ARTICLE
9
(ART. 132-70-1 DU CODE PÉNAL)
EXTENSION DU CHAMP D'APPLICATION
DE LA RÉTENTION JUDICIAIRE
Cet article complète l'article 132-70-1 inséré dans le code pénal par la loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993.
L'article 132-70-1 créait le régime de la rétention judiciaire avec des garanties non " moindres que celles assurées aux personnes placées en détention provisoire " pour répondre aux termes de la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 1993 qui avait écarté une première rédaction.
Cet article permet actuellement au juge pénal, en première instance ou en appel, qui a déclaré un étranger coupable de l'infraction prévue au deuxième alinéa de l'article 27 de l'ordonnance de 1945 (refus de présenter les documents de voyage ou de communiquer les renseignements permettant l'éloignement) d'ajourner le prononcé de la peine (3 ans d'emprisonnement maximum) et de placer le prévenu en rétention pour une durée maximale de trois mois dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. Simultanément, le juge lui enjoint de communiquer à l'autorité administrative les documents de voyage ou les renseignements permettant l'exécution de la mesure d'éloignement.
Durant cette période, que l'intéressé peut abréger à tout moment en communiquant lesdits documents ou renseignements, il bénéficie de l'assistance d'un interprète, d'un médecin ou d'un conseil, de possibilités de communication et de visites, voire à titre exceptionnel d'une autorisation de sortie sous escorte. Ses démarches auprès du consulat sont facilitées.
Ce dispositif nouveau, qui peut suivre ou précéder la rétention administrative, est placé sous le contrôle de la juridiction.
Trois centres ont été mis en place dès 1994, d'une capacité totale de 45 places et une circulaire de la Chancellerie du 11 juillet 1994 a fait connaître cette disposition tout en précisant qu'elle ne pourrait s'appliquer que si " un élément intentionnel caractérisant la mauvaise foi de l'intéressé et sa volonté de faire obstacle à l'exécution de la mesure d'éloignement " pouvait être établi. L'absence de papiers n'est pas en elle-même suffisante ; en revanche, le refus de communiquer son identité véritable " manifeste bien, par ce seul fait, (la) volonté de se soustraire à la mesure ".
Le développement de la rétention judiciaire a été si faible (une dizaine de cas) qu'une deuxième circulaire de la Chancellerie du 26 septembre 1995 a été prise dans le cadre du plan présenté par le ministre de l'intérieur au Conseil des ministres le 23 août 1995. Celle-ci précise que la nécessité de l'élément intentionnel n'implique pas " l'exigence d'un dol spécial " et engage les juridictions à appliquer cette " mesure à la fois efficace et respectueuse des droits de la personne humaine ". A la fin de 1995, une centaine de personnes avaient été soumises à cette procédure pour une durée moyenne de 50 jours. Dans 40 % des cas, il a pu être procédé à l'éloignement .
L'article 9 du projet de loi propose de faciliter le développement de la rétention en la rendant applicable à l'étranger, dépourvu (volontairement ou non) de documents permettant l'éloignement, passible des infractions prévues aux articles 19, 27 (premier alinéa) et, précision ajoutée par l'Assemblée nationale, 33 de l'ordonnance de 1945. Cette extension couvre :
- l'étranger en infraction avec les règles d'entrée et de séjour (article 19) ;
- celui qui s'est soustrait, ou a tenté de se soustraire, à l'exécution d'une mesure de refus d'entrée en France, d'une expulsion, d'une reconduite (article 27, premier alinéa) ou d'une réadmission (article 33) ou qui, s'y étant soumis, a pénétré à nouveau sur le territoire sans autorisation.
Le principe demeure d'un mécanisme destiné à inciter l'intéressé à collaborer de bonne foi à l'éloignement avant qu'une peine de prison ferme ne soit prononcée à son encontre. Cet aménagement devrait permettre un essor de cette procédure dont le caractère complémentaire de la rétention administrative (délais plus longs, garanties accrues, contrôle du juge pénal) n'a pas suffisamment été mis en lumière.
Ce développement repose en grande partie sur la bonne coordination des services des préfectures et des parquets. Ces derniers restent, en effet, maîtres de l'opportunité des poursuites dans le cadre des directives de politique pénale explicites de la circulaire de 1995 dont il est souhaitable qu'elle produise tous ses effets.
Votre commission vous propose d'adopter conforme cet article.