C. LA RÉORGANISATION DE L'ADMINISTRATION DU MINISTÈRE DE LA CULTURE
1. Une réorganisation fondée sur la nécessité de moderniser la politique culturelle
a) Un constat
L'organigramme du ministère de la culture
révèle la
complexité de l'organisation
administrative
de la politique culturelle. En effet, il compte :
- huit directions d'administrations centrale (Musique et danse ;
Théâtre et spectacles ; Patrimoine ; Musées de
France ; Architecture ;Archives de France ; Livre et
lecture ; Administration générale) ;
- un établissement public faisant office de direction d'administration
centrale : le centre national de la cinématographie ;
- trois " délégations " (Développement et
formation ; Langue française ; Arts plastiques),
- et deux " départements " (Information et
communication ; Affaires internationales).
Il se caractérise également par
une grande
hétérogénéité
. Certaines de ces
entités ne regroupent pas plus d'une cinquantaine de collaborateurs et
n'atteignent pas la " masse critique " d'une administration
centrale
ordinaire. Par ailleurs, l'organisation territoriale diffère de l'une
à l'autre, rendant inégale la prise en compte des
réalités culturelles locales.
Cette mosaïque administrative résulte d'une part de la
diversité des disciplines, des institutions, des professions de la
culture et, d'autre part, de la définition progressive de la mission du
ministère de la culture.
La structure du ministère apparaît moins comme l'expression d'une
conception des responsabilités de l'Etat dans la gestion des services
publics culturels que comme le reflet du souci de répondre à la
spécificité des différentes préoccupations
sectorielles.
Les inconvénients engendrés par une telle organisation sont
évidents. Par nature, elle encourage la mise en oeuvre d'actions
fondées sur la défense d'intérêts spécifiques
et ne favorise guère la conception et la conduite de politiques
transversales, l'existence de la direction de l'administration
générale ou de la délégation au
développement et aux formations n'ayant pas permis de remédier,
de façon satisfaisante, à cette difficulté.
Deux types d'évolution justifient une modification de cette organisation.
En premier lieu, les
nouveaux domaines de compétence
du
ministère, notamment, le multimédia, ou encore le
nécessaire développement des enseignements artistiques,
impliquent la mise en oeuvre d'actions intéressant plusieurs directions
ou délégations.
Par ailleurs,
le mouvement engagé en faveur de la
déconcentration
exige que les services centraux du ministère
de la culture se concentrent sur leurs missions propres. La charge de travail
consécutive à la gestion directe des services publics sera
allégée les directions régionales d'action culturelle
gérant directement une part de plus en plus importante des
crédits. De ce fait, la légitimité d'une organisation
fondée sur l'administration de structures aux spécialités
distinctes tendra à disparaître.
b) Un moyen de relancer la politique culturelle
La commission d'étude de la politique culturelle
présidée par M. Jacques Rigaud avait
considéré, il y a déjà près d'un an, que
la refondation de la politique culturelle impliquait une réforme de
l'organisation de l'administration centrale du ministère.
L'objectif central d'une telle réforme de structure devait
répondre à l'esprit même de la refondation culturelle. Elle
devait ainsi :
" - mettre le ministère en mesure de sensibiliser les autres
administrations de l'Etat à la dimension culturelle de leur action ;
- mettre en oeuvre une politique cohérente de développement
culturel au service du public ;
- décharger le plus possible les directions de leurs tâches de
gestion directe pour leur permettre de se consacrer essentiellement à
leurs missions de conception, d'impulsion, de coordination et de
contrôle ; cela étant rendu particulièrement
nécessaire par la multiplication, d'ailleurs opportune,
d'établissements publics chargés de la gestion de grands lieux de
culture et bénéficiant d'une large autonomie qui implique en
contrepartie des orientations claires et une tutelle effective relevant de
directions d'administration centrale dont l'autorité scientifique et
administrative soit incontestable ;
- mettre les préfets de région et les DRAC en mesure de
gérer les affaires culturelles de terrain dans un esprit
d'étroite coopération entre les différents services
déconcentrés de l'Etat et de coopération approfondie avec
les collectivités territoriales et les autres partenaires du
développement culturel ;
- agir dans un esprit de contractualisation pluriannuelle des activités
de service public de la culture exercées sous la responsabilité
directe des partenaires ainsi que de l'Etat ;
- imprimer un esprit d'évaluation, intégrer une dimension
prospective et insuffler le sens des nouvelles technologies de l'information
à l'ensemble des activités culturelles gérées ou
soutenues par le ministère de la culture ;
- prendre en compte la dimension européenne et, de façon plus
générale, internationale de la culture et des échanges
culturels. "
A la suite de ce rapport, des propositions avaient été
formulées par le précédent gouvernement. Les mesures
prises en 1997 comme celles envisagées pour 1998 s'inscrivent
également dans cette perspective.
