B. LA HAUSSE DES CRÉDITS CONSACRÉS À LA PROTECTION DE LA NATURE
L'Etat étant l'opérateur principal dans ce
domaine, il est naturel qu'il y consacre une part importante de ses dotations
d'intervention. Elles représentent 43 % (DO + CP) hors
crédits d'administration générale.
Dans le projet de loi de finances pour 1998, le montant des dotations
s'élève à 536,28 millions de francs au titre des
dépenses ordinaires et des crédits de paiement, en augmentation
de 6,26 % et les autorisations de programme sont fixées à
322,83 millions de francs, soit une hausse de 4 % par rapport
à 1997.
La politique poursuivie en matière de protection de la nature s'oriente
autour de quatre axes principaux : la constitution d'un réseau d'espaces
protégés, la préservation de la diversité
biologique, les actions menées en faveur des sites et des paysages et
l'évaluation de l'impact des activités humaines sur
l'environnement.
PLF 1998
|
|
Réseaux d'espaces protégés |
434,1 |
Préservation de la diversité biologique |
34,7 |
Sites et paysages |
42,8 |
Evaluation impact activités humaines |
24,7 |
(millions de francs)
Dans le projet de loi de finances pour 1998, l'effort le plus important est
réservé aux parcs nationaux, au réseau des réserves
naturelles et des parcs naturels régionaux et au programme de
biodiversité.
1. Le soutien aux parcs nationaux
En ce qui concerne les parcs nationaux, les dotations
progressent pour s'élever à 164,08 millions de francs (DO +
CP) contre 155,477 millions de francs en 1997. Ces moyens
supplémentaires sont destinés à la création de
trois parcs déjà en projet en 1997. Il s'agit du projet de Parc
national de la forêt tropicale en Guyane, du projet de Parc national
marin en Corse et du projet de Parc national marin de la mer d'Iroise.
Le futur Parc national marin de Corse
, qui concernerait une superficie
marine de 100.000 hectares et littorale de 40.000 hectares entre
Piana et Calvi, a fait l'objet d'un avant-projet qui a donné lieu
à des délibérations favorables des collectivités
locales et des chambres consulaires, du Conseil national de la protection de la
nature et du comité interministériel des parcs nationaux sur le
principe de sa création. Le dossier a été envoyé au
Premier ministre en vue de sa prise en considération, étape
obligatoire avant le lancement de l'enquête publique. Un chargé de
mission a été nommé et un comité de pilotage, avec
une large représentation de toutes les parties prenantes locales est en
cours de mise en place, afin d'affiner le projet de parc et d'en
préciser le contenu.
Le projet de Parc national de la forêt tropicale de Guyane
constitue une priorité depuis l'engagement sur la diversité
biologique pris par la France à la conférence de Rio de 1992.
Cette idée de parc national fait suite aux nombreuses études qui,
depuis plus de vingt ans, ont démontré l'intérêt
scientifique et la richesse biologique exceptionnelle de la forêt
guyanaise et ont conclu à l'intérêt de mettre en place un
système de protection adapté comme un parc national.
Le projet de parc est à l'étude depuis 1993, sous la direction
d'un comité de pilotage, mais il nécessite des actions plus
renforcées de concertation sur le terrain avec l'ensemble des
partenaires locaux, en raison d'un certain nombre de réticences
émanant notamment de la population amérindienne.
Néanmoins, les attitudes, notamment des élus, évoluent de
façon positive à l'encontre du projet de parc qui apparaît
désormais comme un réel outil de protection et de sauvegarde
contre la déforestation, les pollutions, la raréfaction du gibier
et les problèmes sociaux liés aux exploitations minières.
Le parc pourrait se mettre en place entre 1998 et l'an 2000 ; il occuperait la
partie la plus au sud du département de la Guyane et
l'établissement public chargé de sa gestion devrait
représenter progressivement 100 emplois permanents (85 postes
répartis entre Cayenne et trois sous-directions localisées dans
les zones de vie et 15 autres non statutaires chargés de
l'entretien des sentiers).
2. Des dotations en hausse pour les réserves naturelles
Les dotations pour les réserves naturelles progressent
de 11,8 % pour s'établir à 36,87 millions de francs. La
baisse des crédits se trouve ainsi stoppée et cela devrait
permettre d'accompagner la création de nouvelles réserves tout en
assurant le fonctionnement du réseau existant.
En août 1997, la France comptait 134 réserves naturelles
protégeant 323.896 hectares et 34 projets sont en cours
d'instruction, dont sept pourraient aboutir d'ici à fin 1997.
