Rapport N° 234: Convention gouvernement français et gouvernement de la Jamaïque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu
M. Emmanuel HAMEL, Sénateur
Commission des Finances -Rapport 234 - 1996 / 1997
Table des matières
- AVANT-PROPOS
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EXAMEN EN COMMISSION
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Jamaïque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu,
Par M. Emmanuel HAMEL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel , Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.
Voir le numéro :
Sénat : 171 (1996-1997).
Traités et conventions.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi, soumis à l'examen de la Haute Assemblée, a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention signée le 9 août 1995 entre la France et la Jamaïque afin d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu.
Après une brève présentation de la situation politique et économique actuelle de la Jamaïque, ainsi que des relations bilatérales franco-jamaïcaines, le présent rapport décrit les principales dispositions techniques de cet accord.
I. LA SITUATION INTÉRIEURE ET LES RELATIONS BILATÉRALES
A. LA SITUATION DE LA JAMAÏQUE
Indépendante depuis 1962 et membre du Commonwealth, la Jamaïque, dont le chef de l'exécutif demeure la Reine d'Angleterre, compte actuellement un peu plus de 2,5 millions d'habitants.
Le Premier ministre -qui détient la réalité du pouvoir exécutif- est, depuis 1992, M. Percival James Patterson, chef du People's National Party.
Ce parti est devenu majoritaire aux élections de 1989, après une décennie de pouvoir du Jamaica Labour Party. Il a été reconduit aux élections anticipées de mars 1993 avec un programme orienté autour de trois axes : la poursuite de la libéralisation de l'économie, l'engagement d'une réforme électorale et la lutte contre l'insécurité croissante du pays.
Toutefois, depuis lors, le pays est confronté à une vague de violence qui n'a cessé de prendre de l'ampleur, principalement sous l'effet du commerce des armes et du trafic de drogues. Un remaniement ministériel au début de 1995 n'a pas permis d'enrayer la dégradation de la situation.
Sur le plan économique, la Jamaïque peut compter sur quatre catégories principales de ressources :
- le tourisme, à l'origine de 25 % du revenu national et de 37 % des ressources du pays en devises étrangères, avec un flux annuel d'environ 1,7 million visiteurs,
- la bauxite, dont la Jamaïque est le troisième producteur mondial, et l'alumine qui représentent 60 % des exportations du pays et 27 % des revenus du pays en devises,
- des produits agricoles : la canne à sucre, la banane, le café,
- les envois -en argent ou en nature- des expatriés et de leurs familles, pratiquement aussi nombreux que la population résidant dans l'île.
L'économie jamaïcaine est cependant fragile, malgré un certain redressement depuis 1992. En effet, l'inflation a été ramenée de 77 % en 1991-1992 à 25 % en 1995-1996, la dette externe décroît progressivement (elle atteint 3,45 milliards de dollars américains fin 1995), le service de la dette rapporté aux exportations est passé de 27,1 % en 1991 à 20,1 % en 1995, les réserves de change se sont accrues et la Jamaïque n'est plus soumise à la surveillance du FMI depuis 1995.
Toutefois, depuis quelques mois, le dollar jamaïcain a recommencé à perdre du terrain face au dollar américain, l'inflation a repris, le solde de la balance des paiements est devenu négatif (- 114 millions de dollars US en 1995), la balance commerciale a connu un déficit record de 1,34 milliard de dollars US en 1995 (+ 40 % par rapport à 1994), le taux de croissance est devenu très faible (+ 0,5 % en 1995) et le chômage s'est accru, dépassant 22 % de la population active.
Le service de la dette extérieure, bien qu'en diminution, a représenté 41 % des dépenses budgétaires en 1994-1995. La Jamaïque a néanmoins bénéficié d'un rééchelonnement de sa dette en Club de Paris (juillet 1991) et de diverses annulations en 1995.
Aujourd'hui, la voie du redressement paraît particulièrement difficile car la Jamaïque connaît une baisse du tourisme liée aux problèmes d'insécurité, une forte dépendance à la situation de ses principaux partenaires en raison de l'ouverture croissante de son économie et une diminution tendancielle de l'aide extérieure.
B. LES RELATIONS BILATÉRALES
La situation géographique de la Jamaïque, au sein du bassin des Caraïbes, justifie le développement des relations avec la France qui souhaite favoriser l'intégration régionale de ses trois départements d'outre-mer situés dans la zone -la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique.
En effet, avec une population totale d'environ 800.000 habitants, ces départements sont encore relativement isolés par rapport aux autres Etats des Caraïbes et notamment par rapport aux Antilles anglo-saxonnes.
