examinées ou
réexaminées à la diligence de l'autorité
administrative. Celle-ci peut exiger de la part des producteurs ou importateurs
la fourniture des dossiers techniques nécessaires à l'examen ou
au réexamen de ces substances (...) ".
En outre, selon le même article, "
les producteurs ou
importateurs de substances chimiques ou de préparations sont tenus
d'indiquer à l'autorité administrative compétente les
faits nouveaux découlant soit de l'amélioration des connaissances
scientifiques et techniques, soit de l'observation des effets de ces substances
et faisant apparaître de nouveaux dangers pour l'homme ou pour son
environnement
".
Cette obligation de suivi des produits constitue une atténuation de
l'exonération du producteur pour les risques de
" développement ", prévue par l'article 12 de la
proposition de loi.
En effet, l'exonération ne pourra jouer que si le producteur
établit qu'en présence d'un défaut du produit -qui s'est
révélé dans les dix ans à compter de sa mise en
circulation- il a pris toutes les mesures propres à en prévenir
les conséquences dommageables.
Cette disposition figurait à l'article 15 de la proposition de loi
initiale, dans une rédaction conforme au texte adopté par les
deux assemblées en 1992.
Dans un souci de clarification, l'Assemblée nationale a souhaité
l'insérer après l'article 12 qui traite des causes
d'exonération dans une rédaction qui lie plus nettement
l'obligation de suivi aux causes d'exonération.
Votre commission des Lois vous soumet un
amendement de précision
qui permet au producteur de s'exonérer pour les autres motifs
énoncés à l'article 12 de la proposition de loi,
à savoir en prouvant qu'il n'a pas mis le produit en circulation, que le
défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où
il a mis le produit en circulation, que le produit n'a pas été
destiné à la vente ou à tout autre forme de distribution,
étant précisé que l'exonération par le risque de
développement serait quant à elle supprimée parmi les
causes d'exonération.
En outre, le producteur de la partie composante pourrait faire valoir la cause
d'exonération que lui reconnaît l'article 12 de la
proposition de loi.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 12 ainsi
modifié
.
Article 13
(art. 1386-12 du code
civil)
Réduction ou suppression de la responsabilité du
producteur
en cas de faute de la victime
Cet article prévoit la réduction ou la
suppression de la responsabilité du producteur, lorsque la faute de la
victime a concouru au dommage causé par le produit.
L'article 8-2 de la directive vise expressément la faute de la victime
comme cause d'exonération ou de limitation de la responsabilité
du producteur. Il précise, en effet, que cette responsabilité
peut s'appliquer "
compte tenu de toutes les circonstances,
lorsque le
dommage est causé conjointement par le défaut du produit et par
la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est
responsable
".
Le premier alinéa du présent article transpose, dans des termes
identiques, l'article 8-2 de la directive.
Le second alinéa apporte cependant une précision, qui ne figure
pas dans la directive, sur la notion de faute.
Constituera ainsi une faute de la victime l'utilisation du produit dans des
conditions anormales
qui n'étaient pas
raisonnablement
prévisibles
par le producteur.
Cette formulation, proche de celle de l'article premier de la loi
n° 83-660 du 21 juillet 1983 désormais codifié à
l'article L. 221-1 du code de la consommation, réduit la portée
de l'exonération du producteur en raison de la faute de la victime.
Ainsi l'utilisation du produit dans des conditions anormales mais
raisonnablement prévisibles ne pourrait pas exonérer le
producteur. Tel pourrait être le cas notamment d'un jouet qu'un enfant
met en bouche ou de pneus légèrement sous-gonflés.
Considérant que cette précision, qui ne résulte pas de la
directive, n'était pas nécessaire -compte tenu de la
rédaction du premier alinéa qui prévoit la prise en
considération de "
toutes les circonstances
"- et
qu'il
était préférable de laisser à la jurisprudence le
soin d'apprécier la faute de la victime, votre commission des Lois vous
propose de la supprimer par un
amendement
.
Elle vous soumet l'article 13 ainsi
modifié
.
Article 14
(art. 1386-13 du code civil)
Incidence de
l'intervention d'un tiers
dans la réalisation du dommage
Conformément à l'article 8-1 de la directive,
cet article précise que la responsabilité du producteur ne sera
pas réduite lorsque l'intervention d'un tiers aura concouru à la
réalisation du dommage.
