2. Les prémices de l'ère concurrentielle
a) La poursuite de l'explosion du marché de la téléphonie mobile
Votre rapporteur soulignait déjà dans son avis
budgétaire sur le budget de 1997 combien l'ouverture du troisième
réseau de téléphonie mobile à la mi-1996 avait
permis de stimuler ce marché et de le faire entrer vraiment dans le jeu
concurrentiel, au bénéfice du consommateur. Cette
réalité n'a fait que se confirmer en 1997.
S'agissant notamment du développement des services de cartes
prépayées de téléphones mobiles, votre rapporteur
pour avis rappelle son attachement, à titre personnel, à
l'instauration d'une obligation d'abonnement -même gratuit- auprès
d'un opérateur, dans un souci d'authentification des personnes
titulaires de téléphones portables.
L'augmentation de la pénétration du téléphone
mobile en France
Alors que la France comptera fin 1997
plus de 4 millions
d'abonnés
au téléphone mobile, les perspectives de
croissance de ce marché restent importantes.
En effet, si le marché européen a crû de 56 % en 1996,
avec 12,5 millions de nouveaux abonnés, sur un total de
35 millions, le taux moyen de pénétration de la
radiotéléphonie n'a atteint que 9,2 % fin 1996, alors que
certaines études
13(
*
)
estiment qu'il devrait atteindre 21,5 % en l'an 2000 et 32 % en 2005.
Les marges de progression restent donc très importantes
. Cette
analyse s'applique tout particulièrement à la France, où
le taux de pénétration, de 4,2 % en 1996, est passé
à 7,4 % en septembre 1997, et devrait, selon les mêmes
sources, atteindre 17,4 % en 2000 et 28,5 % en 2005 (soit
16,7 millions d'abonnés environ, quatre fois plus qu'aujourd'hui),
comme le montre le tableau suivant :
TAUX DE PÉNÉTRATION DU TÉLÉPHONE
MOBILE
1996 |
1.07.1997 |
2000 (estimé) |
2005 (estimé) |
|
France |
4,2 % |
6,15 % |
17,4 % |
28,5 % |
Suède |
28,5 % |
29,91 % |
45,7 % |
56,9 % |
Allemagne |
6,9 % |
7,9 % |
19,1 % |
29,6 % |
Royaume-Uni |
11,8 % |
12,62 % |
19,4 % |
25,6 % |
Italie |
11,0 % |
14,35 % |
23,4 % |
33,1 % |
Etats-Unis |
16,3 % |
n.c. |
n.c. |
n.c. |
Japon |
15,6 % |
n.c. |
n.c. |
n.c. |
Source : ART, France télécom mobiles, Salomon
Brothers
Les services mobiles et l'aménagement du territoire
Votre commission s'est toujours montrée très soucieuse de faire
bénéficier les zones reculées de notre territoire des
progrès technologiques. Aussi, lors du vote de la loi de
réglementation des télécommunications, avait-elle soutenu
une disposition visant à exempter partiellement du financement du
service universel ceux des opérateurs de téléphonie mobile
qui prendraient, dès octobre 1997, l'engagement d'une couverture
plus dense des zones les moins peuplées de notre territoire.
Votre commission se félicite de la mise en oeuvre de cette disposition
qui a conduit à l'engagement, pris récemment par les
opérateurs concernés, d'affecter l'équivalent des sommes
dont ils ont été exemptés à ce titre à
l'accroissement de leur zone de couverture.
Aujourd'hui encore, il demeure souhaitable d'étendre la couverture
géographique de ces services (et non seulement leur couverture en termes
de population).
Les informations communiquées par le Gouvernement permettent de mesurer
les efforts qui restent à accomplir dans ce domaine. Peut-on se
satisfaire d'un taux de couverture géographique de 70 %, qui laisse
à l'écart près d'un tiers de notre territoire ? Le constat
actuel est en effet le suivant :
COUVERTURE DÉMOGRAPHIQUE ET GÉOGRAPHIQUE DES
OPÉRATEURS MOBILES
Pays |
Couverture démographique |
Couverture géographique |
|
Numérique |
Analogique |
||
France |
94 % (2 W)
|
98 % |
70 % (2 W)
|
Suède |
96 % |
- |
- |
Allemagne |
95 % ; 99 % |
100 % |
99 % en analogique |
Royaume-Uni |
96 % ; 98 % |
98 % |
- |
Italie |
96 % ; 92 % |
96,5 % ; 95 % |
75 % en numérique
|
Sources Europe : questionnaire postes d'expansion
économique de juin 1997 et rapport KPMG Mobile Review,
novembre 1996
Sources France : cartes de couverture commerciale Printemps-Eté 1997 et
modélisation Sagatel
Sans doute la couverture totale du territoire français par des
réseaux de téléphonie mobile ne pourra-t-elle être
assurée que grâce aux services de communications personnelles par
satellites. A ce titre, les développements actuels sont prometteurs.