La principale difficulté pour l'Etat est d'ordre budgétaire
puisque la progression de ses moyens financiers est insuffisant pour
accompagner le développement rapide du réseau de réserves
naturelles. L'objectif est de parvenir à 250 réserves en
2040.
3. La reconduction des crédits des parcs naturels régionaux
S'agissant des parc naturels régionaux, les moyens de
fonctionnement sont reconduits à hauteur de 29,8 millions de francs
et les autorisations de programme progressent de 16,86 % par rapport
à 1997 pour être fixées à 15,24 millions de
francs.
En 1997, il existe 32 parc naturels régionaux et les deux plus
récents sont le Parc Loire-Anjou-Touraine, créé le
30 mai 1996 et le Parc du Verdon, dans la région
Provence-Alpes-Côte d'Azur, créé le 3 mars 1997.
Le territoire du marais poitevin n'est plus classé en parc naturel
régional depuis le 1er janvier 1997, les régions Pays
de la Loire et Poitou-Charente n'ayant pas demandé le renouvellement du
classement.
L'ensemble des parcs couvre près de 10 % du territoire national et
concerne 21 régions, 54 départements et plus de
2.618 communes pour une population de 2.457.000 habitants.
Une quinzaine de projets de parcs sont à l'étude, dont plusieurs
pourraient être classés rapidement : il s'agit du
Périgord-Limousin, du Perche, de l'Avesnois et du Gâtinais
français. Néanmoins, l'examen de certains autres projets montre
les limites du dispositif juridique quand il s'agit de territoires
considérés comme dégradés ou fortement
urbanisés qui cherchent à préserver ce qui leur reste
d'espaces naturels.
La mission menée par notre collègue M. Gérard Larcher
sur les territoires périurbains, a pour objet de proposer des formules
nouvelles pour ce type de territoires : il ne s'agit plus là de la
préservation des espaces naturels contre la croissance urbaine, mais
bien plutôt de réconcilier des espaces situés à la
périphérie des villes, tant avec leur environnement rural
immédiat qu'avec le centre-ville dont ils dépendent.
4. Des moyens budgétaires accrus pour la préservation de la diversité biologique
Les actions pour préserver la diversité biologique bénéficient d'une dotation de 34,7 millions de francs, dont 5,5 millions sont affectés à l'établissement des listes de sites proposés pour le réseau Natura 2000 et pour l'élaboration des documents d'objectifs qui seront les futurs outils de gestion des sites retenus.
a) L'état d'avancement de la directive Natura 2000 au niveau européen
La mise en oeuvre de la directive européenne
n° 94-43/CEE du 21 mai 1992 relative à la
conservation des habitats naturels et des habitats d'espèces a pris
beaucoup de retard en France par rapport aux autres pays européens. En
effet, la France est avec le Luxembourg, le seul Etat membre à ne pas
avoir adressé ses propositions de sites susceptibles de figurer dans le
réseau Natura 2000 à la Commission européenne. Elle risque
donc d'être traduite devant la Cour de justice des Communautés
européennes pour manquement aux obligations découlant de cette
directive.
Le 3 juillet 1997, la Commission européenne a procédé
à une mise en demeure complémentaire auprès des
autorités françaises, ce qui constitue une étape
préalable à la saisine de la Cour de justice européenne.
Le 17 octobre 1997, elle a adressé des avis motivés aux
dix " mauvais élèves " qui n'avaient rendu que des
copies partielles ou pas de copie du tout. Il s'agit du dernier stade avant la
saisine de la Cour.
Les autres Etats membres ont adressé à la Commission
européenne des projets de listes, plus ou moins complets, couvrant des
superficies significatives pour certains pays comme la Grèce, qui
propose une liste de 245 sites couvrant 13,5 % de son territoire ou
l'Italie qui propose 2.440 sites couvrant également 13,5 % de
son territoire. La participation du Portugal est de l'ordre de 10 % de son
territoire.
En revanche, le Royaume-Uni propose 255 sites couvrant 2,3 %
(+ 3,2 % de superficie marine) de son territoire Des Etats comme
l'Allemagne et l'Espagne proposent des sites recouvrant respectivement
0,3 % et 1,6 % de leur territoire, en annonçant des listes
complémentaires. Les derniers pays à avoir rejoint l'Union
européenne en 1995, l'Autriche, la Suède et la Finlande proposent
respectivement des sites représentant 4 %, 9,7 % et 7,6 %
de leur territoire. Ils ont également annoncé l'envoi de
propositions complémentaires.