Cette disposition -très favorable à la victime puisqu'elle lui
permettra d'être indemnisée par le producteur, sans attendre la
détermination éventuelle d'un partage de responsabilité-
est justifiée par le huitième considérant de la directive
qui expose que "
la protection du consommateur exige que la
responsabilité du producteur ne soit pas affectée par
l'intervention d'autres personnes ayant contribué à causer le
dommage
", sous réserve toutefois de la prise en
considération de la faute concurrente de la victime prévue
à l'article 1386-11.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 14
sans
modification
.
Article 15
(art. 1386-14 du code civil)
Obligation de
suivi des produits
Cet article -qui figurait dans la proposition de loi
initiale-
est relatif à l'obligation du suivi des produits imposée au
producteur pendant un délai de dix ans à compter de la mise en
circulation.
Il a néanmoins été supprimé par l'Assemblée
nationale qui, dans un souci de clarification, a inséré ses
dispositions dans une nouvelle rédaction après l'article 12 (cf.
commentaire de l'article 12 bis).
Votre commission des Lois vous propose de
maintenir la suppression
de
l'article 15.
Article 16
(art. 1386-15 du code civil)
Prohibition
des clauses limitatives
ou exonératoires de responsabilité
Conformément à l'article 12 de la directive, cet
article prohibe les clauses qui viseraient à écarter ou à
limiter la responsabilité du fait des produits défectueux.
Il s'agit par cette disposition -selon le douzième considérant de
la directive- d' "
assurer une protection efficace des
consommateurs
".
Le présent article revient, en effet, à conférer un
caractère d'ordre public
au nouveau régime institué
par la proposition de loi. Ainsi de telles clauses seront
réputées non écrites.
Cette interdiction s'appliquera tant aux particuliers qu'aux professionnels,
l'article 2 de la proposition de loi ne distinguant pas selon que les biens
sont destinés à un usage professionnel ou privé.
Toutefois, le second alinéa du présent article atténue la
portée de cette règle pour ce qui est des relations entre
professionnels. De telles clauses seront ainsi valables lorsqu'elles seront
stipulées entre des personnes agissant à titre professionnel
à condition qu'elles ne soient pas imposées par un abus de
puissance économique de l'un des cocontractants et qu'elles ne lui
confèrent pas un avantage excessif.
Votre commission des Lois vous propose, par un
amendement
, de supprimer
cette restriction qui n'apparaît pas justifiée dans des relations
entre professionnels.
Elle vous soumet cet article 16 ainsi
modifié
.
Article 17
(art. 1386-16 du code civil)
Extinction de
la responsabilité du fait des produits défectueux
Conformément à l'article 11 de la directive, cet
article prévoit l'extinction de la responsabilité du producteur
en raison du défaut de son produit,
dix ans
après la mise
en circulation de ce dernier.
Cette limitation dans le temps de la responsabilité du producteur -qui
pourra faciliter sa couverture par une assurance- est justifiée par le
onzième considérant de la directive qui relève que
"
les produits s'usent avec le temps, que des normes de
sécurité plus strictes sont élaborées et que les
connaissances scientifiques et techniques progressent ; qu'il serait,
dès lors, inéquitable de rendre le producteur responsable des
défauts de son produit sans une limitation de durée ; que sa
responsabilité doit donc s'éteindre après une
période de durée raisonnable, sans préjudice toutefois des
actions pendantes "
.
Seul l'engagement d'une procédure judiciaire aura pour effet
d'interrompre le délai, à l'exclusion de toutes les autres causes
d'interruption et de suspension des prescriptions, applicables en droit
français (articles 2242 et suivants du code civil).
Passé le délai de dix ans, la responsabilité du producteur
pourra être engagée sur le fondement d'une faute établie
contre lui.
En outre, conformément à l'article 19 de la proposition de loi,
la responsabilité pourra toujours être recherchée au titre
de la responsabilité civile extra-contractuelle dont l'action se
prescrit également par
dix ans
mais à compter de la
manifestation ou de l'aggravation du dommage et non pas de la mise en
circulation du produit (article 2270-1 du code civil). Elle pourra
également être poursuivie au titre de la responsabilité
contractuelle, laquelle se prescrit par
trente ans.
Précisons, enfin, que ce délai éteignant la
responsabilité du producteur ne doit pas être confondu avec le
délai de prescription de l'action en réparation prévu par
l'article 18 de la proposition de loi.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 17
sans
modification
.
