II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 19 novembre 1997, sous la présidence de M. Jacques Bimbenet, vice-président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Louis Boyer sur le projet de loi de finances pour 1998 (emploi et solidarité, santé).

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis,
a estimé que l'examen des crédits de la santé pour 1998 donnait quelques raisons d'espérer, mais aussi beaucoup de motifs d'inquiétude.

Il a d'abord évoqué les deux points positifs de ce budget, qui sont, d'une part, les crédits provisionnés à hauteur de 80 millions de francs pour financer la création de deux agences de sécurité sanitaire et l'institut de veille sanitaire prévus par la proposition de loi sur la sécurité sanitaire adoptée par le Sénat le 25 septembre 1997 et, d'autre part, l'effort réalisé en faveur de la lutte contre la toxicomanie.

Il a souligné que cette provision de 80 millions de francs constituait la preuve, si besoin était, que le Gouvernement comptait respecter les délais qu'il s'était fixés et prévoyait d'installer les agences sanitaires et l'institut de veille sanitaire dès cette année.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite examiné les crédits de la lutte contre le Sida.

Il a indiqué que, pour l'année 1998, ces crédits progressaient de moins d'un pour cent. Il a observé que ces crédits étaient aux trois-quarts des crédits déconcentrés et qu'ils étaient le plus souvent affectés aux actions de prévention, notamment en direction des usagers de drogues.

Rappelant que, lors de son audition par la commission, le secrétaire d'Etat chargé de la santé avait indiqué que l'activité des centres de dépistage anonyme et gratuit serait étendue au dépistage du virus de l'hépatite C, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a estimé que cette mesure présentait un réel intérêt en termes de santé publique.

Dans une seconde partie de son intervention , M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a évoqué les nombreux motifs d'inquiétude qu'inspirait le budget de la santé. Ils tenaient au fait que, globalement, les crédits de la santé auraient dû bénéficier de redéploiements en leur faveur de la part des autres postes du budget de l'Etat et que les quelques réductions ou stabilisations de crédits opérées au sein de ce budget de la santé étaient mal ciblées.

Ainsi, le fait que les dépenses consacrées à la santé représentent moins d'un quart de point du budget de l'Etat ne correspondait certainement pas aux voeux des Français.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis , a affirmé que les économies mal ciblées concernaient d'abord la veille sanitaire. En effet, alors qu'elle était présentée par le Gouvernement comme une de ses priorités, les crédits des observatoires régionaux de la santé régressaient de 800.000 francs pour s'établir à 19,6 millions de francs.

De même, les crédits du contrôle sanitaire de l'environnement diminuaient globalement de plus de 6 millions de francs.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite critiqué le très faible volume des interventions publiques contre le tabagisme et l'alcoolisme.

Il a en outre estimé qu'il était choquant que l'Etat délègue entièrement la politique de lutte contre le tabagisme à une structure associative, le comité national de lutte contre le tabagisme (CNCT), qui avait absorbé, en 1997, 90 % des crédits budgétaires affectés à cette lutte.

Evoquant la création d'un fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, il a jugé que mieux valait cibler les interventions de l'Etat sur des opérations d'adaptation du tissu hospitalier plutôt que de subventionner tous les investissements hospitaliers en tant que tels.

Mais il a regretté que le fonds soit seulement doté de 500 millions de francs en autorisations de programme et de 150 millions de francs en crédits de paiement.

M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite critiqué la baisse des crédits destinés aux interventions sanitaires en direction des publics prioritaires.

A contrario, il a estimé que des dépenses auraient pu être évitées ou réduites.

Il a ainsi cité les crédits destinés à financer l'évaluation de la loi Evin qui représentaient environ le tiers des crédits de la lutte contre le tabagisme ; il s'agissait là d'un rapport manifestement excessif.

Après avoir évoqué la nécessité pour le Gouvernement de rendre le statut de praticien hospitalier plus attractif pour les jeunes médecins spécialistes, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a enfin proposé à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la santé.

Il a estimé en conclusion que, parallèlement au transfert à des établissements publics des pouvoirs de police sanitaire concernant les produits, le ministère de la santé devrait profondément réorienter son action vers la définition d'une politique de santé publique et la coordination et le contrôle des interventions des multiples organismes et associations qui prenaient part à sa mise en oeuvre.

