ARTICLE 50 - Création de bons de souscription de parts de créateur d'entreprise
Commentaire : cet article tend à créer un nouveau mécanisme d'intéressement du personnel salarié à la valorisation du capital de la société qui les emploie. Ce mécanisme, fiscalement favorisé mais socialement peu incitatif, serait réservé aux entreprises non cotées de création récente et soumis à un certain nombre de conditions restrictives par rapport au régime existant des plans d'options de souscription ou d'achat d'actions .
I. UN PALLIATIF AU DÉCLIN DES OPTIONS DE SOUSCRIPTION OU D'ACHAT D'ACTIONS
Le régime des plans d'options de souscription ou d'achat d'actions a connu une évolution défavorable depuis deux ans :
- la loi de finances pour 1996 a relevé de 16 % à 30 % le taux d'imposition du gain en plus-value réalisé grâce aux options sur actions ;
- la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a soumis à cotisations sociales ce gain, lorsque la condition d'indisponibilité des titres pendant cinq ans à compter de l'attribution de l'option n'est pas respectée.
Ainsi, le système des plans d'options de souscription ou d'achat d'actions a perdu beaucoup de son intérêt par rapport à une rémunération classique, alors qu'il comporte pour ses bénéficiaires des risques et des contraintes particulières.
Or, ce mécanisme de gain différé est indispensable pour les entreprises qui se créent et se développent . En effet, ces entreprises ont besoin de personnel très qualifié et motivé, sans avoir dans l'immédiat les moyens de lui offrir des rémunérations suffisamment attractives.
La solution la plus simple consisterait à redonner un tour plus favorable au régime fiscal et social des plans d'options sur actions, en revenant sur les dernières modifications qui lui ont été apportées .
Toutefois, le Gouvernement a préféré mettre en place un mécanisme entièrement nouveau , réservé à certaines entreprises et assorti de conditions restrictives.
II. LE MÉCANISME PROPOSÉ
Le mécanisme proposé emprunte la technique des bons de souscription de titres prévus par l'article 339-5 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
Les bénéficiaires de ces bons, qualifiés pompeusement et de façon assez impropre de " bons de souscription de parts de créateur d'entreprise " , seront les salariés de la société et ses dirigeants soumis au régime fiscal des salariés.
Les sociétés concernées seront les sociétés non cotées créées depuis moins de sept ans . le texte initial du Gouvernement prévoyant cinq ans seulement. Par ailleurs, ces sociétés de création récente devront satisfaire un certain nombre de conditions :
1. Ne pas exercer une activité bancaire, financière, d'assurances, de gestion ou de location d'immeubles.
2 . Être passible en France de l'impôt sur les sociétés, ce qui exclut les sociétés étrangères exerçant leur activité sur le territoire national.
3 . Être détenue directement et de manière continue pour 75 % au moins par des personnes physiques ou par des personnes morales détenues par des personnes physiques. Toutefois, les participations des divers organismes intervenant en matière de capital-risque ne sont pas prises en compte pour cette condition, dès lors qu'elles restent minoritaires (sociétés de capital risque, sociétés de développement régional, sociétés financières d'innovation, fonds communs de placement à risques, fonds communs de placement dans l'innovation).
4. Ne pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension ou de la reprise d'activités préexistantes. Il doit donc s'agir d'activités entièrement nouvelles, notion qui fait l'objet d'interprétations diverses et donne lieu à beaucoup de contentieux fiscal.
Le mécanisme des bons est comparable à celui des options d'achat ou de souscription d'actions. Le bon, qui est incessible, ouvre à son bénéficiaire le droit de souscrire les titres de la société à un prix fixé lors de son attribution .
Le bénéficiaire pourra donc réaliser une plus-value si la valeur de la société a augmenté entre le moment de l'attribution du bon et le moment de la revente des titres correspondants. Il convient toutefois de souligner qu'il s'agit de titres par définition peu liquides, puisque non cotés.
Le régime fiscal proposé est avantageux : les gains réalisés seraient imposés selon le taux proportionnel de 16 % applicable aux plus-values de cession de valeurs mobilières.
Ce taux est a priori plus favorable que le barème de l'impôt sur le revenu applicable aux rémunérations, mais aussi que le taux spécifique de 30 % applicable aux gains sur options de souscription ou d'achat d'actions.
Toutefois, ce taux de 30 % serait applicable lorsque le bénéficiaire exerce son activité dans la société depuis moins de trois ans, le texte initial du Gouvernement prévoyant une condition de deux ans seulement.
Par ailleurs, à la différence des options sur actions, le bénéfice de ce régime fiscal favorable n'est assorti d'aucune durée d'indisponibilité des titres . Les droits afférents aux bons peuvent donc être exercés dès leur attribution. Néanmoins, dans la mesure ou il n'est pas permis d'accorder de rabais sur la valeur des titres lors de l'attribution des bons, leurs bénéficiaires seront en pratique contraints d'attendre le temps nécessaire à la valorisation de la société avant de pouvoir réaliser une plus-value.
Un décret est prévu pour préciser les modalités d'application du présent article, ce qui effectivement ne semble pas inutile, compte tenu de sa complexité et de ses ambiguïtés.
Enfin, le dispositif ne serait institué qu'à titre provisoire, pour une période de deux ans. jusqu'au 31 décembre 1999. Le Gouvernement estime en effet prudent d'examiner alors s'il y a lieu de prolonger la mesure, en la modifiant le cas échéant.
III. - LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
La mesure proposée par le Gouvernement apparaît inutilement complexe , avec un champ restreint et une multiplicité de conditions qui en réduiront la portée, induiront des effets de seuil et généreront vraisemblablement des contentieux. Elle sera également perçue comme fragile par les entreprises, puisque très provisoire et a priori suspecte aux yeux du Gouvernement.
Cette mesure a du moins le mérite de réhabiliter le mécanisme des options d'achat ou de souscription d'actions, dont elle n'est qu'un succédané . Le Gouvernement reconnaît ainsi les vertus de ce mécanisme, qui a été beaucoup décrié mais apparaît irremplaçable pour les entreprises nouvelles et en développement. Il aurait d'ailleurs été mieux inspiré, pour mettre en place une mesure réservée à certaines entreprises, de partir de ce dispositif qui a fait ses preuves et est bien connu des sociétés.
Toutefois, le système proposé apparaît pour l'instant fort peu attractif, car il ne prévoit pas d'exonération de cotisations sociales pour la plus-value réalisée par les bénéficiaires des bons . Comme l'indique le rapporteur général de l'Assemblée nationale 3 ( * ) , " en l'absence de disposition expresse, elle devrait être assimilée à un salaire par le droit de la sécurité sociale puisqu'afférente à un travail fourni dans la société. Si tel était le cas, il est à craindre que le présent dispositif ne soit privé de portée pratique " . Cette exonération existe toujours pour les options de souscription ou d'achat d'actions dès lors que le délai d'indisponibilité de cinq ans est respecté, ce qui est le cas le plus fréquent.
Votre commission des finances demeure très réservée sur le bien-fondé et sur le caractère réellement attractif d'un dispositif aussi complexe et restrictif .
Néanmoins, dans la mesure où il s'agit de l'une des rares mesures prétendument favorables aux entreprises du présent projet de loi de finances, elle vous propose d'accepter sa mise en place, en lui apportant des améliorations sur quatre points .
1. Le premier amendement proposé par votre commission des finances a pour objet de supprimer le régime moins favorable prévu pour les salariés présents dans l'entreprise depuis moins de trois ans, qui seraient imposés au taux de 30 % au lieu de 16 %.
Cette différence de traitement entre les salariés selon leur ancienneté, dont l'opportunité est discutable, aura vraisemblablement des effets pervers.
Par ailleurs, cette clause apparaît contreproductive, car elle ne s'applique par définition qu'aux salariés demeurés dans l'entreprise. Or, une personne quittant l'entreprise gardera évidemment le bénéfice des bons de souscription qui lui auront été attribués, et pourra les céder aussitôt dans les conditions les plus favorables. Ainsi, ce dispositif, qui vise à encourager la fidélité à l'entreprise, apparaît plutôt de nature à la pénaliser .
2. Le deuxième amendement tend à étendre le bénéfice de la mesure aux sociétés créées par voie d'essaimage , lorsqu'une équipe de cadres et de chercheurs se met à son compte pour reprendre une activité non stratégique de leur entreprise, avec le soutien financier de celle-ci. Le régime fiscal de l'essaimage est fixé à l'article 39 quinquies H du code général des impôts.
Cette extension du champ de la mesure a déjà été proposée à l'Assemblée nationale par le rapporteur général de la commission des finances. Mais elle n'a pas été votée par les députés, sur l'assurance du ministre que l'instruction d'application le prévoirait.
Pour sa part, votre commission des finances ne conçoit pas comment un texte réglementaire d'application pourrait admettre une extension de champ clairement contraire au texte du projet de loi qui, dans sa rédaction actuelle, exclut toute activité qui n'est pas réellement nouvelle . En effet, les entreprises créées par voie d'essaimage sont par définition l'extension ou la reprise d'activités existantes, puisqu'elles sont constituées par le personnel d'une entreprise "souche", dont elles reprennent une activité expérimentale ou marginale pour la développer.
3. Le troisième amendement est rédactionnel . Le texte actuel du paragraphe III du présent article, relatif aux modalités de fixation du prix des bons, est ambigu, puisqu'il implique que l'entreprise a dans tous les cas procédé à une augmentation de capital dans les six mois précédents.
Or, il ne s'agit là que d'une hypothèse qui, si elle est vérifiée, lie l'assemblée générale pour la fixation du prix de souscription des titres attaché au bon. Dans l'hypothèse inverse, l'assemblée générale est libre de fixer ce prix comme elle l'entend, sous le contrôle des commissaires aux comptes.
4. Le quatrième amendement supprime le caractère provisoire du dispositif. En effet, le législateur demeure toujours libre de modifier ou d'abroger des dispositions votées, sans qu'il soit nécessaire d'afficher par avance leur péremption .
De toute façon, la période de deux ans envisagée apparaît bien trop courte pour que le dispositif puisse faire l'objet d'une évaluation, et semble plutôt marquer les réticences du Gouvernement à l'égard du dispositif qu'il propose. Cet affichage sera désastreux pour les entreprises existantes, et surtout pour les candidats à la création qui n'en sont encore qu'au stade du projet : il serait bien imprudent de leur part d'intégrer dans leurs calculs un dispositif aussi périssable .
Par ailleurs, il apparaît inutile de préciser que les bons de souscription pourront être attribués à compter du 1er janvier 1998, puisque cette date correspond à l'entrée en vigueur de la loi qui les créé. Il semble également inutile de préciser que les entreprises ne pourront plus attribuer de bons lorsqu'elles auront dépassé la durée d'existence prévue à compter de leur création. Ce délai n'est d'ailleurs plus de cinq ans, mais de sept ans, suite à l'amendement voté par les députés.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié .
* 3 Rapport Assemblée nationale n ° 305 - Tome III - Page 131