Les projets de couverture satellitaire
S'appuyant sur des constellations de satellites en orbite basse ou moyenne, les
services de communications personnelles par satellite fourniront à
l'échelle planétaire, dès le tournant du siècle,
des services de télécommunications pouvant être
réceptionnés sur des terminaux portatifs. La gamme des services
offerts sera équivalente à celle des réseaux mobiles
terrestres : téléphonie, télécopie,
radiomessagerie, transmission de données bas débit.
Si ces systèmes ne seront pas adaptés à une utilisation
à l'intérieur des bâtiments, ou dans les grandes villes, en
revanche,
ils seront en mesure d'assurer la desserte des zones rurales non
couvertes par les services mobiles terrestres actuels.
Ils serviront donc avant tout de compléments aux réseaux
cellulaires terrestres : les clients pourraient utiliser des terminaux
" bi-modes " qui, en cas de non-couverture par le réseau
terrestre recherché en priorité, se connecteront automatiquement
sur le réseau satellitaire (qui aura un coût plus
élevé).
Il existe de nombreux projets de téléphonie mobile par couverture
satellitaire. Les quatre premiers à entrer en service seront
probablement Iridium, Globalstar, ICO et Odyssey. Les lancements des satellites
Iridium ont commencé en mai 1997, l'ouverture commerciale du service
étant prévue en septembre 1998. Globalstar doit mettre ses
premiers satellites sur orbite fin 1997 et procéder à
l'ouverture commerciale de son service en janvier 1999. ICO et Odyssey
annoncent quant à eux un lancement commercial en l'an 2000.
A noter qu'une seconde génération de services satellitaires
permettant cette fois un accès multimedia, devrait apparaître au
début du 21e siècle ; les projets les plus avancés sont
Teledesic de Microsoft et Mc Caw, Skybridge d'Alcatel et Celestri de Motorola.
Votre commission se réjouit de l'espoir dont ces projets sont
porteurs pour l'espace rural. Elle demande aussi au Gouvernement de veiller
à ce que le projet " Skybridge " se voie attribuer les
fréquences nécessaires à sa mise en oeuvre, dans le cadre
de la négociation actuelle à Genève sur l'attribution
internationale des fréquences par l'Union internationale des
Télécommunications.
b) Une deuxième vie pour le câble ?
Une technologie qui ne touche qu'un foyer sur 10
Si 6,7 millions de prises de raccordement au câble ont
été installées en France depuis le démarrage du
plan câble en 1982, seulement 2,2 millions de foyers sont
actuellement abonnés au câble, générant un chiffre
d'affaire de 2,5 milliards de francs en 1996.
La progression des abonnements se stabilise à 15 % par an depuis
deux ans. Peu de prises nouvelles sont installées car les principaux
câblo-opérateurs ont arrêté leurs investissements. Le
taux de pénétration (foyers abonnés/prises
installées), qui est en augmentation, atteint en 1996 un taux de
32,2 %. Au total, en tenant compte du fait que 31 % des foyers sont
raccordés au câble, on peut dire
qu'un " foyer
télévision " sur 10 est abonné au câble.
Les câblo-opérateurs se répartissaient le marché, en
janvier 1997, de la façon suivante : Lyonnaise communications est
premier avec 28 % des abonnés, suivi par la Compagnie
générale de vidéocommunication, avec 22,9 % des parts
de marché, puis par France Télécom, avec 26 % des
parts de marché (18,3 % pour France Télécom
Câble et 7,7 % pour TDF).
L'offre de nouveaux services
Dès avant l'adoption de la loi de réglementation des
télécommunications précitée,
l'expérimentation de nouvelles offres de services sur le câble,
notamment dans le cadre des projets " Autoroutes de
l'information "
du ministère délégué à la Poste et aux
télécommunications, avait fait entrevoir la perspective d'une
redynamisation possible des réseaux câblés.
