B. LA POLITIQUE AUDIOVISUELLE DE LA FRANCE EN 1996-1997
1. Les orientations du rapport Balle
Le rapport a eu le mérite de porter un diagnostic clair, lucide et courageux sur les faiblesses du dispositif institutionnel public en matière d'action audiovisuelle extérieure, mais également sur les insuffisantes performances de nos programmes audiovisuels à l'exportation . Votre rapporteur retiendra surtout l'absence quasi-complète des diffuseurs privés, comme opérateurs sur des marchés locaux, hormis Canal + en Afrique et en Pologne, jusqu'à sa spectaculaire alliance, annoncée en septembre 1996, avec Nethold.
Son analyse financière a porté puisque, dans un contexte financier de rigueur exceptionnelle, le budget de l'action audiovisuelle extérieure a été relativement préservé, en 1996. Il est vrai qu'il eût été peu cohérent d'annoncer, lors du CAEF de novembre 1995, un renforcement de l'effort de l'État dans ce domaine, pour l'abandonner avant même sa mise en oeuvre effective, même si le budget pour 1997 semble mettre entre parenthèses son exécution...
Les premières décisions de mise en oeuvre du rapport améliorant la cohérence du dispositif institutionnel montrent qu'il était grand temps d'apporter un peu de cohérence et de simplification, et de susciter des économies. À cet égard, votre rapporteur note avec satisfaction que certaines propositions de votre commission des finances ont été, sur ce point, suivies d'effet. On s'interroge cependant sur les raisons qui expliquent, sans la justifier, la paralysie de la réforme du pôle télévisuel extérieur.
En revanche, les propositions de remodelage du dispositif institutionnel, pour pertinentes qu'elles fussent, auraient nécessité de profonds bouleversements sans proportion avec les avantages attendus. Au demeurant, la création de nouvelles structures, dont on comprend l'objectif, louable, d'amélioration de l'efficacité du dispositif, n'était pas tout à fait cohérente avec l'effort de simplification préconisée par ailleurs dans le rapport.
S'il est un élément à retenir de ce dernier, c'est bien l'adaptation de l'offre audiovisuelle extérieure à la demande, qui doit bien constituer un préalable à l'augmentation de cette offre. Sur ce point, de profonds efforts devront être faits.
2. La mise en oeuvre du rapport Balle
Le Conseil de l'audiovisuel extérieur de la France du 23 novembre 1995 a affirmé comme priorités :
- la rationalisation et la spécialisation de l'action des opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure et en particulier la constitution de deux pôles opérationnels, l'un regroupant les actions radiophoniques extérieures autour de RFI, l'autre chargé de l'action télévisuelle internationale constitué par un holding à créer et dont le capital sera majoritairement détenu par les sociétés publiques audiovisuelles.
- l'adaptation des programmes à la demande internationale par les régionalisations et l'amélioration de leur contenu ;
- la multiplication de l'offre de programmes par la constitution de bouquets satellitaires régionaux associant des opérateurs privés autant que de besoin.
De nombreuses réunions ont eu lieu au premier semestre associant les opérateurs et les administrations concernées pour mettre en oeuvre les décisions du CAEF, notamment la constitution du pôle radiophonique (rattachement de la SOMERA et de Radio Paris Lisbonne à RFI ; conséquences juridiques de l'entrée de Radio France au Capital de RFI), celle du pôle télévisuel (établissement du cadre juridique de la future société ; définition précise de son organisation et de ses missions) et la mise en place des bouquets satellitaires numériques en Asie, en Afrique et en Amérique Latine.
En particulier, trois axes stratégiques ont été définis :
1. - Le rapprochement entre RFI et la SOMERA s'inscrit dans la constitution du pôle radiophonique. La mise en oeuvre de ce rattachement qui, compte tenu de la dégradation de la situation financière de la SOMERA, passe par l'adoption d'un plan de restructuration, est en cours.
2. - Le bouquet satellitaire en Afrique
Après l'Europe en 1995, c'est en Afrique et en Asie que les pouvoirs publics ont décidé de renforcer d'une façon significative l'offre de programmes satellitaires en 1996 conformément au plan quinquennal de l'action audiovisuelle extérieure
Le rôle de l'État consiste, pour une période déterminée, à prendre en charge de façon dégressive, en fonction des recettes commerciales dégagées, les coûts de diffusion des opérateurs publics et privés afin de les inciter à être présents dans certaines zones ; les opérateurs prennent quant à eux en charge les problèmes de droits.
• La constitution d'un bouquet de chaînes
francophones destiné à
l'Afrique
a
été entreprise dès le début de l'année en
s'appuyant sur MCMI, dont la diffusion sur l'Afrique a commencé en mai,
en analogique, en préfiguration du futur bouquet numérique.
MCMI a été chargée de trouver des partenaires intéressés à venir la rejoindre, sur le canal qui sera numérisé, et de constituer un groupe de travail chargé d'étudier les modalités juridiques, techniques et financières de l'opération.
En l'état actuel des négociations, le bouquet devrait comprendre autour de MCMI, LA CINQUIEME, PLANETE, EURONEWS, une chaîne du groupe AB destinée à la jeunesse, CANAL HORIZONS, CFI et TV5.
Ce bouquet sera diffusé sur le satellite INTELSAT 601.
• S'agissant de
l'Asie,
depuis mai
1996, TV5 et MCM International sont en phase de diffusion expérimentale
en numérique sur ASIASAT 2. Dès la rentrée, les deux
sociétés pourront disposer de décodeurs numériques
destinés à permettre une réception professionnelle
(réseaux câblés et MMDS), dans les grands hôtels et
dans les principales entreprises françaises. Parallèlement un
travail d'adaptation de leurs grilles de programmes à la zone est en
cours.
En fin d'année, la numérisation du signal de CFI sur INTELSAT 704 permettra l'arrivée de nouvelles chaînes françaises et une meilleure efficacité de l'activité de la banque de programmes qui spécialisera sa programmation afin notamment de permettre aux télévisions de la péninsule indochinoise de disposer de programmes en français de qualité.
Au terme d'une mission conduite par votre rapporteur dans quatre pays de la zone, au Japon, en Chine, à Hong-Kong et à Taïwan, du 8 au 24 septembre 1996, dont il sera rendu compte dans un prochain rapport, cette zone lui a paru effectivement prioritaire , compte tenu des insuffisances graves de la présence audiovisuelle française dans cette partie du monde .
• Enfin, une première réunion
exploratoire a eu lieu sur
l'Amérique Latine
.
Le lancement de plusieurs projets de bouquets satellitaires
numériques en réception directe ouvre à l'évidence
de nouvelles possibilités pour les chaînes françaises.
L'objectif est de renforcer l'offre en direction de ces bouquets dès le
début de l'année 1997.
3 - La mise en place du pôle télévisuel extérieur
Contrairement aux intentions initiales, qui devaient conduire à la création, ex-nihilo, de la société constituant le pôle, celle-ci n'est toujours pas créée . Deux éléments expliquent ce retard dommageable .
Tout d'abord, il semble exister un conflit de personnes pour la désignation de son président. Celui-ci sera désigné par son conseil d'administration parmi les représentants de l'État conformément aux décisions du CAEF.
Ensuite, son capital serait détenu majoritairement soit par l'État, soit par les sociétés publiques du secteur selon une répartition qui reste à arrêter. Plusieurs options sont actuellement étudiées. Cependant, aucun CAEF ne devrait être tenu en 1996 avant que ce dossier ne soit débloqué.
3. Le blocage de la réforme de l'action audiovisuelle extérieure
Le rapport Balle eut pour mérite de poser les jalons d'une stratégie audiovisuelle extérieure. La restructuration de cette politique autour de priorités nettement définies clarifierait une action jusque-là brouillonne. Les réformes de structure proposées, comme le holding TéléFi, s'inspirant des propositions de votre rapporteur, relatives à l'agence mondiale de l'audiovisuel français, celui-ci ne peut que les approuver.
Mais rationaliser cette action n'a pas encore été fait.
À quoi a servi le Conseil de l'Audiovisuel Extérieur de la France de décembre 1995 qui a réaffirmé l'ambitieux plan de développement quinquennal 1994-1998, puisque sa mise en oeuvre a été reportée de 1997 à plus tard ?...
Pourquoi avoir travaillé du mois de décembre 1995 au mois de septembre 1996 sur un schéma de rapprochement par métier ?
Pourquoi, après avoir prévu que les opérateurs de télévision extérieure, TV5 et CFI, devraient être adossés à France Télévision, comme l'annonçait à Hourtin le ministre de la Culture chargé de la communication, au mois d'août 1996, et procéder ensuite à une volte-face aussi subite que mystérieuse ?
On parle, en effet, maintenant d'un rapprochement par action , TV5 et CFI devant être pris en charge par RFI, par l'interposition d'un holding. Le rapprochement avec France Télévision aurait toutefois permis d'insuffler le vent du large dans les programmes trop franco-français de nos opérateurs nationaux et d'envisager la création de modules de programmes d'informations télévisées destinées spécifiquement à l'international.