AVIS n° 89 6 Tome II - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - SANTE
M. Louis BOYER, Sénateur
Commission des Affaires sociales - Avis n° 89 - Tome II - 1997/1998
Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
-
INTRODUCTION
-
I. LE GOUVERNEMENT PROVISIONNE DES CRÉDITS POUR FINANCER LA MISE EN OEUVRE DE
LA RÉFORME SÉNATORIALE DE LA VEILLE ET DE LA SÉCURITÉ SANITAIRES, MAIS LES
CRÉDITS DE LA VEILLE SANITAIRE RÉGRESSENT
- A. LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CHARGÉS D'UNE MISSION DE SÉCURITÉ SANITAIRE ET LE RÉSEAU NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE BÉNÉFICIENT D'UN EFFORT BUDGÉTAIRE SIGNIFICATIF
- B. 80 MILLIONS DE FRANCS SONT PROVISIONNÉS POUR FINANCER LA RÉFORME SÉNATORIALE DE LA SÉCURITÉ ET DE LA VEILLE SANITAIRES
- C. LA COHÉRENCE DE CETTE POLITIQUE EST REMISE EN CAUSE PAR LA BAISSE GLOBALE DES CRÉDITS DE LA VEILLE SANITAIRE
-
II. UN EFFORT EST ENGAGÉ EN FAVEUR DE LA LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE, MAIS LA
LUTTE CONTRE LES AUTRES DÉPENDANCES BÉNÉFICIE DE CRÉDITS INDIGENTS
- A. LES CRÉDITS DE LA LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE REPRÉSENTENT DÉSORMAIS PRÈS DE 30 % DES CRÉDITS DE LA SANTÉ
-
B. LES PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE L'ALCOOLISME ET LE TABAGISME SONT
NÉGLIGÉS
- 1. La lutte contre l'alcoolisme : un effort qui n'est pas à la mesure de l'enjeu
- 2. La politique de lutte contre le tabagisme : un désengagement financier quasi total, une délégation contestable de l'action
- 3. Un point positif : le Gouvernement exclut toute remise en cause de la loi dite " Evin " à l'occasion de la Coupe du monde de football
-
III. UN FONDS DE RESTRUCTURATION HOSPITALIÈRE EST MIS EN PLACE, MAIS LES
CONDITIONS DE L'ADAPTATION DU TISSU HOSPITALIER NE SONT PAS RÉUNIES
- A. LA CRÉATION D'UN FONDS D'INVESTISSEMENT POUR LA MODERNISATION DES HÔPITAUX
-
B. LES CONDITIONS DE L'ADAPTATION DU TISSU HOSPITALIER NE SONT PAS RÉUNIES
- 1. La faiblesse des dotations du fonds d'investissement : un bon indicateur de l'ampleur limitée des restructurations en 1998
- 2. La prise en charge des exclus par les établissements de santé : des crédits en baisse d'un tiers
- 3. L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) : une institution prometteuse, mise en place avec retard
- 4. Les mauvais procès faits aux agences régionales de l'hospitalisation
- 5. L'urgence de mesures en direction des praticiens hospitaliers
-
I. LE GOUVERNEMENT PROVISIONNE DES CRÉDITS POUR FINANCER LA MISE EN OEUVRE DE
LA RÉFORME SÉNATORIALE DE LA VEILLE ET DE LA SÉCURITÉ SANITAIRES, MAIS LES
CRÉDITS DE LA VEILLE SANITAIRE RÉGRESSENT
N° 89
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME II
SANTÉ
Par M. Louis BOYER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jean-Pierre Fourcade,
président
; Jacques Bimbenet, Mme
Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier,
Louis Souvet,
vice-présidents
; Jean Chérioux, Charles
Descours, Roland Huguet, Jacques Machet,
secrétaires
;
François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick
Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis
Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M.
Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis,
Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue,
Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain
,
Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès,
Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin,
MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle
Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau,
Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
18
)
(1997-1998).
Lois de finances.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mercredi 22 octobre 1997, sous la
présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade, président,
la
commission a procédé à
l'audition
de
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
et de
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la
santé,
sur les crédits de leurs départements
ministériels pour 1998.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
après avoir rappelé que le budget de l'emploi et de la
solidarité s'élevait à 229 milliards de francs, a
souligné que sa progression était supérieure à la
norme de 1,5 % retenue pour l'ensemble du budget de l'Etat :
4,4 % pour le budget emploi (112,6 milliards), et 3,6 % en
intégrant les crédits inscrits au budget des charges communes,
soit au total 115,8 milliards de francs, et près de 3 % pour le
budget santé, solidarité, ville (73,2 milliards).
Puis,
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat chargé de la
santé
, a présenté les crédits de la
santé.
Il a indiqué que la part du budget de l'Etat consacrée à
la santé publique était en hausse de 10,4 % et atteignait un
montant de 3,6 milliards de francs. Il a estimé que cet effort
traduisait concrètement l'engagement du Gouvernement de mettre en oeuvre
une politique ambitieuse de santé publique.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat chargé de la
santé
, a présenté les trois priorités du projet
de loi de finances pour 1998 en matière de santé : la
sécurité sanitaire, l'adaptation des hôpitaux aux besoins
de la population, la santé publique, la prévention et la
réduction des risques.
Evoquant la sécurité sanitaire, il a affirmé que la mise
en place de l'agence de sécurité sanitaire des produits de
santé et de l'institut de veille sanitaire ainsi que la montée en
charges de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en
santé se traduisaient par une augmentation très importante du
chapitre 36-81 qui progressait de 194 à 434 millions de francs. En
outre, les moyens de l'office de protection contre les rayonnements ionisants
sont augmentés de 2 % en fonctionnement et sont dotés de
6 millions de francs en investissement.
Le Gouvernement souhaite aussi adapter les hôpitaux aux besoins de la
population. A cet égard,
M. Bernard Kouchner
a indiqué
qu'un fonds d'aide à la modernisation hospitalière, doté
de 150 millions de francs de crédits de paiement pour 1998, serait
créé. Ces sommes permettraient d'accorder un appui significatif
à quelques opérations lourdes et de financer les moyens
nécessaires à une meilleure réponse du tissu hospitalier
aux besoins de la population.
Enfin,
M. Bernard Kouchner
a évoqué la santé
publique ainsi que la prévention et la réduction des risques.
Il a indiqué que les crédits des programmes régionaux
de santé publique et du centre français d'éducation pour
la santé s'élevaient à 60 millions de francs et
étaient en progression de 3,2 % par rapport à ceux qui
étaient prévus par la loi de finances pour 1997. En outre, il a
affirmé qu'un effort important serait engagé en matière de
lutte contre la toxicomanie, dont les crédits s'élèvent
à 717 millions de francs. Il passe notamment par un renforcement du
dispositif spécialisé de soins aux toxicomanes et par le
développement ou la création de réseaux
toxicomanie-ville-hôpital. Par ailleurs, un budget supplémentaire
a été dégagé afin de financer un plan triennal
débutant en 1998, orienté sur le développement de la
politique de réduction des risques et la protection des plus jeunes face
aux nouvelles drogues telles que l'ecstasy.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat chargé de la
santé,
a indiqué que les crédits de la lutte contre
l'alcoolisme et le tabagisme ainsi que ceux de la lutte contre le Sida
étaient en progression de 1 %. A cet égard, il a
précisé que l'amélioration du dépistage
concernerait aussi d'autres maladies transmissibles, les centres de
dépistage anonymes et gratuits devant avoir la possibilité de
réaliser le dépistage du virus de l'hépatite C.
Il a enfin affirmé qu'un effort serait accompli pour favoriser le
dépistage des enfants atteints de saturnisme et l'identification des
immeubles à risques.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis des crédits de la
santé
, a demandé aux ministres quelles actions le
Gouvernement comptait entreprendre en vue de remédier à la
pénurie de médecins spécialistes dans les hôpitaux.
Il les a également interrogés sur la lutte contre la toxicomanie
et s'est inquiété d'une éventuelle légalisation des
drogues dites " douces ". Il a enfin interrogé le ministre
sur
la question du radon.
M. Lucien Neuwirth
a demandé aux ministres de bien vouloir
préciser le contenu du plan d'action contre la douleur que comptait
mettre en oeuvre le Gouvernement en 1998 et a souhaité que des postes de
praticiens hospitaliers soient créés au sein des centres de lutte
contre la douleur.
Répondant à M. Louis Boyer, rapporteur pour avis,
M. Bernard
Kouchner
a estimé qu'il faudrait améliorer le statut des
praticiens hospitaliers et rendre les carrières hospitalières
plus attractives. Il a ainsi insisté sur la pénibilité de
certaines fonctions hospitalières et a estimé que, comme il
existe des zones d'éducation prioritaires, des zones sanitaires
prioritaires pourraient être créées.
Constatant l'absence de moyens d'orientation des médecins vers les
spécialités déficitaires, il a aussi souhaité que
soit entreprise une réforme des études médicales.
Il a indiqué qu'une mission venait d'être confiée au
professeur Guy Nicolas qui devait lui remettre des propositions avant la fin de
l'année.
Evoquant la lutte contre la toxicomanie, il a affirmé que la
priorité de son ministère était de mener une politique de
réduction des risques. Il a estimé que la politique de lutte
contre les dépendances devrait prendre en considération tous les
toxiques et notamment le tabac, l'alcool et les psychotropes.
Il a jugé nécessaire de faire évoluer des dispositions de
la loi n° 70-1320 du 3 décembre 1970, relative aux mesures
sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du
trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses, et
estimé que la réponse au développement des toxicomanies ne
passait pas par la légalisation des drogues dites
" douces ".
Enfin, évoquant le radon, il a indiqué qu'il faisait actuellement
l'objet d'un plan de surveillance.
Répondant à M. Lucien Neuwirth,
M. Bernard Kouchner
, a
affirmé que le Gouvernement comptait améliorer la prise en charge
de la douleur. Le plan d'action prévu par le ministère comportera
un travail d'identification des centres de prise en charge de la douleur
chronique, un effort de formation initiale et continue des professionnels et
une simplification de la prescription des antalgiques majeurs. Il a
indiqué que les établissements de santé seraient
encouragés à intégrer dans leurs projets
d'établissement la prise en charge de la douleur et a affirmé
qu'il avait demandé à l'agence nationale d'accréditation
et d'évaluation en santé de prendre en compte les programmes de
lutte contre la douleur mis en oeuvre par les établissements dans les
procédures d'accréditation. Parallèlement, les agences
régionales d'hospitalisation seraient incitées à prendre
en compte ces programmes dans les contrats d'objectifs et de moyens
établis avec les établissements de soins.
Il a annoncé son intention d'élargir le cadre de la prescription
infirmière afin d'améliorer la prise en charge de la douleur des
patients hospitalisés.
Enfin, il a indiqué que la création de postes pouvait être
envisagée dans les centres de traitement des douleurs chroniques
rebelles.
M. Charles Descours
a interrogé les ministres sur les moyens
budgétaires qui seraient consacrés à l'application de la
réforme de la sécurité sanitaire proposée par le
Sénat, sur la lutte contre le tabagisme, sur le public susceptible de
bénéficier des trithérapies et sur l'application du taux
directeur opposable à l'évolution des dépenses des
établissements médicaux et médico-sociaux.
Evoquant la pénurie de médecins spécialistes dans les
hôpitaux, il a indiqué qu'un syndicat de praticiens hospitaliers
proposait que la prime de pénibilité prévue pour tous les
personnels hospitaliers à l'exception des médecins, soit
accordée également à ces derniers.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a souhaité obtenir de
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat chargé de la
santé, des précisions sur sa politique de lutte contre
l'alcoolisme et sur sa politique globale de santé.
M. Alain Vasselle
a souhaité obtenir des précisions sur
les risques associés à la vaccination contre
l'hépatite B.
Mme Gisèle Printz
a interrogé les ministres sur
l'évolution de la médecine scolaire.
Répondant aux intervenants,
M. Bernard Kouchner, secrétaire
d'Etat chargé de la santé
, a indiqué que le
Gouvernement souhaitait l'adoption rapide de la proposition de loi
sénatoriale réformant la sécurité sanitaire et a
indiqué que des moyens budgétaires avaient été
prévus pour les trois organismes qu'elle entend créer.