C'est pourquoi la France a cherché à développer des liens avec les pays voisins de la Guadeloupe, de la Guyane et de la Martinique, en signant des accords bilatéraux avec Trinité et Tobago (convention fiscale de 1987 et accord de protection des investissements en 1993), le Mexique (convention fiscale de 1991) ou le Venezuela (convention fiscale de 1992).
C'est dans ce contexte qu'ont été conclus avec la Jamaïque un accord d'encouragement et de protection réciproques des investissements en 1993 et la présente convention fiscale en août 1995.
Sur le plan économique et commercial, la France et la Jamaïque entretiennent des relations d'un montant encore modeste mais en accroissement.
En 1995, les importations françaises se sont élevées à 285 millions de francs, au lieu de 78,5 millions de francs en 1990. La même année, les exportations -principalement de produits agro-alimentaires- ont atteint 161 millions de francs, au lieu de 84,6 millions de francs en 1990.
Par ailleurs, la France est présente dans le domaine de la bauxite et de l'alumine avec Péchiney, dans le domaine de l'automobile avec Peugeot et Renault Véhicules Industriels et dans le secteur de l'aéronautique, la compagnie Air Jamaica exploitant plusieurs Airbus.
Depuis le 1er janvier 1989, plusieurs protocoles financiers ont été conclus. Leur montant total s'élève à 260,5 millions de francs répartis entre 15,5 millions de dons, 117,5 millions de prêts du Trésor et 127,5 millions de crédits privés garantis. Le dernier protocole, d'un montant de 40 millions de francs, a été conclu en 1996.
Par ailleurs, plusieurs accords de consolidation de dette ont été signés. Le dernier, en date du 5 janvier 1994, a porté sur un montant de 44,3 millions de francs.
II. LES DISPOSITIONS TECHNIQUES DE L'ACCORD
Les négociations de cet accord ont été engagées à Kingston en février 1991. Elles se sont poursuivies à Paris en juillet 1991 et ont abouti à la signature de la convention le 9 août 1995.
La procédure jamaïcaine requise pour l'entrée en vigueur de la convention, semblable à la procédure française, est aujourd'hui achevée. Le ministère des affaires étrangères et du commerce extérieur jamaïcain en a informé la partie française par une note en date du 14 décembre 1995.
Cette convention fiscale entre la France et la Jamaïque s'inspire pour l'essentiel du modèle de l'OCDE. Elle s'en distingue néanmoins dans certains cas et se rapproche alors du modèle des Nations Unies afin de tenir compte de l'écart de développement entre les deux pays.
Ainsi, pour la définition de l'établissement stable (à l'article 5), l'accord précise que constituent un établissement stable :
- un chantier de construction ou de montage si sa durée dépasse six mois (au lieu de 12 mois dans le modèle de l'OCDE) ;
- l'activité d'un agent dépendant agissant pour le compte d'une entreprise non seulement s'il dispose de pouvoirs lui permettant de conclure des contrats au nom de l'entreprise, mais aussi s'il conserve un stock sur lequel il prélève régulièrement des marchandises aux fins de livraison pour le compte de l'entreprise ;
- un agent indépendant, lorsqu'il exerce une activité dans un Etat contractant exclusivement ou presque exclusivement pour le compte d'une entreprise de l'autre Etat contractant dans des conditions qui ne sont pas des conditions de pleine indépendance.
De même, pour la détermination des bénéfices de l'établissement stable, l'article 7 reprend la rédaction du modèle des Nations Unies et précise la nature des dépenses dont la déduction n'est pas admise.
Enfin, pour le régime applicable aux redevances et rémunérations pour services techniques, la définition retenue (à l'article 12) est conforme aux dispositions du modèle des Nations Unies.
En matière de non-discrimination, l'article 23 comporte les règles habituelles de l'OCDE, mais il prévoit aussi une disposition particulière qui autorise un Etat à faire bénéficier l'autre Etat, ses collectivités locales et ses personnes morales de droit public des avantages fiscaux prévus par la législation interne en sa faveur et en faveur de ses propres personnes morales.
Il faut enfin noter que l'article 27 contient une clause anti-abus qui précise que la convention n'est pas applicable aux sociétés bénéficiant d'un régime fiscal particulier en vertu de la loi jamaïcaine sur les sociétés " off-shore ".
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Telles sont les principales dispositions de l'accord dont votre commission vous propose d'autoriser l'approbation.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 26 février 1997, sous la présidence de M. Christian Poncelet président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Emmanuel Hamel, à l'examen du projet de loi autorisant l'approbation de la convention fiscale entre la France et la Jamaïque.
Elle a décidé de proposer l'adoption du projet de loi dont le texte suit :
Article unique
"Est autorisée l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Jamaïque en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu, signée à Kingston le 9 août 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi."