2. Un budget qui ne poursuit pas au même rythme les efforts engagés en faveur de l'hébergement d'urgence
S'agissant de l'hébergement d'urgence, il convient
de rappeler qu'un effort important a été entrepris depuis trois
ans.
Celui-ci semble avoir porté ses fruits puisque cette
année, le Gouvernement a estimé que compte tenu du bon niveau des
capacités d'accueil d'urgence, il ne serait pas nécessaire, pour
la première fois depuis 1984, de publier une circulaire organisant un
plan d'urgence spécifique à la période hivernale.
Dans une lettre au préfet du 30 octobre dernier, Mme Martine Aubry
a souligné que, "
pour l'essentiel, les besoins d'urgence
étaient aujourd'hui couverts et que le dispositif d'accueil qui avait
été conçu à l'origine comme un dispositif
saisonnier était maintenant organisé comme un dispositif
permanent
".
a) Un ralentissement de l'effort d'ouverture de places en centre d'hébergement et de réadaptation sociale
L'hébergement d'urgence repose principalement sur les
centres d'hébergement et de réadaptation sociale
(CHRS),
qui relèvent de la
loi n° 75-535 du 30 juin 1975
relative aux institutions sociales et médico-sociales
. Leurs frais
de fonctionnement relèvent des dépenses d'aide sociale
obligatoire de l'Etat.
Au nombre de 735 et employant 9.622 personnes au 1er janvier 1996, les CHRS ont
aujourd'hui une capacité d'accueil qui leur permet d'héberger
26.000 personnes
et de suivre, hors de leurs murs, un peu moins de
3.000 personnes
.
Les caractéristiques des populations accueillies en CHRS
La dernière enquête sociale du SESI en janvier
1994 fait apparaître les données suivantes sur les populations
accueillies en CHRS.
Seuls 22 % des adultes disposaient auparavant d'un logement personnel. La
plupart d'entre eux étaient locataires, notamment en HLM. C'était
surtout le cas des familles accompagnées d'enfants.
Un quart des adultes (24 %) n'avaient pas de logement personnel avant
d'être accueillis en CHRS mais étaient hébergés dans
leur famille ou chez des amis.
15 % n'avaient pas de logement à proprement parler, ils occupaient
une caravane ou étaient sans abri.
Les autres adultes accueillis (34 %) provenaient d'établissements
sociaux, médicaux ou pénitentiaires.
Les personnes accueillies sont pénalisées surtout par une
qualification professionnelle trop ancienne ou insuffisante : 36 % des
adultes accueillis sont des ouvriers non qualifiés et 19 % n'ont
aucune expérience professionnelle.
La majorité des adultes hébergés en CHRS sont
chômeurs (36 %) ou inactifs (19 %).
Seuls 24 % des adultes en CHRS exercent une activité
salariée.
La plupart des adultes hébergés en CHRS ont pour ressource
principale une allocation.
Un tiers des adultes de moins de 25 ans est sans ressources.
Le Gouvernement a inscrit pour 1998 une dotation de
2,412 milliards de
francs
, en augmentation de 3 % par rapport à 1995 et
correspondant à un apport de crédits supplémentaires de
65 millions de francs. Ceci doit permettre à hauteur de
23 millions de francs de faire face à l'évolution des
dépenses de personnel et pour 42 millions de francs de financer 500
places supplémentaires de CHRS, par transformation de places d'asiles de
nuit.
Evolution des crédits relatifs aux CHRS
(chapitre
46-23, article 22)
Année |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
Crédits inscrits en LFI
|
2.129 |
2.222 |
2.347 |
2.412 |
Taux d'évolution en % |
+ 10,53 |
4,33 |
5,65 |
2,77 |
Sommes consacrées à la création de places (en millions de francs) |
38,5 |
38,5 |
84 |
42 |
Il n'est pas inutile de rappeler que le budget 1997 avait
financé la transformation de 1.000 places supplémentaires dans le
cadre de la première phase d'un plan de transformation de places
d'asiles de nuit dont le nombre a été fixé initialement
à 3.000 unités.