2. Des mesures de réorganisation encore partielles
a) Les mesures de réorganisation de l'administration centrale
-
· Les mesures de réorganisation ne seront effectives qu'en 1998.
L'une est en cours de réalisation. Il s'agit de la
fusion sous
l'autorité d'un même directeur de la direction du patrimoine et de
la direction de l'architecture.
Si ce regroupement correspond à la
volonté affichée par le ministre de mettre en oeuvre une
politique dynamique du cadre de vie, il avait déjà
été préconisé par la commission pour la
" refondation de la politique culturelle ". Cette mesure
s'inscrit
donc dans la continuité de la réflexion engagée depuis
1995, année où fut prise la décision gouvernementale de
rattacher à nouveau l'architecture au ministère de la culture. La
fusion de ces deux directions reproduit l'organisation administrative
antérieure à 1978, date à laquelle furent
transférés au ministère de l'Equipement les services de
l'architecture.
La décision de créer une direction de l'architecture autonome n'avait été, semble-t-il, que destinée à apaiser les craintes soulevées au sein de la profession par un possible rattachement de ce secteur à une direction du patrimoine organisée autour de la conservation et de la mise en valeur du patrimoine monumental.
Les modalités de ce regroupement ne sont pas encore arrêtées. Les deux services ont été placés sous l'autorité de M. François Barré, directeur de l'architecture depuis mars 1996. Celui-ci est chargé de mener une concertation auprès de l'ensemble des partenaires en vue de rapprocher de façon rationnelle les deux directions d'administration centrale afin de construire, selon les termes du ministre, " une grande direction au service du cadre de vie ".
Votre rapporteur formule le souhait que cette fusion ne se traduise pas par un effacement de la mission de conservation et de protection du patrimoine monumental qui, d'ores et déjà, se heurte à des difficultés liées à des insuffisances de personnels et de moyens de gestion. Par ailleurs, il espère qu'elle sera de nature à relancer la politique de protection de l'espace urbain, notamment grâce à un développement des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager.
· La seconde mesure de réorganisation consiste dans le projet de regroupement des directions de la musique, du théâtre et de la danse.
Cette réforme avait été elle aussi préconisée par la commission Rigaud qui y voyait " le plus évident en termes de bonne administration " de tous les regroupements envisagés. Elle semblait justifiée, en dépit du particularisme des professions concernées, par le fait que ces directions devaient de plus en plus traiter de problèmes communs, liés notamment au financement des troupes et aux relations avec les collectivités locales.
Consciente des réactions d'hostilité suscitées par un tel projet, Mme Catherine Trautmann a déclaré que n'entrait pas dans son intention de " provoquer par ce regroupement une perte d'identité artistique, pour chacun des secteurs culturels dont le regroupement est envisagé ".
· Il importe de noter que ces mesures de réorganisation structurelle s'accompagneront d'une opération immobilière destinée à regrouper les services centraux du ministère sur le site des " Bons enfants ". Celle-ci avait été conçue par le précédent gouvernement et avait été justifiée par la dispersion sur 15 sites différents des services de l'administration centrale. Le projet de budget prévoit un crédit de 187,7 millions de francs en autorisations de programme et confie la maîtrise d'ouvrage à l'agence d'ingénierie culturelle.
Les mesures de réorganisation annoncées par le
gouvernement n'ont aucune traduction budgétaire dans le projet de budget
pour 1998. Votre rapporteur souhaite qu'elles puissent être
réalisées dans des délais raisonnables afin de permettre
la réaffectation des moyens résultant d'éventuelles
économies d'échelles.
Par ailleurs, elles doivent constituer la première étape d'un
mouvement plus vaste. La commission Rigaud avait évoqué de
nombreuses voies pour mener à bien la réforme des structures
administratives du ministère parmi lesquelles figuraient le
rapprochement entre la direction des musées et la
délégation aux arts plastiques ou encore la transformation des
archives nationales en établissement public
. Les mesures mises en
oeuvre ne constituent qu'une première étape.
S'il semblait
logique d'initier le mouvement de réorganisation par les regroupements
les plus évidents, votre rapporteur exprime le regret que la
restructuration du ministère de la culture n'ait pas permis de mettre en
place une structure permettant de définir une
politique d'ensemble
concernant les industries culturelles
. En effet, la prise en compte des
enjeux de ce secteur dont l'importance économique en terme d'emplois, de
croissance et d'exportation est évidente nécessite une approche
transversale.