L'accès à Internet sur le câble
a ainsi
été expérimenté dans différents sites par
les principaux cablo-opérateurs.
Votre rapporteur pour avis, qui a eu l'honneur de co-rapporter le récent
rapport du Sénat
14(
*
)
sur l'entrée de la France dans la société de
l'information, estime d'ailleurs que le câble pourrait jouer un
rôle important pour la pénétration d'Internet dans les
foyers puisque
la
facturation
y est, selon les contrats
actuellement proposés,
indépendante du temps de connexion
et que le service s'y caractérise par des débits beaucoup plus
élevés que par le réseau téléphonique, ainsi
que par une meilleure qualité.
Les principales expérimentations de la fourniture de nouveaux services
sur les réseaux câblés, parmi lesquelles celle, très
innovante, de notre collègue Jean-Marie Rausch à Metz, sont
présentées ci-dessous :
QUELQUES EXPÉRIMENTATIONS DE L'ACCÈS À INTERNET SUR LE CÂBLE
Des expérimentations ont eu lieu à Paris (7e
arrondissement), au Mans, à Annecy, à Strasbourg, à Nice,
à Metz et à St Quentin en Yvelines. D'autres sites seraient
bientôt concernés : Orléans, Lyon, Marseille, les
Hauts-de-Seine, l'Hérault. Voici quelques exemples :
Paris (Lyonnaise Câble)
Dans le cadre du projet MultiCâble, Lyonnaise Câble a
expérimenté un accès haut débit à Internet
par modem câble en connexion avec des ordinateurs personnels sur le
réseau câblé de la ville de Paris. L'expérimentation
s'est limitée au 7e arrondissement avec un panel de
200 utilisateurs et a débuté courant 1996. Elle a
été interrompue en mars 1997 en raison du différend avec
France Télécom (voir ci-après).
Nice (Compagnie Générale de Vidéocommunications)
L'expérimentation menée par la Compagnie Générale
de Vidéocommunication sur son réseau câblé de Nice a
débuté à la fin de l'année 1996 et se poursuit
toujours. Le panel d'utilisateurs retenu par l'intermédiaire de la
Sofres comprend 200 personnes. Le prix de l'abonnement, volontairement
attractif dans le cadre de l'expérimentation, est de 150 francs par
mois, le modem câble ayant été prêté
gracieusement, moyennant un dépôt de garantie.
Cette expérimentation dépasse le simple accès à
Internet (web, courrier électronique, forums) et propose un ensemble de
services locaux : diffusion de bandes annonces et d'affiches en haute
définition de films ; état du trafic routier par retransmission
en temps réel de caméras vidéo sur sites ; journal de
France 3 à la demande ; bulletin météorologique national
et local ; accès aux cours de la bourse (partenariat Les Echos et SBF) ;
catalogues FNAC et Nouvelles Frontières ; accès à des
applications sur CD-rom en paiement à la séance ; accès
aux informations du serveur Internet de la ville de Nice ; service d'envoi de
fax.
Saint-Quentin-en-Yvelines (France Télécom Câble)
L'expérimentation vise à tester sur le plan technique un service
d'accès à Internet sur le câble. Le panel de test devait
compter 200 personnes, mais il sera sans doute étendu en raison de
l'afflux des demandes (300).
L'abonnement est proposé à 324 francs par mois, se
décomposant en 90 francs de location du modem câble,
190 francs d'abonnement au service accès Internet et 44 francs
de service antenne. L'offre est exclusivement réservée à
des particuliers.
Metz (France Télécom Câble sur réseau TDF)
L'expérimentation a débuté le 6 novembre dernier.
Elle permet d'accéder à Internet au moyen d'un
téléviseur câblé
et non d'un microordinateur
équipé d'un modem. Il s'agit d'une
première
mondiale
.
Le coût pour l'utilisateur de cette expérimentation serait, dans
un premier temps, de 270 francs par mois (180 frs pour la location du
boîtier, du clavier et de la souris et 90 frs d'abonnement au
câble). Au-delà de l'accès Internet, les services locaux
disponibles seront :
- avec la ville de Metz : site web de la ville, catalogue
médiathèque (réservation d'ouvrages sur plusieurs sites,
interface avec le système de gestion de la bibliothèque),
réservation de places de théâtre, forum urbanisme ;
- avec le Républicain Lorrain : journal en ligne, accès aux
archives, segments vidéo sur les faits divers locaux, gestion de profil
utilisateur ;
- avec TF1 : téléachat (catalogue en ligne avec paiement
différé), commandes de cassettes vidéo, journaux de
13 heures et 20 heures à la demande, jeux en ligne
(partenariat avec le prestataire de service Shaman).
Mais le développement de telles offres, pourtant favorisé par
l'adoption de la loi précitée du 26 juillet 1996, a
failli être hypothéqué par un différend surgi entre
les sociétés Paris TV Câble et Compagnie
générale de vidéocommunications d'une part et France
Télécom d'autre part, concernant les
conditions tarifaires et
techniques de la fourniture d'accès à Internet
respectivement
sur le réseau parisien et sur 18 réseaux câblés
régionaux.
Saisie du différend sur le fondement de l'article L. 34-8 du code
des postes et télécommunications, l'ART a arbitré le
11 juillet 1997 et permis aux sociétés exploitantes de
proposer Internet aux 3 millions d'abonnés potentiels.
L'Autorité a décidé que les conventions conclues entre
France Télécom et les deux câblo-opérateurs pour
l'exploitation des réseaux devraient être modifiées afin de
permettre la fourniture de l'accès à Internet sur les
réseaux câblés concernés.
Paris TV Câble et la Compagnie Générale de
Vidéocommunication assureront le financement et l'exploitation des
routeurs du réseau câblé et en seront propriétaires.
France Télécom conduira les travaux nécessaires à
la mise à niveau des réseaux en vue de la fourniture
d'accès à Internet, aux frais des câblo-opérateurs.
Ces derniers supporteront en outre les frais de maintenance du réseau,
évalués à titre provisionnel à 5 % des frais
de mise à niveau.
La rémunération annuelle qui devra être versée
à France Télécom est évaluée à
environ trois francs par prise raccordable, ce qui représente environ
4,5 millions de francs pour le réseau parisien et un montant
similaire pour les 18 réseaux de la Compagnie
générale de Vidéocommunication.
En ce qui concerne
les services de téléphonie sur le
câble
, la société Lyonnaise câble, notamment,
travaille au développement d'une offre en ce sens à Annecy.
L'achat d'un boîtier modem de 3.000 francs devrait permettre
l'accès, via le câble, à la téléphonie, aux
services du réseau numérique à intégration de
services (RNIS) et à Internet.
Votre commission se félicite de l'apparition de ces nouveaux services
qui peuvent permettre de dynamiser la pénétration commerciale du
câble et sont propices à une meilleure acclimatation des nouvelles
technologies dans notre pays, qui tarde à profiter des formidables
opportunités qu'offrent ces dernières.
c) L'organisation progressive de la concurrence sur le service téléphonique entre points fixes
Résultat de l'arrivée programmée de la
concurrence au 1er janvier 1998, la constitution d'opérateurs
alternatifs à France Télécom s'accélère.
Ainsi en est-il du trafic téléphonique entre points fixes,
jusqu'alors monopole de France Télécom. Au 1er janvier 1998,
lorsqu'un abonné composera un numéro en commençant par
faire le 0, qui est dès aujourd'hui le premier chiffre de la
numérotation actuelle, il confiera l'acheminement de son appel, qu'il
soit local ou longue distance, à son opérateur local
(c'est-à-dire presque toujours France Télécom).
Mais pour ses communications longue distance et internationales,
il pourra
choisir un autre opérateur
, en remplaçant le 0 par un
préfixe désignant ce dernier.
Ce mécanisme, qui sera mis en place dans la plupart des pays
européens, est rendu possible par l'attribution récente, par
l'ART, d'un préfixe de numérotation à ceux des futurs
opérateurs de transport longue distance qui se sont déjà
engagés à déployer et à exploiter un réseau
national et à assumer des obligations de couverture du territoire.
Deux premiers tirages au sort
15(
*
)
desdits préfixes, intervenus
en septembre et au début du mois, ont abouti aux choix suivants :
- France Télécom a opté pour le 8 ;
- Netco (Bouygues Télécom) a choisi le 9;
- Telecom Development (SNCF et Cégétel) a choisi le 7;
- Siris (consortium Unisource) a choisi le 2 ;
- Omnicom a choisi le 5.
Ce système devrait permettre un développement rapide de la
concurrence pour le trafic longue distance.