2. Une politique fiscale contraire à celle de nos concurrents
S'il est exact que le poids des impôts directs
pèse comparativement moins sur les entreprises françaises que sur
leurs concurrentes, les récentes mesures urgentes à
caractère fiscal et financier (MUFF)
adoptées par
l'Assemblée nationale en dernière lecture le 21 octobre dernier
vont dans le sens d'un accroissement des charges fiscales directes des
entreprises.
En effet, en portant le taux de l'impôt sur les sociétés
à 41,66 %, la contribution temporaire de 15 % sur le taux de
l'impôt sur les sociétés place la France au
troisième rang des pays européens juste derrière l'Italie
et l'Allemagne. Mais, il importe d'observer que le taux italien de
l'impôt sur les sociétés (53,2 %) incorpore, outre le
taux de l'imposition d'Etat de 37 %, un taux d'imposition locale de
16,2 %. Quant à l'Allemagne, elle distingue entre
bénéfice distribué, taxé au taux de 30 %, et
bénéfice non distribué imposé au taux de 45 %.
A ces deux taux, s'ajoute une surtaxe de solidarité de 7,5 %
portant le taux marginal à 48,37 %.
L'augmentation de l'impôt sur les sociétés diverge non
seulement de la tendance suivie jusqu'à présent par la France,
mais également de la tendance européenne à la diminution
des charges pesant sur les entreprises.
En effet, il convient de rappeler que le taux de l'impôt sur les
sociétés avait progressivement été porté de
42 % à 33,1/3 % entre 1989 et 1993.
Cette réforme s'était organisée autour de trois axes :
- une baisse régulière du taux de l'impôt qui a ainsi
été ramené par étapes de 50 % en 1985 à
33,1/3 % en 1993 ;
- un élargissement de l'assiette, par l'intégration dans la base
taxable au taux normal de différents produits de placements financiers
bénéficiant auparavant du régime des plus-values ;
- la mise en place de régimes spécifiques (fiscalité de
groupe notamment) qui ont contribué à moderniser de façon
importante notre législation et à la rendre plus attractive,
notamment au regard de nombreux dispositifs étrangers.
Il est pour le moins paradoxal que la France renonce à la position
compétitive à laquelle elle était parvenue sur
l'impôt sur les sociétés au moment où nos principaux
partenaires économiques suivent l'exemple initialement donné par
la France en réduisant substantiellement la fiscalité pesant sur
leurs entreprises
. Ainsi, l'Italie vient-elle d'annoncer l'institution d'un
taux de taxation réduit pour les bénéfices
réinvestis. L'Allemagne prévoit d'harmoniser la fiscalité
des bénéfices distribués et non distribués pour les
ramener de 30 et 28 % en 1998 puis au taux unique de 25 % en 1999.
Enfin, la Grande-Bretagne a ramené son taux d'imposition marginal de 33
à 31 % et prévoit de substituer un taux unique au
régime progressif actuel.
De surcroît, la taxation au taux de droit commun des plus-values
à long terme
14(
*
)
va
à contre-courant des législations fiscales de la plupart de nos
partenaires économiques.
En effet, les plus-values sur cessions d'actifs immobilisés
réalisées par les entreprises bénéficient, dans la
généralité des pays, d'un régime d'imposition
particulier, ces profits étant, compte tenu de leur nature propre, soit
soumis à un taux d'imposition réduit lorsque l'actif
cédé est détenu depuis un certain temps par l'entreprise
au moment de sa cession, soit exonérés sous condition de remploi.
Les Etats-Unis, le Japon et la Belgique ont, de façon presque constante
appliqué la première de ces solutions, alors que l'Allemagne,
l'Espagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne retiennent au contraire la
seconde.
En outre, certains régimes étrangers de
sociétés-holdings existant aux Pays-Bas et, dans une moindre
mesure, au Luxembourg, en Belgique et dans certains cas en Allemagne,
exonèrent totalement les plus-values sur les cessions de participations.
La suppression du régime de taxation réduite des plus-values
en France place ainsi nos entreprises en situation anti-concurrentielle.
Il importe d'ailleurs de noter que
sur le critère fiscal
jugé comme important par nombre de répondants interrogés
par BIPE Conseil et Price Waterhouse,
la position de la France est
jugée globalement mauvaise, voire très mauvaise
. Il convient
de noter une différence entre les industriels français et
étrangers sur ce point : 67 % des industriels étrangers
interrogés jugent ce critère important contre 42 % des
Français, et parmi ceux pour lesquels ce critère est important,
seuls 15 % des étrangers jugent la fiscalité
française attractive, contre 22 % des Français.