III. LES CRÉDITS ATTRIBUÉS AUX GRANDS ORGANISMES PAR LE MINISTÈRE CHARGÉ DE LA RECHERCHE

A. UNE SITUATION FINANCIÈRE CONTRASTÉE DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS DE RECHERCHE

Outre les fondations et institutions de recherche en médecine et biologie, les dotations de la section recherche sont affectées à deux catégories d'établissements publics, des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC).

Les établissements industriels et commerciaux sont traditionnellement moins dépendants des subventions de l'État qui représentent 57 % de leurs ressources que les établissements à caractère scientifique et technologique, qui dépendent en moyenne à 90 % de la subvention versée par l'État.

La mauvaise situation financière du CNES (Centre national d'études spatiales) inquiète tout particulièrement votre commission qui souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur ce point.

Votre rapporteur pour avis a pu obtenir les informations suivantes : le déficit du CNES atteignait fin 1996 536 millions de francs. En outre, la dette à l'égard de l'agence spatiale européenne s'élevait fin 1996 à 1,340 milliard de francs. Le besoin de financement total s'élevait donc à cette date à près de 2 milliards de francs . Un plan de redressement du CNES prévoit un retour à l'équilibre de cet organisme en 1998. En outre, un plan de résorption de la dette à l'égard de l'agence spatiale européenne prévoit d'éponger cette dernière en 2002.

Votre commission juge urgente la mise en oeuvre rapide de mesures de redressement dans le respect de l'objectif d'un emploi rigoureux et optimal des deniers publics.

En ce qui concerne le CNRS, sa situation financière était, ces dernières années, une préoccupation traditionnelle de votre commission, puisque le décalage entre autorisations de programme (AP) et crédits de paiement (CP) - dénoncé ci-dessus- avait atteint un milliard de francs en 1994 , ce qui avait conduit l'organisme à une véritable crise des paiements.

Un redressement avait été amorcé en 1995 (annulation de 200 puis 300 millions de francs d'AP, ouverture de 300 millions de francs de CP), poursuivi en 1996 et 1997, avec un rattrapage de crédits de paiement de respectivement 227 et 12 millions de francs.

Le projet de loi de finances pour 1998 comporte un ultime " rattrapage " de 43 millions de francs . Le Gouvernement estime donc que " le différentiel AP/CP constaté est comblé pour l'essentiel ".

En outre, le CNRS a réformé ses méthodes de gestion budgétaire dans le but d'éviter un nouveau dérapage.

En effet, l'ancien mode de gestion, déconcentré, des moyens de paiement des laboratoires permettait, jusqu'en 1995, aux unités de recherche d'engager des autorisations de programme sans tenir compte des crédits de paiement effectivement alloués dans le cadre de l'annualité budgétaire.

La réforme mise en oeuvre en 1996 a consisté à clarifier l'origine des crédits (subvention de l'État ou ressource propre) et à généraliser dans les unités une comptabilité des engagements liée au niveau des moyens de paiement réellement disponibles.

B. LES DOTATIONS DEMANDÉES EN 1998 PAR LE MINISTÈRE DE LA RECHERCHE POUR LES DIFFÉRENTS ORGANISMES

DOTATIONS DEMANDÉES POUR LES ORGANISMES

(en millions de francs)

ÉTABLISSEMENT

DÉPENSES ORDINAIRES

ÉVOLUTION

CRÉDIT DE PAIEMENT

ÉVOLUTION

TOTAL

ÉVOLUTION

INRA (Institut national de la Recherche agronomique)

2.912

+ 2,3 %

513

+ 2,0 %

3.425

+ 2,3 %

CEMAGREF (Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts)

211

+ 3,4 %

25

+ 8,7 %

236

+ 3,7 %

INRETS (Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité)

175

+ 2,3 %

39

- 7,1 %

215

+ 0,7 %

INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique)

322

+ 4,9 %

159

+ 1,2 %

480

+ 3,1 %

CNRS (Centre national de la Recherche scientifique)

11.194

+ 2,2 %

2.527

+ 1,0 %

13.722

+ 2,0 %

INSERM (Institut national de la Santé et de la Recherche médicale)

1.960

+ 4,0 %

603

+ 3,4 %

2.563

+ 3,9 %

INED (Institut national d'Etudes démographiques)

62

+ 3,3 %

23

- 3,9 %

85

+1,0 %

ORSTOM (Institut français de recherche scientifique pour le développement en coopération)

