Article
3
(articles 8-1 à 8-3 nouveaux de l'ordonnance du 2 novembre
1945)
Retenue du passeport ou du document de voyage
Visites sommaires des
véhicules dans la bande de Schengen
Empreintes digitales
Des trois articles additionnels 8-1 à 8-3 insérés par l'article 3 du projet de loi dans l'ordonnance du 2 novembre 1945, deux ont été adoptés par l'Assemblée nationale tels qu'amendés par le Sénat en première lecture : l'article 8-1 relatif à la retenue des passeports et l'article 8-2 sur les visites sommaires de véhicules, à l'exclusion des voitures particulières, dans les vingt kilomètres des frontières Schengen en métropole et des frontières terrestres en Guyane.
En revanche, l'article 8-3 relatif aux fichiers dactyloscopiques a été substantiellement modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.
Cet article additionnel qui ne figurait pas dans le projet de loi initial a été inséré en première lecture par l'Assemblée nationale. Il comporte deux alinéas aux objets bien distincts.
· Le premier alinéa de l'article 8-3 permet la création par le ministère de l'Intérieur d'un nouveau fichier des empreintes digitales des étrangers. La rédaction initiale de l'Assemblée nationale avait paru exorbitante au Sénat en ce qu'elle prévoyait, outre le cas des étrangers en situation irrégulière, le relevé des empreintes de tous les étrangers demandant à séjourner en France à la seule exclusion des ressortissants de l'Union européenne. Elle se serait donc appliquée aux simples touristes, aux brefs voyages professionnels et aux visites privées.
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale en est convenu. Elle a accepté la rédaction adoptée par le Sénat qui limitait ce relevé d'empreintes, outre le cas des étrangers en situation irrégulière, aux seuls étrangers non-ressortisants de l'Union européenne sollicitant un titre de séjour, c'est-à-dire ceux qui, installés en France depuis plus de trois mois, demandent à y demeurer plus longuement.
· Le deuxième alinéa autorisant la consultation par les services du ministère de l'Intérieur des empreintes digitales d'étrangers figurant dans des fichiers gérés par les autorités publiques avait été strictement encadré par le Sénat, en première lecture, qui avait précisé :
1/ que la consultation devait avoir pour finalité de procéder à " l'identification d'un étranger qui n'a pas présenté à l'autorité compétente les documents de voyage permettant l'exécution de l'une des mesures (d'éloignement) prévues au premier alinéa de l'article 27 ou qui, à défaut de ceux-ci n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution " ;
2/ que seule la consultation des fichiers de l' OFPRA et de l' identité judiciaire était autorisée par cet article ;
3/ que seuls des agents expressément habilités des services compétents du ministère de l'Intérieur pourraient procéder à cette consultation ;
4/ que la CNIL aurait à intervenir lors de l'élaboration des textes réglementaires nécessaires à la mise en oeuvre de cette consultation.
La notion de consultation est en outre bien distincte de celle de connexion et il n'est pas prévu ici d'interconnexion de fichiers.
L'Assemblée nationale a admis la nécessité de cet encadrement mais, avec l'accord du Gouvernement, a modifié cet alinéa sur trois points :
- elle a étendu, sur amendement de M. Jean-Pierre Philibert, le champ de la consultation des autres fichiers aux contrôles de titres de séjour opérés dans le cadre de l'article 8 de l'ordonnance de 1945 ;
- sur amendement de sa commission des Lois cosigné par M. Jean-Pierre Philibert, elle a permis comme en première lecture, la consultation de tous les fichiers contenant des empreintes digitales d'étrangers détenus par des autorités publiques ;
- enfin, elle a adopté un amendement de M. Jean-Pierre Philibert étendant la possibilité d'habilitation à la gendarmerie nationale.
Ces modifications sont de portée inégale. L'extension aux services compétents de la gendarmerie nationale est de bon sens, compte tenu de leur rôle, dans les zones rurales et en Guyane notamment, en matière d'éloignement.
L'extension de l'accès aux fichiers au cas du défaut de présentation des titres de séjour est dans la logique de cette consultation dont elle conforte l'efficacité.
