Rapport n° 39 (1997-1998) de M. Christian BONNET , fait au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 16 octobre 1997
Disponible au format Acrobat (188 Koctets)
N°333 rectifié ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 ONZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 octobre 1997. |
N°39 rectifié SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 1997- 1998 Annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 1997. |
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales,
PAR M. CHRISTIAN PAUL, PAR M. CHRISTIAN BONNET,
Député. Sénateur.
1 Cette commission est composée de : Mme Catherine Tasca, députée, présidente ; MM. Jacques Larché, sénateur, vice-président ; Christian Paul, député ; Christian Bonnet, sénateur, rapporteurs.
Membres titulaires : MM. Jérôme Lambert, Olivier de Chazeaux, José Rossi, André Gerin, Claude Hoarau, députés ; MM. Patrice Gélard, Paul Girod, Pierre Fauchon, Guy Allouche, Michel Duffour, sénateurs.
Membres suppléants : MM. René Dosière, Christophe Caresche. Jacques Floch, Mme Christine Lazerges, MM. Richard Cazenave, Henri Plagnol, députés, MM. André Bohl, Philippe de Bourgoing, Charles de Cuttoli, Michel Dreyfus-Schmidt, Lucien Lanier, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, sénateurs.
Voir les numéros :
Sénat : 408, 417 et T.A 109 (1996-1997)
Assemblée nationale : 231, 292 et T.A 12.
Élections et référendums.
MESDAMES, MESSIEURS,
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales s'est réunie le jeudi 16 octobre 1997 au Palais-Bourbon.
Elle a tout d'abord procédé à la désignation de son bureau qui a été ainsi constitué :
-- Mme Catherine TASCA, députée, présidente,
-- M. Jacques LARCHÉ, sénateur, vice-président.
La Commission a ensuite désigné M. Christian PAUL, député, et M. Christian BONNET, sénateur, respectivement rapporteurs, pour l'Assemblée nationale et le Sénat.
Les deux rapporteurs ont retracé les grandes lignes des travaux de leur assemblée.
M. Christian Bonnet, rapporteur pour le Sénat, a indiqué que celui-ci avait manifesté son adhésion au principe du projet de loi en adoptant sans modification son article premier. Il a ajouté qu'animé du souci de ne pas accroître à l'excès la charge de travail des élus et des services municipaux liée à la multiplication des réglementations, parfois inutiles, et préoccupé, en outre, par le coût des mesures proposées, le Sénat s'était, en revanche, opposé à l'utilisation des fichiers des organisées servant les prestations de base des régimes obligatoires d'assurance maladie. Il a précisé, qu'aux yeux du Sénat, ces fichiers n'étaient pas suffisamment fiables pour servir de base à l'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales, notamment parce qu'ils comportent un nombre excessif de doublons, estimé à 10 % par l'I.N.S.E.E., et parce qu'ils ne fournissent aucune indication sur la nationalité des personnes qui y sont inscrites. Le Rapporteur a fait observer qu'à l'inverse, le fichier du recensement établi en application du code du service national ne comportait, par définition, que des citoyens français et que les personnes du sexe féminin y seraient inscrites à partir du 1 er janvier 1999. Il en a conclu que ce fichier serait, dès cette date, parfaitement adapté à l'objectif poursuivi par le projet de loi et qu'il était donc préférable de lier l'entrée en vigueur du texte à la généralisation du recensement et de s'abstenir de recourir aux fichiers de l'assurance maladie.
Il a ajouté qu'il n'en résulterait que des conséquences très limitées, le texte ne lui paraissant en tout état de cause pas susceptible d'être mis en oeuvre utilement avant les cantonales et les régionales de mars 1998, alors qu'il pourrait parfaitement fonctionner pour les prochaines municipales de 2001.
