II. EXAMEN DE L'AVIS
Le
mardi 28 octobre 1997
, sous la
présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président
, la
commission a procédé à
l'examen du rapport de
M. Marcel Lesbros
sur le
projet de loi de finances pour 1998
(
anciens combattants
).
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
a déclaré
que le projet de budget s'inscrivait dans un contexte économique
difficile marqué par des économies budgétaires et par la
poursuite d'une baisse structurelle du nombre des anciens combattants qui
diminuait d'autant le montant des prestations servies.
Le rapporteur pour avis a rappelé que l'objectif du budget
général était de limiter les déficits publics
à 3 % du produit intérieur brut (PIB) et qu'à cette
fin, les dépenses du budget général n'augmenteraient que
de 1,36 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, soit
un rythme comparable à l'évolution prévisionnelle des prix.
Le rapporteur pour avis a rappelé que les crédits affectés
au secrétariat d'Etat aux anciens combattants et victimes de guerre
s'élevaient à 25,952 milliards de francs, ce qui
représentait une baisse de 3,5 % par rapport à la loi de
finances initiale pour 1997.
Il a considéré que cette baisse signifiait que les crédits
rendus disponibles par une réduction du nombre des pensionnés
n'étaient pas réaffectés pour l'essentiel au sein du
ministère, mais au profit des priorités du nouveau Gouvernement.
Le rapporteur pour avis a fait observer que ce budget se caractérisait
par une absence de mesures nouvelles importantes accompagnée, pour
l'essentiel, du maintien des droits et des structures.
Concernant les mesures nouvelles adoptées par le Gouvernement, le
rapporteur a distingué les dispositions inscrites dans le projet de loi
de finances déposé par le Gouvernement à
l'Assemblée nationale des dispositions qui ont été
adoptées à l'Assemblée avec l'accord du Gouvernement, que
ce soit en commission ou en séance publique.
Il a rappelé que le projet de loi de finances, déposé sur
le bureau de l'Assemblée nationale, comprenait trois dispositions
nouvelles : l'article 62 qui permet l'indemnisation des étrangers
déportés depuis la France et ayant acquis depuis lors la
nationalité française, l'alignement sur le droit commun des dates
de remboursement par l'Etat de la majoration des rentes constituées par
les anciens combattants et la prise en compte pour l'attribution de
l'allocation différentielle du Fonds de solidarité des revenus du
foyer qui devrait exclure les ménages qui perçoivent un revenu
imposable mensuel supérieur à 18.255 francs.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis
, a considéré
que ces trois mesures étaient de nature différente : la
première devant concerner environ 150 déportés et
leurs ayants cause pour 11,6 millions de francs, la deuxième ne
devant pas toucher les anciens combattants et la troisième supprimant le
bénéfice de l'allocation différentielle pour
310 personnes, soit 1% des effectifs actuels, pour une économie de
9 millions de francs.
Le rapporteur pour avis a souligné que les députés de la
commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale avaient considéré que ce budget
était " inacceptable en l'état " et qu'ils avaient
réclamé de nombreuses mesures que la commission des affaires
sociales du Sénat défendait également ; il a cité
la suppression de l'obligation de passage par l'allocation
différentielle pour entrer en allocation de préparation à
la retraite (APR), la prise en compte pour l'attribution du titre de
reconnaissance de la Nation des périodes passées en
Algérie après 1962, la relance de la politique de la
mémoire, un effort sur les conditions d'attribution de la carte du
combattant et des mesures concernant la retraite anticipée pour les
anciens d'Algérie.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis
, a déclaré
que, pour tenir compte des réserves exprimées par les
députés, le secrétaire d'Etat avait obtenu du Gouvernement
l'inscription de 40 millions de francs de crédits
supplémentaires en faveur des anciens combattants lors de la discussion
de la première partie de la loi de finances. Il a fait remarquer que
cette augmentation n'était en rien considérable puisqu'elle ne
représentait qu'une hausse de 0,15 % des crédits du
département ministériel. Il a fait observer que ces
crédits étaient destinés à l'origine à
financer quatre dispositions : la fixation du plafond de la retraite mutualiste
en points d'indice de pension militaire d'invalidité, à hauteur
de 95 points, soit un montant de 7.488 francs pour le plafond
majorable en 1988 contre 7.091 francs en 1997 ; la remise à niveau
des crédits de mémoire ; l'élargissement des conditions
d'attribution de la carte du combattant en Afrique du Nord avec la prise en
compte du critère de la durée de séjour d'au moins
dix-huit mois ; et l'amélioration de l'action sociale de l'Office
national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) au profit des
anciens d'Afrique du Nord dans l'attente d'une possible avancée en
matière de retraite anticipée.
