2. La mise en oeuvre de l'expérience de régionalisation
Le Sénat, s'inspirant des conclusions convergentes de divers rapports, a obtenu l'adoption de l'article 67 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire . Cet article dispose " qu'une loi définira, après une phase d'expérimentation qui débutera un an après l'adoption de la loi d'orientation, les modalités d'organisation et de financement des transports collectifs d'intérêt régional et les conditions dans lesquelles ces tâches seront attribuées aux régions, dans le respect de l'égalité des charges imposées au citoyen ainsi que de l'égalité des aides apportées par l'État aux régions. "
L'intérêt d'une telle réforme est de rapprocher le client du décideur, d'améliorer l'analyse des trafics, notamment dans les bouts de lignes, d'optimiser le rôle des gares intermédiaires. Il est surtout de rendre possibles des décisions plus rationnelles ou courageuses en matière de service.
Pour l'application de cet article, le Gouvernement a offert, dès 1995, aux régions volontaires, de mener l'expérimentation. Toutefois, compte tenu de la difficulté d'évaluer a priori les transferts de charges qui pourraient en résulter pour les régions expérimentatrices, un audit a été confié, à la fin de 1995, par l'Association nationale des Élus régionaux (depuis, l'APCR) au cabinet d'expertise K.P.M.G.
L'audit soulignait la pertinence de la réforme. Il posait toutefois quatre conditions à sa mise en oeuvre : l'expérimentation devrait être " réversible ", " coopérative " (Les régions qui expérimentent le font au profit de toutes), " progressive " et " volontaire ". Ces principes répondaient aux préoccupations des conseils régionaux.
Pour 1994, année de référence de l'étude, le cabinet KPMG évaluait à 9,7 milliards de francs le coût total du transport régional, hors infrastructures. Or, les recettes de trafic n'avaient, elles, rapporté que 2,5 milliards de francs, auxquels s'ajoutait une contribution de 1,1 milliard versée par l'État pour compenser le tarif social et militaire. Hors coûts fixes de gestion de l'infrastructure, le déficit de l'activité régional de la SNCF s'est donc élevé à 6,1 milliards, que les subventions versées par l'État n'ont pas suffi à effacer.
Alors qu'elle évaluait à 2,2 milliards de francs par an, pendant trente ans, les investissements nécessaires, l'enseignement principal tiré de cette étude était que l'effort budgétaire de l'État était, en 1994, inférieur de 1,9 milliard de francs par rapport aux besoins.
Le projet de loi, qui nous est soumis, vient donc -et c'est son deuxième volet- mettre en oeuvre l'expérimentation de régionalisation en complétant l'article 67 de la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire :
- les régions seront autorités organisatrices (au sens de la LOTI) des services régionaux de voyageurs de la SNCF ;
- la délimitation de ces services se fera conjointement par l'État et chaque région concernée ;
- une convention entre chaque région et la SNCF viendra préciser la consistance et les conditions de fonctionnement et de financement de ces services ;
- les charges ainsi transférées feront l'objet d'une compensation annuelle forfaitaire par l'État.
Sous réserve que cette compensation soit intégrale, l'expérience de régionalisation constitue ainsi une source de modernisation de son financement du transport ferroviaire et une contribution porteuse d'avenir à l'aménagement du territoire.
Il convient de préciser que les régions expérimentatrices sont convenues avec la SNCF que l'expérimentation serait menée pendant trois ans. Cette période permettra d'apprécier l'efficacité d'une telle réforme.
Le Sénat, dont la marque a été forte dans l'élaboration de la loi du 4 février 1995, ne pourra manquer d'encourager cette mesure d'application utile. Il souhaitera, sans doute, préciser deux points :
- d'abord, la garantie de compensation des charges ainsi transférées aux régions ;
- ensuite, le caractère réversible de l'expérience ainsi menée, à travers l'obligation faite à l'Etat de déposer un rapport sur l'application de la loi au terme d'une période de trois années.