CHAPITRE III
LES PROBLEMES DIFFICILES DES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ILE
DE FRANCE
Les transports collectifs en Ile de France coûtent de
plus en plus cher à l'Etat, aux entreprises et aux usagers.
Le trafic, qui devrait fournir la recette principale, progresse en effet
beaucoup moins que les coûts. Les recettes commerciales sont donc en
retard sur les subventions.
Le tableau ci-après donne le détail et l'évolution des
différentes contributions de l'Etat.
Comme en 1997, on ne peut qu'être frappé par le contraste entre l'évolution des dépenses de fonctionnement (+ 270 millions de francs) et celle des dépenses d'investissement (- 40,6 millions de francs), malgré la croissance de la contribution du FARIF.
A. LE FINANCEMENT DU FONCTIONNEMENT DES TRANSPORTS COLLECTIFS EN ILE DE FRANCE
La très vive hausse des tarifs observable en Ile de
France depuis plus de dix ans a été compensée sur la
période par une érosion du trafic, à laquelle elle n'est
très probablement pas étrangère. Lorsque les prix montent,
la demande baisse : c'est un raisonnement élémentaire.
Simultanément, la hausse des coûts de fonctionnement des
entreprises de transport collectif a excédé largement celle de
leurs recettes commerciales.
Par conséquent, la pression sur les recettes financées par
prélèvement obligatoires (indemnité compensatrice et
versement de transport) a fortement augmenté. Les présents
crédits continuent de manifester cette tendance.
La SNCF et la RATP ont entrepris de redresser cette situation, et des
résultats sont déjà perceptibles. L'Etat doit
également jouer son rôle, en adaptant l'offre de transport
à la demande, et par une politique tarifaire adaptée. Ceci passe
par deux voies :
- le renforcement des investissements sur les lignes de banlieue à
banlieue ;
- le freinage de la hausse des tarifs en grande banlieue.
1. L'évolution des tarifs et des trafics
L'évolution des tarifs franciliens en termes
réels est retracée dans le graphique ci-après. Les tarifs
1997 ont été relevés le 1er août de 3 points
au-dessus de l'inflation. La prévision de hausse associée au
présent projet de loi de finances est également de 3 points en
termes réels.
Ceci signifie que les franciliens, et les entreprises qui les salarient
auront connu en 1998 une hausse des tarifs de transport collectif
supérieure de 35,5 % à celle des prix des autres biens et
services par rapport à 1986.
Cette forte évolution des tarifs était
justifiée à l'origine par la nécessité de faire
prendre en charge par les usagers une fraction plus substantielle du coût
du transport. Il est vrai que cette fraction est faible (un gros tiers) et
notablement plus faible que celle prise en charge par les usagers de province.
Mais à l'expérience, on doit constater que l'objectif n'a pas
été atteint : la hausse de la prise en charge ne pouvait en
effet se produire que pour autant que le chiffre d'affaires des entreprises de
transport augmentât également.
Or le trafic s'est érodé sur la période.
En 1997,
il reste inférieur, à structure constante, au niveau
constaté en 1989.
Bien qu'elles ne soient pas encouragées à le
faire, puisque l'Etat comble leur déficit en tout état de cause,
la SNCF et la RATP ont engagé une vigoureuse campagne de
reconquête des usagers franciliens, qui semble porter ses fruits en
1997.
Ainsi, sur les six premiers mois de 1997, la RATP enregistre une progression de
1,95 %, particulièrement sur les bus de banlieue (+ 8,8 %) et le
métro (+ 8,2 %) les transports en site propre (TCSP) connaissant de leur
côté un tassement certain (- 0,3 %). Les recettes n'ont toutefois
pas suivi dans la même proportion (+ 0,3 %).
Le même frémissement positif est perceptible pour la SNCF - Ile de
France. A fin août 97, les recettes étaient supérieures de
1,4 % (à tarif constant) à la période homologue de 1996. A
la fin d'octobre, avec un trafic cumulé de 7,45 milliards de
voyageurs-kilomètres, le trafic est en hausse de 1,5 % sur la
période homologue de 1996.
