Rapport n° 160 (1996-1997) de M. Charles JOLIBOIS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 18 décembre 1996

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N° 160

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 décembre 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relative à l 'examen des pourvois devant la Cour de cassation,

Par M. Charles JOLIBOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Piras, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2902, 2997 et T.A 581.

Sénat : 11 (1996-1997).

Justice.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 18 décembre sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission a examiné, sur le rapport de M. Charles Jolibois, la proposition de loi relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation.

M. Charles Jolibois a indiqué que le nombre des affaires restant à juger par la Cour de cassation au 31 décembre avait doublé en treize ans, passant de 17 856 en 1982 à 36 208 en 1995. Il a expliqué cette évolution par l'augmentation substantielle du nombre d'affaires soumises chaque année à la Cour (16 644 en 1982 : 26 435 en 1995), elle-même due :

- au caractère de plus en plus contentieux de la société lié notamment à la complexité croissante du droit et à l'augmentation, en période de crise, des conflits de nature commerciale et sociale :

- à l'importance quantitative des recours dispensés du ministère obligatoire d'un avocat alors que celui-ci peut jouer un rôle modérateur en dissuadant son client de se pourvoir en cassation s'il ne peut invoquer aucun moyen sérieux ;

- à l'importance quantitative des décisions rendues en premier et dernier ressort pour lesquelles les plaideurs assimilent parfois, à tort, la Cour de cassation à un second degré de juridiction.

Le rapporteur a rappelé que, en 1994, le Sénat avait adopté un projet de loi présenté par M. Pierre Méhaignerie, alors Garde des Sceaux, créant au sein de chaque chambre civile une formation d'admission des pourvois en cassation, composée de trois magistrats et chargée de rejeter les pourvois manifestement irrecevables ou dépourvus de tout moyen sérieux de cassation. Il a précisé que ce projet avait été retiré de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale après le rejet par celle-ci de ses principaux articles.

M. Charles Jolibois a fait observer que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale résultait d'une initiative du président Pierre Mazeaud qui avait proposé un dispositif quasiment identique à celui adopté par le Sénat en 1994 mais se distinguait nettement de celui-ci dans la mesure où il s'agissait désormais de renvoyer, au sein de toutes les chambres -et non des seules chambres civiles-, les affaires à une formation de trois magistrats chargée de statuer immédiatement -et donc non seulement de rejeter mais aussi de casser- lorsque la solution du pourvoi lui paraîtrait s'imposer.

Il a précisé qu'une affaire ne viendrait alors à l'audience que dans deux séries d'hypothèses :

- sur renvoi de la formation restreinte, lorsque la solution du pourvoi ne lui paraîtrait pas s'imposer ;

- ou, directement, à l'initiative du premier président de la Cour de cassation ou du président de la chambre concernée.

M. Charles Jolibois a fait observer que la proposition de loi inverserait le dispositif actuel, dans lequel une affaire est en principe soumise à l'audience de la chambre, une formation restreinte de trois magistrats n'intervenant que sur l'initiative du premier président ou du président de la chambre lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission a adopté quatre amendements prévoyant notamment :

- de ramener de vingt-cinq à dix-neuf le nombre de magistrats composant l'assemblée plénière ;

- de maintenir le droit actuel -à savoir l'intervention d'une formation restreinte à l'initiative du premier président ou du président de la chambre-pour la chambre criminelle.

Elle a également émis le voeu d'une modification réglementaire afin d'exiger que le mémoire du demandeur en matière civile soit soumis à un avocat au Conseil qui pourrait alors jouer un rôle de « filtre » en attirant l'attention du requérant sur l'absence de tout moyen sérieux de cassation.

Cette proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 16 janvier 1997.

Art. L. 111-1 du Code de l'organisation judiciaire :

« Il y a, pour toute la République, une Cour de cassation ».

Mesdames, Messieurs.

Deux ans après l'adoption par le Sénat d'un projet de loi portant réforme de l'organisation de la Cour de cassation, présenté par M. Pierre Méhaignerie, Garde des Sceaux, notre Assemblée est de nouveau saisie d'un texte -non pas de ce projet mais d'une proposition de loi- visant à remédier au problème chronique de l'encombrement de la juridiction suprême de l'ordre judiciaire.

La proposition de loi n° 11, « relative à l'examen des pourvois devant la Cour de cassation », se présente cependant dans un contexte fort différent du projet de 1994.

Différence juridique, tout d'abord, en ce que comme nous le verrons dans le détail, la solution qui nous est aujourd'hui proposée se distingue quelque peu de celle que nous avions retenue. Il ne s'agit en effet plus de créer une formation d'admission de trois magistrats chargée, au sein de chaque chambre civile, de rejeter les pourvois manifestement irrecevables ou dépourvus de moyen sérieux de cassation. Il s'agit de renvoyer, au sein de toutes les chambres, les affaires à une formation de trois magistrats chargée de statuer immédiatement -et donc non seulement de rejeter mais aussi de casser- lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer.

Différence d'origine ensuite puisque, contrairement au projet de 1994, qui avait été retiré de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale après le rejet par celle-ci de chacun de ses articles, le texte à présent soumis à notre examen a non seulement été adopté par nos collègues députés, mais résulte même de l'initiative de l'un d'entre eux, M. le Président Pierre Mazeaud, qui s'était au demeurant déclaré opposé à la réforme proposée par M. Méhaignerie.