Evoquant la lutte contre le tabagisme, il a indiqué que le projet de loi
de financement de la sécurité sociale proposait la mise en place
d'une taxe de santé publique sur les tabacs. Il a
particulièrement souligné les dangers des tabacs à rouler
chez les jeunes, ces tabacs comportant des taux de nicotine très
supérieurs à ceux des cigarettes habituelles et favorisant ainsi
une dépendance précoce et accrue.
Il a indiqué que les trithérapies devaient être mises
à la disposition des personnes à risques qui craignent avoir
été contaminées.
Il a estimé que l'octroi d'une prime de pénibilité aux
praticiens hospitaliers ne suffirait pas à rendre les carrières
hospitalières plus attractives et qu'une amélioration du statut
de ces praticiens serait nécessaire.
Il a affirmé que le Gouvernement mettrait en oeuvre rapidement
l'assurance maladie universelle, et que les centres de lutte contre
l'alcoolisme seraient dotés de crédits supplémentaires.
Il a évoqué les difficultés de recrutement des
médecins scolaires et estimé qu'il conviendrait d'élargir
à la fois le champ de leur recrutement et leurs missions en liaison avec
le ministère de l'éducation nationale.
Il a enfin indiqué que les rumeurs alarmantes concernant certaines
conséquences du vaccin contre l'hépatite B ne semblaient pas
confirmées de manière significative mais que la surveillance des
effets de ce vaccin serait poursuivie.
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mercredi 19 novembre 1997, sous la
présidence de
M. Jacques Bimbenet, vice-président,
la
commission a procédé à
l'examen du rapport pour avis de
M. Louis Boyer sur le projet de loi de finances pour 1998 (emploi et
solidarité, santé).
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis,
a estimé que l'examen des
crédits de la santé pour 1998 donnait quelques raisons
d'espérer, mais aussi beaucoup de motifs d'inquiétude.
Il a d'abord évoqué les deux points positifs de ce budget, qui
sont, d'une part, les crédits provisionnés à hauteur de 80
millions de francs pour financer la création de deux agences de
sécurité sanitaire et l'institut de veille sanitaire
prévus par la proposition de loi sur la sécurité sanitaire
adoptée par le Sénat le 25 septembre 1997 et, d'autre part,
l'effort réalisé en faveur de la lutte contre la toxicomanie.
Il a souligné que cette provision de 80 millions de francs constituait
la preuve, si besoin était, que le Gouvernement comptait respecter les
délais qu'il s'était fixés et prévoyait d'installer
les agences sanitaires et l'institut de veille sanitaire dès cette
année.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis,
a ensuite examiné les
crédits de la lutte contre le Sida.
Il a indiqué que, pour l'année 1998, ces crédits
progressaient de moins d'un pour cent. Il a observé que ces
crédits étaient aux trois-quarts des crédits
déconcentrés et qu'ils étaient le plus souvent
affectés aux actions de prévention, notamment en direction des
usagers de drogues.
Rappelant que,
lors de son audition par la commission, le
secrétaire d'Etat chargé de la santé avait indiqué
que l'activité des centres de dépistage anonyme et gratuit serait
étendue au dépistage du virus de l'hépatite C,
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis,
a estimé que cette
mesure présentait un réel intérêt en termes de
santé publique.
Dans une seconde partie de son intervention
, M. Louis Boyer, rapporteur pour
avis,
a évoqué les nombreux motifs d'inquiétude
qu'inspirait le budget de la santé. Ils tenaient au fait que,
globalement, les crédits de la santé auraient dû
bénéficier de redéploiements en leur faveur de la part des
autres postes du budget de l'Etat et que les quelques réductions ou
stabilisations de crédits opérées au sein de ce budget de
la santé étaient mal ciblées.
Ainsi, le fait que les dépenses consacrées à la
santé représentent moins d'un quart de point du budget de l'Etat
ne correspondait certainement pas aux voeux des Français.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis
, a affirmé que les
économies mal ciblées concernaient d'abord la veille sanitaire.
En effet, alors qu'elle était présentée par le
Gouvernement comme une de ses priorités, les crédits des
observatoires régionaux de la santé régressaient de
800.000 francs pour s'établir à 19,6 millions de francs.
De même, les crédits du contrôle sanitaire de
l'environnement diminuaient globalement de plus de 6 millions de francs.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis,
a ensuite critiqué le
très faible volume des interventions publiques contre le tabagisme et
l'alcoolisme.
Il a en outre estimé qu'il était choquant que l'Etat
délègue entièrement la politique de lutte contre le
tabagisme à une structure associative, le comité national de
lutte contre le tabagisme (CNCT), qui avait absorbé, en 1997,
90 % des crédits budgétaires affectés à
cette lutte.
Evoquant la création d'un fonds d'investissement pour la modernisation
des hôpitaux, il a jugé que mieux valait cibler les interventions
de l'Etat sur des opérations d'adaptation du tissu hospitalier
plutôt que de subventionner tous les investissements hospitaliers en tant
que tels.
Mais il a regretté que le fonds soit seulement doté de 500
millions de francs en autorisations de programme et de 150 millions de francs
en crédits de paiement.
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis,
a ensuite critiqué la
baisse des crédits destinés aux interventions sanitaires en
direction des publics prioritaires.
A contrario, il a estimé que des dépenses auraient pu être
évitées ou réduites.
Il a ainsi cité les crédits destinés à financer
l'évaluation de la loi Evin qui représentaient environ le tiers
des crédits de la lutte contre le tabagisme ; il s'agissait là
d'un rapport manifestement excessif.
Après avoir évoqué la nécessité pour le
Gouvernement de rendre le statut de praticien hospitalier plus attractif pour
les jeunes médecins spécialistes,
M. Louis Boyer, rapporteur
pour avis,
a enfin proposé à la commission d'émettre
un avis défavorable à l'adoption des crédits de la
santé.
Il a estimé en conclusion que, parallèlement au transfert
à des établissements publics des pouvoirs de police sanitaire
concernant les produits, le ministère de la santé devrait
profondément réorienter son action vers la définition
d'une politique de santé publique et la coordination et le
contrôle des interventions des multiples organismes et associations qui
prenaient part à sa mise en oeuvre.
M. Lucien Neuwirth
a évoqué la prise en charge de la
douleur. Il a rappelé qu'elle avait été
considérablement améliorée depuis que le Sénat
avait entrepris une action unanime en ce domaine.
Ainsi, les établissements de santé et les établissements
médico-sociaux se dotaient progressivement de structures ou de moyens
propres à prendre en charge la douleur des personnes qu'elles
accueillent. Le carnet à souches avait été modifié,
le code de déontologie des médecins avait été
réformé, et la formation des médecins à la prise en
charge de la douleur améliorée.
M. Lucien Neuwirth
a indiqué que le Gouvernement venait
d'annoncer un plan en faveur de la lutte contre la douleur. Il comportait
plusieurs points intéressants, tels que la prise en compte de l'action
menée contre la douleur dans les procédures
d'accréditation des établissements et la négociation des
contrats d'objectifs et de gestion, la simplification de la prescription des
antalgiques majeurs, l'identification de clauses concernant la douleur dans les
cahiers des charges des réseaux ville hôpital et la mise en oeuvre
d'actions de formation en direction des professionnels de santé.
M. Lucien Neuwirth
a annoncé qu'il interviendrait dans la
discussion budgétaire pour demander au Gouvernement sur quels
crédits seraient financés les actions nouvelles en faveur de la
prise en charge de la douleur, dans quel délai et selon quelle
procédure il comptait prendre en considération la lutte contre la
douleur dans les travaux concernant le codage des actes et la nomenclature et
combien de postes de praticiens hospitaliers
" fléchés " douleur seraient créés
à partir de redéploiements.
Il a indiqué qu'il comptait également l'interroger sur les
modalités selon lesquelles les centres anti-douleur créés
dans les hôpitaux pourraient être dotés d'une forme
d'autonomie, afin que leur existence ne soit pas annuellement menacée.
M. Charles Descours
a fait siens les propos du rapporteur pour avis
concernant la veille sanitaire et a critiqué la baisse des
crédits des observatoires régionaux de la santé et du
contrôle sanitaire de l'environnement, qui était peu
cohérente avec la provision de 80 millions de francs
réalisée pour financer la mise en place des trois organismes de
veille et de sécurité sanitaire prévus par la proposition
de loi sénatoriale.
Il a également critiqué l'indigence des crédits de la
lutte contre le tabagisme, alors que le rendement des droits sur le tabac
devrait permettre de mettre en oeuvre une politique active en la matière.
Enfin, il a regretté la modestie des crédits dont
bénéficierait le fonds d'investissement pour la modernisation des
hôpitaux, et estimé qu'elle traduisait la faible ampleur des
opérations de restructuration que comptait entreprendre le Gouvernement
en 1998.
M. François Autain
a fait siens les propos de M. Charles Descours
sur la politique de lutte contre le tabagisme.
Il a manifesté son opposition à la seconde partie du rapport de
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis, et a regretté que ce dernier
n'ait pas souligné les efforts du Gouvernement en faveur de l'adaptation
du tissu hospitalier.
M. Lucien Neuwirth
a estimé que l'administration de la
santé devrait toujours relever d'un ministère plutôt que
d'un secrétariat d'Etat.
M. François Autain
a approuvé ces propos.
M. Claude Huriet
a rappelé que, si les crédits de la
santé ne représentaient qu'un quart de point du budget de l'Etat,
il fallait aussi tenir compte des dépenses d'assurance maladie pour
apprécier le volume des dépenses consacrées à la
santé des Français.
Il a vivement regretté la baisse des crédits destinés aux
observatoires régionaux de la santé, dont le rôle serait
renforcé avec la réforme de la sécurité et de la
veille sanitaire.
Il a déclaré partager les propos du rapporteur pour avis sur le
volume des crédits destinés à financer l'évaluation
de la loi dite Evin.
Répondant aux orateurs,
M. Louis Boyer, rapporteur pour avis,
a
indiqué que la baisse des crédits de la veille sanitaire
était globale, même si, en leur sein, ceux du Réseau
national de santé publique (RNSP) étaient en progression.
Il a rappelé que les dotations du fonds d'investissement des
hôpitaux étaient faibles à la fois en crédits de
paiement et en autorisations de programme.
Il a fait siens les propos de M. Lucien Neuwirth sur la prise en charge de la
douleur et a estimé que son amélioration relevait moins de la
création d'une spécialité nouvelle que de la diffusion des
connaissances auprès de tous les professionnels de santé.
La commission a émis un
avis défavorable à l'adoption
des crédits de la santé pour 1998.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
En annonçant une hausse des crédits de la santé de
10,4 % en 1998, le Gouvernement entend affirmer le caractère
prioritaire d'une "politique ambitieuse de santé publique".
Pourtant, si de réels efforts sont engagés, réalité
que le présent rapport ne tentera pas de dissimuler, cette affirmation
gouvernementale suscite malheureusement beaucoup de réserves.
Ainsi, malgré la hausse des crédits de la santé, ils ne
représentent toujours que moins d'un quart de point du budget de l'Etat,
ce qui ne correspond certainement pas aux attentes des Français.
La protection de la santé publique constitue en effet, au même
titre que la sécurité et la justice, un élément
à part entière des fonctions régaliennes de l'Etat. Elle
aurait donc dû bénéficier de redéploiements plus
importants en sa faveur.
Ensuite, cette hausse importante des crédits de la santé repose
essentiellement sur trois opérations importantes, à savoir la
provision destinée à financer la mise en oeuvre de la
réforme, d'origine sénatoriale, de la veille et de la
sécurité sanitaires, l'installation d'un fonds d'investissement
pour la modernisation des hôpitaux et le retour vers le ministère
des affaires sociales de la mission interministérielle de lutte contre
la drogue et la toxicomanie, dont les crédits étaient
précédemment rattachés à ceux des services du
Premier ministre.
Si l'on exclut ces trois opérations, le budget de la santé stagne
à structure et en francs constants.
Enfin, et c'est le point qu'entend démontrer ce rapport, le
budget de
la santé pour 1998 manque de ligne directrice
: votre rapporteur
regrette ainsi que presque chacun de ses points positifs soit
contrebalancé par une grave lacune.
A cet égard, il examinera successivement trois volets majeurs de ce
budget, qui révèlent tous un manque de cohérence qui doit
être souligné.