Cette tendance plus favorable méritera d'être confirmée
dans les mois qui viennent, car elle est loin d'être spectaculaire.
Les deux entreprises concernées s'attacheront à la poursuite de
trois objectifs : adapter la politique tarifaire, améliorer la
qualité du service rendu, développer l'offre de transport
banlieue à banlieue.
Ces efforts resteront toutefois vains si l'Etat
(via le syndicat des
transports parisiens)
ne prend pas les responsabilités qui lui
incombent, en infléchissant notablement sa politique dans trois
domaines
:
- les investissements doivent se diversifier davantage sur
la banlieue.
La concentration sur les liaisons est-ouest de Paris intra-muros (Eole et
Météor) est une erreur à ne plus commettre ;
-
les tarifs
en banlieue et grande banlieue doivent progresser moins
vite qu'en zone centrale. Une trop forte hausse encourage ceux qui le peuvent
à prendre leur voiture, les autres à frauder ;
- il est indispensable de s'attaquer vigoureusement aux
problèmes de sécurité.
Les transports publics sont
la cible privilégiée de la violence urbaine. Une sorte de
"vigipirate" adapté et permanent leur est nécessaire.
L'hypothèse de trafic retenue pour 1998 pour la RATP et la SNCF Ile de
France est actuellement de + 1 % par rapport au trafic prévu pour 1997.
Cette prévision sera éventuellement réajustée en
fonction du trafic réellement constaté dans les mois à
venir.
2. L'évolution des contributions administrées
L'insuffisance persistante des recettes commerciales a
pesé sur les financements reposant sur les prélèvements
obligatoires ; que ce soit le budget général avec
l'indemnité compensatrice, ou le versement de transport, acquitté
par les entreprises et rétrocédé aux compagnies de
transport par le syndicat des transports parisiens.
·
Le
versement de transport
est une taxe assise sur
la masse salariale des entreprises de plus de 10 salariés.
Rendement du versement de transport |
||||||||||
(en millions de francs) |
||||||||||
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997
|
1998
|
|
6.854 |
7.269 |
7.819 |
8.411 |
9.368 |
10.015 |
10.082 |
11.145 |
11.800 |
12.000 |
Pour 1997, les prévisions de rentrées du
versement transport inscrites au budget du STP sont de 11.800 millions de
francs. Celles-ci peuvent apparaître plutôt optimistes au regard
des résultats de ces dernières années.
Cependant les résultats des rentrées du premier semestre semblent
confirmer que cet objectif est réalisable.
Elles ont été estimées à partir des
prévisions gouvernementales de croissance (+ 2,8 %) et de l'augmentation
naturelle du produit de l'ordre de 2 %.
Pour 1998, si les prévisions économiques pour 1997 se
révèlent exactes, il serait possible de tabler sur une
augmentation du produit supérieur aux 200 millions de francs inscrits
dans le cadre du projet de loi de finances (soit 12.000 millions de
francs). Une estimation volontairement prudente a été retenue
compte tenu des incertitudes relatives à 1997.
Le rendement du versement de transport n'a pas progressé grâce
à la prospérité des entreprises franciliennes, mais
grâce à des relèvements successifs de taux (1988, 1991,
1993 et 1996) et des extensions d'assiette (en 1993, à l'ensemble de la
masse salariale et non plus à la masse sous plafond de la
sécurité sociale, en 1995, aux entreprises installées dans
les villes nouvelles).
·
Cet alourdissement des charges pesant sur les
entreprises ne s'étant pas traduit par une augmentation du nombre de
leurs salariés utilisant les transports en commun,
l'ajustement de
l'augmentation des coûts des sociétés de transport
franciliennes s'est fait sur l'indemnité compensatrice payée par
l'Etat.
Votre rapporteur remarque que l'indemnité compensatrice
a été de plus en plus sous-estimée, en raison d'une
surestimation du rendement du versement de transport.