Force est de constater que par delà les diverses solutions susceptibles de lui être apportée, la toile de fond du problème demeure, aujourd'hui comme hier, la menace d'asphyxie qui pèse sur la Cour de cassation -menace qui concerne d'ailleurs l'ensemble des juridictions, comme l'a mis en évidence le rapport « quels moyens, pour quelle justice » fait par notre excellent collègue M. Pierre Fauchon au nom de la mission d'information de votre commission chargée d'évaluer les moyens de la justice-.

La compétence et la disponibilité des magistrats et des fonctionnaires de cette juridiction ont jusqu'à présent permis de relever le défi de l'augmentation exponentielle des pourvois. M. le Premier Président Pierre Drai et M. Pierre Truche, procureur général lors du projet de M. Méhaignerie, et les présidents de chambre, auquel votre rapporteur tient à rendre hommage, ont à cet égard joué un rôle de premier ordre.

Mais avec l'adoption de la proposition de loi n° 11, l'Assemblée nationale a, deux ans après le Sénat, reconnu que la cote d'alerte était atteinte et admis l'urgence d'une solution.

I. LA NÉCESSAIRE RECHERCHE D'UNE SOLUTION A L'ENCOMBREMENT DE LA COURS DE CASSATION

Votre rapporteur ne croit pas nécessaire de revenir dans le détail sur la présentation des statistiques relatives à l'encombrement de la Cour de cassation et aux solutions jusqu'à présent retenues pour y faire face -présentation à laquelle il a consacré une dizaine de pages dans son rapport écrit sur le projet de loi précité (Sénat : 1993-1994 : n° 619 ; pages 9 à 20)-.

A. L'AMPLEUR DU PROBLÈME

1. La situation générale

Les données du problème auquel vise à répondre la proposition de loi sont identiques à celles de 1994 puisqu'il s'agit toujours de répondre à l'encombrement croissant de la Cour de cassation : le nombre d'affaires restant à juger au 31 décembre est ainsi passé, pour les six chambres, de 17.856 en 1982 à 36.208 en 1995 (soit + 103 %).

Il convient cependant de noter que l'année 1995 a marqué, pour la première fois depuis 1985 une inversion de la tendance puisque, au 31 décembre 1994, le nombre d'affaires restant à juger était de 37.416. Il est cependant trop tôt pour apprécier si cette inversion résulte d'une situation purement conjoncturelle ou marque le début d'une nouvelle tendance. On observera toutefois que les trois premiers trimestres de l'année 1996 se sont caractérisés par une reprise de l'augmentation du stock des affaires qui, au 30 septembre, avait dépassé son niveau de fin 1994 (38.239).

Quoi qu'il en soit, il n'en demeure pas moins vrai que en treize années, le stock des affaires restant à juger par la Cour de cassation a plus que doublé et ce en dépit de l'augmentation substantielle du nombre d'affaires jugées : 15.813 en 1982 ; 27.843 en 1995.

En effet, cette progression n'a pas permis -exception faite de l'année 1995- de rattraper le nombre d'affaires soumises chaque année à la Cour : 16.644 en 1982 : 26.435 en 1995.

En 1994, votre rapporteur avait expliqué cette augmentation par trois séries de considérations, lesquelles lui paraissent toujours d'actualité :

- « le caractère de plus en plus contentieux de notre société, lié notamment à la complexité croissante du droit et à l augmentation, en période de crise, des conflits de nature commerciale et sociale » :

- « l'importance quantitative des recours dispensés du ministère obligatoire d'un avocat » alors que celui-ci peut jouer un rôle modérateur en dissuadant son client dé se pourvoir en cassation s'il ne peut invoquer aucun moyen sérieux ;

- « l'importance quantitative des décisions rendues en premier et dernier ressort, sans possibilité d'appel. Dans ce cas, les plaideurs assimilent parfois, à tort, la Cour de cassation à un second degré de juridiction » .

Parallèlement à cette augmentation du nombre de pourvois, les effectifs des magistrats ont diminué :

- 98 conseillers, 37 conseillers référendaires et 17 auditeurs au 1er janvier 1991 ;

- 98 conseillers, 36 conseillers référendaires et 15 auditeurs au 1er janvier 1996.

2. La situation des différentes chambres

a)Les chambres civiles

La situation particulièrement inquiétante des chambres civiles fut à l'origine du projet de réforme de 1994 ainsi que de la proposition de loi aujourd'hui soumise à notre examen -dont l'intitulé initial était « proposition de loi créant une formation d'admission des pourvois au sein des chambres civiles de la Cour de cassation » -.

En dépit de la diminution observée en 1995, la tendance à l'augmentation continue du nombre des affaires restant à juger au 31 décembre ne saurait être contestée : 15 041 en 1982 ; 31 949 en 1995.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, la durée moyenne d'examen d'une affaire est de l'ordre de 17 mois pour les chambres civiles.

Ces données ne sauraient cependant masquer la diversité des situations des différentes chambres.

