3. Les transferts de responsabilités et de charges
Depuis plusieurs années, l'État confie à d'autres, collectivités locales ou partenaires sociaux, le soin de gérer certaines actions, dans le but notamment d'intervenir au plus près des besoins. A cela s'ajoute les contraintes budgétaires qui poussent à transférer les financements.
a) L'allocation de formation reclassement (AFR)
Ainsi, en est-il de l'allocation de formation reclassement, financée en grande partie par un versement de l'État à l'UNEDIC. De 5,088 milliards en 1996, ce versement revient à 2,451 milliards (-52,3 %), la différence (2,66 milliards) étant mise à la charge de l'UNEDIC. Ce transfert nécessite toutefois l'accord des partenaires sociaux. Des discussions avec l'UNEDIC sont prévues pour mettre en oeuvre ces nouvelles conditions de prise en charge des chômeurs en formation.
Vos rapporteurs n'ont pas à formuler d'objections à ce transfert : actuellement la part de l'État dans cette prise en charge est de 82,5 %. Elle serait ramené à 40 %. Le fort taux actuel de prise en charge par l'État pouvait présenter un avantage pour le régime d'assurance chômage, car l'AFR, en grande partie financé par l'État, était moins onéreuse pour lui que le versement de l'allocation unique dégressive. Mais il présentait peut-être aussi l'inconvénient d'inciter à orienter les demandeurs d'emploi vers cette mesure, dont le rapport annuel de 1TGAS a jugé l'efficacité très relative en terme d'insertion (essentiellement faute d'emploi). On peut donc penser que le nombre des bénéficiaires (98.300 en 1995) baissera dans les années à venir.
b) L'inscription des demandeurs d'emploi
Pour assurer le financement du transfert de l'inscription des demandeurs d'emploi de l'ANPE à l'UNEDIC, 250 millions sont prévus (BCC, cf. agrégat I).
Le transfert des inscriptions des demandeurs d'emploi à l'UNEDIC avait été préconisé par un rapport de l'IGAS (mai 1994) rédigé en application de la loi quinquennale du 20 décembre 1993. Une expérimentation a été menée à partir de mars 1995 sur sept ASSEDIC et 28 agences locales pour l'emploi. Elle s'est révélée particulièrement positive pour les demandeurs d'emploi : 80 % d'entre eux considèrent le système plus clair et plus efficace ; le délai d'instruction d'un dossier a été ramené en moyenne de 25 à 9 jours, notamment en recourant plus facilement aux pré-inscriptions téléphoniques.
La généralisation du transfert a été décidée au printemps 1996 et une convention UNEDIC-ANPE a été signée le 7 juillet 1996. 30 % du volume des inscriptions devrait être transféré à la fin de 1996, la totalité à la fin de 1997.
Le transfert a permis à l'UNEDIC d'augmenter ses points d'accueil sans augmenter dans les mêmes proportions ses frais.
Il s'agit donc, aux yeux de vos rapporteurs, d'une avancée intéressante, tant pour les demandeurs d'emploi que pour l'UNEDIC et l'ANPE.
c) L'activation des dépenses passives
Au titre des transferts de responsabilité et de charges, il convient également d'évoquer les mesures d'activation des dépenses passives d'indemnisation : les conventions de coopération et l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE).
• Les conventions de coopération
Les conventions de coopération ont été instituées à titre expérimental par l'accord du 8 juin 1994 « relatif aux formes expérimentales d'intervention particulière du régime d'assurance chômage en faveur du reclassement des allocataires », et reconnues par la loi du 4 février 1995. Les premiers résultats de ce dispositif n'étaient pas à la hauteur des attentes. Les partenaires sociaux ont alors conclu un avenant à l'accord, le 6 juillet 1995.
Plus attractif, le nouveau dispositif permet aux entreprises affiliées au régime d'assurance chômage, de recevoir, selon des modalités simplifiées, le montant de l'AUD perçue par les demandeurs d'emploi (inscrits depuis au moins huit mois) au moment de leur embauche, pendant douze mois ; les salariés recouvrent l'intégralité de leurs droits, sans imputation de la période de travail, s'ils perdent de nouveau leur emploi. Le nouveau dispositif a considérablement relancé les embauches. Le bilan au 29 octobre 1996, fourni par l'UNEDIC, est le suivant.
Depuis 1994, 269 conventions de coopération ont été signées pour un potentiel de 22 539 emplois.