Ainsi :
- le Gouvernement provisionne des crédits pour financer la
réforme d'origine sénatoriale de la sécurité et de
la veille sanitaires, mais les crédits de la veille sanitaire sont en
baisse ;
- un effort est engagé pour accentuer la lutte contre la
toxicomanie mais la lutte contre les autres dépendances (tabagisme,
alcoolisme) est négligée ;
- un fonds de restructuration hospitalière est mis en place, mais
les conditions de l'adaptation du tissu hospitalier ne sont pas réunies ;
C'est pourquoi votre commission a émis un avis défavorable
à l'adoption des crédits de la santé pour 1998.
I. LE GOUVERNEMENT PROVISIONNE DES CRÉDITS POUR FINANCER LA MISE EN OEUVRE DE LA RÉFORME SÉNATORIALE DE LA VEILLE ET DE LA SÉCURITÉ SANITAIRES, MAIS LES CRÉDITS DE LA VEILLE SANITAIRE RÉGRESSENT
La politique en faveur de la sécurité et de la veille sanitaires manque de cohérence : si les établissements publics nationaux bénéficient d'un soutien actif et si la réforme proposée par le Sénat bénéficie d'un financement satisfaisant, les crédits des actions de veille sanitaire régressent.
A. LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS CHARGÉS D'UNE MISSION DE SÉCURITÉ SANITAIRE ET LE RÉSEAU NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE BÉNÉFICIENT D'UN EFFORT BUDGÉTAIRE SIGNIFICATIF
Depuis le début des années quatre-vingt-dix,
l'Etat a institué des établissements publics chargés d'une
mission de sécurité sanitaire pour différents produits de
santé : le médicament, le sang et les greffes. Ces institutions
sont appelées à se fondre en une Agence de sécurité
sanitaire des produits de santé qui aura en charge l'ensemble de ces
produits : ce sera chose faite dès que la proposition de loi, d'origine
sénatoriale, relative au renforcement de la veille et de la
sécurité sanitaires sera définitivement adoptée par
le Parlement.
Dans cette attente, les crédits destinés à l'Agence du
médicament, l'Agence française du sang, l'Etablissement
français des greffes et au Réseau national de santé
publique, bénéficient d'un effort particulier dans le projet de
loi de finances pour 1998.
1. L'Agence du médicament
a) Missions, structures et budget
L'Agence du médicament, établissement public
administratif, a été créée, comme l'Agence
française du sang, par la loi du 4 janvier 1993 relative à la
sécurité en matière de transfusion sanguine et de
médicament. Elle s'est vu confier par la loi des missions
exercées jusqu'alors par des services du ministère chargé
de la santé, le laboratoire national de la santé et la direction
de la pharmacie et du médicament, qui ont été
supprimés par un décret du 26 mars 1993.
Les compétences de l'Agence du médicament sont définies
par l'article L. 567-2 du code de la santé publique qui
prévoit qu'elle est chargée de participer à l'application
des lois et règlements relatifs aux médicaments à usage
humain, aux produits de thérapie génique, aux produits
contraceptifs, aux substances stupéfiantes ou psychotropes et aux autres
substances vénéneuses utilisées en médecine ainsi
qu'aux réactifs de laboratoire.
En revanche, l'Agence ne possède pas de compétences en
matière tarifaire, la fixation du prix du médicament relevant du
comité économique du médicament. Elle n'a pas non plus
à connaître des questions de distribution, de pharmacie d'officine
ou d'exercice professionnel, qui sont de la compétence de la Direction
générale de la santé.
L'installation de l'Agence sur le site de Saint-Denis s'est
opérée progressivement au cours de l'année 1993, à
l'exception de la direction des laboratoires et des contrôles, dont les
laboratoires ont été réimplantés à Lyon en
juillet 1996. Elle s'est poursuivie par la réimplantation des
laboratoires de Montpellier à Vendargues en septembre 1997, et
s'achèvera par l'installation des derniers laboratoires à
Saint-Denis en 1998.
A ces implantations nouvelles, il convient d'ajouter la création d'un
bureau de représentation à Londres, siège de l'Agence
européenne du médicament, qui a été inauguré
au mois de mars 1997.
L'Agence comptait au 1er juillet 1997 un effectif de 594 personnes. Si la
gestion de la majorité de celles qui relèvent du ministère
chargé de la santé (262 personnes) est assurée par
l'Agence, 46 personnes demeurent toutefois gérées et
rémunérées par le ministère.
Le budget de l'Agence du médicament repose, pour l'essentiel, sur les
crédits budgétaires d'Etat et sur des ressources propres,
c'est-à-dire des droits, taxes et redevances directement
rattachés au budget de l'Agence et acquittés par les industriels
à l'occasion de l'autorisation de mise sur le marché des
médicaments ou de l'enregistrement des réactifs de laboratoires.
L'Agence bénéficie également de subventions des
collectivités locales en vue de la réinstallation de ses
laboratoires de contrôle, et de produits divers correspondant à
des prestations de service qu'elle assure.
Les moyens financiers de l'Agence se sont établis, sur la base des
budgets primitifs, à 465 millions de francs en 1997 (dont
124,8 millions de francs d'emprunt) contre 316 millions de francs en
1996, 273 millions de francs en 1995 et 161 millions de francs en
1994.
Après décisions modificatives ajustant le niveau des recettes et
des dépenses avec l'activité constatée de
l'établissement, les budgets de l'Agence du médicament
étaient de 208 millions de francs en 1994, de 238 millions de
francs en 1995, de 305 millions de francs pour 1996 et de
488 millions de francs pour 1997.
La part des droits, taxes et redevances versés par l'industrie et les
laboratoires d'analyse de biologie médicale dans les ressources globales
de l'Agence représentaient, en 1996,
58 %
du budget total de
l'établissement.
Pour 1998, les crédits destinés à la subvention de l'Etat
à l'Agence s'élèvent à 81,4 millions de
francs, dont 810.000 francs de subvention de recherche. Cette subvention de
l'Etat, qui est exclusivement une subvention de fonctionnement, est en
progression de 7 millions de francs, soit un taux d'augmentation d'environ
10 %.
b) Les relations avec l'Agence européenne du médicament
L'Agence européenne pour l'évaluation des
médicaments, comme l'Agence du médicament, ont été
créées récemment ; elles ont une même mission, la
protection de la santé publique.
* Comme l'Agence française, l'Agence européenne du
médicament est de création récente :
Le nouveau système d'évaluation et de surveillance a
été mis en place par le règlement CEE n° 2309/93
du Conseil du 22 juillet 1993 et les trois directives (93/39, 93/40 et 93/41)
du Conseil du 14 juin 1993 qui ont modifié en conséquence le
droit européen du médicament. Et c'est par une décision
des chefs d'Etat et de Gouvernement du 29 octobre 1993 qu'a été
décidée l'implantation à Londres de l'Agence
européenne.
Cette Agence est devenue opérationnelle en février 1995.
* Alors que l'Agence européenne a une compétence
d'attribution, l'Agence française bénéficie d'une
compétence de droit commun :
L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments est
chargée de l'évaluation des médicaments issus de l'un des
procédés de biotechnologie cités dans la partie A de
l'annexe du règlement 2309/93 et des médicaments innovants tels
que définis dans la partie B de cette même annexe et qui suivent
la procédure centralisée.
Dans le cadre de la procédure de reconnaissance mutuelle, elle est
compétente en cas d'arbitrage ; elle peut également être
saisie de tout autre sujet d'intérêt communautaire et de demandes
d'avis. Elle exerce enfin, un rôle de coordination pour la
pharmacovigilance et l'inspection.
Le succès de la procédure centralisée est
indéniable : en effet, près des deux tiers des médicaments
pour lesquels elle a été utilisée sont des
médicaments innovants pour lesquels elle n'est pas obligatoire. Ce
succès est dû à la qualité de l'évaluation
effectuée par le Comité des spécialités
pharmaceutiques qui s'appuie sur l'expertise des Etats membres et
bénéficie donc des connaissances scientifiques européennes
les plus poussées. La procédure de reconnaissance mutuelle est
également bien acceptée, même si des difficultés
subsistent en raison de l'inégalité des dossiers entre les Etats
membres, notamment pour les dossiers les plus anciens.
Le système d'évaluation de l'Agence européenne est
basé sur les capacités d'évaluation des Etats membres qui
sont mises à sa disposition dans l'intérêt de la
communauté européenne : il s'agit donc d'un dispositif
d'évaluation externe.
L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments est
un organisme à vocation scientifique chargé de formuler des
recommandations pour la Commission européenne ; les décisions
exécutoires, telles que les autorisations de mise sur les marchés
communautaires, sont toujours prises par la Commission, qui conserve son
rôle d'élaboration et d'interprétation de la
législation communautaire.
L'Agence européenne pour l'évaluation des médicaments
disposait en 1996 d'un effectif de 100 agents et d'un budget de
22,55 millions d'écus dont 13,75 millions proviennent d'une
subvention communautaire et 8,6 millions des redevances versées par
les industriels.
Au cours de cette même année, elle a reçu 35 demandes
correspondant à la procédure centralisée et elle a
formulé 24 avis scientifiques.
L'Agence française du médicament a un champ de compétences
plus large, puisqu'elle constitue le service public d'évaluation et de
contrôle des médicaments à usage humain, des
réactifs de laboratoire ainsi que des produits de thérapies
cellulaire et génique. Elle est compétente sur toute la
chaîne médico-technique des produits depuis les essais cliniques
jusqu'à la vigilance. De plus, elle assure non seulement
l'évaluation des produits mais aussi les fonctions d'inspection et de
contrôle en laboratoire qui s'y attachent. Elle est enfin chargée
de l'évaluation pharmaco-économique du médicament.
* La participation de l'Agence française du médicament au
système européen :
Le système de coopération entre l'Agence européenne pour
l'évaluation des médicaments et les Etats membres appelle une
participation active de l'Agence française du médicament à
ses travaux. La France est ainsi représentée au conseil
d'administration par le directeur général de l'Agence
française du médicament ; l'Agence française est
également membre de groupes de travail constitués au sein de
l'Agence européenne.
Elle prend en charge l'expertise de nombreux dossiers en tant que rapporteur ou
corapporteur, notamment dans le domaine de la pharmacovigilance.
Des groupes de travail
ad hoc
ont également été mis
en place sur différents problèmes de santé publique : des
experts de l'Agence du médicament y participent aussi.
Enfin, l'Agence européenne pour l'évaluation des
médicaments et les agences nationales participent aux discussions
organisées par la Commission européenne afin de trouver des
solutions aux divers problèmes soulevés par la mise en place des
nouvelles procédures européennes.
2. L'Agence française du sang
a) Missions, structures et budget
Comme l'Agence du médicament, l'Agence française
du sang, dotée du statut d'établissement public administratif, a
été instituée par la loi du 4 janvier 1993. A cette
date, elle existait cependant depuis six mois sous la forme d'un groupement
d'intérêt public.
L'Agence a reçu du législateur plusieurs missions qui concernent
la sécurité et l'organisation de la transfusion sanguine. A cet
égard, le rapport d'information de votre commission consacré
à la sécurité et à la veille sanitaires, qui est
à l'origine de la proposition de loi actuellement en discussion devant
le Parlement, n'a pas manqué de souligner l'ambiguïté qui
caractérise la coexistence de ces deux catégories de missions.
L'Agence française du sang participe à la définition des
règles de la sécurité transfusionnelle en préparant
des textes qui sont ensuite homologués par le ministre chargé de
la santé : elle vérifie leur application par les
établissements de transfusion sanguine grâce au corps d'inspection
dont elle est dotée.
Elle a également reçu pour mission de mettre en place un
dispositif d'hémovigilance, qui repose sur un réseau de
correspondants dans les établissements de santé.
Son rôle en matière d'organisation de la transfusion est
également très important : il passe par la définition des
schémas régionaux de la transfusion sanguine,
l'élaboration de procédures relatives à la gestion des
établissements, le suivi économique de la transfusion et la
promotion du don.
L'Agence française du sang emploie un peu moins de 80 personnes.
Les recettes inscrites à son budget proviennent d'une subvention de
l'Etat et de l'assurance maladie. Celui-ci s'élevait, en 1996, à
99,75 millions de francs (soit 30,73 millions de subvention de l'Etat
et 69,02 millions de contribution de l'assurance maladie) et, en 1997,
à 106,81 millions de francs (soit 29,35 millions de francs de
subvention de l'Etat et 77,46 millions de francs provenant de l'assurance
maladie).