Article 18
(art. 1386-17 du code civil)
Prescription
de l'action en réparation
Conformément à l'article 10 de la directive, cet
article précise que l'action en réparation se prescrit dans un
délai de
trois ans
à compter de la date à laquelle
la victime a eu -ou aurait dû avoir- connaissance du dommage, du
défaut et de l'identité du producteur.
Le dixième considérant de la directive relève qu'
"
un délai de prescription uniforme pour l'action en
réparation est dans l'intérêt de la victime comme dans
celui du producteur
".
Il s'agit par un délai assez court de prescription -dérogatoire
aux règles applicables en droit français- d'éviter les
problèmes qui pourraient résulter d'un délai plus long
pour l'administration de la preuve.
Il demeure que ce délai ne vaut que pour l'application du régime
de responsabilité issu de la directive. Conformément à
l'article 19 de la proposition de loi, la victime qui y aura
intérêt, pourra toujours se fonder sur l'un des régimes de
responsabilité existants qui admet des délais beaucoup plus longs
(cf. commentaire de l'article 17).
Enfin, comme le précise l'article 10-2 de la directive, cette
prescription résultant du présent article sera soumise à
toutes les causes de suspension ou d'interruption applicables en droit interne.
Elle suppose d'ailleurs non seulement la connaissance du dommage mais aussi
celle du défaut et de l'identité du producteur.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 18
sans
modification
.
Article 19
(art. 1386-18 du code civil)
Cumul de la
responsabilité du fait des produits défectueux
avec les
régimes de responsabilité existants
Cet article tend à préserver les droits dont la
victime d'un dommage pourra se prévaloir au titre du droit de la
responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d'un
régime spécial de responsabilité.
L'article 13 de la directive précise, en effet, que la directive
"
ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage
peut se
prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou
extra-contractuelle ou au titre d'un régime spécial de
responsabilité existant- au moment où elle a été
notifiée
".
Les régimes de responsabilité existants pouvant dans certains cas
s'avérer plus protecteurs des droits des victimes que le nouveau
régime issu de la directive, il est en effet indispensable de permettre
ce cumul des régimes applicables, que le projet de loi transposant la
directive avait initialement exclu dans un souci de simplification.
Tel est l'objet du premier alinéa du présent article qui retient
ainsi une solution conforme aux conclusions de la commission mixte paritaire
réunie en 1992.
Ainsi, selon ce que lui commandera son intérêt, en fonction des
circonstances de l'espèce, la victime pourra choisir le régime le
plus adéquat pour obtenir réparation.
Cette faculté qui lui est ainsi reconnue sera particulièrement
importante pour lui éviter de subir les délais de prescription
très courts prévus par la directive.
Conformément au second alinéa de l'article 1386-18, le producteur
restera responsable des conséquences de sa faute et de celles des
personnes dont il répond.
En revanche, en application du dernier alinéa, après la mise en
circulation du produit défectueux, la responsabilité du
producteur ne pourrait plus être recherchée à raison de la
garde du produit, c'est-à-dire sur le fondement de l'article 1384
du code civil.
Votre commission des Lois vous propose par un
amendement
de supprimer
cette dernière disposition qui est en contradiction avec le principe de
cumul des régimes de responsabilité prévu par le
présent article et avec l'article 13 de la directive en remettant
en cause le mécanisme de responsabilité que le même article
13 tend précisément à préserver.
Elle vous soumet l'article 19 ainsi
modifié
.
Article 20
Application dans le temps du régime de
responsabilité
du fait des produits défectueux
Cet article a pour objet de fixer les règles
d'application dans le temps du nouveau régime de responsabilité
issu de la directive.
A cet effet, il se fonde sur la notion de mise en circulation qui gouverne les
nouvelles dispositions, lesquelles seront ainsi applicables aux produits dont
la première mise en circulation sera postérieure à la date
d'entrée en vigueur de la loi.
La référence à la
première
mise en
circulation est surprenante dès lors que l'article 6 de la proposition
de loi précise expressément qu'un produit ne fait l'objet que
d'une seule mise en circulation. Votre commission des Lois vous a
néanmoins proposé à l'article 6 de la proposition de
loi de ne pas retenir cette notion de mise en circulation unique, incompatible
avec l'assimilation du vendeur, du loueur ou de tout autre fournisseur
professionnel au producteur.
La circonstance que ces produits ont fait l'objet d'un contrat
antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi sera, par
ailleurs, sans conséquence sur l'application du nouveau régime.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter l'article 20
sans
modification
.
Article 21
(art. 1641-1 du code civil)
Preuve du
défaut caché de la chose vendue
En marge de la directive, l'article 21 de la proposition de
loi -de même que ses articles 22 à 24- tend à
préciser le régime de la garantie des vices cachés.
A cette fin, il insère dans le code civil un article 1641-1 qui
opère un renversement de la charge de la preuve de
l'antériorité du défaut à la vente.
Sur le fondement de l'article 1641 du code civil, il appartient au demandeur
-c'est-à-dire à l'acheteur- d'établir, outre l'existence
d'un vice, sa gravité et son caractère caché, que le vice
existait antérieurement à la vente ou à la livraison de la
chose.
L'article 21 de la proposition de loi pose également le principe que la
charge de la preuve de l'antériorité du défaut par rapport
à la fourniture de la chose pèse sur le demandeur.
Il établit, en revanche, que lorsqu'il est stipulé une garantie
conventionnelle, le défaut qui se révèle dans le
délai de cette garantie sera présumé avoir existé
au moment de la fourniture, sauf preuve contraire.
Le délai de garantie conventionnelle doit en effet correspondre à
une période pendant laquelle aucun défaut ne devrait normalement
apparaître. En conséquence, la révélation d'un tel
défaut doit permettre de présumer, sauf preuve contraire
apportée par le professionnel, que ce défaut existait au moment
de la fourniture. La durée de cette présomption résultera
du délai de la garantie conventionnelle.
En outre, le présent article fixe à
un an
la durée
de la présomption lorsqu'aucun délai de garantie conventionnelle
n'a été fixé, afin d'éviter que cette
présomption puisse être éludée de cette
manière.
Cependant, la présomption ne s'appliquera pas dans les ventes entre
personnes agissant à titre professionnel.
Votre commission des Lois observe qu'une proposition de directive est en cours
d'examen, sur le thème de la vente et des garanties des biens de
consommation.
Dans ces conditions, dans un souci de bonne procédure, elle a
jugé qu'il était prématuré d'adopter de nouvelles
dispositions sur le même thème.
Elle vous soumet, en conséquence, un
amendement de suppression
de
l'article 21.
Article 22
(art. 1644-1 du code
civil)
Modalités de réparation du préjudice
Cet article insère un article 1644-1 dans le code
civil, afin de prévoir les modalités de réparation du
préjudice subi par la victime, lorsque la vente a été
faite par un vendeur professionnel.
L'article 1644 du code civil, qui ne distingue pas selon que le vendeur est un
professionnel ou non, ouvre deux possibilités, au choix de
l'acquéreur, dan le cadre de l'action en garantie.
L'acquéreur peut obtenir soit la résolution du contrat (action
rédhibitoire qui implique la restitution de la chose contre celle du
prix), soit la diminution du prix (action estimatoire qui entraîne la
conservation de la chose par l'acheteur mais un remboursement partiel du prix).
Le présent article limite son champ d'application à la vente
réalisée par un professionnel.
L'acheteur pourra obtenir le remboursement du prix contre la restitution du
produit (action rédhibitoire) ou la diminution du prix (action
estimatoire).
En outre, sauf si cette demande est manifestement déraisonnable,
l'acheteur pourra demander la réparation du produit, à moins que
le vendeur offre de le remplacer, ou encore le remplacement du produit.
Cependant, le deuxième alinéa de l'article 1644-1 exclut la
possibilité pour l'acquéreur d'exiger le remboursement du prix ou
le remplacement du produit s'il s'est mis, sans motif légitime, dans
l'impossibilité de restituer ce dernier.
Dans un tel cas, qui peut résulter de la perte (disparition, destruction
ou détérioration) ou de la revente de la chose, seule l'action
estimatoire sera ouverte à l'acheteur.
Lorsque la perte résultera d'un vice affectant le produit, l'acheteur
aura un motif légitime le mettant dans l'impossibilité de
restituer ce produit. Ainsi, l'article 1647 du code civil prévoit-il
que, dans ce cas, c'est le vendeur qui répond du vice.
En revanche, la perte par cas fortuit, qui n'est imputable ni au vice de la
chose ni à la faute de l'acquéreur sera mise à la charge
de ce dernier. Telle est la solution qui ressort de l'article 1647
deuxième alinéa du code civil dans le régime de garantie
contre les vices cachés.
Pour les mêmes motifs que ceux énoncés à
l'article 21, votre commission des Lois vous soumet un
amendement de
suppression
de l'article 22.