Les 10 699 embauches constatées au 29 octobre 1996, concernent 7.059 contrats à durée indéterminée (CDI) soit 66,0 % au lieu de 64,4 % fin juin, 3.640 contrats à durée déterminée (CDD) ont été signés, soit 34,0 % des embauches contre 35,6 % fin juin. La durée moyenne des contrats à durée déterminée est de 10 mois.
Les bénéficiaires sont pour 70,4 % des hommes (7.530), alors qu'ils représentaient 70,7 % fin juin.
Depuis la mise en oeuvre des conventions de coopération, on peut observer une progression des embauches s'établissant ainsi que l'indique le graphique ci-après.
La montée en charge du dispositif des conventions de coopération, très lente au démarrage, s'est intensifiée en septembre 1995. On observe ensuite une forte progression des embauches à compter de janvier 1996, puis une nouvelle accélération en mars 1996. Depuis cette date, les entrées dans le dispositif s'effectuent sur un rythme moyen supérieur à 1.400 embauches par mois (1.500 en octobre).
Les 10 699 embauches se répartissent de la façon suivante : - selon la taille des entreprises
La grande majorité des embauches se réalise dans les PME de moins de 50 salariés (87,7 %). Ce pourcentage continue d'augmenter puisqu'il était égal à 87,0 % fin juin. On note que plus du tiers (39,2 %) des embauches relèvent de petites entreprises de moins de 5 salariés.
- selon le secteur d'activité
Le secteur tertiaire reste le secteur privilégié des embauches en convention de coopération. En effet, 65,2 % des emplois relèvent de ce secteur contre 63,8 % fin juin. A l'inverse, le secteur de l'industrie voit diminuer la part de ces embauches (24,0 % fin octobre contre 26,2 % fin juin).
- selon l'âge des bénéficiaires
Cette mesure touche, pour plus de la moitié, des bénéficiaires âgés de moins de 40 ans (58,4 %). La part des jeunes de moins de 25 ans augmente (8,3 % contre 7,7 % en juin), alors que l'on assiste à un tassement des plus de 50 ans (9,0 % contre 9,2 % en juin).
- selon les qualifications
Conventions coopération |
R.A.C. 1 |
|
manoeuvre ouvrier employé technicien cadre |
2,4 % 25,2 % 30,6 % 19,1 % 22,7 % |
5,8 % 41,2 % 38,9 % 9,7 % 4,4 % |
Total |
100 % |
100 % |
(1) Régime d'assurance chômage
Par qualification, on constate que la structure diffère totalement de celle observée sur l'ensemble des allocataires du régime d'assurance chômage où 80,1 % d'entre eux sont ouvriers ou employés et seulement 14,1 % sont de qualification supérieure.
Les techniciens et cadres bénéficient en effet plus largement du système. Ces qualifications représentent 41,8 % des embauches en conventions de coopération.
Les salaires bruts mensuels s'échelonnent entre 2.000 F et 67.000 F. Le salaire brut moyen est égal à 11.227 F contre 11.447 F en juin dernier, alors que le salaire moyen de référence des bénéficiaires du régime d'assurance chômage est de l'ordre de 8.200 F. Ceci s'explique par une proportion nettement plus élevée de cadres et agents de maîtrise entrant en convention de coopération. La distribution des salaires est donc très asymétrique. Un petit nombre de salaires élevés tire la moyenne vers le haut, alors que 50 % des salaires sont inférieurs à 8.700 F.
Jui-96 |
Oct-96 |
|||
Moins de 5.000 F |
178 |
3,2 % |
342 |
3,2 % |
5.000 à 10.000 F |
2.913 |
52,9 % |
5.840 |
54,6 % |
10.000 à 20.000 F |
1.755 |
31,9 % |
3.340 |
3 1,2 % |
20.000 et plus |
657 |
11,9 % |
1.177 |
11,0 % |
Total |
5.503 |
100,0 % |
10.699 |
100,0 % |
Les salaires mensuels inférieurs à 6.406,79 F (valeur du SMIC au 1er juillet 1996) correspondent à des emplois à temps partiel dont l'intensité hebdomadaire varie entre 6 heures et 37 heures. Ce type d'emploi représente 5,6 % de l'ensemble.
Jui-96 |
Oct-96 |
|
moins de 10000F |
2,1 % |
2,1 % |
10000F à 30000F |
13,5 % |
13,7 % |
30000 à 100000F |
57,8 % |
59,0 % |
100000F et plus |
26,5 % |
25,2 % |
Total |
100 % |
100 % |
Le montant total de l'aide au reclassement versée par le régime d'assurance chômage varie entre 1.114 F et 385.200 F, le montant moyen de l'aide se situant à 77.946 F contre 79.949 F en juin.
