II. PRINCIPALES OBSERVATIONS
1. Un redéploiement des dépenses au profit des actions d'accompagnement de l'activité industrielle
Le budget de l'industrie augmente de 3,38 % après
avoir été réduit de près de 17 % dans le PLF
pour 1997. A dotations constantes (c'est-à-dire sans tenir compte des
crédits rebudgétisés), la croissance des crédits
est cependant limitée à 0,7 %.
L'analyse des crédits par titre met en évidence un
redéploiement des crédits consacrés aux interventions
publiques au profit
des subventions d'investissement accordées
par l'Etat
, et notamment des subventions destinées à
l'accompagnement de l'activité industrielle (restructurations
industrielles, équipement naval, développement de la recherche
industrielle).
Ainsi, l'amputation de l'aide au transport de la presse de 50 millions de
francs permet d'accroître dans la même proportion les aides
à l'équipement naval. De même, la contraction des
prestations à certains retraités des mines et des industries
électriques et gazières et de la subvention à Charbonnages
de France permet d'économiser 50 millions de francs au profit du
Fonds d'industrialisation de la Lorraine (FIL) et des crédits
destinés à accompagner les dossiers de restructuration
industrielle.
Enfin, l'absence de suppression d'emplois au sein du secrétariat d'Etat
à l'industrie a pour objectif de réduire en 1998 les surnombres
que connaît en gestion ce département ministériel depuis la
fusion avec l'ex-ministère des Postes et
Télécommunications, la suppression définitive de ces
surnombres pouvant être envisagée en 1999 ou 2000.
2. La rebudgétisation de crédits
Votre rapporteur se félicite de l'inscription au
budget de l'industrie des dotations au FIBM et de la subvention de recherche au
CEA. Cette rebudgétisation des crédits dont le coût
avoisine 422 milliards de francs pour le budget de l'Industrie,
met fin
au caractère aléatoire de la disponibilité de ces
crédits
, qui découlait de la dépendance de leur
versement au produit des privatisations.
Au demeurant, cette évolution est plus conforme aux modalités de
gestion de crédits d'intervention.
Néanmoins, une dotation en capital de 2,44 milliards de francs est
promise à Charbonnages de France, ainsi qu'une dotation au CEA.
3. La difficile gestion du déclin des activités charbonnières
La subvention à
Charbonnages de France
reste le
premier poste du budget de l'industrie après avoir été
considérablement réduite en 1997. En effet, pour l'année
1997, l'aide de l'Etat a été scindée en une subvention
budgétaire de 2,94 milliards de francs et en une dotation en
capital de 2,44 milliards de francs provenant d'un compte d'affectation
spéciale, la somme totale étant supérieure de 20 % au
montant de l'aide apportée à CDF en 1996.
La répartition avait pour objectif de fournir à CDF les moyens
budgétaires nécessaires à la couverture des charges
spécifiques d'origine sociale tout en lui apportant une dotation
destinée à redresser la situation de ses capitaux propres.
Avec 2,92 milliards de francs, c'est-à-dire 20 millions de
francs de moins qu'en 1997, la subvention à CDF pour 1998
représente moins de la moitié de son montant de 1994.
Le tableau ci-après retrace l'évolution de la subvention du
budget de l'industrie à Charbonnages de France au cours des
7 dernières années.
(en millions de francs)
|
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
- Subvention de fonctionnement |
2.923 |
2.433 |
2.433 |
4.490 |
4.540 |
2.940 |
2.920 |
- Subvention pour couverture de charges spécifiques |
|
|
|
|
|
|
|
TOTAL |
6.823 |
6.778 |
6.490 |
4.490 |
4.540 |
2.940 |
2.920 |
La subvention budgétaire à Charbonnages de
France a ainsi été divisée par près de 2,5 en
l'espace de 4 ans. Or, cette baisse a pour conséquence un
accroissement sensible de l'endettement de l'établissement public
passé de 23,5 milliards de francs en 1991 à
27,7 milliards de francs en 1996. Cet endettement, qui a pour
conséquence un accroissement des charges de Charbonnages de France,
viendra inévitablement, à terme, s'ajouter à la dette,
déjà fort élevée, de l'Etat.