On peut récapituler ainsi l'ensemble des constats faits sur la
période 1991-1996 :
- le trafic a diminué de 3,6 % sur l'ensemble des réseaux d'Ile
de France ; tandis que les tarifs augmentaient de 28 % en temps réels ;
- le versement de transport a augmenté de 42,5 % ;
- l'indemnité compensatrice a augmenté de 11,9 %.
Est-il normal de voir que toutes les contributions augmentent fortement pour
que le trafic soit en diminution ?
3. L'évolution de la répartition du financement des charges d'exploitation
Le tableau ci-dessous indique la part respective de l'usager, de l'Etat, des collectivités locales et des employeurs dans le financement des charges d'exploitation de la RATP et de la SNCF-Banlieue.
On observe sur ce tableau que, contrairement à l'objectif poursuivi, la part de l'usager n'a pas augmenté dans la prise en charge du financement du fonctionnement des transports collectifs d'Ile de France. Ceci est la stricte conséquence de l'erreur stratégique majeure consistant à augmenter les tarifs sans créer les conditions d'une augmentation forte du trafic. Sans ces conditions, la hausse des tarifs de façon homogène sur toute la région ne peut que détourner les usagers de l'utilisation du transport en commun.
B. LES PROGRAMMES D'INVESTISSEMENTS
Les investissements réalisés sur le
réseau d'Ile de France incombent désormais à trois
organismes : la SNCF, la RATP et Réseau ferré de France.
Pour 1997, le volume à engager par chacun d'eux est le suivant :
- RATP ; 5,1 milliards de francs
- SNCF ; 2,4 milliards de francs
- RFF ; 2,0 milliards de francs.
Les principales opérations inscrites au contrat de Plan Etat-Ile de
France 1994-1998, et dont les chantiers sont le plus souvent déjà
engagés, sont les suivantes :
- EOLE (3,3 milliards de francs)
- METEOR (2,9 milliards de francs)
- Tram Val de Seine (0,4 milliard de francs ; mis en service en
1997) ;
- Grande ceinture à Saint-Germain et Noisy (0,6 milliard de francs) ;
- ligne D du RER (0,95 milliard de francs) ;
- ligne C du RER (0,95 milliard de francs)
- tangentielle Nord Pontoise-Ermont-Stains (0,5 milliards de francs).
L'Etat apporte des concours aux investissements effectués en
région parisienne.
(en millions de francs) |
||||
|
Crédits des transports terrestres |
|
||
AP |
CP |
AP |
CP |
|
1991 |
336 |
245,5 |
230 |
62 |
1992 |
501 |
554 |
300 |
300 |
1993 |
712 |
597,19 |
290 |
290 |
1994 |
718,6 |
605 |
290 |
290 |
1995 |
555 |
606,5 |
166 |
166 |
1996 |
403 |
682 |
166 |
166 |
1997 |
320,5 |
420 |
240 |
240 |
C. L'ÉVOLUTION DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE LA RATP
1. Le budget de la RATP
L'ensemble des produits et charges du budget
révisé (juin 1997) de la Régie a été
fixé à 21.763 millions de francs hors taxe pour l'exercice 1997
en baisse de 1,8 % par rapport aux niveaux de 1996 (22.161 millions de francs
hors taxe). Cette diminution s'explique par la prise en compte dans l'exercice
1996 du report à nouveau négatif au 1/01/96, d'un montant de 610
millions de francs hors taxe et représentant le coût des
grèves de décembre 1995 et les conséquences des attentats
sur le trafic. Hors cet impact, le budget révisé 1997 est en
hausse très modérée de 0,3 %.