50 % des embauches correspondent à une aide supérieure à 61.056 F.
La totalité des sommes déclarées par le régime d'assurance chômage lors de l'adhésion à une convention de coopération correspondrait à un allégement du coût de l'emploi de 40,4 % au cours de l'année d'embauche par rapport au salaire brut chargé (y compris les charges employeurs), ceci dans l'hypothèse où l'aide de reclassement est versée dans son intégralité.
Au vu des documents comptables, les sommes déjà payées au cours de l'année 1995 sont de 6,4 millions. Au 30 septembre 1996, 265 millions ont été versés dans le cadre de ce dispositif au titre de l'année en cours.
L'ensemble des embauches effectuées (10.699) représentent un engagement brut de dépenses de 833,9 millions de francs.
Au 29 octobre 1996, 11,1 % des personnes embauchées en convention de coopération étaient sorties du dispositif (1.187). Les sorties qui résultent de la fin normale du versement de l'aide commencent à devenir significatives. Celles-ci sont au nombre de 415, ce qui représente 35,0 % des sorties. Mais ce sont, pour l'instant, essentiellement des fins de contrats à durée déterminée (69,8 %).
Parmi les bénéficiaires parvenus à l'issue normale de la convention et dont on connaît alors la situation, 37,1 % d'entre eux sont maintenus dans leur contrat et 28,1 % obtiennent un nouveau contrat de travail. Toutefois, plus du quart (27,4 %) redevient demandeur d'emploi. Enfin 7,4 % sont déclarés inactifs ou bénéficiaires d'un nouveau contrat aidé. La situation est répartie différemment selon le type de contrat. Ainsi, les personnes embauchées dans le cadre d'un CDI sont presque toutes maintenues dans leur contrat (88,4 %). La moitié des salariés en CDD est titulaire d'un nouveau contrat, 38,1 % étant à nouveau demandeur d'emploi.
Les ruptures anticipées sont au nombre de 772 (65,0 % des sorties) et concernent dans 72,3 % des cas un contrat à durée indéterminée. La majorité d'entre elles (55,2 %) est à l'initiative de l'employeur. Au total, 82 % des sorties relatives à un CDI contre 43 % de CDD sont dues à une rupture anticipée.
• L'allocation de remplacement pour l'emploi
(ARPE)
L'ARPE a été instituée par l'accord du 6 septembre 1995 : elle permet, en accord avec l'employeur, la cessation d'activité de salariés ayant cotisé 40 ans et plus à la sécurité sociale et s'élève à 65 % de l'ancien salaire. Elle est financée sur les fonds de l'assurance chômage. En contrepartie des départs, les entreprises s'engagent à procéder à des embauches en nombre équivalent dans les trois mois. Ce dispositif est entré en application le 1er octobre 1995, mais le fonds paritaire pour l'emploi, destiné à le financer, a été créée par la loi du 21 février 1996. Le fonds est doté de 8 milliards pour deux ans. Sauf nouvelle décision des partenaires sociaux, le dispositif s'éteindra à partir du 1er janvier 1997.
Le bilan du dispositif n'est pas tout à fait celui qu'attendaient ses initiateurs : il concerne moins de salariés (60.000 au lieu de 80.000 ou 100.000) et coûtera plus cher (entre 8 et 9 milliards au lieu de 8 au maximum).
Depuis l'entrée en vigueur du dispositif 48 622 décisions d'admissions ont été prononcées sur 53.600 dossiers déposés et 45.138 premiers paiements ont été effectués. 1.809 cessations de paiement ont déjà été enregistrées, la majeure partie faisant suite à l'atteinte des 60 ans.
Au 30 septembre 1996, on comptait 42.407 allocataires en ARPE.
On observe une très forte proportion d'hommes (69,9 %). Par âge (atteint au 31 août 1996), les bénéficiaires se répartissent en : 20,5 % de moins de 58 ans, 44,3 % de 58 ans, 35,2 % de 59 ans ou plus.
Par groupe de qualification, on constate la répartition suivante : ouvrier, manoeuvre : 44,2 % ; employé : 27,0 % ; technicien, agent de maîtrise : 21,4 % ; cadre : 7,4 %.
