2. Les effets contrastés de la revalorisation
La requalification des emplois présente des effets très positifs pour le déroulement des carrières. En revanche les mesures de revalorisation indiciaire apparaissaient très limitées dans le projet de budget pour 1998.
a) L'indispensable requalification des emplois
L'augmentation du nombre d'officiers emportera trois
conséquences principales : l'amélioration du déroulement
de la carrière des officiers, l'ouverture de promotion pour les
sous-officiers et enfin la possibilité d'intégration au sein de
la gendarmerie de militaires provenant des autres armées.
. L'augmentation du nombre d'officiers met fin à la situation
anormale de blocage des carrières.
Votre rapporteur avait déjà souligné les années
précédentes les décalages entre les fonctions
exercées et le grade détenu par leur titulaire. Il avait
également manifesté son inquiétude à propos du
nombre d'officiers " hors créneaux d'avancement ", en
particulier les capitaines et les lieutenants-colonels qui ont
dépassé l'ancienneté nécessaire (9 ans pour les
premiers, 7 ans pour les seconds) pour bénéficier d'une promotion
normale, limitée dans leur cas à 5 % et 2 % du contingent des
promotions annuelles.
Cette situation difficilement acceptable trouvait son explication dans la
faiblesse du taux d'encadrement de la gendarmerie en personnel officier.
Les perspectives ouvertes par la loi de programmation devraient permettre, du
moins de façon transitoire, de stabiliser le nombre des officiers hors
créneaux (entre 25 et 30 pour les capitaines, entre 45 et 50 pour les
lieutenants-colonels). La part des officiers hors créneaux peut
paraître encore excessive au regard des mérites des personnels
concernés, cependant elle se serait accrue inexorablement en l'absence
d'une progression des postes d'officiers.
Ainsi, sans la création de 10 postes de colonel par an de 1997 à
2002, l'effectif des lieutenants-colonels hors créneaux (28 en 1995, 43
en 1997) aurait rapidement dépassé la centaine. Au-delà de
2002, le problème risque toutefois de se poser de nouveau.
L'annuité 1997 du programme de requalification des emplois a permis
l'évolution suivante :
Grade |
1996 |
1997 |
Variation |
|||||||
Colonel |
182 |
192 |
+ 10 |
|||||||
Lieutenant-colonel |
490 |
513 |
+ 23 |
|||||||
Chef d'escadron |
380 |
430 |
+ 50 |
|||||||
Capitaine |
995 |
1 037 |
+ 42 |
|||||||
Lieutenant et sous-lieutenant |
596 |
676 |
+ 80 |
|||||||
Tableau d'avancement 1996 |
Tableau d'avancement 1997 |
Tableau
d'avancement 1998
|
||||||||
Inscrits |
% de sélection |
Inscrits |
% de sélection |
Inscrits |
% de sélection |
|||||
Colonel |
28 1 |
10,2 |
32 2 |
11,3 |
38 à 42 |
13,5 |
||||
Chef d'escadron |
100 |
23 |
132 |
29,4 |
145 à 150 |
33 |
1
+ 1 inscription à titre conditionnel
2
+ 3 inscriptions à titre conditionnel
.
La prédominance du recrutement interne pour les officiers
Dans le souci de valoriser le niveau de recrutement des officiers, la part du
recrutement interne (70 % jusqu'en 1993), jugée excessive, avait
été ramenée à 50 %.
Ce niveau ne pourra toutefois être maintenu sur la durée de la loi
de programmation compte tenu d'une part de l'augmentation importante du nombre
d'officiers et d'autre part de la volonté légitime de
requalification des emplois des sous-officiers. L'année 2003 devrait
connaître un retour à l'équilibre.
Dès 1996, les officiers recrutés au choix parmi les gradés
de gendarmerie sont passés d'une trentaine par an depuis 1991 à
100. De façon générale, en 1997, les volumes de tous les
types de recrutement sur concours ou au choix, hormis le recrutement sur titre
(faute d'une ressource suffisante tant en nombre qu'en qualité) ont
été multipliés par trois en moyenne. La ressource en
candidats officiers de réserve ou sous-officiers de gendarmerie restant
globalement stable, la sélectivité a diminué entre 1996 et
1997.
Enfin, la création d'emplois d'officier contribuera également
à l'intégration des militaires issus des autres armées
à la suite de la déflation générale des effectifs
de la défense. Ainsi, 55 officiers subalternes ont été
admis en 1997 au concours d'admission au cours supérieur de
l'école des officiers de la gendarmerie nationale (53 de l'armée
de terre, 1 du service de la santé, 1 de la délégation
générale pour l'armement).
.
Maintien de certaines difficultés pour l'avancement au sein du
corps des sous-officiers
A la suite des propositions du contrôleur général des
armées Sandras en novembre 1995, un programme de requalification des
emplois a été mis en oeuvre en 1996 et 1997 par transformation
d'emplois d'un grade donné en emplois du grade supérieur.
Mesures de requalification d'emploi adoptées en 1996, 1997, 1998
Grade |
1996* |
1997 |
1998 |
Major |
+ 60 |
+ 25 |
|
Adjudant-chef |
+ 250 |
+ 123 |
+ 50 |
Adjudant |
- 250 |
+ 356 |
+ 70 |
Maréchal des logis-chef |
+ 650 |
+ 265 |
+ 85 |
Gendarme |
- 650 |
- 804 |
- 230 |
*Budgétisation des mesures du plan Sandras grâce
à une provision de 20 millions de francs.
Malgré ces mesures de repyramidage, quelques difficultés
demeurent. En particulier, il faut seize ans en moyenne à un gendarme
départemental pour accéder au grade de maréchal des
logis-chef. Ces délais tendent à s'allonger chaque année
(12 ans 5 mois en 1993, 13 ans 3 mois en 1996).
La poursuite du programme de requalification des emplois permettrait seule de
lever ces difficultés.
Ancienneté moyenne dans le grade précédent |
1994 |
1995 |
1996 |
Concours
|
03a-03m
|
03a-05m
|
03a-07m
|
Adjudant-chef |
05a-06m |
05a-05m |
05a-05m |
Adjudant |
06a-08m |
06a-02m |
06a-06m |
Maréchal des logis-chef |
12a-09m |
13a-03m |
13a-03m |
Même si le programme de revalorisation des emplois
permettra, pour un temps, de favoriser le déroulement des
carrières, il ne réglera pas, à lui seul, toutes les
situations de blocage. C'est pourquoi des solutions complémentaires
doivent être apportées à travers les incitations au
départ. Or l'attribution du pécule destiné, dans le cadre
de la professionnalisation des armées, à favoriser le
départ anticipé des militaires concernés par les
transformations d'emploi, a reçu, pour la gendarmerie, une application
limitée.
.
Le pécule : une application limitée pour la
gendarmerie
La logique même de la loi n° 96-1111 du 19 décembre 1996
conduisait la gendarmerie à accorder en priorité le pécule
aux sous-officiers employés jusqu'à présent à des
missions de soutien et remplacés, aux termes de la loi de programmation,
par des militaires servant sous un autre statut et par des personnels civils.
Compte tenu des conditions d'éligibilité fixées par la loi
du 19 décembre 1996, 249 candidatures furent présentées,
parmi lesquelles 78 sous-officiers (73 gradés et 5 gendarmes
spécialistes), seulement ont pu être retenus. Cette
sélection sévère imposée par l'étroitesse de
l'enveloppe budgétaire réservée à la gendarmerie au
titre de l'attribution du pécule, a visé prioritairement les
gradés spécialistes à moins de six ans de la limite
d'âge, notamment les adjudants-chefs et les adjudants servant dans les
spécialités auto-engins blindés, affaires
immobilières, armurerie et administration.
Le nombre de candidatures traduit les réticences des sous-officiers
spécialistes -en tout cas pour les plus anciens- à s'engager sur
des postes dits " opérationnels " à la suite de la mise
en place du nouveau corps de soutien. Les perspectives ouvertes par le projet
de budget pour la gendarmerie ne permettront sans doute pas d'élargir,
l'an prochain, le nombre des bénéficiaires du pécule.
C'est pourquoi les départs anticipés continueront de reposer en
partie encore sur des formules traditionnelles comme
l'avancement
conditionnel
. Ce système, d'abord réservé aux
officiers et étendu ensuite aux sous-officiers depuis 1984, permet une
promotion au grade supérieur avec pour contrepartie l'engagement de
l'intéressé de partir à la retraite dans les six mois qui
suivent cet avancement (afin de prendre en compte le risque
présenté par l'accroissement des lieutenants-colonels hors
créneaux au-delà de l'an 2000, la gendarmerie a d'ailleurs
décidé d'étendre dès 1998 les règles de
l'avancement conditionnel pour l'accession au grade de colonel). Cependant, il
convient de le rappeler, l'attrait de cette mesure ne joue guère pour
les gendarmes souhaitant accéder au grade de maréchal des
logis-chef dont l'indice demeure inférieur en fait, à l'indice
terminal de gendarme classé à l'échelon exceptionnel.
b) Le ralentissement des mesures de revalorisation indiciaire
Les militaires de la gendarmerie en activité
perçoivent, à l'instar des autres militaires, la solde de base,
l'indemnité de résidence, le supplément familial de solde
lié aux charges de famille, l'indemnité pour charges militaires
et, le cas échéant, une prime de service et une prime de
qualification. Les gendarmes bénéficient en outre de
l'indemnité de sujétion spéciale de police.
