Rapport n° 38 - 1997/1998 - Projet de loi organique modifié par l'Assemblée national relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France autres que les ressortissants français du droit de vote&d'éligibilité élections municipale
M. Pierre FAUCHON, Sénateur
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale - Rapport n° 38 - 1997/1998
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
- I. PARMI LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION, DEUX MODIFICATIONS TECHNIQUES PEUVENT ÊTRE APPORTÉES AU TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
-
II. POUR LE RESTE, VOTRE COMMISSION DES LOIS CROIT DEVOIR PROPOSER AU SÉNAT DE
RÉTABLIR LE TEXTE QU'IL AVAIT ADOPTÉ EN PREMIÈRE LECTURE
- 1. La mise en oeuvre de la condition de réciprocité prévue par l'article 88-3 de la Constitution
- 2. La question du " double électorat ", en France et dans l'Etat d'origine
- 3. La mention sur les bulletins de vote de la nationalité des candidats européens
- 4. La question du remplacement des ressortissants européens membres du Conseil de Paris, lorsque ce conseil siège en formation de conseil général.
- 5. L'extension de la loi organique aux territoires d'outre-mer.
N° 38
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi organique, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, déterminant les conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et d' éligibilité aux élections municipales , et portant transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994,
Par M. Pierre FAUCHON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques Larché,
président
;
René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles
Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily,
vice-présidents
;
Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert
Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl,
Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel
Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli,
Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel
Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel
Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre
Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Sénat
: Première lecture :
381
,
415
et T.A.
107
(1996-1997).
Deuxième lecture :
21
(1997-1998).
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
223
,
232
et T.A.
11.
Elections et référendums.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le jeudi 16 octobre 1997, sous la
présidence de M. Jacques Larché, Président, votre
commission des Lois a examiné en deuxième lecture, sur le rapport
de M. Pierre Fauchon, le projet de loi organique n° 21 (1997-1998),
modifié par l'Assemblée nationale, déterminant les
conditions d'application de l'article 88-3 de la Constitution relatif à
l'exercice par les citoyens de l'Union européenne résidant en
France, autres que les ressortissants français, du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales et portant
transposition de la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.
· Ce projet de loi organique, adopté à la
quasi-unanimité par le Sénat en première lecture, a pour
objet de transposer la directive européenne permettant la mise en oeuvre
effective de l'article 8 B paragraphe I du Traité de
Maastricht, qui stipule :
"
Tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il
n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux
élections municipales dans l'Etat membre où il réside,
dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat. Ce droit
sera exercé sous réserve des modalités à
arrêter, avant le 31 décembre 1994, par le conseil, statuant
à l'unanimité sur proposition de la commission et après
consultation du Parlement européen ; ces modalités peuvent
prévoir des dispositions dérogatoires lorsque des
problèmes spécifiques à un Etat membre le
justifient
".
Ainsi que le prévoit l'article 88-3 de la Constitution, cette loi
organique devra être adoptée dans les mêmes termes par les
deux assemblées.
· L'Assemblée nationale, en première lecture, a
approuvé trois modifications importantes proposées par le
Sénat :
1. la définition du critère de résidence en France ;
2. l'interdiction de cumuler un mandat de conseiller municipal en France et
dans un autre Etat de l'Union ;
3. le recours aux " suivants de liste " français des
conseillers municipaux communautaires lors des élections
sénatoriales.
Elle a, en revanche, rejeté plusieurs des amendements du Sénat,
les principaux points de désaccord portant sur :
1. l'inscription dans la loi organique du principe de réciprocité
entendu, non pas au sens du droit communautaire, mais comme une
réciprocité de fait, réservant le droit de vote et
d'éligibilité aux seuls résidants communautaires dont
l'Etat d'origine accorde des droits équivalents aux Français qui
y résident ;
2. le " double électorat ", c'est-à-dire la
faculté pour un ressortissant communautaire exerçant son droit de
vote en France de continuer de voter, s'il le souhaite, aux élections
municipales dans son Etat d'origine ;
3. la nécessité de mentionner la nationalité des candidats
sur les bulletins de vote, afin d'assurer la pleine information des
électeurs ;
4. le mécanisme de remplacement par leurs " suivants de
liste " français des ressortissants communautaires membres du
Conseil de Paris, lorsque celui-ci siège en qualité de conseil
général du département de Paris ;
5. l'applicabilité de la loi organique aux territoires d'outre-mer.