M. Christian Paul, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a souligné que la majorité de celle-ci était particulièrement attachée à ce que les engagements pris à l'égard des jeunes qui n'avaient pas pu voter lors des dernières élections législatives soient tenus le plus rapidement possible. Il a ajouté que l'Assemblée nationale, tout en ayant suivi avec intérêt les travaux du Sénat, avait décidé de revenir au dispositif initialement présenté par le Gouvernement, prévoyant l'application immédiate de la réforme et assurant, en conséquence, que les jeunes pourraient participer nombreux aux élections régionales et cantonales de 1998. Il a précisé que l'Assemblée nationale n'avait pas méconnu les difficultés techniques inhérentes à cette solution, mais qu'elles ne lui avaient pas paru insurmontables, non plus qu'au Gouvernement et à l'I.N.S.E.E. Le Rapporteur a considéré que le choix de l'Assemblée nationale en faveur de l'application immédiate de la réforme imposait le recours temporaire aux fichiers des organismes d'assurance maladie, en dépit de leurs imperfections, qui, au demeurant, sont celles de tous les fichiers M. Christian Paul a, enfin, rappelé que l'Assemblée nationale avait adopté deux articles additionnels : l'un - dû à l'initiative de M. José Rossi -étendant le champ d'application du texte aux personnes âgées de dix-huit à vingt et un ans ; l'autre permettant l'inscription d'office, hors période de révision annuelle des listes électorales, des personnes qui atteindraient l'âge de dix-huit ans le jour d'une élection (article 2 bis du projet de loi).
Mme la Présidente a remercié les deux rapporteurs d'avoir aussi clairement présenté à la Commission les points de désaccords entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
M. Jacques Larché, vice-président, s'est associé aux propos de M Christian Bonnet, rapporteur pour le Sénat, en insistant sur les difficultés que les communes ne manqueraient pas de rencontrer dans la mise en oeuvre de la nouvelle procédure d'inscription d'office, si l'on faisait appel aux fichiers de la sécurité sociale, ainsi que sur les coûts supplémentaires qui résulteraient de la réforme. Il a donc jugé indispensable d'en lier l'entrée en vigueur à la date où les jeunes filles seraient, elles aussi, soumises à l'obligation de recensement en vue du service national. Il a, par ailleurs, rappelé qu'accroissant le nombre des électeurs inscrits, la réforme conduirait mécaniquement à une augmentation des taux d'abstention et pourrait avoir une incidence sur les élections à deux tours, compte tenu des seuils prévus par le code électoral pour le maintien des candidatures au second tour.
M. Jérôme Lambert a estimé que le principe de l'inscription d'office des personnes âgées de dix-huit ans sur les listes électorales ne pouvait plus être remis en cause, quelles qu'en soient les conséquences sur le déroulement et le résultat de certains scrutins. Il a considéré que la vraie question était celle du choix entre une application différée ou immédiate de la réforme et s'est prononcé en faveur de la seconde solution. Il a reconnu que la mise en oeuvre de la nouvelle procédure représenterait une charge supplémentaire pour les services des grandes communes - qui disposeront, au demeurant, des moyens d'y faire face - mais qu'il n'en irait pas de même dans les petites, où aucune difficulté sérieuse ne devrait être observée. Enfin, il a insisté sur l'intérêt de tout mettre en oeuvre pour que les jeunes puissent participer en nombre aux consultations importantes qui doivent être organisées en 1998.
M. Paul Girod a fait observer que la prochaine modification des conditions d'acquisition de la nationalité française accentuerait encore les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la réforme, en accroissant sensiblement le nombre des personnes dont la nationalité devrait être vérifiée et en rendant plus difficile cette vérification.
M. Olivier de Chazeaux a souligné que la réforme serait particulièrement difficile à appliquer dans les grandes villes, où les personnes concernées sont vraisemblablement les plus nombreuses. Il a insisté sur les risques d'erreurs résultant de l'utilisation des fichiers des organismes d'assurance maladie et souhaité, en conséquence, que le législateur approuve le principe de l'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales, mais en retarde la mise en oeuvre jusqu'à l'adoption d'un nouveau texte plus précis, dont l'application par les autorités chargées de la révision des listes se heurterait à moins de difficultés. Enfin, tout en reconnaissant que la nationalité des jeunes concernés par la réforme devrait être vérifiée selon la procédure la moins lourde possible, il s'est inquiété des risques de fraude que recèlerait une vérification trop informelle.
M. José Rossi s'est déclaré favorable au principe de la réforme et a souhaité que son champ d'application soit le plus large possible. Il a rappelé que c'était dans cet esprit qu'il avait présenté un amendement, adopté par l'Assemblée nationale, prévoyant l'inscription d'office, pendant une période de trois ans, des personnes âgées de dix-huit à vingt et un ans, dont, à l'heure actuelle, 30 à 40 % ne sont pas inscrites sur les listes électorales. Il a ajouté qu'il entendait par là tirer les conséquences de l'abaissement de vingt et un à dix-huit ans de l'âge de la majorité électorale, mais a reconnu que sa proposition pouvait se heurter à des objections de nature constitutionnelle. Pour autant, il a jugé pertinents les arguments avancés par le Sénat à l'appui du report de l'entrée en vigueur de la loi et s'est déclaré prêt à apporter son soutien à une solution de compromis consistant à prévoir l'application différée d'une réforme dont le champ serait élargi dans le sens souhaité par lui.