Pour 1998, les crédits inscrits au budget de la santé pour la
subvention de fonctionnement de l'Agence française du sang
représentent 30,73 millions de francs ; ils progressent d'un taux
de
4,7 %
, soit de 1,38 million de francs.
b) Bilan de la réforme de la transfusion sanguine
Outre la mise en place du système
d'hémovigilance, deux grands chapitres de la réforme
transfusionnelle ont été traduits dans les faits depuis
1994 : d'une part, l'élaboration d'un corps de règles
médico-techniques, le contrôle du respect de ces règles par
les établissements de transfusion sanguine et l'évaluation de
l'utilisation des produits sanguins labiles et d'autre part, la
réorganisation territoriale de la transfusion et la mise en place des
nouveaux établissements de transfusion sanguine.
* Les normes médico-techniques :
Depuis 1993, ont été publiées les bonnes pratiques de
prélèvement, de préparation des produits sanguins labiles,
ainsi que les bonnes pratiques de distribution et de qualification biologique
du don. Ces règles ont été accompagnées par la
définition des conditions auxquelles doivent satisfaire les
établissements de transfusion sanguine, notamment en matière de
locaux et d'équipement, pour obtenir ou conserver leur agrément.
Enfin, les règles relatives aux analyses biologiques et tests de
dépistage des maladies transmissibles effectuées sur les
prélèvements de sang et de ses composants ont été
fixées par un décret du 16 février 1995. Selon le
ministère, certaines règles communes au secteur des greffes, de
la transfusion et de la thérapie cellulaire devraient également
être approuvées d'ici la fin de l'année (bonnes pratiques
concernant les cellules souches hématopoïétiques et les
cellules mononucléées).
Ces règles et normes doivent faire l'objet d'un réexamen en
fonction des évolutions techniques et scientifiques : ainsi, les bonnes
pratiques de prélèvement sont déjà en cours de
révision.
Le contrôle du respect de ces bonnes pratiques et de ces normes ainsi que
de l'ensemble des règles de sécurité transfusionnelle dans
les établissements de transfusion sanguine est assuré dans le
cadre de programmes d'inspection : en 1996, tous les établissements
avaient été inspectés. Outre les nombreuses mesures
ponctuelles de mise en conformité, ces contrôles ont
débouché sur quelques mises en demeure notamment
justifiées par un sous-encadrement médical et sur des retraits
temporaires d'agrément.
Des efforts particuliers ont concerné la sélection clinique des
donneurs, point essentiel de la sécurité transfusionnelle. Les
résultats sont déjà nettement perceptibles, comme le
montre la diminution de la fréquence des dons séropositifs, qui a
diminué de moitié entre 1993 et 1995. En 1996, on a
constaté une fréquence (taux pour 10.000 dons) de 3,74 dons
positifs pour l'hépatite C, 2,64 dons positifs pour
l'hépatite B et 0,24 don positif pour le virus du Sida.
En outre, conformément aux recommandations du Comité de
sécurité transfusionnelle, le ministre chargé de la
santé a annoncé, en décembre 1996, la mise en oeuvre, en
1997, d'une mesure nouvelle pour renforcer la qualité et la
sécurité des transfusions.
Elle consiste à exclure du don toutes les personnes ayant des
antécédents de transfusion, et plus généralement
d'administration de produits biologiques vivants. Fondée sur le principe
de précaution, cette mesure vise à rompre le plus
précocement possible toute chaîne potentielle de transmission
d'agents infectieux non identifiables ou dont les conséquences restent
hypothétiques. Sa mise en place a été achevée au
mois de septembre dernier. Elle a entraîné une perte en donneurs,
très variable selon les établissements de transfusion sanguine,
qui est estimée entre 2 et 6 %. Elle doit être
compensée par une campagne de promotion nationale de recrutement de
nouveaux candidats au don.
* L'organisation territoriale
La réorganisation juridique et territoriale de la transfusion sanguine
s'est traduite par un ensemble de mesures prises en application du
décret du 26 juillet 1994 relatif aux schémas et aux
commissions d'organisation de la transfusion sanguine. Ainsi, depuis un an, 43
nouvelles structures juridiques agréées comme
établissements de transfusion sanguine ont remplacé les anciens
140 centres de transfusion sanguine. Ces nouveaux établissements de
transfusion sanguine sont, soit des groupements d'intérêt public,
soit des associations : il existe aujourd'hui 7 associations, 35 groupements
d'intérêt public plus l'établissement de transfusion
sanguine de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris et le centre de
transfusion des armées.
Pour faciliter la réorganisation de la transfusion sanguine, l'Agence
française du sang dispose du Fonds d'orientation de la transfusion
sanguine (FORTS) créé à cet effet par le
législateur.
Mais, si la restructuration des établissements est en cours, la
situation des personnels des établissements de transfusion sanguine
demeure un grave sujet de préoccupation en raison de la disparité
des conditions de travail, de rémunération et de formation de ces
personnels.
3. L'Etablissement français des greffes
L'Etablissement français des greffes a été créé postérieurement à l'Agence du médicament et à l'Agence française du sang par la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale.
a) Missions, structures et budget
Comme les autres agences sanitaires, l'Etablissement
français des greffes est un établissement public administratif,
chargé d'assurer la sécurité sanitaire des
prélèvements et greffes d'organes, de tissus et cellules et de
moelle, et de gérer la liste des patients en attente de greffe.
Dans la mesure où il ne dispose pas d'un corps d'inspection,
l'activité de l'Etablissement est centrée sur la
préparation des règles de bonnes pratiques de
prélèvement et de greffe, qui sont ensuite homologuées par
le ministre. Il est également chargé de l'évaluation de
l'activité de greffe ainsi que de la promotion du don d'organes.
L'Etablissement français des greffes dispose d'un effectif de
90 personnes : 56 exercent leur activité au siège de
l'Etablissement, et 34 au sein des sept coordinations inter-régionales.
Comme l'Agence française du sang, l'Etablissement français des
greffes est subventionné à la fois par l'Etat et par l'assurance
maladie. Il peut également recevoir des dons et legs.
Ainsi, le budget de l'Etablissement français des greffes
représentait 54 millions de francs en 1995 (dont 18 millions
de francs de subvention de l'Etat), 61,5 millions de francs en 1996 (dont
20,5 millions de francs de subvention de l'Etat) et 63,2 millions de
francs en 1997 (dont une subvention de l'Etat inchangée, soit
20,5 millions de francs).
Pour 1998, la subvention de l'Etat prévue par le projet de loi de
finances s'élève à 22,3 millions de francs, en
progression de 1,7 million de francs, soit une augmentation d'un taux de
8 %
.
b) Activité de l'Etablissement français des greffes
L'Etablissement français des greffes, mis en place au
début de l'année 1995, a préparé les règles
de répartition et d'attribution des organes ainsi que les règles
de bonnes pratiques de prélèvement de tissus et de recueil des
résidus opératoires lorsqu'ils sont destinés à une
utilisation thérapeutique. Selon le ministère, le texte
réglementaire fixant les règles de sécurité
sanitaire applicables au prélèvement est en cours de signature.
L'Etablissement français des greffes a également rempli sa
mission de promotion du don grâce à des campagnes d'information
engagées auprès des médecins, des pharmaciens et du public.
L'an prochain, il sera appelé à mettre en oeuvre le registre
automatisé comportant les noms des personnes qui refusent un
prélèvement d'organes ou de tissus post mortem qui a
été prévu par la loi du 29 juillet 1994 dite
" bioéthique ". Il étendra aussi aux greffes de
cornée et de moelle osseuse la liste des patients en attente de greffe
qui est aujourd'hui encore limitée aux greffes d'organes.
4. Le Réseau national de santé publique (RNSP)
Le Réseau national de santé publique a
été créé par une convention conclue entre l'Etat et
deux établissements publics, l'INSERM et l'Ecole nationale de
santé publique (ENSP). Cette convention, qui prend fin au mois de juin
1998, a prévu que le RNSP serait doté du statut de groupement
d'intérêt public.
L'activité du RNSP ne couvre pas tout le champ de la veille sanitaire,
dans la mesure où elle est centrée sur la surveillance
épidémiologique et l'analyse des risques sanitaires liés
à l'environnement.
En outre, cet organisme ne dispose que de faibles moyens, même si leur
progression récente a été très rapide.
Ainsi, la subvention qui lui est versée par l'Etat est passée de
2,4 millions de francs en 1992 à 14,9 millions de francs en
1996. Et l'an dernier, le RNSP a bénéficié d'une
augmentation exceptionnelle des crédits budgétaires qui lui sont
destinés : ils ont en effet progressé de 50 %. Le budget du
RNSP, en 1997, s'est ainsi élevé à 52 millions de
francs, financé notamment par une subvention d'un montant de
22,1 millions de francs.
Pour apprécier les moyens réels du RNSP, il faut aussi tenir
compte de l'apport de l'INSERM et de l'ENSP : ainsi, en ce qui concerne les
effectifs, 14 des 50 personnes qui exercent leur activité au sein
de l'établissement public sont mises à disposition.
En 1998, les crédits destinés à la subvention de l'Etat au
RNSP progressent à nouveau. Certes, la progression est plus faible qu'en
1997 (environ moitié moindre), et les moyens du RNSP restent
dérisoires si on les compare à ceux dont disposent de nombreuses
institutions étrangères chargées de la veille sanitaire,
telles que les CDC aux Etats-Unis. Mais elle permettra au RNSP de disposer
d'une subvention de 27,4 millions de francs.
En augmentant de manière substantielle les dotations des
établissements publics nationaux chargés de la
sécurité sanitaire des principaux produits de santé et
celle qui est destinée au RNSP à la veille d'une importante
réforme de la veille et de la sécurité sanitaires, le
Gouvernement a entendu montrer qu'il n'attend pas l'aboutissement formel de
cette réforme pour faire de la sécurité sanitaire une
priorité de son action.
B. 80 MILLIONS DE FRANCS SONT PROVISIONNÉS POUR FINANCER LA RÉFORME SÉNATORIALE DE LA SÉCURITÉ ET DE LA VEILLE SANITAIRES
A la suite des travaux de la mission d'information
désignée par votre commission pour étudier les conditions
du renforcement de la veille et de la sécurité sanitaires,
MM. Charles Descours et Claude Huriet, les présidents des groupes
politiques de la majorité sénatoriale, M. Jean-Pierre
Fourcade, président de la commission des Affaires sociales et les
membres de la mission d'information appartenant à la majorité
sénatoriale ont déposé une proposition de loi.
Elle vise à renforcer le contrôle de la sécurité
sanitaire des produits destinés à l'homme (produits de
santé et produits alimentaires) ainsi que les conditions de la veille
sanitaire.
Les axes de la réforme qu'elle propose sont décrits dans les
rapports n° 196 et n° 413 (1996-1997) établi par
M. Claude Huriet au nom de la commission des Affaires sociales.
Sur le plan institutionnel, cette réforme entend créer deux
agences de sécurité sanitaire respectivement chargées du
contrôle des produits de santé et des produits alimentaires, ainsi
qu'un Institut de veille sanitaire.
Ces institutions ont vocation à se substituer à l'Agence du
médicament, à l'Agence française du sang, à
l'Etablissement français des greffes et au Réseau national de
santé publique, qui ont des missions beaucoup moins larges.
Le texte de cette proposition de loi ayant reçu le soutien du
gouvernement dirigé par M. Alain Juppé, puis de celui de
M. Lionel Jospin, elle a été adoptée au Sénat
le 25 septembre 1997. Elle sera prochainement examinée par
l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement entend mettre en oeuvre cette réforme dès son
adoption définitive : il a ainsi inscrit 80 millions de francs
à un article 60 nouveau (" Etablissements de veille et de
sécurité sanitaires) du chapitre 36-81 (" Etablissements
nationaux à caractère sanitaire et social ").
Votre commission ayant souligné à maintes reprises l'urgence
et la nécessité de la réforme qu'elle propose, elle ne
peut que se réjouir des intentions et des actes du Gouvernement.
C. LA COHÉRENCE DE CETTE POLITIQUE EST REMISE EN CAUSE PAR LA BAISSE GLOBALE DES CRÉDITS DE LA VEILLE SANITAIRE
Les crédits de la veille, de l'alerte et des
interventions sanitaires sont regroupés, dans le budget de la
santé, de la solidarité et de la ville, au sein du chapitre
47-12. Ils comprennent, outre la subvention au Réseau national de
santé publique et aux Instituts Pasteur, les crédits
destinés aux actions ou organismes suivants :
- contrôle sanitaire de l'environnement (dépenses
déconcentrées ou non déconcentrées) ;
- observatoires régionaux de la santé ;
- registres de pathologie ;
- lutte contre les épidémies et les maladies transmissibles
(dépenses déconcentrées ou non
déconcentrées).
Ces dernières dépenses relèvent plus des
" interventions " que de la veille sanitaire : en effet, les
crédits inscrits aux articles 51 et 52 du chapitre 47-12 sont en
majorité utilisés pour financer les actes réalisés
par les centres de planification ou d'éducation familiale au titre du
dépistage et du traitement des maladies sexuellement transmissibles.
Nous évoquerons donc ici seulement les articles 11, 12, 30 et 40 du
chapitre 47-12, à savoir le contrôle sanitaire de l'environnement
(articles 11 et 12), les observatoires régionaux de la santé
(article 30) et les registres de pathologies (article 40).
Alors que le Gouvernement affirme que la veille et la sécurité
sanitaires constituent une priorité de son action, les crédits
inscrits à ces trois articles régressent de manière
significative : ils s'élevaient à
70 millions de francs
en
1997 et ne représentent plus, pour 1998, que
63 millions de
francs,
soit
une baisse de 10 %.
1. Stagnation des crédits des registres de pathologies
Les registres de pathologies sont les instruments principaux
de la surveillance de pathologies aux graves incidences dans la population
française, telles que les maladies cardio-vasculaires ou les cancers.
En 1997, 4 millions de francs étaient inscrits à l'article 40 qui
retrace les crédits des registres de pathologie : ces crédits
sont simplement reconduits en francs courants pour 1998.
Ainsi, alors que la veille sanitaire pour sa partie
épidémiologique, bénéficie d'un soutien important
avec l'augmentation de la dotation du RNSP, la surveillance des pathologies en
général est délaissée, oubli peu cohérent
avec les intentions affichées du Gouvernement.
2. Stagnation des crédits des observatoires régionaux de la santé
Les observatoires régionaux de la santé seront
appelés à jouer un rôle important dans la réforme de
la veille sanitaire. Celle-ci, en effet, suppose l'existence d'un réseau
de veille et de surveillance performant et implanté sur tout le
territoire.
Or, le Gouvernement semble n'en avoir pas tenu compte : les crédits des
observatoires régionaux qui s'élevaient à
19,6 millions de francs en 1997 sont simplement reconduits en 1998.
3. Forte régression des crédits du contrôle sanitaire de l'environnement
Les crédits du contrôle sanitaire de
l'environnement sont répartis, au sein des crédits de la
santé, en deux articles consacrés aux dépenses non
déconcentrées et déconcentrées.
Les premières rassemblent d'abord les subventions versées par
l'Etat à divers organismes qui jouent un rôle important en
matière de veille sanitaire, tels que les centres nationaux de
référence ou l'observatoire des consommations alimentaires, ou
encore les centres de coordination des comités de lutte contre les
infections nosocomiales. Les dépenses non déconcentrées
correspondent ensuite à celles qui sont engagées par la direction
générale de la santé pour financer la réalisation
de rapports d'experts en santé publique.
Les dépenses déconcentrées correspondent à des
dépenses engagées par les directions départementales et
régionales de l'action sanitaire et sociale en matière de
contrôle sanitaire de l'environnement.
En 1997, les crédits des dépenses non déconcentrées
s'élevaient à 13,63 millions de francs et ceux des
dépenses déconcentrées à 32,9 millions de
francs.
Ils régressent respectivement en 1998, de
15 %
et
12,8 %
pour s'établir à 11,65 millions de francs
et 28,7 millions de francs.
II. UN EFFORT EST ENGAGÉ EN FAVEUR DE LA LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE, MAIS LA LUTTE CONTRE LES AUTRES DÉPENDANCES BÉNÉFICIE DE CRÉDITS INDIGENTS
Autre volet qui manque de cohérence, alors que la lutte
contre les dépendances est présentée comme prioritaire,
toutes les dépendances ne bénéficient pas de la même
attention au sein du projet de loi de finances pour 1998.
Ainsi, la lutte contre la toxicomanie fait l'objet d'un effort important, qui
ne peut être contesté : la toxicomanie constitue un fléau
redoutable, notamment pour la jeunesse, et elle constitue le facteur de risque
principal pour la contamination par le VIH.
Mais la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, dont la fréquence des
nuisances pour la santé ne devrait pas conduire à les banaliser,
ne constitue pas une priorité de la politique de santé publique :
les crédits destinés à lutter contre ces deux
fléaux ne représentent en effet qu'un cinquième de ceux de
la lutte contre la toxicomanie.
Certes, cette critique est récurrente, et le Gouvernement actuel n'est
pas le premier à négliger ainsi la lutte contre le tabagisme et
l'alcoolisme : mais, de même que les conséquences du tabac et
de l'alcool pour la santé ne sauraient être banalisées, la
critique de la modicité des actions entreprises en ce domaine ne saurait
être amodiée parce qu'elle est fréquente.
A. LES CRÉDITS DE LA LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE REPRÉSENTENT DÉSORMAIS PRÈS DE 30 % DES CRÉDITS DE LA SANTÉ
1. Une augmentation significative des crédits
L'analyse des crédits de la lutte contre la toxicomanie
est rendue plus aisée cette année par le regroupement, au sein du
budget de la santé, de la solidarité et de la ville, des
crédits des interventions sanitaires et ceux de la Mission
interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT),
précédemment rattachée aux services du Premier ministre.
Ces crédits sont retracés, dans le fascicule budgétaire,
au sein de deux chapitres.
D'une part, le chapitre 47-16, intitulé " Action
interministérielle de lutte contre la toxicomanie " rassemble les
crédits de la Mission interministérielle de lutte contre la
drogue et la toxicomanie qui s'élèvent à 294 millions
de francs. Par rapport à la loi de finances pour 1997, ils progressent
de 63,5 millions de francs, soit un taux d'augmentation
de
27,5 %.
D'autre part, les crédits des interventions sanitaires sont
regroupés au sein du chapitre 47-15, intitulé " Programmes
et dispositifs de lutte contre la toxicomanie ", qui est composé de
cinq articles :
- article 10 - remboursement de la prise en charge sanitaire des
toxicomanes : cet article regroupe les crédits destinés à
rembourser aux hôpitaux les dépenses entraînées par
le sevrage des toxicomanes et la prescription de méthadone. Ces
crédits s'élèvent à 86 millions de francs,
comme l'an dernier.
Compte tenu de la forte augmentation globale des crédits de la lutte
contre la toxicomanie, on aurait pu penser que cet article en
bénéficierait en priorité. Ce n'est pas le cas, et votre
commission le regrette : les dépenses réellement
engagées par les hôpitaux en 1997 au titre des toxicomanes se sont
élevées à 72,6 millions pour le sevrage hospitalier
et à 13,4 millions de francs pour l'achat de méthadone, soit
un total de 86 millions de francs. En outre, la dette actuelle de l'Etat
vis-à-vis des hôpitaux en la matière s'élève
à 142 millions de francs.
Les 86 millions de francs ouverts par le projet de loi de finances pour 1998 ne
seront donc pas suffisants pour améliorer, voire pour maintenir la prise
en charge hospitalière de la toxicomanie ;
- articles 30, 40 et 60 - structures et actions de lutte contre la
toxicomanie, dépenses déconcentrées et non
déconcentrées : ces articles sont respectivement dotés de
631 millions de francs, de 13 millions de francs et de 49,6 millions de
francs. Le premier progresse de 23 millions de francs, soit une augmentation de
3,7 % ; il est destiné à financer les centres de soins pour
toxicomanes. Les deuxième et troisième articles sont nouveaux.
Au total, les crédits de ce chapitre 47-15, qui correspondent aux
crédits relevant traditionnellement du ministère de la
santé, s'élèvent à 779,6 millions de francs.
Ils progressent de
4,2 %.
2. Bilan du plan triennal 1993-1996 de lutte contre la toxicomanie et du plan gouvernemental du 14 septembre 1995
L'action de lutte contre la toxicomanie a été
encadrée, depuis 1993, par un plan triennal 1993-1996 qui s'est
prolongé par le plan gouvernemental défini le 14 septembre 1995.
Ces deux plans se terminent en 1997, et il appartient au nouveau Gouvernement,
qui vient de proposer une augmentation significative des crédits de la
lutte contre la toxicomanie, d'en définir le cadre ultérieur. Les
deux plans mis en oeuvre depuis 1993 comportent trois volets : un volet
préventif, un volet sanitaire et un volet de traitement social et de
réinsertion.
a) Un volet préventif qui est désormais bien structuré
La politique de prévention mise en oeuvre depuis 1993 a
comporté des interventions directes auprès des publics
" à risque " ainsi que des actions de formation et
d'information.
·
La création de points " écoute
jeunes " et de points " écoute parents "
Afin d'intervenir au plus près de la population et tout
particulièrement auprès des jeunes en difficulté,
63
points dits
d'" écoute jeunes " ont été
progressivement créés. Il s'agit de permanences d'accueil et
d'accompagnement éducatif qui ont pour objectif de prévenir
l'inadaptation des jeunes, d'aider au rétablissement de leur
équilibre psychologique et social, de répondre à des
situations d'urgence liées à des détresses affectives,
familiales et sociales, et de permettre à des jeunes qui n'en n'ont pas
l'habitude, ni la possibilité, l'accès à un service social.
En outre, dans la mesure où de nombreuses familles se trouvent
désemparées face aux problèmes réels ou
supposés de consommation de toxiques par leurs enfants, " 14 points
écoute parents
"
ont été mis en place. Ils
leur proposent des entretiens visant à prévenir ou à
interrompre la détérioration de la relation avec les enfants, de
rétablir la communication avec eux et, éventuellement, de prendre
contact avec le système de soins dont ils constituent, en quelque sorte,
un point d'entrée.
·
Le financement d'actions de formations
Dans le cadre des crédits déconcentrés auprès des
DRASS, des programmes de formation ont été financés dans
20 régions. Ces formations, axées sur les thèmes de
l'information et de la prévention des toxicomanies, touchent un public
varié, qu'il s'agisse du secteur médico-social, de la justice, de
l'enseignement ou des entreprises.
b) Un volet sanitaire fondé sur une diversification des modes de prise en charge
Le volet sanitaire de la lutte contre la toxicomanie s'est
orienté autour de cinq objectifs :
·
La poursuite de l'augmentation des capacités de prise
en charge des toxicomanes avec hébergement
Le plan triennal 1993-1996 prévoyait le doublement des
capacités de prise en charge avec hébergement, le nombre de
places hors familles d'accueil devant être porté de 620 places
à 1.240.
Fin 1997, cet objectif sera atteint
avec une
diversification importante de cette partie du dispositif
spécialisé. En effet, pour répondre aux différentes
demandes des patients toxicomanes, ont été créés
des communautés thérapeutiques résidentielles, des
appartements thérapeutiques relais et de transition ainsi que de
l'hébergement d'urgence.
·
La diversification des modes de prise en charge notamment par
le recours aux traitements de substitution
Les traitements de substitution constituent une modalité de prise en
charge des personnes pharmacodépendantes majeures aux opiacés,
notamment à l'héroïne. Ces traitements contribuent à
l'amélioration de la situation du patient d'un point de vue social et
somatique et concourent à la réduction des risques infectieux.
Leur finalité, à terme, est le sevrage.
Les deux médicaments désormais disponibles pour la substitution
sont la méthadone et le Subutex.
La méthadone est le plus ancien des médicaments de
substitution : il ne peut être initialement prescrit que par des
médecins exerçant dans un centre spécialisé de
soins aux toxicomanes.
Le Subutex, disponible en officine depuis février 1996, s'adresse
à des patients qui sont pour la plupart déjà suivis en
médecine libérale. Il peut être prescrit par tout
médecin traitant, après un examen médical et dans le cadre
d'un travail en réseau permettant d'assurer un suivi sanitaire et social.
Le plan complémentaire du 14 septembre 1995 prévoyait que chaque
département dispose fin 1997 d'une possibilité de prise en charge
avec substitution.