· Votre commission des Lois a considéré que sur ces
dispositions essentielles, le texte de l'Assemblée nationale ne
répondait pas de manière satisfaisante aux questions
soulevées par le Sénat.
Aussi croit-elle devoir proposer au Sénat de rétablir, sous
réserve de deux modifications purement techniques, le texte qu'il avait
adopté en première lecture.
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est appelé à examiner en deuxième lecture
le projet de loi organique déterminant les conditions d'application de
l'article 88-3 de la Constitution relatif à l'exercice par les citoyens
de l'Union européenne résidant en France, autre que les
ressortissants français, du droit de vote et d'éligibilité
aux élections municipales, et portant transposition de la
directive 94/80/CE du 19 décembre 1994.
· L'examen de ce texte en première lecture, le 17 septembre 1997,
est assez récent pour ne pas nécessiter à nouveau une
longue présentation. Tout au plus faut-il rappeler que :
1. L'article 8 B, paragraphe 1, du Traité de Rome tel que modifié
par l'article G du Traité de Maastricht, reconnaît aux citoyens de
l'Union européenne établis dans un autre Etat membre le droit de
vote et d'éligibilité aux élections municipales de cet
Etat.
Le Conseil a adopté à l'unanimité une directive du 19
décembre 1994 "
fixant les modalités d'exercice du droit
de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour
les citoyens de l'Union résidant dans un Etat membre dont ils n'ont pas
la nationalité
".
Le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants
communautaires aux élections municipales étant ainsi devenu une
réalité dans l'ordre juridique communautaire, la directive doit
être transposée dans notre législation interne pour en
permettre l'exercice effectif.
Il s'agit d'un exercice essentiellement technique, à partir du moment
où les appréciations d'opportunité ont déjà
été débattues et ont abouti à des décisions
qui s'imposent à tous.
2. Ce projet de loi organique a, du même coup, pour objet de
déterminer les conditions d'application de l'article 88-3 de la
Constitution, résultant de la révision constitutionnelle du 25
juin 1992, intervenue, notamment, pour permettre la ratification par la France
de cette stipulation du Traité de Maastricht.
·
Le Sénat, en première lecture, n'a nullement
cherché à remettre en cause les principes posés par la
directive, s'efforçant tout au contraire de leur donner une pleine
effectivité dans le respect des règles constitutionnelles et,
notamment, de l'article 88-3 de la Constitution.
· L'Assemblée nationale a examiné le projet de loi
organique le 8 octobre 1997.
Elle a approuvé certaines des propositions du Sénat -qui ne sont
donc plus en discussion- notamment :
1. la définition du critère de résidence en France (les
ressortissant communautaires ne pourront s'inscrire sur les listes
électorales complémentaires en France que s'ils y ont leur
domicile réel ou si leur résidence y a un caractère
continu) ;
2. l'interdiction de cumuler un mandat de conseiller municipal en France et
dans un autre Etat de l'Union européenne ;
3. le mécanisme de recours aux " suivants de liste "
français des conseillers municipaux européens pour
suppléer ces derniers lors de l'élection des sénateurs et
des délégués supplémentaires et suppléants
au collège électoral des sénateurs.
Sur ce dernier point, l'Assemblée nationale s'en est tenue à
cette tradition parlementaire selon laquelle chaque assemblée doit
demeurer seule juge de son régime électoral.
Pour le reste, l'Assemblée nationale a écarté plusieurs
amendements importants du Sénat pour en revenir, dans ses grandes
lignes, au texte initial du projet de loi organique.