M. Christian Bonnet, rapporteur pour le Sénat, a noté que l'Assemblée nationale n'avait sans doute pas totalement méconnu la nécessité de ne faire appel qu'au seul fichier du recensement, et donc d'attendre que celui-ci concerne les jeunes gens des deux sexes, puisque l'article 2 bis ajouté par elle au projet de loi comportait lui-même une disposition en ce sens.
En réponse à cette remarque, M. Christian Paul, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a fait observer que l'article 2 bis allait au-delà du dispositif initialement présenté par le Gouvernement et ne pouvait être, de ce fait, d'application immédiate. Sans sous-estimer les risques d'erreur résultant de l'utilisation des fichiers des organismes d'assurance maladie, il a rappelé que les commissions administratives seraient amenées, conformément à leur mission, à contrôler soigneusement les documents qui leur seraient transmis par l'I.N.S.E.E. et à corriger d'éventuelles erreurs.
M. Claude Hoarau a admis que seul le fichier établi en application du code du service national serait suffisamment fiable au regard de l'objectif poursuivi par le projet de loi, du moins lorsque les jeunes des deux sexes y figureraient. Pour autant, il a considéré que l'engagement politique pris par le Premier ministre à l'égard de la jeunesse, répondant à l'attente de l'opinion, devait être tenu, dès lors qu'aucun obstacle insurmontable ne s'y opposait. Il a fait observer, en particulier, que les erreurs éventuelles pourraient être corrigées par les commissions administratives, dont c'est précisément le rôle.
M. Christophe Caresche a estimé que la principale question posée au législateur n'était pas celle des risques hypothétiques de fraude électorale, mais celle des mesures à prendre pour éviter que ne se renouvelle la situation constatée lors des dernières élections législatives, auxquelles de nombreux jeunes n'avaient pu participer. Il a considéré que le report de l'entrée en vigueur de la réforme constituerait un signe extrêmement négatif aux yeux de la jeunesse et souhaité que le législateur ne méconnaisse pas cet élément essentiel.
M. Guy Allouche a reconnu la légitimité des préoccupations du Sénat, mais a aussi estimé fondées celles de l'Assemblée nationale. Il a rappelé que le ministre de l'Intérieur avait garanti la possibilité d'appliquer sans délai une réforme qui, au demeurant, ne concernerait pas plus de 750.000 personnes. Les risques d'erreur tenant aux imperfections des fichiers des organismes d'assurance maladie ne lui ont pas paru constituer un obstacle insurmontable à cette application immédiate, le report souhaité par le Sénat ayant, en revanche, pour conséquence regrettable que de nombreux jeunes ne pourraient participer aux élections régionales et cantonales de 1998, ni aux autres consultations qui pourraient toujours intervenir l'année prochaine. Enfin, il s'est déclaré sceptique sur la possibilité d'appliquer la mesure proposée à l'article 2 bis ajouté au projet de loi par l'Assemblée nationale.
M. Christian Paul, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a admis que le texte pouvait être amélioré sur ce dernier point, le dispositif proposé paraissant difficilement applicable à des élections partielles.
Après s'être félicitée de constater que les deux assemblées approuvaient le principe de l'inscription d'office des jeunes sur les listes électorales, Mme la Présidente a ajouté que cette réforme ne rencontrerait un réel succès que si les nouveaux inscrits étaient incités à exercer leur droit de vote, par exemple par des campagnes d'information. Elle a ensuite invité la commission à se prononcer par un vote sur l'article 2 du projet de loi, relatif aux fichiers utilisés pour le recensement des jeunes atteignant l'âge de la majorité électorale, dans le texte du Sénat.
Après que M. Jacques Larché, vice-président, eut observé que le véritable problème posé par le texte était moins celui de la date de son entrée en vigueur que celui des charges nouvelles qui seraient imposées aux communes, la Commission n'a pas adopté l'article 2, dans le texte du Sénat.
Mme la Présidente a alors constaté l'échec de la commission mixte paritaire.