B. AU NIVEAU COMMUNAUTAIRE
1. Vers une autre politique rurale ?
Contrairement aux autres volets, les propositions relatives
à la politique de cohésion économique et sociale (fonds
structurels) et à la politique de développement rural
désormais intégrée dans la politique agricole commune ne
sont pas toujours explicites et sont parfois ambiguës.
L'orientation principale de l'Agenda 2000 est de proposer deux
entrées pour une politique rurale
, l'une liée à la
politique de cohésion, l'autre à la PAC, l'ensemble étant
principalement financé par le FEOGA-Garantie et non plus par le
FEOGA-Orientation.
Le renforcement de la concentration de cette politique s'exprime
essentiellement par la réduction des sept objectifs actuels à
trois et par la diminution des zonages concernés.
Le critère d'éligibilité à
l'objectif 1
" zones en retard de développement "
(75 % du PIB/habitant par rapport à la moyenne comunautaire) sera
strictement appliqué. Du coup, la Corse et le Hainaut français
pourraient sortir du zonage objectif 1 où ne devraient rester, pour
la France, que les quatre DOM.
Le nouvel objectif 2 est largement redéfini et s'intitule
" reconversion économique et sociale ".
Il regroupe
l'action en faveur des régions en proie à des difficultés
structurelles : zones en mutation économique (industrie et services)
-zones rurales en déclin ou en crise dépendantes de la
pêche- quartiers urbains en difficultés. Dans ce cadre, il s'agit
d'identifier un nombre limité de zones significatives en vue de
favoriser une stratégie intégrée de diversification
économique.
En conséquence, les zonages actuels des objectifs 2 et 5 devraient
être revus à la baisse pour environ un tiers.
La population française éligible aux Fonds devrait donc passer de
27,5 millions à 18-19 millions. L'application stricte du taux
de réduction de 33 % appliquée au zonage 5 b conduirait
à faire passer la population éligible de 10 à
6,6 millions d'habitants. La stratégie intégrée de
diversification économique se traduira par un seul programme par
région. Le texte ne précise pas clairement s'il s'agit d'un
programme intégré ou de programmes spécifiques à
chaque situation (ce qui serait de nature à préserver davantage
la problématique " zones rurales en déclin ").
Le nouvel objectif 3 a pour ambition de développer
-sur
tout le territoire, mais en déhors des zones d'objectifs 1 et 2-
une stratégie des ressources humaines. Il doit favoriser
l'activité dans quatre domaines : accompagnement des changements
économiques et sociaux, système d'éducation et de
formation tout au long de la vie, politiques actives de lutte contre le
chômage, lutte contre l'exclusion sociale.
A priori, rien dans le texte proposé ne permet de penser que
l'agriculture sera exclue de cet objectif. Cependant, la pratique de la mise en
oeuvre des fonds structurels depuis 1989 sur ce type d'objectifs incitent
à être attentifs à la façon dont ce nouvel
objectif 3 sera décliné.
Enfin, sur les treize initiatives communautaires, l'Agenda 2000 propose
d'en conserver seulement trois : la coopération transfrontalière,
transnationale et interrégionale visant à stimuler une
aménagement du territoire harmonieux et équilibré ; le
développement rural (LEADER) ; les ressources humaines dans un contexte
d'égalité des chances.
2. Une nouvelle politique de la montagne ?
Le " Paquet SANTER " affirme aussi la
nécessité d'une politique rurale intégrée pour
accompagner le processus enclenché en 1992.
C'est ainsi que, dans toutes les zones rurales ne relevant pas des
objectifs 1 et 2, des mesures de développement rural
destinées à accompagner les politiques de marché seront
mises en oeuvre. Elles seront confinancées par le FEOGA-Garantie.
Une politique de développement rural, en complément de la
réforme de la PAC, pourra donc être menée à
l'initiative des Etats membres
sur l'ensemble du territoire
régional, tout en étant amplifiée dans certaines zones
difficiles (en objectif 2) au titre de la politique de cohésion.
Le régime relatif aux zones défavorisées (ICHNE)
rejoint les trois mesures d'accompagnement déjà existantes
(agri-environnement-boisement-préretraite) et sera également
financé par le FEOGA-Garantie. Cette distinction par rapport aux
ex-mesures 5a et 5b semble leur conférer un poids supplémentaire
et une mise en oeuvre plus systématique.
L'Agenda 2000 prévoit la possibilité de faire glisser ces
zones vers un concept de zones à " haute valeur
naturelle "
. De ce fait, la politique de la montagne ne serait
plus
justifiée par des raisons de " handicaps
géographiques " mais par des motifs liés à
l'environnement, et les aides économiques seraient liées à
de nouvelles pratiques (développement durable).
Cette nouvelle
conception se heurte à celle qui a présidé à la
politique en faveur de la montagne menée jusqu'ici, dont chacun
s'accorde à reconnaître, en France, qu'elle a
généralement répondu aux objectifs qui lui étaient
assignés.
3. De multiples interrogations
Ce projet soulève plusieurs interrogations :
Tout d'abord, la promotion de deux types de développement rural
,
l'un à travers les fonds structurels
(objectif 2/zonage/reconversion économique et sociale), l'autre
dans le cadre de la politique agricole commune (mesures d'accompagnement)
soulève la question de leur cohérence.
Le
financement
de ces deux types d'interventions, principalement par le
FEOGA-Garantie (à l'exception de l'objectif 1)
pose la question
du niveau de l'enveloppe de 2 milliards d'Ecus par an pour financer ces
deux politiques.
Cette enveloppe couvre le financement des mesures
existantes.
Dans le cadre de l'objectif 2, la concentration des actions sur un
territoire réduit (population éligible réduite d'environ
1/3) pose la question de la part des interventions en faveur du monde rural par
rapport à la reconversion industrielle et aux problèmes urbains.
Ensuite, les actions relevant de l'objectif a (ICHN - DJA - PAM - IAA)
sont transférées au FEOGA-Garantie, ce qui, a priori, peut
être jugé positif car, depuis la réforme des fonds
structurels en 1988, ces mesures étaient contestées. De plus, la
France qui bénéficie d'un tiers de l'enveloppe 5a, est
particulièrement intéressée par ce retour communautaire.
La question est de savoir comment ces mesures seront appliquées : soit
au niveau national, soit au niveau régional.
Enfin, le transfert des actions relevant de l'objectif 5b au
FEOGA-Garantie pose la question de la nature des interventions qui pourront
être financées dans le cadre de l'objectif 2 et dans le cadre
de nouvelles mesures d'accompagnement, d'autant que les choix
arrêtés sur certaines OCM, notamment bovine, risquent de le
justifier pleinement (soutien à l'herbe et aux systèmes
extensifs).
Votre commission suivra avec attention l'évolution de ce dossier.