· Avant d'examiner les dispositions restant en discussion, il n'est pas
inutile de rappeler qu'en vertu de l'article 88-3 de la Constitution,
le
projet de loi organique devra nécessairement être adopté
dans les mêmes termes par les deux assemblées,
si bien qu'il
ne pourra pas donner lieu à la réunion d'une commission mixte
paritaire ni à la procédure dite "
du dernier mot
à l'Assemblée nationale
".
Le Constituant a, en effet, souhaité conférer au Sénat,
non pas un droit de veto, mais le même pouvoir d'appréciation
qu'à l'Assemblée nationale sur un texte qui a une incidence
directe sur l'élection des sénateurs, chargés de
représenter les collectivités territoriales de la
République.
Il convient aussi de rappeler qu'au terme d'un débat approfondi, tant au
sein de la commission des Lois qu'en séance publique,
le texte issu
des travaux du Sénat en première lecture a été
adopté par scrutin public à l'unanimité
des
suffrages exprimés, soit 311 voix pour.
I. PARMI LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION, DEUX MODIFICATIONS TECHNIQUES PEUVENT ÊTRE APPORTÉES AU TEXTE ADOPTÉ PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
Les débats, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, ont montré que deux dispositions purement techniques du projet de loi organique, tel qu'il résultait des travaux du Sénat en première lecture, pourraient utilement être modifiées en seconde lecture.
1. Le non rétablissement de l'article 7, redondant par rapport aux dispositions de l'article 6
En premier lieu, l'Assemblée nationale a
supprimé l'article 7 du projet de loi organique, introduisant dans
le code électoral un article L.O. 287-1 aux termes duquel,
lors de l'élection des délégués, des
délégués supplémentaires et des suppléants
au collège électoral des sénateurs, "
le choix des
conseillers municipaux ou des membres du Conseil de Paris ne peut porter sur
une personne qui n'a pas la nationalité française
".
De fait, cette précision est redondante car l'article 6 du projet de loi
organique (article L.O. 286-1 du code électoral) dispose
déjà sans aucune ambiguïté que les conseillers
municipaux étrangers ne pourront participer, à quelque titre que
ce soit, à l'élection des sénateurs et des
délégués de la commune au collège électoral
des sénateurs. Ils ne pourront ainsi être électeurs, ni
être candidats.
Dans ces conditions, le rétablissement de l'article 7 du projet de
loi organique n'apporterait rien de plus, tout en alourdissant inutilement le
code électoral.
Votre commission des Lois propose donc au Sénat de confirmer en
deuxième lecture la suppression par l'Assemblée nationale de cet
article 7.
2. Une simplification du texte proposé par l'article 5 bis, relatif à la mention de la nationalité des candidats européens
En second lieu, il se révèle que
l'article 5
bis
introduit en première lecture par le
Sénat (et supprimé par l'Assemblée nationale) afin
d'assurer l'information des électeurs sur la nationalité des
candidats dans les communes de 2.500 habitants et plus va sans doute
au-delà de l'objectif poursuivi, car il imposerait en outre un certain
nombre de formalités techniquement incompatibles avec l'absence de
formalisme qui entoure la présentation des candidatures aux
élections municipales dans les communes de moins
de 3.500 habitants.
En fait, la seule indication utile est celle de la nationalité,
laquelle doit figurer sur les bulletins remis aux électeurs.
Pour s'en tenir à cette exigence, il conviendrait de rétablir
l'article 5
bis
mais en y visant, non pas l'ensemble de
l'article L.O. 265-1, mais seulement son premier alinéa (si le
Sénat rétablit cet article dans le texte adopté en
première lecture, comme le propose votre commission des Lois).
De cette sorte, la nationalité des électeurs communautaires
serait mentionnée sur les listes, sans pour autant que soient
exigées les autres formalités prévues par les
alinéas 2 à 4 de l'article L.O. 265-1.