Le budget révisé pour 1997 tient compte de faits nouveaux
intervenus depuis la mise au point du budget initial :
- des résultats définitifs enregistrés en 1996 qui font
apparaître un report à nouveau négatif de 137,9 millions de
francs hors taxes (effets des grèves et attentats) ;
- la diminution de 348 millions de francs (TTC) de l'enveloppe globale du
versement transport affecté à l'entreprise compte tenu des
rentrées constatées inférieures aux prévisions. Cet
ajustement a pour conséquence d'augmenter d'autant l'indemnité
compensatrice.
La provision pour aléas a été maintenue au niveau du
budget initial (100 millions de francs) afin de refléter les
incertitudes encore subsistantes sur les évolutions du trafic.
Ces modifications se traduisent par une augmentation de l'indemnité
compensatrice de 519 millions de francs TTC qui devra être
réajustée du fait du décalage de la hausse tarifaire d'un
mois et à un taux inférieur à celui inscrit au budget
révisé (- 0,9 %), cette hausse n'ayant pas encore
été décidée lors de l'approbation du budget
révisé au Conseil d'Administration du 27 juin 1997.
Le budget simplifié de la RATP se présente comme suit :
2. L'évolution de l'endettement
Depuis 1992, les charges financières ont évolué de la manière suivante :
(en millions de francs)
1992 |
1.860 |
1993 |
1.814 |
1994 |
1.915 |
1995 |
2.123 |
1996 |
1.940 |
1997 |
2.006 |
L'encours de la dette financière de la RATP au 31
décembre 1996 s'élevait à 26.366 millions de francs
répartis en :
- dette à moins d'un an : 586,5 millions de francs
- dette à plus d'un an : 25.779,5 millions de francs
Des emprunts d'un montant total de 2.223 millions de francs ont
été lancés en 1996.
La structure de la dette était la suivante en fin d'exercice :
- prêts de la Région Ile de France : 4,4 %
- marché financier français : 77,4 %
- autres : 18,2 %
La lutte contre la fraude à la RATP
Sur les réseaux de la RATP, le taux de fraude
s'établit comme suit pour les dernières années :
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997
|
|
RER |
9,2 % |
5,5 % |
4,4 % |
4,1 % |
3,8 % |
Métro |
6,8 % |
6,4 % |
6,3 % |
6,1 % |
n.c. |
Bus |
9,9 % |
10,2 % |
13,6 % |
13,1 % |
14,0 % |
En juin 1997, la tendance est à la stabilité
sur le RER et les Bus, à une légère baisse sur le
métro, liée à une forte augmentation des opérations
de "maîtrise du territoire".
Les estimations de pertes de recettes annuelles liées à la
fraude sont de 637 millions de francs en 1994 et 693 millions de francs en
1996. A ces chiffres, il convient d'ajouter environ 80 millions de francs pour
contrefaçon de titres de transport (RATP et SNCF).
Pour juguler ce phénomène, les opérations ont
été multipliées, bien souvent en coopération avec
la SNCF et la Police ; les agents sont progressivement dotés d'appareils
portables permettant le paiement des amendes par carte bancaire. Par ailleurs,
des dispositions ont été prises pour améliorer
l'efficacité du recouvrement des procès-verbaux et les coupons de
carte orange ont été modifiés pour s'opposer aux
contrefaçons.
Actuellement, par agent de contrôle et par jour de contrôle,
2,5 indemnités forfaitaires sont recouvrées dans le RER et
le métro, 1 dans le bus.
Sur le réseau routier, des campagnes de prévention ont
été conduites en direction des jeunes scolarisés. Des
valideurs magnétiques seront installés en fin d'année sur
les bus.
Sur le réseau ferré, le nombre de portes antifraude a
été augmenté.
En 1998, l'équipement en valideurs magnétiques des bus sera
poursuivi. Le lancement d'un chèque transport pour les demandeurs
d'emploi et d'un titre de transport scolaire utilisable sur le réseau
routier devrait avoir une incidence positive en matière de fraude.
Ces efforts doivent être accompagnés par l'Etat. Le rôle de
ce dernier est-il de subventionner les transporteurs, ou d'assurer la
sécurité qui leur permette de gagner des clients qui paient leur
billet ?