II. LES TRAITEMENTS MÉDICAUX PROPOSÉS

S'agissant de la délinquance sexuelle, il existe deux grands types de traitement : les thérapies psychologiques, d'une part ; les prescriptions médicamenteuses, d'autre part. Ces traitements peuvent gagner en efficacité si ils sont appliqués de façon conjointe.

Les psychothérapies

Selon le professeur Lemperière, les thérapies psychiatriques peuvent donner lieu à deux types d'approche :

- il peut s'agir tout d'abord d'aider le sujet à acquérir une connaissance des processus inconscients qui déclencheront un passage à l'acte. Le thérapeute peut aider ainsi la personnalité déviante à éviter de " reproduire " les différentes étapes qui menacent de se dérouler irréversiblement avant une éventuelle récidive ;

- il peut s'agir également de renforcer le contrôle du sujet sur lui-même par une mise à jour de son passé et de son inconscient. Le patient pédophile pourrait ainsi être aidé à lutter contre ses déficiences psychologiques afin de l'aider à réorienter ses penchants sexuels vers des adultes.

Ces traitements psychiatriques peuvent prendre la forme d'entretiens individuels, de psychothérapie de groupe et impliquer, le cas échéant, la famille du sujet déviant, et notamment son conjoint.

Concernant l'efficacité de ces traitements, il semble n'exister à ce jour aucune statistique établissant de manière incontestable que le taux de récidive des sujets subissant ce type de thérapie soit significativement diminué.

Cela tient au caractère relativement récent du développement de ce type de psychothérapie, à l'absence d'un recul suffisant sur l'ensemble de la vie des condamnés suivis et au caractère trop restreint des échantillons.

Les traitements médicamenteux

La sexualité masculine adulte, sur les plans des fonctions sexuelles et de la reproduction est pour une large part dépendante de la sécrétion testiculaire des androgènes et, en particulier, de la testostérone.

Les prescriptions médicamenteuses à l'égard des délinquants sexuels prennent donc la forme de traitements hormonaux anti-androgènes. Ceux-ci auront pour effet de limiter ou de supprimer les fantasmes sexuels déviants non désirés et donc de réduire ou d'éliminer la tentation du passage à l'acte. Ils ont également pour résultat de modifier certains aspects physiologiques du comportement sexuel, et notamment de réduire l'activité sexuelle.

Sommairement on peut distinguer deux types de produits : ceux qui ont la propriété de réduire notablement la production de testostérone en bloquant au niveau de l'hypophyse la sécrétion de l'hormone qui stimule cette production dans le testicule ; ceux qui inhibent les effets de la testostérone en raison de leur structure moléculaire analogue, ce qui leur permet, en fonctionnant comme une sorte de leurre, de remplacer cette hormone dans le cerveau et l'hypophyse de l'individu.

La molécule la plus connue est l'acétate de cyprotérone ( Androcur ) qui combine les deux effets.

Les premiers essais de ces traitements remontent aux années 70. Avec le recul, il est possible de déterminer que des effets secondaires indésirables 6( * ) peuvent survenir, mais qu'ils ne présentent qu'un faible degré de gravité et disparaissent avec l'interruption du traitement.

Les traitements anti-androgènes agissent rapidement après un mois à six semaines de traitement et semblent en effet permettre à certains individus déviants de retrouver une vie, voire une sexualité normale.

Il reste que pour reprendre la formule de l'un des psychiatres entendus par votre rapporteur, il serait dangereux de croire en une " magie du médicament ".

La première limite de la prescription de ces médicaments tient au fait " qu'il ne s'agit pas d'un traitement à finalité curative mais seulement d'un traitement à finalité symptomatique " 7( * ) . En d'autres termes, l'effet du traitement s'achève avec son interruption et le risque est alors élevé de voir réapparaître les conduites sexuelles incriminées.

Ces produits inhibent l'appétence sexuelle ( libido ) mais ils ne changent pas en profondeur les préférences sexuelles du sujet.

Par ailleurs, les traitements antihormonaux ou antiandrogéniques ont une efficacité limitée dans un certain nombre d'hypothèses, en particulier chez les pédophiles psychopathes qui présentent une personnalité profondément antisociale, refusent toute forme d'aide ou de traitement, nient les faits et ne se reconnaissent aucun sentiment de culpabilité. Il existe ainsi historiquement des cas de récidive grave à la suite d'une castration chirurgicale.

Les résultats sont également décevants pour les pédophiles qui se droguent ou abusent de l'alcool, qui vivent repliés sur eux-mêmes sans soutien amical ou familial ou encore, qui ont fait d'un seul enfant en particulier, l'objet privilégié de leurs pulsions déviantes.

Enfin, il n'est pas inutile de savoir qu'un pédophile sous traitement hormonal peut annuler les effets de celui-ci en s'injectant, à l'insu de son médecin traitant, de la testostérone.

Deux conclusions semblent s'imposer sur le plan médical.

Tout d'abord, nombreux sont les psychiatres qui soulignent que l'efficacité d'un traitement est subordonné à l'adhésion du sujet : un pédophile qui nie avoir agressé des enfants et qui persiste à se présenter comme une victime ne pourra pas faire l'objet d'une thérapie efficace. Ceci n'exclut pas qu'une incitation ferme à recourir à un traitement soit proposée à ce détenu afin de l'aider à s'engager dans un processus de prise de conscience.

En second lieu, les différentes formes de traitements psychothérapiques ou médicamenteux ne sont pas exclusives l'une de l'autre. Elles peuvent être utilisées de manière conjointe et gagner apparemment en efficacité.

Il reste enfin à intégrer le traitement des agresseurs sexuels au processus pénal, ce qui est l'objet du présent projet de loi.

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