II. POUR LE RESTE, VOTRE COMMISSION DES LOIS CROIT DEVOIR PROPOSER AU SÉNAT DE RÉTABLIR LE TEXTE QU'IL AVAIT ADOPTÉ EN PREMIÈRE LECTURE
Les travaux de l'Assemblée nationale en première lecture n'ayant pas apporté les réponses aux questions soulevées par le Sénat, votre commission des Lois croit devoir proposer au Sénat d'en revenir, sur les autres articles restant en discussion, aux solutions qu'il avait adoptées en première lecture.
1. La mise en oeuvre de la condition de réciprocité prévue par l'article 88-3 de la Constitution
· Dans les articles LO. 227-1 et LO. 228-1,
l'Assemblée nationale a supprimé les dispositions introduites par
le Sénat afin de tirer toutes les conséquences du principe
constitutionnel de réciprocité.
· En première lecture, le Sénat avait jugé
impératif de subordonner l'exercice du droit de vote et
d'éligibilité des ressortissants communautaires résidant
en France au respect du principe de réciprocité, tel qu'il a
été expressément exigé par l'article 88-3 de la
Constitution.
En d'autres termes, il souhaitait que le droit de vote et
d'éligibilité en France ne soit ouvert qu'aux ressortissants
communautaires dont l'Etat d'origine accorde des droits équivalents aux
Français qui y résident.
A ce jour, deux de nos partenaires de l'Union européenne n'ont pas
encore introduit dans leur législation nationale les mesures permettant
le vote et l'éligibilité des ressortissants communautaires
établis sur leur territoire : la Belgique et la Grèce.
Au-delà des subtilités juridiques sur la notion de
réciprocité en droit international, en droit communautaire ou en
droit constitutionnel interne, l'exigence de réciprocité, telle
qu'elle a été précisée par le Sénat, est une
mesure de bon sens : l'opinion publique comprendrait-elle qu'un Belge ou un
Grec résidant en France puisse y voter et y être élu
conseiller municipal alors que les Français établis en Belgique
ou en Grèce n'y bénéficieraient pas des mêmes
droits ?
· Votre commission des Lois n'ignore pas que l'introduction dans la loi
organique de la clause de réciprocité expressément
visée par le Constituant peut paraître contrarier le principe de
primauté du droit communautaire.
Ce conflit doit cependant se régler dans le sens prévu par le
Sénat car la France n'a accepté de ratifier le Traité de
Maastricht que sous cette condition de réciprocité. A cet
égard là, le texte de la Constitution doit l'emporter sur le
principe communautaire de primauté, tel qu'il est entendu ordinairement.
2. La question du " double électorat ", en France et dans l'Etat d'origine
· L'Assemblée nationale a rétabli
l'interdiction du " double électorat " figurant dans le
texte
initial du projet de loi organique, c'est-à-dire l'interdiction, pour
les ressortissants communautaires votant en France, de continuer d'exercer,
s'ils le souhaitent, leur droit de vote aux élections municipales dans
leur Etat d'origine (article LO. 227-4, dernier alinéa, et les
dispositions subséquentes).
· Le Sénat avait au contraire jugé opportun de ne pas les
priver de cette faculté.
Votre rapporteur a fait valoir qu'une telle interdiction ne se justifiait
guère.
Elle lui a d'abord paru aller au-delà de la directive, qui ne
comporte pas de stipulation particulière à cet égard.
En second lieu, cette interdiction reviendrait à
légiférer pour les autres Etats de l'Union européenne et
à s'immiscer dans un domaine qui concerne en propre leurs rapports avec
leurs nationaux établis en France.
Il est vrai que certains Etats -l'Allemagne fédérale, par
exemple- n'autorisent pas leurs nationaux expatriés à voter dans
leur Etat d'origine, mais ce point relève de la législation
interne de chacun d'entre eux. Notre législation n'a pas, quant à
elle, à se substituer à la législation de nos
différents partenaires européens, d'autant qu'elle n'interdit pas
aux Français expatriés de voter en France.
Lorsqu'ils ont transposé la directive, les autres Etats de l'Union
européenne n'ont pas interdit aux Français qui y sont
établis de continuer de voter en France, s'ils le souhaitent.