En particulier, la chambre sociale rend chaque année pratiquement autant d'arrêts que les autres chambres sans disposer de davantage de magistrats : 6 945 arrêts en 1995 contre :

- 2 041 pour la première chambre civile ;

- 1 762 pour la deuxième chambre civile ;

- 2 337 pour la troisième chambre civile ;

- 2 359 pour la chambre commerciale.

b) La chambre criminelle

Contrairement au projet de loi adopté par le Sénat en 1994, la présente proposition de loi a, en l'état, vocation à s'appliquer également à la chambre criminelle. Aussi votre rapporteur juge-t-il utile de rappeler certaines données statistiques la concernant.

La chambre criminelle ne connaît pas un encombrement comparable à celui des chambres civiles.

Tout d'abord, sur le long terme, le stock des affaires au 31 décembre a augmenté deux fois plus lentement : 4 259 en 1995 contre 2 815 en 1982, soit + 51 % en treize ans (contre + 103 % pour les chambres civiles). Surtout, après une inquiétante augmentation entre 1982 et 1990 (4 600 affaires en stock), la chambre criminelle a su juguler, et même réduire, son stock, même si une légère augmentation est perceptible depuis 1993.

Le stock actuel de 4 259 affaires est par ailleurs nettement inférieur au nombre d'affaires terminées chaque année : 6 344 en 1995. Il correspond à environ huit mois d'activité de la chambre (alors qu'avec 31 949 affaires restant à juger pour 21 499 affaires terminées en une année, le stock des chambres civiles correspond à environ dix-huit mois d'activité).

Quant au délai moyen d'examen des affaires par la chambre criminelle, il est compris entre 5,5 et 7 mois -et même entre 2 et 2,5 mois pour les affaires soumises à un délai légal-, soit nettement inférieur à celui des chambres civiles.

B. LES FORMATIONS RESTREINTES : UN DÉBUT DE RÉPONSE À L'ENCOMBREMENT DE LA COUR DE CASSATION

Dans son rapport de 1994 précité, votre rapporteur s'était livré à un inventaire détaillé des réformes entreprises pour permettre à la Cour de cassation de répondre au mieux à l'augmentation des pourvois. Il avait distingué entre « les réformes tendant à préserver le caractère exceptionnel du recours en cassation » et « les réformes tendant à rationaliser l'examen des pourvois par la Cour de cassation » .

Rappelons brièvement que, afin de préserver le caractère exceptionnel du pourvoi en cassation, les pouvoirs publics se sont tout d'abord efforcés d'éviter les pourvois dilatoires. Ce fut l'objet :

- du retrait du rôle (article 1009-1 du Nouveau Code de Procédure Civile), en vertu duquel le premier président peut, à la demande du défendeur, retirer une affaire du rôle de la Cour lorsque le demandeur ne justifie pas avoir exécuté la décision attaquée, sauf si l'exécution est de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives. En 1995. cette procédure a donné lieu à 565 retraits du rôle (532 en 1993 : 625 en 1994) :

- de la condamnation pour recours abusif (article 628 du Nouveau Code de Procédure Civile), dont le montant peut atteindre 20 000 F sans préjudice d'une éventuelle indemnité envers le défendeur. En 1995, 339 amendes ont ainsi été prononcées (275 en 1994) ;

- du refus de l'aide juridictionnelle (article 7 de la loi du 10 juillet 1991) susceptible d'être opposé au demandeur si aucun moyen sérieux de cassation ne peut être relevé. En 1995, 3 165 décisions ont été prises sur ce fondement (3 566 en 1994).

Les réformes tendant à prévenir les pourvois liés aux difficultés d'interprétation de la norme de droit (faculté de saisir l'assemblée plénière dès le premier pourvoi si l'affaire pose une question de principe ; saisine pour avis de la Cour de cassation) ont également eu pour objectif de préserver le caractère exceptionnel du pourvoi en cassation en permettant à la Cour de donner au plus tôt une interprétation claire de la loi.

Quant aux réformes tendant à rationaliser l'examen des pourvois par la Cour de cassation, dont l'objectif commun était de réduire le délai moyen d'examen des affaires, elles furent au nombre de trois :

- la reconnaissance d'une voie délibérative aux conseillers référendaires (par la loi du 12 juillet 1978) ;

- la réduction de sept à cinq du nombre minimum de membres présents ayant voix délibérative pour que les chambres rendent les arrêts (par la loi du 6 août 1981) ;

- l'institution des formations restreintes (par la même loi du 6 août 1981).

Votre rapporteur croit utile de s'arrêter plus longuement sur cette dernière réforme qui a servi de support à la proposition de loi présentement soumise à notre examen.

le dispositif actuellement en vigueur est celui de l'article L. 131-6 du code de l'organisation judiciaire dont les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« les chambres ne rendent les arrêts que si cinq membres au moins ayant voix délibérative sont présents.

« Lorsque la solution du pourvoi lui parait s'imposer, le premier président ou le président de la chambre concernée peut décider de faire juger l'affaire par une formation restreinte de trois magistrats. Cette formation peut renvoyer l'examen du pourvoi à l'audience de la chambre, à la demande de l'une des parties ; le renvoi est de droit si l'un des magistrats composant la formation restreinte le demande. »

Comme l'avait fait observer en 1994 M. André Perdriau, doyen honoraire de la Cour de cassation, dans un excellent article consacré aux formations restreintes (JCP 1994. n° 3768), les attributions de celles-ci « dépendent donc, non pas du contentieux en cause, non plus que de la nature de la décision attaquée, mais de la valeur procédurale du pourvoi et du degré de pertinence des moyens que celui-ci met en oeuvre » .