En outre, si le résultat d'exploitation de l'établissement est
prévu en amélioration pour 1997 (perte inférieure à
3 milliards de francs) grâce aux efforts d'économie entrepris
et la fermeture de trois unités d'exploitation
22(
*
)
, le résultat financier
devrait enregistrer une dégradation liée à l'accroissement
de l'endettement. Le résultat final prévisionnel devrait
être négatif d'environ 6,2 milliards de francs, compte tenu
de l'absence d'influence de la dotation en capital sur le résultat.
L'augmentation de l'endettement devrait cependant connaître un certain
ralentissement en 1998 du fait du versement par l'Etat d'une
dotation en
capital
d'un montant voisin à celui de 1997 (environ
2,44 milliards de francs) venant corriger partiellement l'insuffisance de
fonds propres de l'entreprise.
Enfin, l'exécution du Pacte charbonnier national
23(
*
)
conduira en 1998 à la
poursuite de la décroissance régulière des effectifs du
groupe Charbonnages de France, en fonction essentiellement de l'application des
mesures d'âge, ainsi qu'à une diminution progressive de la
production charbonnière française (de 7,4 millions de tonnes
en 1997 à 6,5 millions de tonnes en 1998).
4. L'arrivée à terme de la réforme des écoles des mines
Les subventions aux six écoles nationales
supérieures des mines augmentent sensiblement (+ 20 %).
Elles ont pour objet de financer le transfert sur le budget des
établissements publics de 362 emplois de contractuels recherche des
écoles des mines, jusqu'alors intégrés dans les
dépenses de personnel du ministère. Ce transfert qui interviendra
à compter du 1
er
octobre 1998, s'accompagnera de la mise en
place d'un nouveau statut applicable aux agents contractuels des écoles
des mines.
Par ailleurs, les créations d'emplois se poursuivent avec la
création de 12 postes de professeurs et 2 postes de
maîtres assistants. Ces créations interviennent après
17 créations d'emplois en 1997, 40 en 1996, 60 en 1995 et 70 en
1994.
Enfin, les subventions à l'Ecole supérieure
d'électricité et à l'Ecole nationale supérieure de
création industrielle sont maintenues à leur niveau de 1997.
Votre rapporteur se félicite de la volonté ainsi
manifestée par le gouvernement de continuer à donner une
priorité à la formation et notamment à la formation
d'ingénieurs.
5. L'enjeu de la prochaine ouverture des monopoles à la concurrence pour EDF et GDF
La consolidation et le redressement financier, marqué
notamment par un désendettement significatif, d'EDF et de GDF placent
ces deux opérateurs en bonne position face aux évolutions
à venir dans le cadre de la libéralisation du secteur de
l'énergie.
Toutefois, une nouvelle étape doit être franchie afin, notamment,
de
clarifier les relations avec l'Etat, en particulier sur le plan
financier
. Cette clarification devrait prendre en compte l'évolution
récente de la fiscalité des entreprises.
En effet, l'observation des flux financiers entre l'Etat et GDF met en
évidence une forte augmentation des dividendes versés par
l'Etablissement public à l'Etat. Or, l'accroissement récent du
taux l'impôt sur les sociétés, passé de 36,66
à 41,66 %, devrait majorer de plus de 200 millions de francs
la contribution de GDF au titre de cet impôt, ce qui devrait inciter
à revoir les modalités de versement des dividendes.
Il en est de même, pour EDF, que la récente loi portant mesures
urgentes à caractère fiscal et financier
24(
*
)
rend redevable de l'impôt sur
les sociétés, ce qui accroît considérablement ses
versements à l'Etat.
Par ailleurs, le Gouvernement a prévu en contrepartie de l'abandon du
canal Rhin-Rhône de porter de 1 milliard à 1,8 ou
1,9 milliards de francs la contribution d'EDF au FITTVN
25(
*
)
. Il est à craindre
qu'à ce seuil, l'exploitation des centrales hydrauliques ne soit plus
rentable ce qui dégraderait l'assiette de la redevance - comme celle de
la taxe professionnelle. De surcroît,
il convient de ne pas multiplier
les charges pesant sur l'opérateur public à la veille de
l'ouverture du marché intérieur de la production
d'électricité à la concurrence
.
En effet, la France, comme ses partenaires, a jusqu'au
19 février 1999
pour mettre sa réglementation en
accord avec les termes de la directive concernant des " règles
communes pour le marché intérieur de
l'électricité, adoptée le 19 décembre
1996. Cette directive prévoit l'ouverture partielle et progressive de la
production de l'électricité à la concurrence.