Article 23
(art. 1648 du code civil)
Délai
pour agir
Cet article -qui donne une nouvelle rédaction à
l'article 1648 du code civil- prévoit un délai fixe
d'un
an
qui se substituerait au
bref délai
actuellement
prévu pour l'action en garantie contre les vices cachés.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 1648 prévoit que
"
l'action résultant des vices rédhibitoires doit
être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai,
suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où
la vente a été faite
".
L'appréciation du bref délai relève du pouvoir souverain
des juges du fond (arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du
18 juillet 1966). Il est fréquemment invoqué comme
moyen de défense par le vendeur devant les tribunaux.
La jurisprudence semble en général considérer que l'action
doit être engagée dans un délai compris entre
six
mois
et
un an
. Néanmoins, l'absence de délai fixe est
source de litiges qui portent sur l'existence ou non d'une
déchéance de la garantie pour inobservation du bref délai.
Le présent article tend à supprimer toute source d'incertitudes
en retenant un délai
d'un an
à compter du moment où
l'acheteur a constaté le vice ou aurait dû le constater.
Cependant, contrairement à ce que prévoit la rédaction en
vigueur de l'article 1648 pour le bref délai, le délai
d'un an
, qui résulterait de la nouvelle rédaction
proposée, ne serait pas un délai d'action mais un délai
pendant lequel l'acheteur devrait faire connaître le vice au vendeur,
faute de quoi son droit à se prévaloir de ce vice serait prescrit.
En outre, cette durée
d'un an
pourra être modifiée
entre vendeurs professionnels par les usages ou la convention des parties.
Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux articles 21
et 22, votre commission des Lois vous soumet un
amendement de
suppression
de l'article 23.
Article 24
(art. 1649 du code civil)
Exclusion de la
garantie du vendeur dans les ventes imposées
par une division de
justice
Cet article donne une nouvelle rédaction à
l'article 1649 du code civil afin de limiter les cas dans lesquels la
forme judiciaire de la vente exclut la garantie du vendeur.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 1649 exclut la garantie des
vices cachés dans les ventes "
faites par une autorité de
justice
".
En conséquence, la garantie ne trouve pas à s'appliquer non
seulement lorsque la vente est faite contre la volonté du vendeur, ce
qui est notamment le cas en matière de saisie, de liquidation ou de
cession forcée de mitoyenneté, mais aussi dans tous les cas
où la vente a revêtu une forme judiciaire sans être pour
autant imposée au vendeur.
La nouvelle rédaction proposée permettrait de n'exclure
l'application de la garantie que dans les seuls cas où la vente aura
été imposée au vendeur par une décision de justice.
Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux articles 21, 22
et 23, votre commission des Lois vous soumet un
amendement de
suppression
de l'article 24.
Article 25
Application de la loi
aux territoires
d'outre-mer et à Mayotte
Cet article rend la loi applicable aux territoires
d'outre-mer
et à Mayotte.
Néanmoins, il exclut l'application des dispositions de l'article 7
qui assimilent à un producteur la personne qui importe un produit dans
la communauté européenne dont la collectivité territoriale
de Mayotte et les territoires d'outre-mer ne font pas partie.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article
sans
modification
.
Article 26
Application aux territoires de la
Nouvelle-Calédonie,
des îles Wallis et Futuna et à la
collectivité territoriale de Mayotte
du régime des garanties
immobilières
Cet article -issu d'un amendement présenté par
le Gouvernement devant l'Assemblée nationale- étend le
régime des garanties immobilières aux territoires de la
Nouvelle-Calédonie et des îles Wallis-et-Futuna ainsi qu'à
la collectivité territoriale de Mayotte.
Sont ainsi concernées les dispositions suivantes :
- l'article 4 de la loi n° 67-3 du 3 janvier 1967 relative
aux ventes d'immeubles à construire et à l'obligation de garantie
à raison des vices de construction ;
- les articles premier, 2 et 3 de la loi n° 78-12 du
4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à
l'assurance dans le domaine de la construction ;
- les articles 1601-1 à 1601-4 du code civil qui traitent de la vente
d'immeubles à construire ;
- les articles 1642-1 et 1646-1 relatifs à l'application du
régime de la garantie des vices cachés aux immeubles à
construire ;
- les articles 1792-1 à 1792-6 qui précisent le régime de
responsabilité des constructeurs d'ouvrage.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article
sans
modification.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter la présente proposition de loi .