Sans aucunement prétendre à l'exhaustivité, on peut citer comme exemples d'affaires dont la solution « paraît s'imposer » :

- les pourvois manifestement irrecevables : absence d'avocat dans une affaire où la représentation est obligatoire : pourvoi contre une décision susceptible d'appel : pourvoi non accompagné d'une copie de la décision attaquée... ;

- les pourvois soulevant un point de droit faisant l'objet d'une jurisprudence constante que le demandeur n'envisage même pas de remettre en cause :

- les pourvois qui doivent manifestement donner lieu à cassation en raison d'une méconnaissance flagrante par les juges du fond d'une règle essentielle telle que le prononcé public de la décision.

Après des débuts difficiles -puisque jusqu'en 1985 les formations restreintes rendaient moins d'un millier d'arrêts par an-, le nombre de décisions rendues par ces formations n'a cessé de croître depuis une dizaine d'années. Il dépassait 6 000 en 1993. Il a été de 10 178 en 1995, comme le retrace le tableau ci-après (établi d'après le dernier rapport annuel de la Cour de cassation).

Décisions rendues en formation restreinte en 1995

Chambres

Nombre de décision

Part dans le total des décisions rendues par la chambre

Évaluation de nombre de décision par rapport à 1994

1ère civile

1392

68,20 %

- 23,07 %

2ème civile

938

53,23 %

- 48,69 %

3ème civile

812

34,74 %

- 34,43 %

commerciale

1535

65,06 %

-3,15%

sociale

5 501

79,20 %

-56,58 %

II. LE PROJET DE LOI ADOPTÉE PAR LE SÉNAT EN 1994

Le projet de loi adopté par le Sénat le 6 octobre 1994 tendait à créer, au sein de chacune des cinq chambres civiles, une ou plusieurs formations d'admission des pourvois en cassation.

Cette formation, composée de trois magistrats désignés chaque année par le Premier président sur proposition du président de la chambre concernée et après avis du Procureur général, devait examiner, après le dépôt des mémoires, toutes les affaires distribuées à la chambre, sous réserve du pouvoir du premier président de renvoyer directement une affaire urgente à la formation de jugement.

La formation d'admission avait pour fonction de rejeter, par décision juridictionnelle -et donc motivée-, les pourvois manifestement irrecevables ou dépourvus de tout moyen de cassation sérieux. En revanche, elle ne disposait pas de la faculté de casser les arrêts.

Comme l'avait alors fait observer votre rapporteur, la création d'une formation d'admission s'inspirait d'expériences récentes, et notamment :

- de la commission d'admission des pourvois en cassation du Conseil d'État, créée en 1987, qui permet d'écarter chaque année près des trois quarts des pourvois en cassation présentés devant le Conseil d'État ;

- d'une expérience menée au sein de la première chambre civile : « Actuellement, une "formation restreinte spéciale" fonctionne au sein de cette chambre. Elle comprend le président et le doyen ainsi que le conseiller référendaire chargé de procéder à la distribution des dossiers entre les magistrats de la chambre. À l'occasion de cette distribution, ce conseiller référendaire prend personnellement en charge des dossiers dont un premier examen rapide lui donne à penser que la solution (de rejet ou de cassation) s'impose. Après une étude approfondie de ces dossiers, il les présente à la "formation restreinte spéciale " qui statue au fond si la solution est effectivement évidente ou renvoie à un conseiller rapporteur dans l'hypothèse inverse. Cette procédure permettrait d'examiner environ 12 % des dossiers soumis à la première chambre civile.

Une expérience similaire est également conduite au sein de la chambre commerciale depuis 1993. » (rapport Sénat 1993-1994, n° 619, p. 24).

Il avait également été précisé que le projet de loi ne visait aucunement à une résurgence de la chambre des requêtes, supprimée par la loi du 23 juillet 1947. Émanation de la chambre au sein de laquelle elle devait être constituée, la formation d'admission n'aurait donc pas constitué une structure autonome, tentée de développer sa propre jurisprudence comme avait pu le faire la chambre des requêtes. Le Sénat avait par ailleurs prévu, à l'initiative de votre commission des Lois, non seulement un roulement annuel des membres des formations d'admission mais également la faculté pour ceux-ci de siéger au sein des autres formations de la Cour de cassation et notamment des formations de jugement.

III. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE RETRAIT DE L'ORDRE DU JOUR DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR LE SÉNAT

La commission des Lois de l'Assemblée nationale avait accueilli favorablement le projet de loi adopté -et, selon elle, « amélioré » - par le Sénat. Dans son rapport écrit (AN - n° 1653), M. Raoul Béteille jugeait la réforme proposée à la fois « indispensable » et « prudente » .