Néanmoins, votre rapporteur appelle l'attention du Gouvernement sur
la nécessité d'apporter des clarifications
sur :
la définition des missions d'intérêt économique
général ;
la détermination d'une autorité de régulation ;
la question des tarifs à appliquer aux clients " captifs "
par rapport aux clients dit " éligibles " ;
la problématique des coûts " échoués ",
c'est-à-dire des coûts que ne supporte pas la concurrence :
coût de l'énergie éolienne, coût liés au
statut du personnel d'EDF, coût de l'énergie nucléaire...
La
directive sur le marché intérieur du gaz
reste en cours
de discussion. Néanmoins,
votre rapporteur restera vigilant sur la
prise en compte par les autorités européennes des
spécificités du marché français du gaz,
et en
particulier la dépendance de la France vis-à-vis des
approvisionnement extérieurs en gaz. Il importe donc que l'ouverture du
marché soit progressive et compatible avec les engagements à long
terme de GDF. Cette directive a fait l'objet de deux propositions de
résolution de la part du Sénat, dont une par notre excellent
collègue Jacques Oudin.
6. L'arrivée à terme de la réforme des télécommunications
La forte croissance des dotations et subventions de
fonctionnement bénéficiant respectivement à
l'Autorité de régulation des télécommunication
(ART), à l'Agence nationale des fréquences (ANF) et au Groupement
des écoles de télécommunications (GET) reflète le
souci d'accompagner la montée en puissance des nouveaux
établissements publics administratifs mis en place au 1
er
janvier 1997 et de l'autorité administrative indépendante de
régulation. 29 emplois sont ainsi créés à
l'ART et à l'ANF.
Par ailleurs,
votre rapporteur se réjouit de l'ouverture du capital
de France Télécom
à hauteur de 21 %. Cette
opération, qui permettra à l'entreprise de se maintenir parmi les
tous premiers opérateurs mondiaux du secteur, a rapporté une
somme de 42 milliards de francs à l'Etat, dont l'essentiel sera
affecté aux recapitalisations :
- 11 milliards de francs pour le GAN,
- 10,8 milliards de francs pour Thomson Multimédia,
- 8 milliards de francs pour le Réseau ferré de France,
- 3,7 milliards de francs pour Giat-Industries,
- 2,45 milliards de francs pour Charbonnages de France,
- 7,7 milliards de francs pour l'EPFR.
Enfin, 1 milliard de francs devrait être affecté à un
fonds de capital-risque pour les entreprises de haute technologie. Le solde
sera affecté essentiellement au secteur de la défense
(Giat-Industries, Aérospatiale, Thomson-CSF et Snecma).
7. Le contenu de la directive sur la libéralisation des services postaux reflète les positions françaises
Le conseil des ministres des Postes et
télécommunications a adopté formellement le
projet de
directive européenne sur la libéralisation des services
postaux
, en avril 1997. Il a été voté par le Parlement
européen, qui y a apporté 5 amendements, le 16 septembre 1997.
Une adoption définitive par le Conseil est attendue pour la fin de
l'année 1997.
Cette directive a largement pris en compte les revendications exprimées
par le Sénat dans sa proposition de résolution, et notamment le
refus de toute libéralisation immédiate ou automatique du
publipostage et du courrier transfrontalier. Elle retient ainsi l'approche
française visant à maintenir le monopole de l'opérateur de
service public sur certains services (courrier d'un poids inférieur
à 350 grammes, courrier dont l'affranchissement est
inférieur à cinq fois le tarif de base, courrier transfrontalier
entrant) afin de compenser les charges de service public. La
libéralisation immédiate porterait donc sur moins de 5 % du
trafic courrier actuel.
Par ailleurs, la période d'application du premier
contrat de plan
de La Poste s'achèvera le 31 décembre 1997. Elle aura vu
l'achèvement des réformes structurelles prévues par la loi
et le cahier des charges (fiscalité de droit commun dès fin 1994,
fin des franchises le 31 décembre 1995) et la préparation de
l'entreprise aux évolutions de son environnement, notamment
concurrentiel.
Il convient maintenant de préparer le deuxième contrat de
plan
en veillant à préciser les natures et les
modalités de financement des missions de service public de l'entreprise,
notamment en matière d'aménagement du territoire, et en
réduisant ses handicaps de compétitivité. A cet
égard, la pyramide des âges des fonctionnaires employés par
la Poste met en évidence une accélération des
départs à la retraite dans les prochaines années, ce qui
devrait accroître les
charges de retraite
de l'entreprise de
690 millions de francs par an sur la période 1996-2001
.
La mission d'information effectuée par notre excellent collègue
Gérard Larcher sur La Poste lui a également permis de constater
que si la rationalisation du réseau - passé de 26.000
points de contact en 1994 à 12.600 points en 1996 - avait permis
d'améliorer les résultats de l'entreprise, le
surcoût
occasionné par la participation de La Poste à l'animation des
territoires ruraux défavorisés s'établissait à
4
milliards de francs
selon l'Inspection générale des
finances
26(
*
)
.
Votre rapporteur engage par conséquent le Gouvernement à
régler ce problème, ainsi que celui du coût des charges de
retraite afin de ne pas grever l'avenir de La Poste. Il convient en particulier
de mener une réflexion sur l'opportunité de maintenir le
moratoire des points de contact en milieu rural, compte tenu de la
sous-activité des points de contact situés dans les communes
rurales
qui génère un coût élevé pour La
Poste.
8. L'arrêt de la privatisation du secteur public industriel
Après les privatisations de Péchiney en
décembre 1995, de Renault en juillet 1996 et de Bull entre septembre
1995 et avril 1997, seule l'entreprise
Thomson
SA
reste
détenue à 100 % par l'Etat.
Le Gouvernement a décidé de maintenir la partie
Multimédia
de l'entreprise dans le secteur public et de confirmer
la décision prise par le précédent Gouvernement de
recapitaliser l'entreprise à hauteur de 10,88 milliards de francs
grâce aux recettes issues de l'ouverture du capital de France
Télécom. Cette recapitalisation est soumise à la
Commission européenne pour accord au titre de la réglementation
sur les aides d'Etat.
S'agissant de
Thomson-CSF
dont l'Etat détient 58 % à
travers Thomson SA , il a fait connaître son objectif de constituer
un pôle français d'électronique professionnelle et de
défense doté d'un actionnariat public déterminant, et a
retenu Alcatel Alsthom comme partenaire stratégique, en
préconisant un partenariat avec Dassault électronique et les
activités satellite d'Aérospatiale. A l'issue de cette
privatisation partielle, l'Etat sera le premier actionnaire de Thomson-CSF avec
une participation supérieure à 35 %.
Par ailleurs, le secrétaire d'Etat à l'industrie a annoncé
que
Framatome
resterait dans le secteur public, ce qui met fin au projet
d'Alcatel Alsthom - l'unique actionnaire privé de l'entreprise
à hauteur de 44 % de son capital - de fusionner Framatome avec
Gec-Alsthom.
9. L'évolution défavorable de l'environnement fiscal et social des entreprises
Votre rapporteur déplore l'évolution
récente de la législation fiscale se rapportant aux entreprises
et les décisions prises en matière d'horaires légaux de
travail
. En effet, l'industrie française continue à accumuler
les faiblesses par rapport à la concurrence étrangère, ce
qui rend l'Hexagone moins attractif pour les investisseurs étrangers.
Or, ni l'augmentation du taux de l'impôt sur les sociétés,
ni la suppression de la provision pour fluctuation des cours
27(
*
)
, ni la diminution à
35 heures de l'horaire hebdomadaire légal de travail ne sont de
nature à rendre l'industrie française compétitive par
rapport à nos partenaires économiques, bien au contraire.
S'agissant des
secteurs textile-habillement, cuir et chaussures
, le
Gouvernement a annoncé la mise en place dans les prochains mois de
mesures d'aide visant à se substituer au
plan textile
. Il ne sera
en particulier pas nécessairement exigé que de nouveaux emplois
soient créés en contrepartie des aides à la diminution du
temps de travail.
Par ailleurs, le secrétaire d'Etat à l'industrie a annoncé
que l'aide permettant aux entreprises ayant moins de 50 salariés de
bénéficier d'un appui égal à 650.000 francs sur une
période de trois ans serait reconduite par le gouvernement pour un
coût budgétaire d'environ 600 millions de francs.
Néanmoins, ce coût ne figure pas dans le budget de l'industrie.