Il serait pour le moins singulier de refuser aux ressortissants de ces Etats
une faculté que nos partenaires européens reconnaissent aux
Français résidant sur leur territoire.
Sur le fond, votre rapporteur a fait observer qu'en l'état actuel de
la construction européenne, la citoyenneté de l'Union ne se
substitue pas aux citoyennetés nationales, l'exercice des droits
-d'ailleurs limités- attachés à la citoyenneté
européenne ne devant pas faire obstacle à l'exercice des droits
inhérents à la nationalité de chaque citoyen de l'Union.
La citoyenneté européenne complète la
citoyenneté nationale mais ne l'oblitère pas dans tous les cas
où les deux citoyennetés ne sont pas incompatibles.
Enfin, on voit mal, en pratique, comment assurer le respect de cette
interdiction.
3. La mention sur les bulletins de vote de la nationalité des candidats européens
· L'Assemblée nationale a supprimé les
dispositions tendant à permettre à l'électeur de
connaître la nationalité des candidats
(article L.O. 265-1, alinéa premier).
Allant même plus loin que le projet de loi organique initial, elle a
également supprimé, contre l'avis du Gouvernement, le
troisième alinéa de l'article L.O. 227-3, aux termes
duquel la nationalité des électeurs communautaires devrait
être mentionnée en regard de leur nom sur les listes
électorales complémentaires. Il serait ainsi impossible de
connaître, même d'un point de vue purement statistique, le nombre
et les nationalités des ressortissants communautaires exerçant
leur droit de vote aux élections municipales en France.
· Le Sénat, pour sa part, a considéré que les
électeurs doivent être informés de la nationalité
des candidats qu'ils sont appelés à choisir pour diriger leur
commune.
Jusqu'à présent, seuls les Français pouvaient participer
aux élections municipales. Aucune mention particulière de
nationalité n'était donc nécessaire sur les listes
électorales ou sur les bulletins de vote, car elle se déduisait
d'elle-même.
Mais si des étrangers participent désormais à cette
élection, il paraît normal que tous les électeurs
-français comme étrangers- soient dûment informés de
la nationalité des uns et des autres, afin d'arrêter leur choix en
toute connaissance de cause.
Cette exigence est d'autant plus logique que les conseillers municipaux
étrangers ne pourront être maires ou adjoints ni participer
à quelque titre que ce soit à l'élection des
sénateurs. Il s'agit donc d'une donnée importante dont tout
électeur doit pouvoir mesurer les conséquences lorsqu'il
désigne l'équipe chargée de la gestion de sa commune.
La bonne information de l'électeur n'est-elle pas la condition
première d'un fonctionnement correct de la démocratie ?
4. La question du remplacement des ressortissants européens membres du Conseil de Paris, lorsque ce conseil siège en formation de conseil général.
· L'Assemblée nationale a supprimé le
mécanisme adopté par le Sénat en vue du remplacement par
leurs " suivants de liste " des membres européens du Conseil
de Paris, lorsque celui-ci siège en formation de conseil
général du département de Paris (article L.O. 228-1,
dernier alinéa).
· Dans la mesure où le Conseil de Paris siège tour
à tour en formation de conseil municipal ou de conseil
général, selon qu'il délibère des affaires de la
commune de Paris ou de celles du département de Paris (le territoire de
ces deux collectivités se superposant exactement sur celui de la ville
de Paris), le Sénat, sur la proposition de votre commission des Lois,
avait complété l'article 2 du projet de loi organique par un
nouvel alinéa disposant que les membres du Conseil de Paris n'ayant pas
la nationalité française ne pourront pas siéger à
ce conseil lorsqu'il se réunit en qualité de conseil
général. Ils seraient remplacés, dans ce cas, par leurs
" suivants de liste " de nationalité française,
à l'instar du dispositif adopté pour l'élection des
sénateurs et des délégués des communes au
collège électoral des sénateurs.
·
Votre commission des Lois souligne que l'article 8 B, paragraphe 1,
du Traité de Maastricht, porte sans aucune ambiguïté sur le
droit de vote et d'éligibilité des citoyens de l'Union
européenne
aux élections municipales
.