Même si certaines modifications du dispositif étaient proposées -relatives à la nomination des magistrats des formations d'admission, que la commission souhaitait réserver aux seuls présidents de chambre, et aux critères permettant de refuser l'admission d'un pourvoi-, le principe même de l'institution d'une ou plusieurs formations d'admission au sein de chaque chambre civile paraissait admis.

L'Assemblée nationale devait même rejeter en séance publique une question préalable déposée et défendue par M. Jean-Pierre Michel.

Pourtant, lors de la discussion des articles, l'Assemblée nationale devait adopter -par 25 voix contre 14- les amendements de suppression de l'article premier déposés, d'une part, par M. le Président Pierre Mazeaud et, d'autre part, par les membres du groupe socialiste.

Défendant son amendement de suppression, M. Mazeaud avait notamment insisté sur l'opposition des présidents de chambre de la Cour de cassation. 11 avait également rappelé l'utilité des formations restreintes et estimé que la véritable réforme devait « se faire en amont afin d'éviter un trop grand nombre de pourvois». Il s'était d'ailleurs déclaré « prêt, en tant que président de la commission des Lois, à participer avec la Chancellerie à une réflexion commune » à cette fin.

Les quatre autres articles du projet de loi furent ensuite rejetés par l'Assemblée nationale avant que le Gouvernement retire le projet de loi de son ordre du jour.

B. LA PROPOSITION DE LOI DU PRÉSIDENT PIERRE MAZEAUD

À la fin de la session 1995-1996. M. le Président Mazeaud déposait une proposition de loi, annexée au présent rapport, afin de créer « une formation d'admission au sein des chambres civiles de la Cour de cassation » .

L'exposé des motifs de cette proposition de loi se fondait sur la nécessité « de réagir contre l'asphyxie qui étouffe la Cour et finirait par mettre en péril la qualité même des décisions rendues (...). Son auteur n `a pas oublié qu'il avait lui-même quelque peu contribué à différer la mise en place d'un mécanisme de filtrage, objet d'un projet de loi au début de l'actuelle législature, troublé qu'il était par l'absence de consensus autour des modalités proposées. C'est pourquoi il lui tient tout particulièrement à coeur de réamorcer une réforme indispensable » .

Le dispositif proposé par M. Pierre Mazeaud s'inspirait dans une large mesure du projet de loi adopté par le Sénat en 1994. En particulier, il reprenait le principe de la création d'une formation d'admission au sein de chaque chambre civile chargée de rejeter certains pourvois. Les différences entre les deux textes portaient sur quatre points :


• alors que le projet de loi adopté par le Sénat avait prévu la création d'une ou plusieurs formations d'admission au sein de chaque chambre -afin notamment de prendre en compte la spécialisation des magistrats- la proposition du Président Mazeaud n'instituait qu'une seule formation par chambre :


• cette proposition était silencieuse sur le mode de désignation des membres des formations d'admission, l'exposé des motifs soulignant qu'il était de la compétence du pouvoir réglementaire ;


• elle était également silencieuse sur la faculté -expressément reconnue par le texte du Sénat- pour les membres d'une formation d'admission de siéger au sein des autres formations de la Cour de cassation ;


• enfin, le projet de loi et la proposition de M. Mazeaud différaient quelque peu sur les critères de refus d'admission d'un pourvoi : si tous deux retenaient l'irrecevabilité manifeste et le défaut de tout moyen sérieux de cassation, la proposition de loi y ajoutait le fait de ne pas arguer « de la violation d'un texte précis ou d'un principe général du droit par la décision attaquée » .

C. LE DISPOSITIF RETENU PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 3 octobre .1996 et soumise à notre examen, se distingue nettement du texte adopté par le Sénat en 1994 -et donc du texte initial de la proposition de M. Mazeaud-.

En effet, l'idée de créer une formation d'admission n'a pas été reprise par l'Assemblée nationale qui lui a préféré celle d'un renvoi systématique des affaires -sauf intervention du premier président ou du président de la chambre concernée- à une formation de trois magistrats.

Selon le texte adopté par nos collègues députés, cette formation « statue immédiatement », « lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer » . Elle peut donc non seulement rejeter un pourvoi, mais aussi, à la différence de ce qu'avait prévu le Sénat, prononcer la cassation.

Une affaire ne viendrait donc devant la chambre elle-même (composée d'au moins cinq membres ayant voix délibérative) que dans deux séries d'hypothèses :

- par renvoi de la formation de trois magistrats lorsque la solution du pourvoi ne paraîtrait pas s'imposer :

- par renvoi direct décidé par décision non motivée par le premier président ou le président de la chambre ou leurs délégués (d'office ou à la demande du procureur général ou de l'une des parties).

Cette solution -qui entérine l'expérience ci-dessus évoquée menée notamment au sein de la première chambre civile- inverse le dispositif actuellement prévu par le code de l'organisation judiciaire. En effet, en l'état actuel du droit, les affaires viennent en principe devant la chambre et ne sont renvoyées à une formation restreinte de trois magistrats que sur décision du premier président ou du président de chambre lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer.