Ce programme a été lancé en 1997 par la création de
1.135 places nouvelles de CHRS se décomposant en :
- 130 places d'atelier de réinsertion rattaché à un
CHRS ;
- 12 dispositifs d'accueil et d'orientation territorialisés
assurant la régulation des places d'hébergement d'urgence
après l'orientation des personnes accueillies ;
- 1.005 places résultant de la pérennisation de places de
foyers d'accueil d'urgence en places d'hébergement et de
réinsertion (CHRS).
La réponse au questionnaire budgétaire souligne que ce programme
a pour vocation la pérennisation du financement et le renforcement
qualitatif des prestations d'accueil d'hébergement d'accompagnement
à la réinsertion et de suivi pour les plus démunies des
personnes exclues, assurées par ces structures bénéficiant
ainsi du statut de CHRS.
"
Il importe en effet que ne se développe pas une prise en
charge discriminante en fonction de difficultés apparentes de
réinsertion. Pour cela, il convient de globaliser la prise en charge -de
l'urgence sociale à la réinsertion- en visant à la
resocialisation et la requalification professionnelle des personnes socialement
exclues, quelle que soit la gravité de la désocialisation,
à partir d'une orientation adaptée à leurs
possibilités, en pariant sur la réversibilité des
troubles.
"
Le programme se poursuit en 1998 par l'inscription de 500 places
supplémentaires pour un montant de 42 millions de francs.
Il peut sembler étonnant de ne pas continuer l'effort
supplémentaire engagé en 1997, alors que la FNARS estime pour sa
part que 2.000 à 3.000 places nouvelles seraient nécessaires pour
mettre à niveau les CHRS et moderniser les lits existants.
En l'espèce, même dans un contexte de maîtrise
budgétaire, il n'aurait pas été anormal de poursuivre la
transformation de places d'asiles de nuit en places de CHRS, souvent
matériellement dégradées et
génératrices
d'insécurité
, voire de violences, pour les personnes
hébergées. En outre, les établissements doivent parfois
être transformés matériellement pour permettre
l'accueil
de familles entières
dans des conditions acceptables.
Enfin, comme votre rapporteur aura l'occasion de le souligner dans la
troisième partie de son avis,
la mise en oeuvre d'un taux directeur
opposable
à l'évolution des dépenses des CHRS
apparaît aujourd'hui comme une réforme indispensable pour assurer
au meilleur coût les prestations assurées par ces organismes.
b) Une diminution décevante des crédits d'action sociale de l'Etat en faveur de la lutte contre l'exclusion
Au-delà du ralentissement du rythme de création
de places de CHRS, il est également décevant que le Gouvernement
ait choisi, au cours de ses arbitrages, d'inscrire à la baisse les
crédits d'action sociale décentralisée destinés
à la lutte contre l'exclusion
6(
*
)
(
chapitre 46-23, article 70
).
Ces crédits qui avaient été portés à 784
millions de francs en 1997, contre 708 millions de francs en 1996, sont
abaissés à
760 millions de francs en 1998
, soit une
baisse de 3 %.
Les crédits déconcentrés ne doivent pas être
confondus avec les dépenses non déconcentrées qui
permettent notamment de passer des conventions d'objectifs avec les grandes
associations à vocation caritative et qui s'élèvent
à 212 millions de francs dans le projet de loi de finances pour
1998.
Les crédits non déconcentrés qui font l'objet d'une baisse
en 1998 sont consacrés pour une partie aux actions dites d'urgence
sociale et pour une autre partie à des actions en faveur des jeunes en
difficulté.
Le Gouvernement n'a pas précisé clairement sur quels postes
serait imputée la baisse prévisible des moyens.
-
· Le financement des
dispositifs nouveaux en faveur des
populations les plus fragiles
(SAMU-Sociaux, Boutiques de
solidarité, accompagnement social et logements d'urgence) relève
particulièrement des actions d'urgence sociale.
Une progression des crédits alloués à ce type d'actions a été enregistrée ces dernières années : 231,71 millions de francs en 1994, 299,58 millions de francs en 1995, 328,81 millions de francs en 1996. En 1997, autour de 400 millions de francs ont été consacrés aux actions d'urgence sociale.