849

+ 0,1 %

182

- 2,7 %

1.031

- 0,4 %

Institutions de recherche biologiques et médicales

289

+ 1,7 %

629

+ 5,0 %

918

+ 3,9 %

CEA (Commissariat à l'énergie atomique)

2.916

+ 39 %

326

+ 5,39 %

3.241

+ 51,5 %*

CNES (Centre national d'études spatiales)

915

0 %

7.650

- 8,4 %

8.565

- 7,6 %

ADEME (Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'énergie

49

+ 3,3 %

140

- 17,6 %

189

- 13,2 %

IFREMER (Institut français pour l'exploration de la mer)

498

+ 8,0 %

461

- 4,8 %

960

+ 1,4 %

CIRAD (Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement)

561

+ 2,8 %

144

- 0,1 %

704

+ 1,8 %

IFRTP (Institut français pour la Recherche et la technologie polaire)

55

+ 5,7 %

36

+ 4,0 %

91

+ 6,4 %

BRGM (Bureau de Recherches géologiques et minières)

241

+ 109 %

94

+ 3,8 %

335

+ 63,2 %*

TOTAL

23.225

+ 6,62 %

13.550

- 2,8 %

36.776

+ 2,9 %

Source : Projet de loi de finances pour 1998

* à relativiser suite aux changements de périmètre budgétaire

Le soutien du Ministère de la Recherche aux organismes progresse (de 2,2 % pour les EPST, de 3,9 % pour les EPIC). Là encore, ce sont les dépenses ordinaires qui progressent (6,62 % en moyenne), tandis que les dépenses en capital diminuent (de 2,8 % au total).

C. LA CRÉATION DE NOUVEAUX POSTES EN 1998

Le Gouvernement entend faire de l'emploi scientifique une priorité du budget de la recherche. En 1998, 400 postes de chercheurs seront créés, ainsi que 200 postes d'ingénieurs, techniciens ou administratifs (ITA), suivant la répartition suivante :

CRÉATIONS DE POSTES EN 1998 DANS LES ORGANISMES DE RECHERCHE

CHERCHEURS

ITA

INRA

14

CEMAGREF

2

INRETS

2

INRIA

14

8

CNRS

297

128

INSERM

50

40

ORSTOM

30

40

INED

2

3

IFREMER

38

40

CIRAD (transfert)

2

3

TOTAL

440

240

Source : Ministère de l'Éducation nationale et de la Recherche.

Suite à cette augmentation, les effectifs de la recherche publique recommenceraient à croître en 1998, inversant la tendance à la baisse observée de ces dernières années .

Par exemple, en ce qui concerne les EPST, l'évolution des effectifs budgétaires depuis 1988 est la suivante :

Source : Ministère de l'Education nationale et de la Recherche

En outre, comme le souligne le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie 2( * ) " La simple lecture du budget de la recherche ne permet pas de voir toute la priorité donnée à l'emploi car 1.800 postes d'enseignants chercheurs ont également été créés au budget de l'enseignement supérieur ".

D. LE NÉCESSAIRE RAJEUNISSEMENT DE LA PYRAMIDE DES ÂGES

Le comité interministériel de la recherche scientifique du 3 octobre 1996 avait lancé une série de mesures visant à rajeunir la pyramide des âges de certains organismes. Plusieurs dispositifs ont traduit cette volonté dans les faits.

a) La fin des " maintiens en surnombre " ne devrait pas nuire à la qualité des travaux de recherche

L'article 89 de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire a mis fin au maintien en surnombre jusqu'à 68 ans des directeurs de recherche .

LE MAINTIEN EN SURNOMBRE DES DIRECTEURS DE RECHERCHE

La loi n°86-1304 du 23 décembre 1986 avait prévu que les professeurs de l'enseignement supérieur et les directeurs de recherche des établissements publics à caractère scientifique et technologique, lorsqu'ils atteignent la limite d'âge de 65 ans, seraient, sur leur demande, maintenus en activité, en surnombre, jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 68 ans.

Des dispositions analogues ont été prises pour les membres du Conseil d'État, de la Cour des Comptes, de l'Inspection générale des Finances, ainsi que pour les magistrats hors hiérarchie de la Cour de Cassation.

L'article 89 de la loi précitée n° 96-1093 a mis fin à cette possibilité .

Les personnes concernées par cette abrogation sont les directeurs de recherche de première classe et les directeurs de recherche de classe exceptionnelle du CNRS et de l'INSERM, qui ont bénéficié de cette disposition.