Il ressort de cette comparaison que seuls la Grèce et l'Italie ont
communiqué des propositions de territoires importants (entre 13 et
17 % du territoire) et que seulement cinq pays (Belgique, Italie,
Grèce, Portugal et Suède) ont envoyé des propositions
complètes. Il apparaît donc que le critère du seul
pourcentage de territoire à inclure dans le périmètre
Natura 2000 n'est pas pertinent et qu'il ne s'agit pas de devoir à tout
prix classer 10, voire 15 %, du territoire national.
Comme le soulignait notre collègue, M. Jean-François Le Grand,
dans son rapport d'information sur la mise en oeuvre de Natura 2000
1(
*
)
, la sélection des sites doit
au contraire privilégier le critère de l'excellence pour proposer
non pas la totalité des sites qui correspondent aux critères
définis dans la directive, mais plutôt parmi eux, ceux qui
pourront faire partie du réseau parce que leur préservation
pourra se faire à un coût économique et social raisonnable.
Les 1.316 sites évalués par le Muséum national
d'histoire naturelle qui couvrent 15 % du territoire français
doivent donc être revus et sélectionnés dans cet esprit
là. Il ne peut s'agir de les proposer tous.
Il convient de signaler que le retard pris par la France lui vaut, outre
les menaces d'une procédure judiciaire devant la Cour de justice,
d'être pénalisée sur le plan financier en ce qui concerne
l'attribution des financements dans le cadre du programme LIFE.
Le règlement pour la mise en oeuvre de la deuxième étape
de LIFE (1996-1999) a été adopté par le Conseil le
15 juillet 1996 et le volet LIFE-Nature a pour objet de soutenir
financièrement des actions de conservation de la nature permettant la
mise en oeuvre des directives " Habitats " (directive
n° 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992) et
" Oiseaux " (directive n° 79/409/CEE du Conseil du
2 avril 1979), et en particulier du réseau européen
" Natura 2000 ".
Pour les exercices 1996 et 1997, en raison du retard pris dans la
désignation des sites Natura 2000, seuls 5 dossiers ont
été retenus en 1996 pour 3,62 millions d'Ecus de subventions
communautaires (sur un total de 43,28 millions d'Ecus disponibles pour
LIFE-Nature) et, en 1997, seuls 4 dossiers ont été
sélectionnés pour un montant de 1,953 millons d'Ecus (sur un
total de 43,62 millions d'Ecus pour LIFE-Nature).
b) Les difficultés de mise en oeuvre de la directive au niveau français
Au niveau français, la procédure de
consultation prévue par le décret du 5 mai 1995 a
été relancée par une circulaire du
11 août 1997 du ministre de l'aménagement du territoire
et de l'environnement aux préfets de département, afin que le
Gouvernement puisse transmettre à la Commission, dans les meilleurs
délais, des propositions de sites. Une première liste de sites
dont la transmission ne pose a priori pas de problème devait être
transmise à l'automne par le Gouvernement. Elle est constituée
d'espaces protégés, de forêts domaniales, d'espaces
volontaires, notamment ceux qui souhaitent bénéficier d'un
financement LIFE en 1998 ou encore de sites pour lesquels les consultations
conduites par les préfets depuis 1996 ont déjà abouti.
En réalité, le Gouvernement a envoyé à Bruxelles
à la mi-octobre une première liste de 74 sites concernant la
région alpine, mais, semble-t-il, trop tardivement pour que la
réunion d'évaluation avec les Etats membres concernés par
les sites alpins, tenue à Salzbourg le 20 octobre dernier puisse
les prendre en compte, ce qui a bien entendu retardé le processus
communautaire.
Le 21 octobre dernier, le comité de concertation et de suivi de
Natura 2000 s'est réuni et a prévu d'envoyer une première
liste d'ici à fin 1997 et de faire parvenir une liste
complémentaire au cours de 1998.
Dans son rapport précité, notre collègue
Jean-François Le Grand fait valoir que la préservation de
"
l'extraordinaire biodiversité
" du territoire
français ne saurait s'identifier à la "
France du vide ou
à la sanctuarisation de nos espaces naturels
".
Le rapporteur du groupe de travail préconise d'utiliser
l'opportunité offerte par la directive 92/43/CEE/Habitats naturels pour
gérer le développement économique dans un meilleur respect
de l'environnement en se plaçant dans une optique de
développement durable.
Pour ce faire, le rapport fait un certain nombre de propositions concernant la
définition d'outils contractuels, permettant de s'engager sur une
gestion locale et concertée dans les territoires
sélectionnés pour faire partie du réseau Natura 2000.