Les actions d'urgence sociale assurent en premier lieu l'accueil et l'hébergement d'urgence des sans-abri . Pendant l'hiver, 15.000 places d'hébergement d'urgence sont ouvertes, dont 5.000 en région parisienne. Un " volant " de places important est désormais également disponible toute l'année.
Il s'agit aussi d'aller au-devant des sans-abri et de leur proposer un hébergement . Suite à la création du " Samu-Social " de Paris, ce type d'équipement se généralise progressivement dans les plus grandes agglomérations de province et les départements de la région parisienne. Plus d'une trentaine de tels dispositifs (" SOS-Sans-abri " dans les Hauts-de-Seine, " Service ville sociale " à Lyon) ont vu le jour. Ce type d'équipement s'avère très utile, notamment vis-à-vis des personnes sans domicile qui ne se dirigent pas spontanément vers les centres d'accueil.
Par ailleurs, ont été créés ces dernières années quelque 200 lieux d'accueil de jour pour les personnes sans domicile fixe. Ces personnes peuvent y trouver chaque jour un accueil et divers services : boîtes aux lettres, machines à laver, douches, consignes, informations, aides à l'accès aux soins.
En matière d'accès aux soins , se sont mis en place des " lits infirmiers " et des permanences médico-sociales dans les centres d'accueil. Par " lits infirmiers ", il convient d'entendre la mise à disposition de lits pour des personnes malades mais dont l'état ne nécessite pas une hospitalisation. Ont été également installées des permanences sociales d'accueil et d'orientation dans les hôpitaux.
Un programme de " points d'accueil jeunes " a été lancé à partir de 1996 dans un but de prévention et pour faire face aux problèmes que soulève notamment la présence de jeunes en errance au cours de la période estivale dans les villes touristiques et à l'occasion de festivals.
A l'automne 1997, un " numéro vert " d'appel téléphonique à trois chiffres, le 115, consacré à l'accueil des sans-abri a été ouvert. Ainsi 24 heures sur 24, une personne sans abri pourra accéder gratuitement par ce numéro, facile à mémoriser, au centre d'accueil départemental chargé de fournir une réponse fiable à quiconque en matière d'hébergement d'urgence.
L'opérationnalité de ce dispositif exigera une coordination permanente de l'ensemble des structures offrant localement un hébergement. Cette évolution va dans le sens de la création d'un véritable dispositif départemental d'information, d'accueil et d'orientation des personnes sans domicile.
· Les crédits déconcentrés servent également à financer la participation de l'Etat aux Fonds d'aide aux jeunes (FAJ).
Le financement du dispositif est paritaire entre l'Etat (DDASS) et le conseil général . Une convention à laquelle peuvent également être associés les municipalités et les organismes concourant sur une base volontaire au financement du FAJ détermine les modalités et les conditions d'attribution des aides financières. Environ 500 comités d'attributions départementaux ou locaux couvrent le territoire national.
Il a été précisé à votre rapporteur que ce dispositif bénéficiait d'une forte adhésion des partenaires institutionnels : conseils généraux, réseau d'accueil jeunes et missions locales.
Trois qualités principales sont attribuées aux FAJ : souplesse, rapidité de paiement en cas d'urgence et proximité avec le secteur rural souvent démuni. Il reste que les actions d'accompagnement social n'ont pas connu un développement important : 20 % des départements seulement financeraient de telles mesures.
Il a été précisé à votre rapporteur que les crédits consommés par les FAJ estimés à 207 millions de francs en 1995, étaient passés à 158 millions de francs en 1996. Cette baisse s'expliquerait par " la pression exercée par d'autres besoins en matière d'urgence sociale dans le cadre d'une enveloppe de crédits globalisés " et par l'existence dans les FAJ de " réserves financières " dues à une montée en charge plus lente que prévue du dispositif.
Les FAJ visent à aider les jeunes les plus en difficulté qui ne sont sans doute pas susceptibles d'accéder directement aux emplois-jeunes, voire à un CES, compte tenu de leur degré de marginalisation et de désinsertion sociale. Il est pourtant essentiel de les aider à retrouver le chemin de l'intégration sociale et les FAJ constituent un instrument utile qu'il serait dangereux d'affaiblir.