M. Lucien Neuwirth a évoqué la prise en charge de la douleur. Il a rappelé qu'elle avait été considérablement améliorée depuis que le Sénat avait entrepris une action unanime en ce domaine.

Ainsi, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux se dotaient progressivement de structures ou de moyens propres à prendre en charge la douleur des personnes qu'elles accueillent. Le carnet à souches avait été modifié, le code de déontologie des médecins avait été réformé, et la formation des médecins à la prise en charge de la douleur améliorée.

M. Lucien Neuwirth a indiqué que le Gouvernement venait d'annoncer un plan en faveur de la lutte contre la douleur. Il comportait plusieurs points intéressants, tels que la prise en compte de l'action menée contre la douleur dans les procédures d'accréditation des établissements et la négociation des contrats d'objectifs et de gestion, la simplification de la prescription des antalgiques majeurs, l'identification de clauses concernant la douleur dans les cahiers des charges des réseaux ville hôpital et la mise en oeuvre d'actions de formation en direction des professionnels de santé.

M. Lucien Neuwirth a annoncé qu'il interviendrait dans la discussion budgétaire pour demander au Gouvernement sur quels crédits seraient financés les actions nouvelles en faveur de la prise en charge de la douleur, dans quel délai et selon quelle procédure il comptait prendre en considération la lutte contre la douleur dans les travaux concernant le codage des actes et la nomenclature et combien de postes de praticiens hospitaliers " fléchés " douleur seraient créés à partir de redéploiements.

Il a indiqué qu'il comptait également l'interroger sur les modalités selon lesquelles les centres anti-douleur créés dans les hôpitaux pourraient être dotés d'une forme d'autonomie, afin que leur existence ne soit pas annuellement menacée.

M. Charles Descours a fait siens les propos du rapporteur pour avis concernant la veille sanitaire et a critiqué la baisse des crédits des observatoires régionaux de la santé et du contrôle sanitaire de l'environnement, qui était peu cohérente avec la provision de 80 millions de francs réalisée pour financer la mise en place des trois organismes de veille et de sécurité sanitaire prévus par la proposition de loi sénatoriale.

Il a également critiqué l'indigence des crédits de la lutte contre le tabagisme, alors que le rendement des droits sur le tabac devrait permettre de mettre en oeuvre une politique active en la matière.

Enfin, il a regretté la modestie des crédits dont bénéficierait le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, et estimé qu'elle traduisait la faible ampleur des opérations de restructuration que comptait entreprendre le Gouvernement en 1998.

M. François Autain a fait siens les propos de M. Charles Descours sur la politique de lutte contre le tabagisme.

Il a manifesté son opposition à la seconde partie du rapport de M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, et a regretté que ce dernier n'ait pas souligné les efforts du Gouvernement en faveur de l'adaptation du tissu hospitalier.

M. Lucien Neuwirth a estimé que l'administration de la santé devrait toujours relever d'un ministère plutôt que d'un secrétariat d'Etat.

M. François Autain a approuvé ces propos.

M. Claude Huriet a rappelé que, si les crédits de la santé ne représentaient qu'un quart de point du budget de l'Etat, il fallait aussi tenir compte des dépenses d'assurance maladie pour apprécier le volume des dépenses consacrées à la santé des Français.

Il a vivement regretté la baisse des crédits destinés aux observatoires régionaux de la santé, dont le rôle serait renforcé avec la réforme de la sécurité et de la veille sanitaire.

Il a déclaré partager les propos du rapporteur pour avis sur le volume des crédits destinés à financer l'évaluation de la loi dite Evin.

Répondant aux orateurs, M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué que la baisse des crédits de la veille sanitaire était globale, même si, en leur sein, ceux du Réseau national de santé publique (RNSP) étaient en progression.

Il a rappelé que les dotations du fonds d'investissement des hôpitaux étaient faibles à la fois en crédits de paiement et en autorisations de programme.

Il a fait siens les propos de M. Lucien Neuwirth sur la prise en charge de la douleur et a estimé que son amélioration relevait moins de la création d'une spécialité nouvelle que de la diffusion des connaissances auprès de tous les professionnels de santé.

La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la santé pour 1998.

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