En séance publique, le rapporteur de l'Assemblée nationale. M. Raoul Béteille a parfaitement présenté l'économie de ce dispositif : « plutôt que de créer dans chaque chambre civile une nouvelle formation qui serait chargée de refuser l'admission des pourvois téméraires, sorte de chambre des requêtes particulière à chaque chambre civile, il a paru opportun d'utiliser le dispositif déjà existant en application des lois du 3 janvier 1979 et du 6 août 1981. qui ont créé la formation dite "restreinte" de trois magistrats, pouvant aussi bien casser que rejeter quand la solution du pourvoi parait s'imposer. Elle est saisie par le premier président ou le président de la chambre, et elle renvoie à la formation normale de cinq membres à la demande d'un magistrat de la formation restreinte ou de l'une des parties.

« Ce que je vous propose, c'est non pas de créer une nouvelle formation chargée de filtrer les recours ensuite jugés en formation restreinte ou ordinaire, mais de poser en principe dans la loi l'examen de toutes les affaires distribuées à une chambre par une formation restreinte de trois magistrats, qui existe déjà, le renvoi à la chambre composée au moins de cinq magistrats étant désormais l'exception » .

IV LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

Comme en 1994, votre commission des Lois juge nécessaire de trouver une solution à l'asphyxie qui menace la juridiction suprême de notre ordre judiciaire.

Ainsi qu'ont pu le constater, outre votre rapporteur et le président Jacques Larché, nos excellents collègues Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Robert Pagès et François Giacobbi, lors d'une rencontre avec M. le premier président, M. le procureur général et les présidents de chambre, le dispositif retenu par l'Assemblée nationale apparaît comme une solution consensuelle. Il a en effet reçu l'approbation du Bureau de la Cour de cassation et de l'ordre des avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.

Certes, ses effets, tout au moins à court terme, seront sensiblement limités par le fait que ce dispositif ne fait que consacrer une pratique déjà largement développée. Mais la proposition de loi présente l'avantage d'assurer la pérennité d'une méthode d'examen des pourvois qui a fait la preuve de son efficacité.

Votre commission des Lois approuve donc, dans son principe, le dispositif adopté par nos collègues députés. Elle vous propose cependant d'en modifier quelque peu la rédaction afin, d'une part, de prendre en considération les spécificités de la chambre criminelle (A) et, d'autre part, de préciser les cas dans lesquels les formations restreintes seront compétentes pour statuer sur le fond de l'affaire (B).

Par ailleurs, votre commission vous propose de compléter le texte soumis à notre examen en modifiant les règles relatives à la composition de l'assemblée plénière (C).

A. LA PRISE EN COMPTE DES SPÉCIFICITÉS DE LA CHAMBRE CRIMINELLE

Aux termes de l'article L. 121-3 du code de l'organisation judiciaire, « la Cour de cassation comprend des chambres civiles et au moins une chambre criminelle » . Le législateur a donc expressément reconnu le particularisme du contentieux soumis à la chambre criminelle, appelée à connaître des affaires touchant directement à la liberté individuelle.

Cette spécificité s'est traduite sur le plan de la procédure, l'article L. 111-3 du même code précisant que « la compétence de la chambre criminelle est déterminée par les articles 567 et suivants du code de procédure pénale et par les lois spéciales qui la prévoient ou l'impliquent » . Parmi ces règles particulières de procédure, on peut citer, sans prétendre à l'exhaustivité :

- l'article 567-2 du code de procédure pénale, qui impose à la chambre criminelle de statuer dans les trois mois lorsqu'elle est saisie d'un pourvoi contre un arrêt de la chambre d'accusation rendu en matière de détention provisoire -faute de quoi la personne détenue est mise d'office en liberté- ;

- l'article 568, qui limite en principe à cinq jours francs à compter de la décision -contre deux mois en matière civile- le délai pour se pourvoir en cassation ;

- l'article 574-1, imposant à la chambre criminelle saisie d'un pourvoi contre un arrêt portant mise en accusation de statuer dans les trois mois.

Ces règles spécifiques entraînent notamment deux séries de conséquences :

- d'une part, elles placent la chambre criminelle dans une situation atypique pour ce qui concerne la durée de traitement des affaires : de 1989 à 1996, les pourvois non soumis à un délai légal ont, en moyenne, été jugés selon les années, entre 5,5 et 7 mois à compter de leur enregistrement au service pénal de la Cour de cassation ; les pourvois soumis à délai légal ont quant à eux été jugés entre 2 et 2,5 mois, en moyenne, à compter de leur enregistrement. Ces délais sont à rapprocher du délai moyen de 17 mois évalué pour les chambres civiles ;

- d'autre part, s'agissant tout au moins des affaires soumises à un délai légal d'examen, le dispositif de la proposition de loi pourrait se révéler problématique pour celles dont la solution ne paraîtrait pas s'imposer. En effet, dans une telle hypothèse, le temps pourrait manquer pour, après un premier examen par une formation restreinte, renvoyer l'affaire à l'audience.

Certes, le premier président ou le président de la chambre pourrait utiliser son pouvoir d'évocation et renvoyer directement l'affaire à l'audience. Mais il n'est guère de bonne technique législative de poser un principe dont on sait qu'il deviendra en pratique l'exception.

Par ailleurs, s'agissant de problèmes touchant directement à la liberté individuelle, le fait de confier en principe la décision sur la cassation à une formation restreinte pourrait nuire à l'autorité de la chambre criminelle et ce inutilement puisque, en pratique, les affaires ne soulevant aucune difficulté -telles que celles dans lesquelles le pourvoi n'est pas soutenu- sont en pratique jugées fort rapidement en début d'audience.