Le rapporteur pour avis a déclaré qu'il considérait, comme
les députés de la commission des affaires culturelles, familiales
et sociales, que ces mesures étaient insuffisantes dans leur montant par
rapport aux 745 millions de francs économisés du fait de la
diminution du nombre de pensionnés et, dans leur objet, au regard de
l'attente de l'ensemble des parlementaires quant à l'annonce d'une
mesure de véritable retraite professionnelle pour les anciens d'Afrique
du Nord.
Il a rappelé que la commission des affaires culturelles, familiales et
sociales de l'Assemblée nationale avait décidé de donner
un avis favorable au projet de budget sous réserve de l'adoption de
trois amendements au projet de loi de finances : le premier fixant à
95 points d'indice le montant du plafond majorable de la retraite
mutualiste et prévoyant la revalorisation de ce plafond en fonction de
la valeur du point d'indice ; le deuxième ouvrant droit à la
retraite anticipée pour les anciens combattants en Afrique du Nord
chômeurs en fin de droits pouvant justifier d'une durée de
cotisation de quarante annuités à l'assurance vieillesse
diminuée du temps passé en Afrique du Nord ; le troisième
ouvrant l'attribution de la carte de combattant aux anciens d'Afrique du Nord
justifiant d'une durée de service d'au moins douze mois en Afrique du
Nord.
Le rapporteur pour avis a rappelé que le Gouvernement, lors du
débat en séance publique, avait estimé avoir tenu compte
des amendements adoptés par la commission des affaires culturelles,
familiales et sociales de l'Assemblée nationale en modifiant la
ventilation des 40 millions de francs supplémentaires inscrits
à l'issue de la discussion de la première partie du budget ;
il a souligné que la prise en compte des voeux de la commission avait eu
pour conséquence la suppression des crédits
supplémentaires qui devaient être attribués à la
politique de la mémoire et à l'action sociale de l'ONAC.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
a déclaré
que le Gouvernement avait repris le premier amendement de la commission et que
pour le deuxième, il avait adopté le principe de
l'équivalence entre une opération de feu et une condition de
présence égale à dix-huit mois dans les conditions
d'obtention de la carte du combattant.
Le rapporteur pour avis a annoncé, concernant la retraite
anticipée des anciens combattants d'Afrique du Nord, que
M. Jean-Pierre Masseret avait présenté une mesure visant
à assurer la garantie d'un revenu équivalent à une
retraite anticipée, soit 5.600 francs par mois pour les
chômeurs qui pouvaient justifier de 160 trimestres de cotisations
à l'assurance vieillesse, y compris le temps passé en Afrique du
Nord. Il a précisé que cette disposition prendrait la forme d'un
relèvement de l'allocation différentielle à due
concurrence à partir du 1
er
janvier 1998 pour les
anciens combattants concernés, et que 12 à 15.000 personnes
pouvaient être intéressées.
Le rapporteur pour avis a considéré qu'il s'agissait d'un pas en
avant qui ne réglait toutefois pas la question puisque la disposition
s'apparentait plus à une mesure d'assistance que de réparation.
Pour conclure sur cet ensemble de mesures nouvelles, le rapporteur pour avis a
fait observer que 25 millions de francs iraient au chapitre 46-10 afin de
porter à 5.600 francs l'allocation différentielle, que
10 millions de francs iraient au chapitre 46-21 pour tenir compte de
l'augmentation du nombre de titulaires de la carte du combattant et que
5 millions de francs seraient destinés au chapitre 47-22 pour
financer le relèvement du plafond ouvrant droit à majoration des
rentes mutualistes.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
a tenu
à préciser que la réserve parlementaire avait
été sollicitée à hauteur de 25 millions de
francs pour augmenter la disposition relative au relèvement de
l'allocation différentielle sans que ce financement
complémentaire puisse garantir tout à fait le bouclage de la
mesure que le ministère ne pouvait chiffrer tout à fait. Le
rapporteur pour avis a considéré que le recours à la
réserve parlementaire ne devait pas servir à financer des mesures
structurelles en appoint ou en remplacement du budget général.
Le rapporteur pour avis s'est alors interrogé sur la façon
d'apprécier ce budget et sur les mesures complémentaires
adoptées par l'Assemblée nationale, au regard notamment des
revendications du monde combattant, telles qu'elles sont exprimées par
le Front uni.
