B. LA RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR
Le plan d'action quinquennal de 1994 prévoyait la rationalisation du dispositif autour de deux pôles opérationnels, le pôle radiophonique et le pôle télévisuel.
1. Le pôle radiophonique
Il est constitué par le regroupement autour de RFI de
plusieurs radios du groupe SOFIRAD : Radio Paris Lisbonne, reprise en
juillet 1996 pour un franc symbolique, et la SOMERA qui diffuse en ondes
moyennes au Moyen-Orient un programme en arabe et en français.
Le pôle radiophonique devait par ailleurs s'appuyer sur Radio-France.
RFI et Radio-France ont signé dès janvier 1996 un protocole
d'accord prévoyant des échanges de programmes, sous la forme
d'une reprise, par Radio-France, d'une émission de RFI. Par ailleurs RFI
a proposé à Radio-France d'incorporer certains des programmes de
Radio-France (notamment Hector et France Culture Europe) dans sa future banque
de programmes internationale.
Afin de donner une assise institutionnelle à cette amorce de
coopération, le projet de loi sur la communication audiovisuelle
discuté par le Parlement au premier trimestre de 1997 prévoyait
l'entrée du président de RFI dans le conseil d'administration de
Radio-France, l'entrée du président de Radio-France dans le
conseil d'administration de RFI, et l'octroi d'une part du capital de RFI
à Radio-France. Cette adaptation reste en suspens à la suite de
l'interruption de la discussion du projet de loi.
2. Le pôle télévisuel
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Du rapport Cluzel au prochain rapport Imhaus
M. Jean-Paul Cluzel, président de RFI, a été chargé par le ministre des affaires étrangères, en décembre 1996, de présenter des propositions visant à améliorer la présence télévisuelle de la France dans le monde et d'étudier notamment la possibilité de créer une " chaîne vitrine " de la France.
La mission confiée à M. Jean-Paul Cluzel postulait le regroupement des organismes publics dans une structure juridique unique : Téléfi, contrôlée à 55 % par l'Etat, à 35 % par France Télévision, à 8 % par Arte et La Cinquième, à 2 % par Radio télévision française d'outre-mer (RFO). La constitution de la société Téléfi aurait dû intervenir au cours de la dernière campagne électorale, il a été décidé d'y surseoir et le projet semble actuellement abandonné.
La mission de M. Jean-Paul Cluzel devait par ailleurs envisager la création de la " chaîne vitrine " de la France susceptible de concurrencer CNN sur le marché de l'information télévisuelle en continu. Le rapport présente le mérite d'apprécier ce projet à partir d'une étude des publics de l'action télévisuelle extérieure et des attentes de ces publics.
Plusieurs cercles concentriques de la francophonie ont été pris en compte. Il y a d'abord les Français qui voyagent. Le second public est celui des Français de l'étranger. Il y a ensuite les étrangers francophones et francophiles, dont les besoins diffèrent selon qu'il s'agit de ressortissants de pays de " grande francophonie " ou d'autres pays. Afin de cerner les attentes de ces différents publics, une étude d'opinion a été réalisée à New-York, Budapest et Tokyo. Les conclusions montrent que les Français qui voyagent souhaitent disposer d'une information consacrée à la France et que les expatriés et les étrangers souhaitent disposer d'une vision plus générale de notre société, qu'une télévision comme TV5 peut leur fournir à condition que les émissions d'information soient améliorées et que la programmation soit moins axée sur les jeux et les variétés.
Le rapport étudie ensuite les moyens de diffusion.
Les deux moyens de diffusion traditionnels des programmes de l'audiovisuel extérieur sont la réception directe par satellite, qui connaît un développement considérable en Europe de l'Est, au Moyen-Orient et au Maghreb, et le câble. L'introduction de la diffusion numérique par satellite permettra à un opérateur disposant de plusieurs satellites sur une même position orbitale d'offrir deux à trois cents programmes à un public d'abonnés. Compte tenu de l'impact de la francophonie, le rapport Cluzel considère que les programmes francophones peuvent prétendre représenter quelque 1,5 % d'une telle offre. D'ores et déjà, TV5 a obtenu la disposition d'un canal numérique sur le bouquet américain Ecostar.
Le rapport préconise la présentation aux opérateurs de satellite d'une offre francophone multiple : TV5, la " chaîne vitrine " et La Cinquième/Arte auxquelles il peut être envisagé d'ajouter MCM internationale. Les opérateurs américains consultés sur cette offre ont fourni, semble-t-il, des réponses positives.
En ce qui concerne la " chaîne-vitrine ", le rapport Cluzel préconise une démarche prudente.