Par secteur d'activité, les bénéficiaires se répartissent principalement de la façon suivante : industrie : 45 % ; commerce, réparation auto. : 14 % ; construction : 9 % ; immobilier, intérim : 7 % ; transport et communications : 5 % ; santé et action sociale : 5 % ; autres secteurs : 15 %.
Les bénéficiaires se répartissent de la manière suivante en fonction de la taille de leur établissement d'origine : moins de 10 salariés : 11 % ; 10 à 49 salariés : 23 % ; 50 à 199 salariés : 26 % ; 200 à 499 salariés : 36 % ; 500 salariés et plus : 4 %.
Enfin, fin août, les allocataires de l'ARPE percevaient une allocation journalière brute de 273,01 F en moyenne, soit environ 8 304 F par mois.
Depuis le 1er octobre 1995, on a comptabilisé 1 809 cessations de paiement se répartissant en 1 628 cessations pour fin de droits réglementaires, 35 pour reprise de travail, 46 pour décès et 100 pour autres causes.
Depuis le début du dispositif, le 1er octobre 1995, et jusqu'au 30 septembre 1996, les ASSEDIC ont provisoirement comptabilisé 35.045 embauches compensatrices au départ de salariés en allocation de remplacement pour l'emploi.
Embauches compensatrices de l'ARPE
période du 1er octobre 1995 au 30 septembre 1996
nombre d'embauches selon le type de contrat de travail
Type de contrat |
Effectif |
% |
Contrat à durée déterminée |
818 |
2,3 |
Contrat à durée indéterminée |
34.201 |
97,6 |
Non précisé |
26 |
100,0 |
Source : fichier des embauches compensatrices de l'ARPE
Ce nombre présente un décalage avec le potentiel que représentent les 48 622 décisions d'admissions prononcées par les ASSEDIC, compte tenu du délai prévu de trois mois pour procéder à l'embauche.
Les embauchés sont plutôt jeunes (leur âge moyen est de 30,3 ans), 59,3 % d'entre eux ont moins de 30 ans (dont 38,1 % moins de 26 ans). Ils sont en majorité des hommes (70,7 %).
Les embauches s'effectuent presque uniquement sur des contrats à durée indéterminée (97,6 % des embauchés).
L'horaire mensuel moyen est de 152,4 heures. 75,7 % des embauches compensatrices ont un horaire mensuel de 165 heures ou plus, c'est-à-dire à temps complet. Toutefois, on observe 18,6 % d'embauches sur des horaires mensuels de moins de 130 heures (3/4 temps).
Le cumul des entrées depuis le début de l'application du dispositif aboutit à un engagement global de dépenses :
- de 2.928 millions de francs sur 1996 (non compris décembre 1995 payé en janvier),
- de 2.965 millions de francs sur 1997
- et de 1.220 millions de francs sur 1998
Soit 7.113 millions de francs au total
Le cumul des décisions positives (entrées déjà effectuées et entrées acceptées à venir) aboutit à un engagement total, y compris les entrées dans le dispositif du mois de septembre 1996, de 8.150 millions de francs de 1996 à 1998.
Au total, vos rapporteurs constatent que ces dispositifs, conventions de coopération et ARPE, contribuent efficacement à la lutte contre le chômage. Ils révèlent en outre l'influence du coût du travail dans la décision d'embauche des petites entreprises et la volonté de rajeunir la pyramide des âges dans des plus grosses entreprises.
La question reste cependant posée de savoir si le régime d'assurance chômage doit se transformer pour partie en un mécanisme de redistribution des prélèvements sociaux, ce qui est concevable lorsqu'il connaît des excédents, au lieu de rester un dispositif d'assurance contre le risque de perte d'emploi. Les partenaires sociaux débattront certainement de ce sujet au cours des négociations entamées le 19 novembre dernier. Mais si ces mesures venaient à disparaître, il est évident que l'on constaterait des répercussions sur les chiffres du chômage.
d) La garantie de ressources des travailleurs handicapés
Il convient de rappeler par ailleurs le transfert à l'AGEFIPH du financement de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH) en milieu ouvert 12 ( * ) (245,7 millions pour 12.800 places) prévu par l'article 97 du projet de loi de finances. Vos rapporteurs rappellent que l'AGEFIPH, hors engagement, dispose de 1,3 milliard de réserves. Ils ne jugent donc pas anormal ce transfert de charges qui par ailleurs leur semble correspondre aux missions de l'association.
* 12 La garantie de ressources vise à compenser les abattements de salaires que subissent les personnes hadicapées employées en milieu ordinaire.