En 1996, le " surnombre " représentait 100 personnes, pour un coût de 73 millions de francs. D'après les informations communiquées par le Gouvernement, avec l'augmentation prévisible des départs à la retraite, si le maintien en activité jusqu'à 68 ans n'avait pas été supprimé, les surnombres auraient représenté 150 chercheurs en 2000 et 250 chercheurs en 2004 .

Le maintien du système aurait donc été lourd de conséquences pour les deniers publics et la santé financière des organismes de recherche.

Pour la période transitoire, une réduction progressive de la durée des " maintiens en activité " a été mise en place. Ces derniers disparaîtront totalement au 30 juin 1998.

Les directeurs de recherche peuvent toutefois, afin de ne pas risquer d'interrompre certains programmes de recherche en cours, bénéficier du statut de " l'éméritat " . L'article 11 de la loi du 26 décembre 1985 relative à la recherche et au développement technologique, complétée par le décret du 17 juin 1992, a offert la possibilité de conférer à un directeur de recherche le titre de l'émeritat, au moment de son départ. Ce titre, conféré pour cinq ans renouvelables, sanctionne une contribution particulièrement importante aux travaux de recherche.

L'éméritat permet aux directeurs de recherche de participer aux jurys de thèse, de diriger des travaux de séminaires et de contribuer aux travaux de recherche.

Interrogé par un de nos collègues 3( * ) soucieux que la suppression de la possibilité de maintien en surnombre ne porte pas atteinte à la qualité des travaux de recherche, le Gouvernement apporte une réponse qui permet de lever certaines préoccupations quant aux conséquences de ces modifications sur la qualité de la recherche.

" (...) La suppression du maintien en activité des directeurs de recherche au-delà de soixante-cinq ans ne conduira en aucun cas à désorganiser les équipes de recherche par bouleversement des directions des laboratoires concernés et dissolution des équipes . D'une part les directeurs de recherche maintenus en activité en surnombre ne pouvaient exercer des fonctions de direction de laboratoire. La situation est donc inchangée sur ce point. D'autre part, sauf cas exceptionnel, le départ à la retraite d'un directeur de laboratoire ne se traduit pas par la dissolution de l'équipe.

" (...) La perspective de dissolution d'une centaine d'équipes de recherche, en relation avec la fin du maintien en surnombre de chercheurs de plus de soixante-cinq ans, n'a aucun fondement . Contrairement à l'information abusivement alarmiste diffusée par quelques directeurs concernés, les effets de la mesure prise ne peuvent être que bénéfiques pour le fonctionnement scientifique des organismes de recherche "
.

b) La poursuite de la politique de départs anticipés

Des dispositifs d'incitation au départ à la retraite se sont avérés nécessaires. En effet, en raison de leur recrutement tardif, les chercheurs peuvent rarement justifier avant l'âge de 65 ans d'un nombre d'annuités suffisant pour un départ à la retraite.

Instituée pour faciliter le renouvellement des générations de chercheurs, une " indemnité de départ volontaire ", égale à une année de traitement brut, existait déjà pour les chargés de recherche du CNRS, de l'INSERM et de l'INRA qui démissionnaient de leur organisme.

Les décrets n° 96-1242 à 96-1244 du 26 décembre 1996 créant une indemnité de départ à la retraite anticipée des chercheurs du CNRS, de l'INSERM et de l'INRA ont étendu ce système aux chercheurs demandant à faire valoir leurs droits à la retraite entre l'âge de 60 et de 64 ans. Le montant de l'indemnité varie entre huit mois et deux ans de traitement brut. Il est d'autant plus élevé que le chercheur prend tôt sa retraite.

Les décrets ont prévu de limiter l'application de ce système à trois ans, ce qui aura pour conséquence d'augmenter les départs à la retraite dans les années 97 à 99 par " effet d'appel " sur les chercheurs ayant entre 60 et 64 ans, lesquels représentent les tranches d'âge les plus nombreuses.

Le CNRS a en outre bénéficié à titre expérimental, pour 1997, d'un dispositif particulier d'incitation au départ anticipé à la retraite pour les ingénieurs techniciens et administratifs, dits " ITA " et les techniciens de physique nucléaire , en fonction dans les unités devant connaître une restructuration thématique ou géographique . Les mesures d'incitation au départ pour les chercheurs ont ainsi été étendues à ces personnels, dans les mêmes conditions.

Ces mesures ont conduit, du 1er janvier au 30 septembre 1997, aux départs suivants :

- CNRS 60 chercheurs

105 ITA

- INSERM 18 chercheurs

9 ITA

- INRA 4( * ) 10 chercheurs

8 ITA

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