En revanche, la troisième modification a de nouveau fait l'objet d'un examen approfondi de votre commission. En effet, reprenant sa rédaction de première lecture, l'Assemblée nationale n'a pas estimé utile de préciser, comme le proposait le Sénat, quels seraient les fichiers susceptibles d'être consultés. Ce faisant, elle permet l'accès à tous les fichiers d'empreintes digitales présents et à venir quelle que soit leur finalité.
Les arguments avancés tant par son rapporteur que par M. Jean-Pierre Philibert qu'il chargea de défendre l'amendement en séance n'ont pas convaincu la commission.
M. Pierre Mazeaud, rapporteur au nom de la commission des Lois indique dans son rapport écrit [2] que la démarche du Sénat consistant à énumérer limitativement les fichiers est " compréhensible " mais estime que " la rédaction retenue est ambiguë car, outre le fichier de l'OFPRA, elle ne semble viser que le fichier FAED [3] , qui est un fichier d'identité judiciaire, et non celui sur lequel figureraient les empreintes des demandeurs de titre de séjour, de nature administrative, a contrario, elle exclut la consultation de tout autre fichier qui pourrait, le cas échéant, être créé en la matière ".
M. Philibert, quant à lui, a cité l'utilité pour ces services d'accéder au fichier des personnes recherchées (FPR) et à l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF).
Si la question de l'ambiguïté éventuelle de l'une ou l'autre rédaction peut être tranchée aisément par leur comparaison littérale (dénommer les fichiers comme l'avait souhaité le Sénat est à coup sûr moins ambigu que de viser les fichiers " détenus par les autorités publiques "), celle de l'opportunité de donner auxdits services un accès en blanc est plus fondamentale.
· S'agit-il de ne pas omettre un fichier connu dont la consultation pourrait être judicieuse ?
M. Mazeaud cite le nouveau fichier créé par le premier alinéa du présent article. Or, lors de la mise en place de ce nouveau fichier, le décret pris après avis de la CNIL prévoira que, géré par le ministère de l'Intérieur pour les besoins de l'identification des étrangers en situation irrégulière, il sera nécessairement accessible à ces services qui en seront les gestionnaires et les premiers utilisateurs. Le législateur n'a donc pas besoin d'intervenir pour autoriser cet accès.
Quant aux fichiers cités par M. Philibert, outre qu'ils sont déjà largement accessibles à ces services, ils ne contiennent pas d'empreintes digitales...
Aucun autre fichier d'empreintes digitales n'a été jusqu'à présent cité car il n'en existe pas d'autres à l'heure actuelle.
On rappellera pour mémoire que l'autorisation du législateur n'est nécessaire pour les deux fichiers cités par le Sénat (OFPRA et identité judiciaire) que parce que le premier est protégé par l'article 3 de la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 portant création de l'OFPRA et que la consultation du second n'est prévue par le code de procédure pénale que dans le cadre judiciaire.
· S'agit-il d' autoriser en blanc la consultation de fichiers à créer ?
M. Mazeaud indique dans son rapport que la rédaction du Sénat exclut la consultation de tout autre fichier à créer. Tel n'est pas le cas. Comme il l'a déjà été précisé pour le nouveau fichier autorisé au premier alinéa de l'article 8-3, les fichiers sont en principe créés par une disposition réglementaire et, si leur finalité justifie l'accès des services du ministère de l'Intérieur, celui-ci devrait être accepté par la CNIL nécessairement consultée.
En revanche, la rédaction proposée par l'Assemblée nationale permettrait de facto l'accès des agents habilités du ministère de l'Intérieur et de la gendarmerie à tout nouveau fichier d'empreintes créé par décret, quelle que soit sa finalité et sans que la CNIL puisse excercer sa compétence pour en moduler l'accès.
S'agissant des cas résiduels pour lesquels la création du fichier serait autorisée par la loi ou de ceux où une incompatibilité de niveau législatif (comme celle de la loi de 1952 sur l'OFPRA) exclurait qu'une telle consultation puisse être autorisée par décret, le législateur doit-il anticiper à l'aveugle ces cas en adoptant la rédaction votée à nouveau par l'Assemblée nationale ou ne doit-il pas plutôt se prononcer explicitement au vu des futurs fichiers ?
Votre commission continue d'estimer préférable de n'autoriser que la consultation du fichier de l'OFPRA et de celui de l'identité judiciaire. Elle vous présentera un amendement en ce sens.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié.