C. LES RÉFORMES EN PRÉPARATION
Le 26 novembre, au cours d'un comité
interministériel de sécurité routière, le
gouvernement a rendu publique son intention de déposer au printemps un
projet de loi ayant pour objectif de réduire la mortalité sur les
routes. Il s'agit de réduire de moitié le nombre annuel de
tués (actuellement d'environ 8.000) en cinq ans.
Cet objectif a été défini à la suite d'une
étude publiée en juillet par l'observatoire
interministériel de sécurité routière (ONISER), qui
tend à démontrer que le nombre des tués ne tomberait
autour de 4.000 qu'à partir de 2010, si la tendance actuelle se poursuit
et si les efforts présents sont maintenus.
Cette étude propose une méthode de prévision du nombre
annuel de tués sur les routes de France de 1994 à 2010. Un
modèle statistique annuel construit sur la période 1957-1993
montre d'abord que les grandes mesures de sécurité
routière (limitations de vitesse et port obligatoire de la ceinture de
sécurité) ont permis de diminuer le taux de tués de
17 % à partir de 1973. Utilisé comme outil de
prévision, ce même modèle prévoit un nombre de
tués de 6.612 (intervalle de confiance à un
écart-type : 6.410 ; 6.814) en 2000 et un nombre de tués de
4.310 (4.170 ; 4.450)en 2010 si l'effort de prévention se maintient.
Au stade actuel de cet avant-projet, 25 mesures ont été
présentées. Elles sont articulées en deux volets : un
renforcement de l'arsenal répressif ; une formation plus
approfondie et plus précoce à la conduite et à la
sécurité routière.
L'arsenal répressif pourrait comprendre notamment :
·
l'instauration d'une contravention de
5ème classe (trois mois de suspension du permis de conduire et
10.000 francs d'amende) en cas d'excès de vitesse supérieur
ou égal à 50 km/heure, et d'un délit en cas de
récidive ;
·
la présomption de responsabilité
pécuniaire du propriétaire du véhicule en cas de
contrôle de vitesse ne permettant pas de connaître
l'identité du conducteur ;
·
la réservation des procédures
engagées par le préfet aux cas d'infraction les plus
graves ; le reste étant soumis à procédure
judiciaire ;
·
la définition d'une infraction spécifique
de conduite sous l'empire de stupéfiants.
Le volet de formation, que le ministre de l'équipement, du logement et
des transports avait évoqué devant votre commission, porterait
notamment sur :
le renforcement de la formation en milieu scolaire, permettant de passer
l'épreuve théorique du permis de conduire (connaissance du code
de la route) dès l'âge de 16 ans, après l'acquisition
de l'attestation scolaire de sécurité routière
(ASSR) ;
la mise en place d'un rendez-vous d'évaluation gratuit pour les
titulaires récents du permis de conduire ;
l'immatriculation des cyclomoteurs ;
une réforme du fonctionnement des auto-écoles.
En outre, un certain nombre de règles nouvelles en matière
d'aménagements routiers pourraient être établies.
Votre rapporteur ne peut, bien entendu, porter un jugement sur cet ensemble de
mesures, qui viennent seulement d'être portées à sa
connaissance.
Mais, il en approuve pleinement les objectifs et les
intentions
. La sécurité routière continue de
s'améliorer, mais lentement, et il est nécessaire d'aller plus
loin dans les dispositifs actuellement à disposition. Le renforcement du
volet répressif a constamment prouvé son efficacité. Quant
à l'approfondissement de la sensibilisation et de la formation des
jeunes, il est hautement nécessaire, tant il est vrai que les jeunes
usagers de la route, sur deux roues comme en voiture, ont une tendance
-prouvée par les statistiques- à un comportement dangereux.
Une étude de l'ONISER sur la mortalité routière dans les pays de l'OCDE
L'objectif de ce rapport est de donner les enjeux de la
sécurité routière dans plus de 25 pays de l'OCDE et
de construire des indicateurs de comparaison de la performance des pays en
matière de lutte contre la mortalité routière.
L'utilisation de données internationales exige des définitions
homogènes pour pratiquer des comparaisons qui aient un sens. En
pratique, seul le nombre de tués est rendu comparable d'un pays à
l'autre, soit par l'utilisation de la définition internationale de la
Convention de Vienne, soit par le calcul d'un coefficient qui corrige la
définition nationale du pays qui n'applique pas la convention. Par
conséquent, seul le nombre de morts, ou le taux de mortalité
(pour un milliard de kilomètres, pour un million d'individus, un million
de véhicules...) est un indicateur utilisable. Cet indicateur peut
être construit à partir d'une dizaine de bases de données
internationales sur la circulation et la sécurité
routières dont les principales sont CARE et BICAR. CARE est la base de
données désagrégées de la commission
européenne. BICAR est la base de données agrégées
de l'OCDE.
Entre 1980 et 1994, le nombre actuel de tués a fortement diminué
dans tous les pays sélectionnés sauf au Japon (+ 12 %), en
Grèce (+ 56 %) et en ex-Allemagne de l'Est (+ 50 %).
Les diminutions les plus fortes sont constatées en ex-Allemagne de
l'Ouest (- 48 %), en Suisse (- 44 %), en Australie
(- 40 %), et au Royaume-Uni (- 39 %). La France a connu
dans la même période une diminution du nombre de tués de
34 %.
Le taux de mortalité, quel qu'il soit, baisse pour tous les pays entre
1980 et 1994 sauf pour les pays de l'Est lors de l'explosion de la
motorisation. Mais, ces taux de mortalité ne séparent pas les
effets exogènes à la sécurité des effets
endogènes purs de performance du pays, et leur utilisation comme indice
de comparaison suppose que l'élasticité du nombre de tués
à l'indicateur d'exposition (population, parc, kilométrage,
déplacements, temps d'exposition) soit égale à un, ce qui
est réfuté dans la plupart des études sur le sujet.
La construction des indicateurs de comparaison plus performants que les taux de
mortalité a exigé une modélisation de la mortalité
routière pour 21 pays de l'OCDE sur une période de
15 ans. 7 facteurs exogènes ont été
identifiés. La modélisation a permis d'affecter au nombre de
tués une élasticité à chacun de ces facteurs :
0,67 pour la population ; 0,38 pour le parc de véhicules
motorisés ; -0,1 pour le parc de cars et bus ; 0,87 pour
le pourcentage de jeunes ; -0,36 pour le pourcentage de population
urbaine ; 0,09 pour la consommation d'alcool ; et 0,40 pour
a proportion de personnes ayant un emploi. Expurgé de l'effet des
variables exogènes, le nombre de tués par pays et par an
s'explique ensuite par un ensemble de variables essentiellement
endogènes et supposées indépendantes des variables
exogènes. Ces variables endogènes mesurent alors la performance
pure de sécurité routière (culture + mesures de
sécurité routière). Le rapport entre la performance d'un
pays et la performance moyenne tous pays confondus à la date
donnée exprime l'indicateur pur de performance. Un calcul de cet
indicateur pour les années 1980-1981-1982 et 1992-1993-1994 donne un
classement des pays en début et fin de période d'étude.
Les pays les mieux classés en 1980 et 1994 sont la Norvège, la
Suède et les Pays-Bas. Le Royaume-Uni et la Suisse rejoignent le groupe
des cinq meilleurs pays en 1994.
La Belgique, le Luxembourg, le Portugal et la Grèce sont les pays en
retard. La France était classée 17ème en 1980 et
16ème en 1994 sur 21, mais est classée parmi les 10 pays qui
ont le mieux amélioré leur situation au cours de la
période de 15 années.
Une modélisation plus fine des nombres de tués par
catégories d'usagers ou catégories de voies peut être
envisagée pour une meilleure évaluation des composantes de la
performance en sécurité, composantes qu'il faut identifier une
par une pour juger de la pertinence et de l'efficacité des mesures de
sécurité routière et de leur acceptation sociale.