Ces considérations ont conduit votre commission à estimer que la présente proposition de loi ne devait pas être applicable en l'état à la chambre criminelle. Cela ne signifie pas que celle-ci ne doit pas pouvoir statuer en formation restreinte. Bien au contraire, l'expérience montre que cette formation peut se révéler utile dans certaines circonstances -notamment pour constater l'amnistie des centaines de contraventions soumises à la Cour à la veille d'une élection présidentielle-. Mais, à la différence des chambres civiles, la chambre criminelle doit continuer à y recourir de manière exceptionnelle.

C'est pourquoi votre commission vous propose de conserver le dispositif actuel pour ce qui concerne la chambre criminelle. Une formation restreinte n'interviendrait donc que sur. l'initiative du premier président ou du président de la chambre lorsque la solution du pourvoi lui paraîtrait s'imposer.

B. LE DOMAINE DE COMPÉTENCE DES FORMATIONS RESTREINTES

Le domaine de compétence des formations restreintes tel que défini par la proposition de loi suscite une interrogation. C'est en effet « lorsque la solution du pourvoi lui parait s'imposer » que la formation restreinte est appelée à statuer, et ce « immédiatement ». Doit-on en conclure que la Cour de cassation pourrait rendre des arrêts sur la base d'une apparence ?

Il va sans dire que tel ne saurait être le cas et que la formation restreinte statuera non pas lorsque la solution lui paraîtra s'imposer mais lorsqu'elle s'imposera.

Certes, votre commission constate que, sur ce point, la proposition de loi ne fait que reprendre le texte de l'actuel article L. 131-6 du code de l'organisation judiciaire. Celui-ci. rappelons-le, permet au premier président ou au président de la chambre de renvoyer une affaire à une formation restreinte « lorsque la solution du pourvoi lui parait s'imposer ». Mais il s'agit de prendre une décision d'administration judiciaire et non une décision de fond.

Votre commission vous propose donc de définir ainsi le domaine de compétence de la formation restreinte « cette formation statue lorsque la solution du pourvoi s'impose » .

C. LA COMPOSITION DE L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE

Les personnes entendues par votre rapporteur ont jugé trop lourde la composition actuelle de l'assemblée plénière.

Celle-ci comprend en effet vingt-cinq magistrats (premier président, présidents et doyens des chambres ainsi que deux conseillers par chambre) et donne lieu à de longues réunions.

En 1995, quinze affaires ont été soumises à l'assemblée plénière.

Votre commission vous propose de réduire les effectifs de cette formation à dix-neuf membres, en ramenant de deux à un le nombre de conseillers de chaque chambre.

*
* *

Au-delà de ces propositions d'amendements, votre commission a émis le voeu d'une modification du Nouveau Code de Procédure Civile afin d'exiger que le mémoire du demandeur en matière civile soit soumis à un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation. Il ne s'agirait aucunement de généraliser la représentation obligatoire une fois le pourvoi déposé mais simplement d'exiger que tout pourvoi soit, préalablement à son dépôt, examiné par un avocat au Conseil. Celui-ci pourrait alors jouer un rôle de « filtre » en attirant l'attention du demandeur sur l'absence de tout moyen sérieux de cassation et sur le risque d'être condamné pour recours abusif à l'amende de 20 000 F.

Une telle modification réglementaire remédierait à la situation atypique dans laquelle se trouve actuellement la France, avec l'Irlande, au sein de l'Union européenne. Elle devrait constituer un facteur appréciable de limitation du nombre de pourvois dépourvus de tout moyen sérieux, voire abusifs. Elle est d'ailleurs souhaitée non seulement par les magistrats du Bureau de la Cour de cassation, mais également par une organisation syndicale, la CFDT, qui a officiellement estimé possible -sous réserve de réformer le droit à l'aide juridictionnelle en conséquence- d'envisager de rendre obligatoire le recours à un avocat au Conseil pour le demandeur.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter la présente proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel avant l'article premier - Composition de l'assemblée plénière

Avant l'article premier, votre commission vous propose un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de modifier l'article L. 121-6 du code de l'organisation judiciaire relatif à la composition de l'assemblée plénière.

En l'état actuel du doit, celle-ci comprend vingt-cinq magistrats :

- le premier président de la Cour de cassation (ou, en cas d'empêchement le plus ancien des présidents de chambre) ;

- les présidents et les doyens des chambres ;

- deux conseillers de chaque chambre.

Il est apparu souhaitable à plusieurs personnes entendues par votre rapporteur de ramener à dix-neuf le nombre de magistrats de l'assemblée plénière sans pour autant remettre en cause le caractère quelque peu solennel de cette formation. Celle-ci continuerait en effet à comprendre les plus hauts magistrats de la Cour de cassation, à savoir le premier président ainsi que les présidents et doyens des chambres. Le nombre de conseillers de chaque chambre serait ramené de deux à un.

Avec dix-neuf membres, l'assemblée plénière demeurerait la formation de jugement la plus étoffée (à titre de comparaison, on rappellera qu'une chambre mixte composée de trois chambres comprend treize magistrats).