On constate en effet l'omniprésence des chaînes d'information dans les bouquets satellitaires. De plus, une chaîne d'information continue française ne saurait avoir l'impact de CNN compte tenu de l'emprise de la culture anglophone. M. Jean-Paul Cluzel a donc proposé de créer une chaîne diffusant des journaux d'information et des magazines. Cette chaîne présenterait, grâce aux ressources en images de France Télévision et d'Euronews, et à la rédaction de RFI, une vision du monde en rapport avec les analyses effectuées par les différentes composantes de la société française. Un des objectifs serait de disposer, comme CNN, d'images exclusives qu'une petite équipe d'intervention mobile recueillerait dans les endroits où l'actualité le justifie. L'équipe serait par ailleurs restreinte à 80 personnes.
La recette commerciale pourrait atteindre 5 millions de francs au cours du premier exercice, pour un budget évalué entre 120 et 200 millions de francs.
Les solutions de remplacement à la création de la " chaîne vitrine " proposées, compte tenu de ce coût, seraient l'internationalisation de LCI, dont le coût serait presque aussi élevé, ou le renforcement d'Euronews, détenue à 30 % par France Télévision, dont la vocation européenne ne correspond cependant pas aux objectifs recherchés. Le rapport Cluzel envisage aussi le développement de TV5, dont il serait possible d'améliorer les émissions d'information en reprenant quatre à six fois par jour les journaux de la " chaîne vitrine ". Le rapport Cluzel précise que TV5 pourrait aussi servir de solution de remplacement à la " chaîne vitrine ". Il serait alors opportun de régionaliser sa diffusion afin d'améliorer la place des fictions dans les programmes. Il est en effet extrêmement difficile de négocier les droits pour une diffusion internationale. Il serait aussi nécessaire de sous-titrer des émissions dans un certain nombre de langues.
Il semble que le renforcement de TV5 constitue en fait le noyau dur des propositions du rapport Cluzel. L'opération permettrait de répondre à une demande réelle du public de la " grande francophonie ", contrairement à la " chaîne vitrine " qui répond à une stratégie volontariste d'offre. En effet, seuls les Français en déplacement temporaire sont demandeurs d'une chaîne axée sur l'information française. Les autres publics souhaitent plutôt des chaînes généralistes de qualité.
· Quelques réflexions
Tout d'abord, il faut tenir compte d'une première tendance, l'extrême fragmentation de l'offre télévisuelle, et l'internationalisation croissante de celle-ci du fait de la montée en puissance de la diffusion numérique par satellite. La distinction de l'audiovisuel public interne et externe sera de la sorte de plus en plus artificielle. Une chaîne comme Arte vise l'ensemble du bassin méditerranéen et commence à prendre position aux Etats-Unis. France Télévision est reprise sur certains réseaux câblés aux Etats-Unis. On pourrait multiplier de tels exemples. Par ailleurs, les opérateurs privés étendent de la même façon leur champ d'action, on pense en particulier aux filiales internationales de Canal Plus. La mission de l'audiovisuel public extérieur va, dans ces conditions, perdre une part importante de sa spécificité : la voix de la France va devenir très diverse.
Par conséquent, la rationalisation doit moins tendre à élaborer des structures unitaires susceptibles d'encadrer une offre qui devint par nature très disséminée, qu'à accompagner l'éclatement de l'offre en faisant en sorte qu'elle réponde à une stratégie de conquête de l'audience. Un exemple : seule la rationalisation pour la rationalisation semble jusqu'à preuve du contraire, justifier l'arrêt de la diffusion simultanée de CFI et de TV5 dans certaines régions. On propose de recentrer CFI sur son rôle de banque de programmes grâce au cryptage de ses émissions. Cela ne revient-il pas à priver sans raison la France d'un utile instrument dans le concert des programmes satellitaires ? Face à la diversification de l'offre internationale de programmes, il ne paraît pas inopportun de maintenir l'offre française existante.
Une seconde tendance profonde est la raréfaction des moyens que l'Etat met à la disposition de l'audiovisuel public pour son adaptation au nouveau contexte.
C'est ainsi que, par exemple, le développement de France Télévision dans le numérique, la création de chaînes thématiques, subiront un coup d'arrêt en 1998. Il faut donc maximiser l'utilisation des ressources existantes, aussi bien les ressources financières que les ressources en programmes. C'est cela qui justifie l'organisation d'un pôle télévisuel à côté du pôle radiophonique déjà constitué. Et c'est vraisemblablement autour de l'acteur le plus susceptible de favoriser la maximisation des moyens, la circulation des programmes entre les chaînes publiques, la négociation des droits de diffusion aux meilleures conditions, qu'il faudrait constituer le pôle télévisuel. Sans doute France Télévision reste-t-elle à cet égard un acteur incontournable de la réforme de l'audiovisuel extérieur.