Cet objectif est atteint en 1997
:
- 79 départements disposent aujourd'hui d'un centre
spécialisé de soins aux toxicomanes permettant la dispensation de
méthadone ;
- les départements qui ne disposent pas de centre
spécialisé sont souvent des département à forte
composante rurale qui organisent un mode de prise en charge fondé sur un
travail en réseau entre médecins généralistes,
travailleurs sociaux, hôpitaux et centres de soins des
départements limitrophes.
En juin 1997, près de 4.500 personnes bénéficiaient d'un
traitement par la méthadone et près de 38.000 personnes d'un
traitement par le Subutex.
·
Les réseaux toxicomanie/ville/hôpital
Les 50 réseaux toxicomanie/ville/hôpital qui ont
été mis en place visent à assurer la continuité des
soins entre les médecins généralistes, les centres
spécialisés de soins aux toxicomanes et les différents
services hospitaliers concernés par l'accueil des toxicomanes au sein
d'un même hôpital. Ils s'inscrivent aussi dans des
stratégies de sevrage et de prise en charge avec substitution.
·
L'ouverture du secteur hospitalier à la prise en charge
des toxicomanes
Cette ouverture hospitalière constitue une priorité qui a
été affirmée par de nombreuses directives visant à
réserver un certain nombre de lits pour le sevrage des toxicomanes et
par la création des réseaux toxicomanie/ville/hôpital. La
circulaire du 3 avril 1996 a poursuivi cette politique : elle affirme ainsi
que, " du fait de sa mission de service public, l'hôpital doit
offrir aux patients toxicomanes les soins médico-psycho-sociaux qu'ils
requièrent ".
·
La réduction des risques infectieux liés au VIH
et aux hépatites
Depuis 1993, dans le cadre de la prévention des risques infectieux,
ont été ouvertes pour les toxicomanes les plus
marginalisés 25 " boutiques " : ce sont des lieux refuges,
ouverts, qui offrent aussi des soins infirmiers de première urgence. Ils
dispensent aussi du matériel d'injection stérile et proposent, le
cas échéant, une orientation vers le dispositif sanitaire et
social.
Toujours dans ce cadre, une campagne de vaccination contre l'hépatite B
a été réalisée cette année. Les actions de
réduction des risques infectieux (échanges de seringues,
automates, préservatifs...) ont aussi été poursuivies en
partenariat avec les services de lutte contre le SIDA.
Enfin, en 1997, un programme de réduction des risques liés
à l'hépatite C a été engagé. Il
prévoit des programmes de recherche, des mesures d'information et de
réduction des risques et une stratégie d'information des
professionnels.
c) Des mesures de traitement social et de réinsertion
Longtemps, l'approche de la toxicomanie a été
réduite à la prise en charge sanitaire et à la
répression Or, le phénomène de la toxicomanie a
évolué, les problèmes sanitaires s'avérant
totalement imbriqués avec les difficultés sociales.
C'est pourquoi le plan triennal de lutte contre la toxicomanie, défini
en 1993, a mis aussi l'accent sur la dimension sociale de la prise en charge
des toxicomanes. Il s'est notamment traduit par la création de trois
" sleep-in ", qui sont des
centres d'hébergement de
nuit
en urgence pour toxicomanes en situation de grande
précarité. Ils offrent la possibilité d'une consultation
sanitaire et sociale spécialisée.
Cette prise en charge sociale s'est également traduite par des actions
de réinsertion des personnes toxicomanes, y compris celles qui sortent
de prison.
Vingt-cinq
ateliers d'aide à l'insertion
offrent ainsi une aide
à l'insertion pour les toxicomanes en proposant des remises à
niveau scolaires, des activités permettant de recouvrir un sentiment
d'estime de soi (chantier humanitaire par exemple) et l'acquisition de
compétences pré-professionnelles.
Enfin, en application du plan gouvernemental du 14 septembre 1995,
huit
quartiers intermédiaires sortants
(QIS) ont été
créés pour prévenir la récidive et la rechute dans
la toxicomanie des toxicomanes sortant de prison.
3. Les crédits de la lutte contre le SIDA sont stabilisés
a) Les crédits budgétaires pour 1998 : une stabilisation en francs constants
Les crédits de la lutte contre le Sida sont
décrits, dans le fascicule budgétaire de la santé, de la
solidarité et de la ville, par le chapitre 47-18 intitulé
" Programmes et dispositifs de lutte contre le Sida ".
Ce chapitre comporte trois articles consacrés aux dépenses non
déconcentrées (133 millions de francs, en baisse de
27,2 millions de francs par rapport aux crédits votés en
1997), aux dépenses déconcentrées (316 millions de
francs, en hausse de 26 millions de francs par rapport aux mêmes
crédits) et aux dépenses des consultations de dépistage
(23,6 millions de francs, volume identique à celui qui avait
été voté pour 1997).
Les crédits du chapitre 47-18 s'élevaient, en 1997, à
474 millions de francs. Dans le projet de loi de finances pour 1998, ces
crédits font l'objet d'une très légère baisse de
1,2 million de francs. Mais il faut tenir compte du fait que
5,2 millions de francs précédemment inscrits à ce
chapitre au titre de l'action du Réseau national de santé
publique en matière de surveillance de la contamination par le VIH sont,
cette année, directement affectés à l'article 80 (RNSP) du
chapitre 47-12.
Au total, donc, les crédits de la lutte contre le SIDA progressent d'un
peu moins d'un pour cent, soit une stabilisation en francs constants. Cette
stabilisation des crédits correspond à celle de la progression de
l'épidémie.
UTILISATION DES CRÉDITS DE LA LUTTE CONTRE LE SIDA
Bilan 1995 |
Bilan 1996 |
Projections 1997 |
|
DEPISTAGE ANONYME ET GRATUIT |
18.225.976 |
28.518.650 |
23.600.000 |
ETUDES/EPIDEMIOLOGIE |
12.245.422 |
13.070.401 |
12.500.000 |
PREVENTION |
205.903.705 |
236.194.888 |
249.153.570 |
dont |
|||
actions proximité (n.c. usag. drogue) |
75.024.620 |
88.991.987 |
90.000.000 |
réduction des risques usage drogue |
40.756.898 |
53.548.355 |
64.000.000 |
1er décembre |
9.000.448 |
9.914.785 |
9.914.785 |
information dont Sida info service |
36.526.111 |
38.354.447 |
42.353.314 |
communication |
44.595.628 |
45.385.314 |
42.885.314 |
FORMATION |
29.891.339 |
27.035.229 |
27.035.229 |
PRISE EN CHARGE EXTRA HOSPITALIERE |
119.566.714 |
155.026.154 |
161.711.201 |
dont |
|||
soutien aux malades |
34.062.121 |
41.140.972 |
41.140.972 |
aide à la vie quotidienne |
33.977.470 |
46.960.939 |
52.000.000 |
hébergement |
48.196.450 |
61.354.014 |
63.000.000 |
réseau ville hôpital |
3.330.673 |
5.570.229 |
5.570.229 |
TOTAL |
385.833.156 |
449.845.322 |
474.000.000 |
Source : ministère de l'emploi et de la solidarité
b) La situation de l'épidémie : une régression importante du nombre de nouveaux cas et de la mortalité
En France le système de surveillance du Sida a
été mis en place en 1982 et repose sur la déclaration
obligatoire faite par les praticiens depuis 1986.
Au 30 juin 1997, 46.032 cas cumulés de Sida (45.320 adultes et
712 enfants) ont été enregistrés depuis le
début de l'épidémie : environ les deux tiers sont
décédés. Compte tenu de la date de mise en oeuvre de la
déclaration obligatoire et de probables sous-déclarations,
le
nombre total de cas de Sida depuis le début de l'épidémie
est en fait estimé entre 52.000 et 56.500
1(
*
)
et
le nombre total de décès entre 33.000
et 36.000.
Le nombre de personnes actuellement atteintes du Sida est ainsi estimé
entre 19.000 et 25.000.
Le nombre de nouveaux cas de Sida diagnostiqués a fortement
diminué depuis 1995 : il est passé de 6.000 à 4.600 en
1996. Cette diminution s'est poursuivie au premier semestre 1997, avec une
estimation de 1.600
2(
*
)
nouveaux cas
diagnostiqués, mais la baisse est plus faible qu'en 1996 (- 17 %
par rapport au semestre précédent).
Le nombre de décès de personnes atteintes du Sida diminue
également : il est passé de 4.600 en 1995 à 3.400
3(
*
)
en 1996. Cette diminution s'est confirmée au
premier semestre 1997, avec une estimation d'environ
800 décès, soit une diminution de 40 % par rapport au
semestre précédent.
La diminution importante du nombre de cas au second semestre 1996 a
été observée dans les trois principaux groupes de
transmission, malgré des évolutions globales différentes.
Chez les
homosexuels/bisexuels
, le nombre de nouveaux cas de Sida, qui
s'était stabilisé depuis 1991 autour de 2.500 nouveaux cas par
an, était estimé à environ 1.100
1
en 1996.
C'est dans ce groupe que la diminution du nombre de cas est la plus forte
(- 36 % entre les deux semestres de 1996 et - 31 % entre le
premier semestre 1997 et le semestre précédent).
Chez les personnes contaminées par
voie
hétérosexuelle,
le nombre de nouveaux cas a augmenté
jusqu'en 1994 (près de 1.500 cas) et n'a commencé à
diminuer qu'en 1996 ; le nombre de cas diagnostiqués en 1996 est
estimé à 1.300. Le taux de la diminution observée entre
les deux semestres 1996, puis entre le premier semestre 1997 et le second de
1996 sont identiques et s'établissent à 21 %.
Il faut prendre garde, dans l'interprétation de ces chiffres,
à ne pas encourager tacitement un relâchement de l'effort de
prévention
; en effet, la diminution des cas de Sida observée
ne reflète pas l'évolution des nouvelles contaminations, mais est
la conséquence des nouvelles associations d'anti-rétroviraux dans
la prise en charge thérapeutique des personnes séropositives.
B. LES PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE L'ALCOOLISME ET LE TABAGISME SONT NÉGLIGÉS
Les crédits de la lutte contre l'alcoolisme et contre
le tabagisme font l'objet d'une présentation globale dans le fascicule
budgétaire " santé, solidarité et ville ".
Inscrits au chapitre 47-17 intitulé " Programmes et dispositifs de
lutte contre l'alcoolisme ", ils ne font pas l'objet d'une autre
ventilation que celle entre dépenses déconcentrées et non
déconcentrées.
Un tel artifice de présentation ne parvient pas à masquer
l'indigence des interventions publiques pour lutter contre ces deux grands
fléaux, qui recevront en 1998 une enveloppe de 185 millions de
francs, en progression de 0,7 %, soit une diminution en francs constants.
Au sein de cette enveloppe, 2,9 millions de francs seraient
affectés à la lutte contre le tabagisme et 182,1 millions de
francs à la lutte contre l'alcoolisme.
1. La lutte contre l'alcoolisme : un effort qui n'est pas à la mesure de l'enjeu
a) Malgré une diminution globale de la consommation d'alcool, l'alcoolisme demeure un fléau sanitaire et social préoccupant
Les études de la consommation d'alcool en France
montrent une décroissance importante et continue au sein de l'ensemble
de la population.
Ainsi, la consommation moyenne annuelle d'alcool par adulte de 20 ans ou
plus a connu l'évolution suivante (en litres) :
1985 |
19,9 |
1987 |
19 |
1989 |
18,6 |
1991 |
17,8 |
1992 |
17,7 |
Source : INSEE
Pour 1994, cette consommation a été évaluée
à 13,51 litres par adulte ; toutefois, les statistiques ne
tiennent plus compte de la consommation d'alcool pur relative aux boissons
distillées.
Cette baisse importante s'accompagne d'une modification des comportements : la
consommation importante et régulière adulte (7 à 8 verres
par jour) a diminué, au cours de la décennie 1980 de 3 %
chez les hommes et de 24 % chez les femmes.
On assiste corrélativement à une baisse importante de la
mortalité directe par alcoolisme chronique (diminution de 29 %
entre 1980 et 1987 et de 14 % entre 1987 et 1994). De même, une part
non négligeable de la diminution du nombre d'accidents de la route
résulte de la diminution de l'incidence des états alcooliques au
volant.
Chez les jeunes, toutefois, l'on note une évolution inquiétante :
selon une enquête effectuée en 1996 par l'Institut Louis Harris,
à la demande du Comité Français d'Education pour la
Santé, sur la consommation de boissons alcoolisées des jeunes
âgés de 12 à 18 ans, 42 % des adolescents
interrogés déclaraient avoir déjà consommé
de l'alcool. Surtout, 71,5 % des jeunes âgés de 18 ans se
présentaient comme des consommateurs réguliers.
En fait, la diminution de la consommation d'alcool chez les adultes ne saurait
dissimuler le fait que l'alcoolisme demeure un fléau sanitaire
prégnant et grave : on considère ainsi que 5 millions de
Français font une consommation d'alcool excessive. Et les ravages de
l'alcool ne sauraient être appréciés à la seule aune
des causes de mortalité masculine : il faut aussi mesurer l'impact de
l'alcool dans la morbidité des hommes et des femmes, les
phénomènes de violence familiale ou sociale et de
précarisation économique des consommateurs d'alcool et de leur
famille.
Ainsi, l'alcool a été reconnu comme premier déterminant de
santé par 19 conférences régionales de santé
en 1997.
b) Les crédits d'Etat apportent un soutien insuffisant au dispositif spécialisé de lutte contre l'alcoolisme
En 1997, les crédits de concentrés inscrits
à l'article 20 du chapitre 47-17 ont été utilisés
pour financer le dispositif permanent de prévention de l'alcoolisme, qui
repose sur les Centres d'Hygiène Alimentaire et d'Alcoologie (CHAA) et
les comités départementaux de prévention de l'alcoolisme.
Les crédits non déconcentrés inscrits à l'article
10 du même chapitre ont été utilisés de la
manière suivante :
- subvention aux mouvements d'anciens buveurs et aux associations oeuvrant dans le domaine de la lutte antialcooliques : |
4,2 MF |
- évaluation de la loi Evin (cf. Supra) : |
0,4 MF |
- programme d'intérêt commun DGS/INSERM : |
0,5 MF |
- enquêtes : |
0,13 MF |
2. La politique de lutte contre le tabagisme : un désengagement financier quasi total, une délégation contestable de l'action
Les crédits de la politique de lutte contre le
tabagisme s'élèveraient, selon le rapport de la commission des
Finances de l'Assemblée nationale, à 2,9 millions de francs
pour 1998.
Cette somme peut être mise en rapport avec les quelque 50 milliards de
francs acquittés annuellement par les fumeurs au titre des droits de
consommation sur le tabac :
0,006 % sont ainsi réaffectés
par le budget de l'Etat à la lutte contre le tabagisme.
Comme l'a affirmé notre collègue Charles Descours, au cours du
débat sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 1998, un tel rapport souligne la nécessité
d'instituer une taxe de santé publique sur les tabacs directement
affectée à l'assurance maladie, sans passer par le budget de
l'Etat.
a) La consommation de tabac, en baisse, demeure cependant importante malgré la hausse des prix
Les statistiques sur la consommation de tabac montrent une
décroissance significative depuis le début de la décennie
: le nombre de cigarettes consommées par personne et par jour par les
plus de 15 ans est ainsi passé en sept ans de six à cinq
cigarettes.
Cette diminution doit être attribuée à une modification des
comportements et jugements vis-à-vis du tabac, mais aussi à la
hausse des prix engagée depuis le vote de la loi n° 91-32 du
10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et
l'alcoolisme. Les prix du tabac ont ainsi augmenté de 5 % en 1991,
10 % en 1992, 12,1 % et 6,3 % en 1993, 12,4 % et 7 %
en 1994, de 6 % en 1995 et 3 % en 1996.
La consommation de tabac demeure dépendante de l'activité
professionnelle et du milieu social.
Ainsi, si 40 % des hommes fument, on enregistre des variations importantes
en fonction des catégories socioprofessionnelles : les ouvriers sont
ainsi les plus nombreux à fumer (16 % de plus que la moyenne) alors
que les cadres supérieurs et les agriculteurs sont par contre
très en dessous de la moyenne (respectivement moins 23 % et moins
21 %). Chez les adultes de 18 ans et plus, la proportion des fumeurs
(hommes et femmes) est passée de 1974 à 1994 de 42 %
à 34 %. Si l'on affine par sexe, la baisse est beaucoup plus
sensible chez les hommes puisque la proportion de fumeurs diminue de 59 %
à 40 % alors que pour les femmes, cette proportion a
régulièrement augmenté de 28 % en 1974 à
35 % en 1991, année à partir de laquelle ce chiffre est
régulièrement en baisse.
Chez les jeunes de 12 à 18 ans, la proportion de fumeurs est encore
importante : 31,2 % ont ainsi une consommation régulière.
Cependant, leur nombre a sensiblement baissé depuis 1977, date à
laquelle 48 % des garçons et 43 % des filles fumaient.
b) Le Comité national de lutte contre le tabagisme, association à laquelle l'Etat a délégué la politique de lutte contre le tabagisme, bénéficie de l'essentiel des crédits
En 1997, les crédits de la lutte contre le tabagisme
s'élevaient à 1,9 million de francs.
Sur ces 1,9 million de francs, 1,6 million de francs ont
été attribués à une association, le Comité
national de lutte contre le tabagisme, qui est financée à la fois
par l'Etat et l'assurance maladie.
La moitié de la subvention de l'Etat est destinée au soutien de
l'activité judiciaire de cette association. Elle mène, en effet,
une action soutenue contre la publicité illégale en faveur du
tabac, et pour le respect de l'interdiction de fumer dans les lieux publics et
à usage collectif.
En effet, la loi du 10 janvier 1991 a autorisé les associations
déclarées depuis plus de cinq ans et dont l'objet est la lutte
contre le tabagisme à se porter partie civile à l'encontre des
infractions relatives à l'interdiction de publicité.
L'autre moitié de la subvention versée par l'Etat est
consacrée à la réalisation d'un certain nombre
d'enquêtes autour du tabac et à des activités de
prévention, telles que la création de supports
pédagogiques diffusés en milieu scolaire ou auprès des
femmes enceintes.
Si elle ne dispose pas de beaucoup d'informations sur l'activité de
cette association, la réponse au questionnaire budgétaire
(" Relations entre l'Etat et le CNCT - Contrôle de l'utilisation des
subventions reçues et de la politique menée par le CNCT ")
n'étant pas très détaillée,
votre commission
estime choquant que l'action publique en matière de lutte contre le
tabagisme soit quasi exclusivement déléguée au CNCT
.
En effet, hors subvention au CNCT, les 300.000 francs de crédits
budgétaires restants ont été affectés :
- pour 100.000 francs à l'OMS,
- pour 200.000 francs à l'évaluation de la loi Evin.
A cet égard, votre commission estime que, compte tenu de la
modicité des crédits de la lutte contre le tabagisme et
l'alcoolisme, les sommes globalement consacrées à
l'évaluation d'une loi sont très importantes.
3. Un point positif : le Gouvernement exclut toute remise en cause de la loi dite " Evin " à l'occasion de la Coupe du monde de football
a) Il n'y aura pas de publicité en faveur de boissons alcoolisées en France lors de la Coupe du monde
Selon le Gouvernement, en effet, aucune dérogation aux
dispositions de la loi Evin ne sera accordée, à l'occasion de la
Coupe du monde de football en 1998, aux fins d'autoriser la publicité
à la télévision pour les boissons alcooliques, au profit
de la marque de bière Budweiser commercialisée par la
société américaine Anheuser-Bush, lors de la
retransmission des compétitions.
La Société Anheuser-Bush avait déposé une plainte
contre la France auprès de la Commission européenne. Celle-ci
avait ouvert une procédure d'infraction concernant les restrictions au
parrainage des producteurs de boissons alcoolisées prévues par la
loi française, pour caractère disproportionné de cette
mesure par rapport au but poursuivi et entrave à la liberté des
services. Selon le ministère, "
la Commission européenne
a informé la France du classement de l'affaire, en raison des arguments
relatifs à la protection de la santé publique invoqués par
nous
".
Le ministère indique aussi que "
le contrat de parrainage entre
la FIFA et la Société Anheuser-Bush ayant été
conclu postérieurement à l'adoption de la loi n° 91-32 du 10
janvier 1991 et en toute connaissance de celle-ci, la responsabilité des
pouvoirs publics ne saurait être engagée.
La Société Anheuser-Bush et ses représentants peuvent,
néanmoins, faire appel aux nouvelles techniques dites
" d'incrustation " leur permettant de faire de la publicité
à l'occasion de la retransmission des matches en direction des pays
étrangers qui l'acceptent, sous réserve que cette
publicité n'apparaisse pas sur les écrans des chaînes
françaises
".
b) La définition de législations relatives à la limitation de la publicité en faveur de l'alcool et du tabac dans l'Union européenne est en bonne voie
Il est prévu, dans le cadre de l'évaluation de
la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre
le tabagisme et l'alcoolisme, de procéder à des comparaisons
internationales en ce qui concerne les réglementations applicables en
matière de publicité pour le tabac et l'alcool. Ces
données devraient être disponibles au mois de juin 1998.
* Publicité en faveur du tabac
Il existe, depuis plusieurs années, une proposition de directive de la
Commission des communautés européennes qui propose l'interdiction
totale de la publicité pour le tabac et du parrainage concernant les
produits du tabac. La France a bien entendu soutenu ce projet de directive. Le
dossier est actuellement inscrit prioritairement par la présidence
luxembourgeoise au programme du groupe " Santé " : en effet,
il semblerait, selon le ministère, que l'évolution des positions
des délégations sur le principe de l'interdiction totale puisse
permettre l'aboutissement du projet. Pour la France, l'adoption de la
proposition de directive de la Commission apporterait les bases juridiques
nécessaires pour lutter contre l'importation des publications et
d'autres supports contenant de la publicité pour le tabac.
D'ores et déjà, la directive 89/552/CEE du Conseil
(modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du
Conseil) visant à la coordination de certaines dispositions
législatives, réglementaires et administratives des Etats membres
relatives à l'exercice d'activités de radiodiffusion
télévisuelle interdit la publicité
télévisée et le télé-achat pour les
cigarettes et les autres produits du tabac.
Et tous les Etats membres de l'Union européenne ont adopté des
mesures légales ou déontologiques restreignant ou interdisant la
publicité en faveur du tabac et des produits du tabac. Parmi eux, cinq
pays (la France, la Finlande, la Belgique, l'Italie et le Portugal) imposent
une interdiction totale de publicité pour le tabac.
* La publicité en faveur de l'alcool
En ce qui concerne la publicité pour l'alcool, la situation des
réglementations dans les Etats membres de l'Union européenne est
beaucoup plus disparate.
La directive 89/552/CE du Conseil (modifiée par la directive 97/36/CE du
Parlement européen et du Conseil) visant à la coordination de
certaines dispositions législatives, réglementaires et
administratives des Etats membres relatives à l'exercice
d'activités de radiodiffusion télévisuelle
réglemente déjà le contenu de la publicité et du
télé-achat pour les boissons alcooliques.
En outre, tous les pays ont mis en place des mesures visant la publicité
pour l'alcool, soit pour l'interdire, totalement ou partiellement, soit pour
réglementer ses supports ou son contenu.
III. UN FONDS DE RESTRUCTURATION HOSPITALIÈRE EST MIS EN PLACE, MAIS LES CONDITIONS DE L'ADAPTATION DU TISSU HOSPITALIER NE SONT PAS RÉUNIES
A. LA CRÉATION D'UN FONDS D'INVESTISSEMENT POUR LA MODERNISATION DES HÔPITAUX
1. Le contexte : l'extinction progressive des subventions sanitaires
Les crédits du chapitre 66-11, intitulé
" Subventions d'équipement sanitaire ", connaissent depuis
plusieurs années une baisse très importante en loi de finances
initiale, accentuée le plus souvent en cours d'année par des
annulations de crédits.
Si l'on a pu regretter, dans le passé, la brutalité du
désengagement de l'Etat, cette évolution est naturelle compte
tenu du niveau de l'offre hospitalière et pour encourager
l'autofinancement au sein des établissements.
Les crédits du chapitre 66-11 ont ainsi diminué, de 1995 à
1997, de 547 millions de francs à 124,8 millions de francs en
autorisations de programme et de 414 millions de francs à
241 millions de francs en crédits de paiement.
Cette année encore, les crédits de l'article 66-11 diminuent
fortement, puisque les autorisations de programme ne représentent plus
que 46 millions de francs et les crédits de paiement
125 millions de francs.
2. Le fonds d'aide à l'adaptation des établissements hospitaliers : une bonne initiative, mais une mise en oeuvre décevante
Afin de faciliter les restructurations hospitalières,
le Gouvernement a toutefois décidé la création de deux
fonds hospitaliers.
Le premier, qui couvrira le volet social des restructurations, est
institué par le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1998. Doté de 300 millions de
francs, il prendra en charge des aides à la mobilité et à
la formation des personnels hospitaliers. A la suite d'un amendement
adopté à l'Assemblée nationale, ces aides pourront
profiter, non seulement aux agents de la fonction publique hospitalière,
mais aussi aux personnels des établissements privés de
santé lorsque ces derniers fusionnent avec un établissement
public. Votre commission aurait souhaité que, dans un souci
d'égalité, tous les personnels des établissements de
santé privés puissent en bénéficier. Elle a
également critiqué la modicité des dotations de ce fonds,
et aurait préféré, à dépenses constantes, un
taux d'évolution des dépenses hospitalières
inférieur à celui qui est prévu par le Gouvernement, mais
un fonds mieux doté.
Le second fonds que le Gouvernement entend créer est inscrit dans le
projet de loi de finances pour 1998. Il se traduit par la création d'un
nouveau chapitre budgétaire au sein du budget de la santé, de la
solidarité et de la ville, qui est intitulé " Fonds d'aide
à l'adaptation des établissements hospitaliers " (chapitre
66-12). Ce fonds sera chargé d'accorder des aides à
l'investissement pour les hôpitaux qui ont décidé
d'entreprendre une restructuration.
Votre commission approuve cette initiative : mieux vaut en effet concentrer
les interventions publiques sur des projets structurants facilitant
l'adaptation du tissu hospitalier plutôt que procéder à un
saupoudrage de subventions aux investissements hospitaliers en tant que tels.
Si l'initiative est heureuse, la mise en oeuvre est beaucoup plus
contestable
.
D'une part, le fonds ainsi créé est insuffisamment doté :
il bénéficie de 500 millions de francs en autorisations de
programme et de 150 millions de francs. De tels crédits ne
permettront à l'évidence que de subventionner un tout petit
nombre d'opérations.
D'autre part, les modalités d'intervention de ce fonds sont très
peu transparentes.
Ainsi, votre commission ne connaît pas, par exemple, l'autorité
qui décidera des interventions du fonds : chaque directeur
régional d'agence régionale de l'hospitalisation se verra-t-il
attribuer une enveloppe (et si oui, en fonction de quel(s) critère(s) de
répartition) ou bien les aides seront-elles décidées au
niveau national ?
Elle ne connaît pas plus l'étendue du champ des
établissements bénéficiaires : les interventions du fonds
seront-elles réservées aux établissements publics de
santé ? Les établissements privés pourront-ils en
bénéficier et si oui, devront-ils (comme c'est le cas pour le
fonds social) se regrouper avec des établissements publics de
santé ?
Compte tenu de l'importance des opérations de restructuration,
notamment en termes d'emplois,
dans les villes concernées, les aides
du fonds seront naturellement très recherchées.
Eu égard au manque d'information et de transparence qui
préside à la création de ce fonds, votre commission sera
très vigilante en cours d'exécution du budget aux conditions
d'intervention de ce fonds.
B. LES CONDITIONS DE L'ADAPTATION DU TISSU HOSPITALIER NE SONT PAS RÉUNIES
1. La faiblesse des dotations du fonds d'investissement : un bon indicateur de l'ampleur limitée des restructurations en 1998
S'il est un point sur lequel on ne peut accuser le
Gouvernement de manquer de cohérence, c'est bien d'avoir fixé le
niveau des crédits du fonds d'aide à la restructuration des
hôpitaux en fonction du nombre de restructurations qu'il entend engager
en 1998.
Le texte du rapport annexé au projet de loi de financement de la
sécurité sociale, comme les propos ministériels, sont
assez clairs à cet égard : 1998 risque bien d'être une
" année blanche " dans l'indispensable mouvement
d'adaptation
du tissu hospitalier.
Les opérations de restructurations n'interviendront en effet qu'à
la suite de la refonte des schémas régionaux d'organisation
sanitaire que le Gouvernement a décidé d'entreprendre.
Elle sera achevée, dans le meilleur des cas, à la fin de
l'année 1998 : les opérations fondées sur la base de ces
schémas ne pourront donc commencer, au mieux, que dans le courant de
l'année 1999.
2. La prise en charge des exclus par les établissements de santé : des crédits en baisse d'un tiers
Alors que le Gouvernement entend faire de la lutte contre
l'exclusion une priorité de son action, les crédits de
l'article 40 du chapitre 47-11 (" Interventions sanitaires en
direction de publics prioritaires) sont diminués d'un tiers dans le
projet de loi de finances pour 1997.
Les crédits de ce chapitre sont notamment destinés aux
établissements qui entreprennent des actions en faveur des exclus.
Votre commission regrette que des personnes dont l'accès aux soins est
difficile, voire inexistant en l'absence de structure spécialisée
de prise en charge, soient ainsi victimes d'une réduction aussi brutale
des crédits qui leur sont destinés.
3. L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) : une institution prometteuse, mise en place avec retard
Clef de voûte de la réforme hospitalière,
l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en
santé (ANAES) a été créée par l'ordonnance
du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et
privée. Il s'agit d'un établissement public de l'Etat à
caractère administratif placé sous la tutelle du ministère
de la santé. Le décret n° 97-311 du 7 avril 1997 a
précisé son organisation et ses missions. Elle reprend, en les
élargissant considérablement, celles de l'Agence nationale pour
le développement de l'évaluation médicale (ANDEM),
association relevant de la loi du 1er juillet 1901.
Au titre de sa mission d'évaluation, qui concerne les domaines
ambulatoires et hospitaliers, l'ANAES est notamment chargée
d'élaborer ou de valider des recommandations de bonne pratique pour la
prévention, le diagnostic ou la thérapeutique et
d'élaborer ou de valider des méthodes d'évaluation.
L'Agence doit également donner un avis sur les biens et services
remboursables par l'assurance maladie, à l'exception du
médicament.
L'ANAES a également une mission d'accréditation des
établissements et, le cas échéant, des services
hospitaliers : l'ordonnance dispose que tous les établissements de
santé devront avoir engagé une procédure
d'accréditation dans un délai de cinq ans.
Pour ce faire, l'ANAES doit dès maintenant mettre au point les
méthodes d'accréditation, élaborer le manuel
d'accréditation et effectuer des tests auprès d'un
échantillon d'établissements de santé afin que les
premières procédures d'accréditation puissent être
entreprises dans le courant de l'année 1998.
L'ANAES est administrée par un conseil d'administration qui, selon les
termes de l'ordonnance du 24 avril 1996, réunit à hauteur d'au
moins 50 % des voies délibératives des médecins et de
25 % au plus des représentants de l'Etat, des organismes
d'assurance maladie et des organismes mutualistes. Elle dispose d'un conseil
scientifique, composé d'une section de l'évaluation et d'une
section de l'accréditation. Instance d'expertise, de conseil et de
proposition, il veille à la cohérence de la politique
scientifique de l'Agence : deux arrêtés en date du 28 mai
1997 ont fixé la composition de ces instances.
Un directeur général, nommé par arrêté du
ministre chargé de la santé après avis du conseil
d'administration, assure enfin la gestion et la conduite générale
de l'Agence. Il est assisté d'un secrétaire général
lui-même nommé par arrêté du ministre chargé
de la santé.
Les recettes de l'ANAES, pour 1997, proviennent essentiellement d'une
subvention de l'Etat à hauteur de 26 millions de francs et d'une
dotation globale versée par les caisses de l'Etat pour un montant de
61 millions de francs.
Les crédits de l'ANAES sont inscrits à l'article 70 du chapitre
3681 consacré aux établissements nationaux à
caractère sanitaire et social. Ils s'élèvent, pour 1998,
à 37,3 millions de francs, soit une
progression de plus de
43 % par rapport aux crédits votés en 1997
. Cette
augmentation de crédits est nécessaire à la montée
en charge de l'Agence et, notamment, au recrutement de professionnels
chargés de l'accréditation qui visiteront progressivement tous
les établissements de santé.
4. Les mauvais procès faits aux agences régionales de l'hospitalisation
Notre collègue Charles Descours, dans son rapport sur
le projet de loi de financement, s'est déjà élevé
contre les critiques à peine voilées adressées au plus
haut niveau à l'égard de l'activité des agences
régionales de l'hospitalisation, dont le fonctionnement serait
insuffisamment " démocratique ".
Ces critiques, qui sont de nature à remettre en cause la
crédibilité des directeurs d'agence et les décisions
qu'ils prennent, ont leur pendant budgétaire : elles sont
également inopportunes. Chacun sait bien en effet que les agences
régionales de l'hospitalisation sont les premières institutions
dont la création a voulu traduire la volonté d'une politique
active de restructuration : c'est la force de ces agences, mais c'est
aussi leur faiblesse, compte tenu de l'importance des intérêts en
cause.
Les recettes portées au budget des agences régionales de
l'hospitalisation proviennent, pour une part de l'Etat et, pour l'autre part,
de l'assurance maladie.
Pour 1997, les crédits votés au titre de la contribution de
l'Etat (dépenses de personnel et de fonctionnement) se sont
élevés à 97,7 millions de francs.
Dans le projet de loi de finances pour 1998, les crédits des agences
sont inscrits à l'article 10 du chapitre 47-19 : ils
s'élèvent à 102,7 millions de francs, en progression
de 5,1 %.
Les critiques adressées aux agences régionales, sur un plan
budgétaire, ont trait aux conditions de rémunération de
leurs directeurs. Le rapporteur de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, M. Jérôme Cahuzac, y consacre
ainsi près de six pages de son excellent rapport. Plus exactement, ces
six pages sont quasi exclusivement consacrées à l'analyse d'un
contrat d'un directeur d'agence.
La tâche des directeurs d'agence est particulièrement difficile :
c'est pourquoi l'Etat a souhaité bénéficier du concours de
personnalités compétentes et expérimentées, et il a
choisi d'en assumer le prix.
Votre commission estime que c'est à l'aune des performances des
directeurs et de la réussite de leur entreprise que devra être
jugée la pertinence de ce choix. Tout autre débat, sur la
nécessité ou non d'une voiture de fonction ou d'un
véhicule de service, peut être qualifié de secondaire.
5. L'urgence de mesures en direction des praticiens hospitaliers
Depuis de nombreuses années, votre rapporteur
dénonce avec constance la menace de sous-médicalisation qui
pèse sur certains services ou établissements hospitaliers.
Elle concerne plus particulièrement certaines disciplines
(anesthésie, obstétrique, chirurgie...) et les
établissements de santé de taille petite ou moyenne.
Votre rapporteur ne reviendra pas sur l'analyse de ce grave problème,
qui a été faite longuement dans les rapports budgétaires
des cinq dernières années. Il se félicite qu'une prise de
conscience semble s'être réalisée au cours des derniers
mois, mais souligne l'urgence d'une politique active visant, d'une part,
à orienter les futurs médecins vers les spécialités
dont notre système de soins a besoin et, d'autre part, à rendre
plus attractifs le statut et la carrière de praticien hospitalier.
Faute de quoi, le risque est grand de voir se généraliser des
" restructurations silencieuses " d'établissements de
santé, contraints de cesser tout ou partie de leur activité, non
parce qu'elle ne répond pas aux besoins de la population, mais parce
qu'aucun médecin n'est prêt à les exercer.
Les trois volets de la politique de santé examinés dans le
présent rapport témoignent du manque de cohérence de
l'action gouvernementale telle qu'elle se traduit dans les crédits de la
santé ouverts par le projet de loi de finances pour 1998. Aussi, votre
commission a émis un avis défavorable à l'adoption de ces
crédits.
1
Compte tenu des cas qui ne sont pas
déclarés et du délai qui existe entre le diagnostic et la
notification du cas
2
Compte tenu des cas qui ne sont pas déclarés et du
délai qui existe entre le diagnostic et la notification du cas.
3
Compte tenu des décès qui ne sont pas
déclarés et du délai qui existe entre le
décès et la notification du décès.