Il a considéré que la revalorisation de la retraite mutualiste du
combattant ne pouvait constituer que l'amorce d'un rattrapage qui devrait
être confirmé à l'avenir. Le critère des
18 mois de présence en Afrique du Nord pour l'obtention de la carte
du combattant lui est apparu comme une avancée positive notamment vers
la notion de risque, bien qu'il ait considéré qu'elle ne
réglait pas la question, nombre d'anciens combattants étant
restés légèrement moins de 18 mois.
La disposition en faveur des chômeurs ayant cotisé
160 trimestres lui a semblé être un premier pas mais,
là aussi , il a considéré qu'elle était
insuffisante au regard de l'enjeu.
Le rapporteur pour avis a déclaré qu'il ne pouvait se satisfaire
du fait que la hausse des crédits affectés à la politique
de la mémoire ait été purement et simplement
annulée. De même, il a fait observer que les crédits
relatifs à l'action sociale de l'ONAC ne seraient pas abondés,
comme cela avait été prévu dans la première
ventilation des 40 millions de francs de crédits
supplémentaires, et que les conseils généraux devraient
à nouveau aider les offices départementaux des anciens
combattants et victimes de guerre (ODAC).
Le rapporteur pour avis a considéré, dans ces conditions, que le
projet de budget qui était présenté apparaissait comme une
étape bien plus que comme un règlement du contentieux qui oppose
le monde combattant au Gouvernement.
Il a déclaré qu'il serait très vigilant à ce que
des progrès substantiels soient réalisés au cours de
l'année, au regard notamment des 40 engagements pour 1998 que le
secrétaire d'Etat venait de prendre. Il a considéré qu'une
multitude de petites progrès lui semblaient possibles, notamment
à l'intention des Alsaciens et Mosellans enrôlés de force
dans les troupes allemandes, des résistants qui n'avaient toujours pas
obtenu reconnaissance, des recours devant les tribunaux de pension
exercés par les représentants de l'Etat ou de la situation des
veuves qui demandait à être réexaminée.
Il a fait observer qu'il restait à poursuivre l'évolution des
structures, des coopérations avec le ministère de la
défense, auquel le secrétariat d'Etat était
désormais rattaché, lui ont semblé possibles et
souhaitables, notamment en matière de mémoire. Il a
insisté pour que l'Institut national des invalides soit
pérennisé dans ses moyens humains, qu'il a
considéré comme menacés par la disparition du service
national, et pour que les structures de l'ONAC soient adaptées pour
satisfaire au mieux les anciens combattants.
Le rapporteur pour avis a fait observer que ce budget permettait donc quelques
améliorations de la situation des anciens combattants qui
n'étaient toutefois pas exemptes de toute ambiguïté,
l'avancée sur la retraite anticipée lui semblant tenir plus d'une
mesure d'assistance que de reconnaissance.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
a considéré
qu'à titre personnel, il s'était interrogé sur la
possibilité de donner un avis favorable à ce budget, assorti
toutefois de sévères critiques, mais qu'il préconisait la
sagesse et en appelait à l'opinion de ses collègues pour
déterminer la position de la commission.
M. André Jourdain
s'est alors interrogé sur les
progrès qui avaient été réalisés dans les
budgets pour 1996 et 1997. Le rapporteur pour avis lui a répondu qu'un
effort important avait été réalisé concernant la
solidarité.
M. Jean Madelain
a considéré que le rapporteur pour avis
avait bien mis en avant le caractère limité des avancées
qui avait été obtenu par l'Assemblée nationale et qu'il
n'était pas possible de s'en satisfaire. Il a souhaité que la
commission se range derrière les critiques formulées par son
rapporteur et prononce un avis défavorable.
M. Guy Fischer
a rappelé que son groupe avait souhaité des
mesures marquantes et que la baisse des crédits du ministère
était contradictoire avec cet objectif. Il a annoncé que son
groupe s'abstiendrait.
Mme Gisèle Printz
a souhaité qu'un effort soit fait
concernant le taux de réversion des pensions aux veuves.
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
s'est prononcé pour
l'adoption d'un avis défavorable.
M. Marcel Lesbros, rapporteur pour avis,
rappelant les critiques qu'il
avait lui-même formulées à l'encontre du projet de budget,
a indiqué qu'il se ralliait à l'avis négatif qui semblait
se dégager des interventions de ses collègues.
A l'issue de ce débat, la commission a décidé
d'émettre
un avis défavorable à l'adoption du projet de
budget pour 1998 du secrétariat d'Etat aux anciens combattants
.