Des solutions avaient été avancées par le
précédent gouvernement. La mise en place du programme d'action
pour la société de l'information annoncé par le Premier
ministre, auquel le ministère de la culture prendra une part active
notamment par un abondement du fonds pour l'innovation multimédia
devrait être l'occasion pour le ministère de la culture de
modifier ses structures.
3. La restructuration de la maîtrise d'ouvrage du ministère de la culture
a) Une restructuration rendue possible par l'achèvement des grands travaux
L'achèvement des grands travaux permet une
restructuration de la maîtrise d'ouvrage des travaux concernant les
équipements culturels de l'Etat qui se traduira par la création
d'un nouvel établissement public, l'" agence d'ingénierie
culturelle ".
Cet établissement public résultera de la fusion de
l'établissement public du grand Louvre et de la mission
interministérielle des grands travaux.
Il permettra de faire profiter l'ensemble des opérations conduites par
le ministère de la culture de l'acquis des grands travaux en
matière de maîtrise d'ouvrage. A terme, il devrait se substituer
au service des travaux et pourrait également proposer ses services de
maîtrise d'ouvrage dans le domaine culturel aux collectivités
territoriales.
La suppression de la subvention de fonctionnement de l'établissement
public du Grand Louvre et de 78 emplois non budgétaires se traduit par
une économie de 37,717 millions de francs ; pour la mission
interministérielle des Grands Travaux, la suppression de la subvention
de fonctionnement et de 29 emplois non budgétaires permet une
économie de 22,493 millions de francs.
L'agence d'ingénierie culturelle dispose pour 1998 d'une subvention de
fonctionnement d'un montant de 28,75 millions de francs.
Cette structure bénéficiera de 85 emplois non budgétaires.
Ces effectifs permettront, d'une part, de constituer une équipe pour le
nouvel établissement (50 emplois) ainsi que pour le musée
des arts premiers (5 emplois) et d'autre part, de renforcer les cellules
de maîtrise d'ouvrage dans des établissements ayant en charge des
domaines patrimoniaux importants comme le Musée du Louvre ou
l'établissement public de Versailles.
La mesure d'économie résultant de la création de ce
nouvel établissement public s'élève pour 1998 à
31,5 millions de francs. Il importera au cours des prochaines
années d'évaluer le coût de fonctionnement de cette
nouvelle structure.
b) Les opérations conduites en 1998 par l'agence d'ingénierie culturelle
Les dépenses d'investissement inscrites dans le projet
de budget pour 1998 pour le nouvel établissement public
s'élèvent à 382,775 millions de francs en
crédits de paiement et à 723,3 millions de francs en
autorisations de programme. Votre rapporteur déplore à ce propos
le manque de lisibilité du " bleu " qui ne permet pas
d'identifier l'ensemble des missions confiées à ce nouvel
établissement.
Les opérations conduites sont, pour certaines, la poursuite de travaux
déjà engagés (Grand Louvre) et, pour d'autres, des actions
nouvelles (aménagement et équipement du théâtre de
l'Odéon).
Il s'agit :
pour les opérations relevant du chapitre 66-91 :
- d'un grand projet en région : le centre de la mémoire
contemporaine de Reims (144 millions de francs) ;
- de la poursuite des travaux du Grand Louvre (220,6 millions de
francs) ;
- d'opérations muséographiques (30 millions de francs) dont
la mise en oeuvre du musée des arts premiers (pour 20 millions de
francs) ;
- des travaux de restauration du théâtre national de
l'Odéon (121 millions de francs) et de la construction du Centre
national de la danse à Pantin (20 millions de francs) ;
- des opérations de rénovation de bâtiments affectés
au ministère de la culture et de la communication (+187,7 millions
de francs).
- de l'Institut national d'histoire de l'art (20 millions de francs).
pour les opérations relevant du chapitre 66-20 qui relève de
l'exécution de la loi de programme sur le patrimoine monumental :
- des travaux de restauration du château de Versailles (35 millions
de francs) ;
- des opérations relatives au Palais de Chaillot (62 millions de
francs) ;
- et de la réhabilitation du Grand Palais (150 millions de francs).
Votre rapporteur s'interroge sur les critères qui ont permis de
déterminer les opérations relevant de cette nouvelle structure.
Il apparaît, en effet, que les travaux dont la maîtrise d'ouvrage
sera confiée à l'agence sont très divers puisqu'ils
intéressent non seulement l'Etat mais également de nombreux
établissements publics et qu'ils concernent des opérations
conduites à Paris comme des opérations réalisées en
province.
Il formule le souhait que les missions exactes de cette nouvelle
structure soient formulées avec plus de précision
.