L'évolution des rémunérations appelle trois observations.
. En premier lieu, la transposition aux militaires des dispositions du
protocole d'accord de la fonction publique (" protocole
Durafour ")
est parvenue à son terme en 1996.
Pendant six ans le protocole Durafour a constitué le principal moteur de
la revalorisation des rémunérations des gendarmes. Les mesures
applicables jusqu'en 1996 ont continué de produire leurs effets en 1997
du fait de l'extension en année pleine de la tranche 1996. Le projet de
budget pour 1998 se limite à budgétiser les crédits
relatifs à la tranche 1994 de la nouvelle bonification indiciaire.
Ensuite, la revalorisation de l'indemnité pour charge militaire
(+ 0,542, soit un coût de 5 millions de francs) apparaît en
retrait par rapport à l'an passé (+ 1,36 %, soit un
coût de 12,3 millions de gendarmes).
Les autres mesures générales et catégorielles inscrites au
projet de budget pour 1998 ont une portée limitée.
Elles peuvent se présenter sous trois rubriques :
Les mesures d'ajustement technique
- revalorisation de l'indemnité compensatoire pour frais de transport en
Corse 0,140 MF
- aménagement des rémunérations à l'étranger
0,424 MF
- revalorisation du prêt des appelés (+ 1 %) 1,591 MF
Les mesures d'ordre général
- augmentation du contingent de primes de qualifica tion des officiers
brevetés (+ 5 %) 0,165 MF
- revalorisation des crédits d'indemnité journalière de
présence temporaire 2,660 MF
- crédits de reconversion 0,235 MF
Les mesures de transfert
avec la revalorisation de la prime de
qualification des officiers brevetés (26 % au lieu de 23 %) 1,642 MF
.
La situation des retraités de la gendarmerie
Les retraités de la gendarmerie ont bénéficié d'une
mesure favorable dans la période récente avec la révision
de la pension de retraite des adjudants-chefs (9e échelon).
En effet, le décret n° 96-990 du 13 novembre 1996 (J.O. du 16
novembre 1996, p. 16.754), modifiant le décret portant statuts
particuliers des corps des sous-officiers de gendarmerie, a créé,
à compter du 1er août 1996, un 9e échelon attribué
aux adjudants-chefs réunissant 25 ans de services.
En application des dispositions des articles L15 et L16 du code des pensions
civiles et militaires de retraite, les adjudants-chefs retraités avant
l'intervention de ce décret, totalisant au moins 25 ans et 6 mois de
services, peuvent prétendre, sans intervention de leur part, à la
révision de leur pension de retraite sur la base de ce nouvel
échelon à compter du 1er août 1996.
Il en est de même de la pension allouée aux ayants cause des
adjudants-chefs ayant réuni avant leur admission à la retraite la
condition de durée de services ci-dessus.
Les opérations relatives à la révision de ces pensions
sont entreprises par le service des pensions des armées depuis le mois
de janvier 1997.
En revanche, d'autres demandes des retraités de la gendarmerie n'ont pas
trouvé satisfaction. C'est le cas en particulier pour la majoration pour
pension dès l'âge de 50 ans.
Conformément aux dispositions de l'article 131 susvisé, la
jouissance de la majoration pour pension résultant de
l'intégration de l'ISSP est différée jusqu'à
l'âge de 55 ans.
Ce texte législatif dispose toutefois que les militaires de la
gendarmerie radiés des cadres ou mis à la retraite pour
invalidité et les ayants cause des militaires de la gendarmerie
décédés avant leur admission à la retraite peuvent
prétendre immédiatement à cette majoration de pension.
Un avantage identique est également servi aux personnels du
ministère de l'intérieur (loi de finances pour 1983 - n°
82-1126 du 29 décembre 1982) qui, cependant, peuvent
bénéficier dès 50 ans d'une pension majorée de
l'intégration de l'ISSP.
L'ensemble des interventions et questions des parlementaires en vue de la mise
en oeuvre d'une identité de situation entre fonctionnaires de police et
militaires de la gendarmerie n'ont pas, à ce jour,
débouché sur la modification des dispositions de l'article 131 de
la loi du 29 décembre 1983 précitée.