Article premier - Examen des affaires par une formation de trois magistrats

Disposition clé de la proposition de loi, cet article vise à réécrire l'article L. 131-6 du code de l'organisation judiciaire afin de prévoir l'examen des affaires par une formation de trois magistrats appartenant à la chambre à laquelle elles ont été distribuées.

En sa rédaction actuelle, qui résulte de la loi du 6 août 1981, cet article L. 131-6 exige en principe un quorum de cinq membres au moins ayant voix délibérative pour que les chambres puissent rendre les arrêts.

Il permet cependant le jugement d'une affaire par une formation restreinte de trois magistrats sur décision du premier président ou du président de la chambre concernée lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer. La formation restreinte peut toutefois renvoyer l'examen du pourvoi à l'audience de la chambre à la demande de l'une des parties ; le renvoi est de droit s'il est demandé par l'un de ses trois magistrats.

Le dispositif proposé par le présent article premier constitue en quelque sorte une inversion du mécanisme actuel : les affaires seraient renvoyées à une formation de trois magistrats qui statuerait immédiatement lorsque la solution du pourvoi lui paraîtrait s'imposer. Dans le cas contraire, elle renverrait l'examen du pourvoi à l'audience de la chambre.

Une possibilité de renvoi direct devant la chambre est toutefois prévue. Il serait décidé par le premier président ou le président de la chambre concernée -ou leurs délégués- d'office ou à la demande du procureur général ou de l'une des parties. Une telle décision, qui constituerait une mesure d'administration judiciaire, n'aurait pas à être motivée.

Compte tenu de ce dispositif, une affaire ne viendrait à l'audience de la chambre elle-même (composée d'au moins cinq magistrats ayant voix délibérative) que dans deux séries d'hypothèses :

- par renvoi de la formation de trois magistrats lorsque la solution du pourvoi ne paraîtrait pas s'imposer ;

- par renvoi direct décidé par décision non motivée par le premier président ou le président de la chambre ou leurs délégués.

Pour les raisons indiquées dans l'exposé général du présent rapport, votre commission, qui approuve le principe de ce nouveau dispositif, vous soumet deux séries d'amendements :


• un amendement concernant le domaine de compétence de la formation restreinte

Cet amendement opère une nouvelle rédaction de la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 131-6. Cette phrase est actuellement rédigée comme suit : « lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer, cette formation statue immédiatement » . Cette formulation paraît contestable à un double titre :

- d'une part, elle sous-entend que la Cour de cassation pourrait se contenter d'une apparence pour rendre des arrêts. Certes, l'expression « lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer » existe dans le texte actuel de l'article L. 131-6. Mais elle n'est que la justification d'une décision d'administration judiciaire et non d'une décision sur le fond ;

- d'autre part, la phrase précitée, qui devrait se limiter à définir le champ de compétence de la formation restreinte, exige expressément que l'arrêt soit rendu immédiatement. Il paraît évident que ce sera le cas. Point n'est besoin de le préciser et de laisser penser que le législateur ait pu un seul instant soupçonner la Cour de cassation de faire traîner des affaires inutilement.

Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission préfère à la rédaction précitée la formulation suivante : « Cette formation statue lorsque la solution du pourvoi s'impose » .


deux amendements prenant en compte les spécificités de la chambre criminelle

La chambre criminelle présente des spécificités par rapport aux chambres civiles : existence de délais légaux pour l'examen des affaires, contentieux touchant directement à la liberté individuelle, délai moyen de jugement trois à quatre fois inférieur à celui des chambres civiles.

Ces raisons font obstacle à la généralisation du dispositif des formations restreintes devant la chambre criminelle.

Ces formations pouvant néanmoins présenter une utilité, votre commission vous propose deux amendements tendant à s'en tenir, pour ladite chambre, au dispositif actuellement en vigueur :

- le premier amendement limite aux chambres civiles le champ d'application du dispositif de la proposition de loi ;

- le second amendement reprend, pour la chambre criminelle, le droit actuel : faculté pour le premier président ou le président de la chambre de renvoyer une affaire à une formation restreinte lorsque la solution du pourvoi lui paraît s'imposer ; possibilité pour cette formation de renvoyer l'affaire à l'audience à la demande de l'une des parties, ce renvoi étant de droit si l'un des magistrats composant la formation restreinte le demande.

Votre commission vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié.

Article 2 - Quorum exigé pour l'audience de la chambre

Cet article vise à insérer au sein du code de l'organisation judiciaire un article L. 131-6-1 afin d'exiger la présence d'au moins cinq membres ayant voix délibérative à l'audience de la chambre.

Ce faisant, la proposition de loi ne fait que reprendre l'exigence posée actuellement par l'article 131-6 dudit code.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 3 - Chambres mixtes et assemblée plénière

Cet article vise à insérer au sein du code de l'organisation judiciaire un article L. 131-6-2 afin de reprendre textuellement le troisième alinéa de l'actuel article L. 131-6.

Cet alinéa prévoit que les chambres mixtes et l'assemblée plénière ne peuvent siéger que si tous les membres qui doivent les composer sont présents. Il prévoit également les modalités de désignation d'un membre en cas d'empêchement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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