Si les ressortissants communautaires doivent pouvoir être élus et
siéger au Conseil de Paris quand celui-ci se réunit en formation
de conseil municipal, ni le Traité de Maastricht, ni la directive, ni la
Constitution ne prévoient qu'ils participent aux travaux de cette
assemblée lorsqu'elle siège en qualité de conseil
général.
5. L'extension de la loi organique aux territoires d'outre-mer.
· L'Assemblée nationale a rétabli la
disposition d'extension du projet de loi organique aux territoires d'outre-mer
(article 12 du projet de loi organique).
· Le Sénat, soucieux de préserver l'organisation
particulière des territoires d'outre-mer garantie par l'article 74
de la Constitution, et constatant que les assemblées territoriales
n'avaient pas été consultées, avait
préféré ne pas étendre cette loi organique aux TOM.
Il ressort s'ailleurs des considérants d'une délibération
du 13 août 197 de l'Assemblée de Polynésie
française, que la loi organique ne pourrait en tout état de cause
pas être appliquée dans ce territoire, faute d'avoir prévu
l'introduction des dispositions adéquates dans le code des communes (le
code général des collectivités territoriales n'ayant pas
été étendu aux TOM).
· Votre commission des Lois a constaté que du point de vue
juridique, la question du statut exact des TOM au regard de l'article 8B,
paragraphe 1, du Traité sur l'Union européenne était
controversée, même si les travaux préparatoires de la
révision constitutionnelle du 25 juin 1992 montrent l'intention non
équivoque des négociateurs du traité de ne pas en imposer
l'application aux territoires d'outre-mer.
Il est vrai que le Traité de Maastricht n'a pas modifié la
quatrième partie du Traité de Rome, laquelle définit
limitativement les dispositions applicables aux TOM. Mais, dans le même
temps, l'article 8 du Traité, relatif à la
citoyenneté de l'Union, pose des principes généraux et
détermine les droits attachés à la citoyenneté de
l'Union, laquelle est détenue par "
toute personne ayant la
nationalité d'un Etat membre
". Il s'agit d'un problème
ressortissant plus au droit communautaire qu'au droit interne.
Pour s'en tenir à la Constitution, il convient de souligner que la
révision constitutionnelle de 1992 n'a pas eu pour objet ni pour
effet de modifier les rapports juridiques entre l'Europe et les territoires
d'outre-mer.
Tout au contraire, elle a été l'occasion pour le Constituant de
réaffirmer la nécessaire prise en considération de
l'organisation particulière des TOM, tenant compte de leurs
intérêts propres dans l'ensemble des intérêts de la
République, puisque c'est lors de cette révision
constitutionnelle qu'a été réécrit l'article 74 de
la Constitution.
Dans ces conditions, votre commission des Lois a considéré qu'il
n'y avait pas lieu de modifier la position qu'elle avait adoptée sur ce
sujet en première lecture.
*
* *
Comme il a été dit, l'article 88-3 de la
Constitution confère au Sénat le même pouvoir
d'appréciation sur la loi organique que celui de l'Assemblée
nationale.
Or, sur le problème de la réciprocité, du Conseil de Paris
et de l'applicabilité de la loi organique dans les TOM, les approches
respectives du Sénat et de l'Assemblée nationale en
première lecture se fondent bien sur une appréciation
différente de difficultés d'ordre constitutionnel.
En tout état de cause, ces trois questions ne pourront être
tranchées avec une totale certitude dans un sens ou dans l'autre, mais
la loi organique, une fois qu'elle aura été adoptée
définitivement, sera de plein droit soumise au Conseil constitutionnel,
comme le sont toutes les lois organiques en application de l'article 61,
alinéa premier, de la Constitution.
Aussi, sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, et
sous réserve des deux modifications purement techniques qu'elle
présente, votre commission des Lois propose-t-elle au Sénat de
rétablir en seconde lecture le projet de loi organique dans le texte
issu des travaux du Sénat en première lecture.