III. CLARIFIER LES RÈGLES DU JEU ENTRE L'ETAT ET LES COLLECTIVITÉS LOCALES : UNE PRIORITÉ QUI DEMEURE D'ACTUALITÉ

Le groupe de travail sur la décentralisation présidé par M. Jean-Paul Delevoye a défini trois conditions majeures pour permettre à la décentralisation de jouer plus efficacement son rôle dans l'adaptation de la France aux enjeux du prochain siècle : le préalable de la clarification des relations avec l'Etat ; l'adaptation des structures territoriales elles-mêmes aux nouveaux défis de la société ; la recherche d'une meilleure adéquation des réponses aux problèmes économiques.

L'exercice budgétaire 1998 permettra au Gouvernement de préciser ses intentions à l'égard des collectivités locales sur ces sujets essentiels.

A. LES RELATIONS FINANCIÈRES AVEC L'ETAT

Dernière année d'application du pacte triennal de stabilité, 1998 sera -comme l'a relevé M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, devant l'Assemblée nationale - " une année de réflexion sur l'après-pacte de stabilité ".

Dans cette perspective, votre commission des Lois souhaite que les observations, déjà formulées l'an passé, et qu'elle réitère cette année, soient prises en compte.

Comme l'a reconnu le ministre de l'Intérieur devant l'Assemblée nationale, on ne peut imputer aux collectivités locales " que des charges qu'elles devront pouvoir supporter ".

Cette exigence de stabilité des charges implique donc l'ouverture d'une réflexion sur les normes -notamment dans le domaine de l'environnement- et les dates butoir qui leur sont applicables, difficilement conciliables avec un contexte d'évolution très limitée des ressources locales.

En outre, comme le précédent Gouvernement s'y était engagé, la procédure de l'étude d'impact doit être généralisée afin d'évaluer précisément le coût financier des mesures intéressant les collectivités locales.

Enfin, la situation de la CNRACL demeure pour les collectivités locales un sujet de préoccupation majeure, en dépit de l'absence d'augmentation de la cotisation employeur en 1998.

Les réserves de la caisse ont régressé très sensiblement au cours des derniers exercices. Celles-ci qui étaient de 14,618 milliards de francs en 1991 ne représentaient plus que 949 millions de francs au 31 décembre 1996.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 en autorisant un transfert de 4,5 milliards de francs de l'allocation temporaire d'invalidité (A.T.I.) vers la CNRACL, a permis à celle-ci d'aborder l'exercice 1997 dans des conditions plus favorables. Ainsi, compte tenu d'un résultat déficitaire d'environ 1,6 milliard de francs, le Gouvernement estime que la Caisse terminerait l'exercice avec un excédent de 2,9 milliards de francs. Les réserves augmenteraient pour atteindre près de 3,9 milliards de francs. En 1998, compte tenu d'un déficit prévisionnel d'environ 2,5 milliards de francs, le montant des réserves en fin d'exercice atteindrait environ 1,4 milliard de francs.

Il demeure que les mécanismes de compensation généralisée entre l'ensemble des régimes de base et la surcompensation spécifique aux régimes spéciaux de retraite pèsent lourdement sur la CNRACL. Celle-ci y a contribué à hauteur de 18,995 milliards de francs en 1996 (10,054 milliards de francs au titre de la compensation généralisée et 8,941 milliards de francs au titre de la surcompensation). Le taux de la surcompensation, qui était de 22% en 1991, est passé à 30% en 1992 et à 38% à compter de 1993.

Grâce à l'initiative du Sénat, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a plafonné les ressources acquittées au titre de la surcompensation à hauteur de 25% du total des prestations servies par les régimes spéciaux d'assurance vieillesse.

Au-delà de cette disposition utile, c'est bien une réflexion sur l'ensemble des mécanismes de compensation et surcompensation qui doit être engagée. L'enjeu est essentiel pour les collectivités locales pour lesquelles un point de cotisation à la CNRACL représente près d'un milliard de francs et un pour-cent de fiscalité locale correspond à un peu plus de deux points de cotisation à la CNRACL.

Le Gouvernement a par ailleurs annoncé son intention d'engager une réflexion sur le coût pour l'Etat des compensations des exonérations et dégrèvements législatifs , même si le présent projet de loi de finances ne prévoit aucune mesure destinée à limiter ce coût.

Devant le comité des finances locales, M. Christian Sautter, Secrétaire d'Etat au budget, a relevé que la part de la taxe professionnelle prise en charge par l'Etat était passée de 16% en 1984 à 36% en 1997. Cette forte progression résulte essentiellement du mécanisme de dégrèvement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée. Le coût pour l'Etat du plafonnement de la taxe professionnelle est passé de 4,5 milliards de francs en 1990 à 34,8 milliards de francs en 1997, soit un coût huit fois supérieur.

Si cette situation n'est à l'évidence pas satisfaisante, encore faut-il rappeler qu'elle résulte de décisions prises par l'Etat lui-même et qui ayant un effet sur les ressources des collectivités locales doivent leur être compensées.

Fondées à escompter une compensation d'exonérations ou dégrèvements décidés par l'Etat, les collectivités sont en outre en droit d'attendre une compensation effective des charges qui leur sont transférées. Les réflexions menées par notre collègue Paul Girod au nom de l'Observatoire des finances locales -réflexions corroborées par le rapport de la commission consultative d'évaluation des charges- ont mis en évidence que la compensation des charges transférées, effectuée de manière à peu près satisfaisante à l'origine a évolué de manière défavorable .

Votre commission des Lois ne peut donc que reprendre à son compte la conclusion du groupe de travail sur la décentralisation qui s'est prononcé " pour une compensation intégrale et concomitante des charges transférées, conformément aux principes fondamentaux de la décentralisation ".

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