CHAPITRE II - LES OPÉRATEURS PUBLICS
Le ministère de l'industrie, de la poste et des télécommunications a notamment pour responsabilité d'exercer la tutelle des deux grands opérateurs publics que sont France Télécom et la Poste.
À cet égard, il a la charge de veiller au bon déroulement des contrats de plan conçus par l'État avec chacun des deux exploitants mais aussi de préparer les évolutions futures, nomment l'évolution du cadre juridique communautaire.
Pour France Télécom, l'année 1996 a été une année de grand changement. Pour la Poste, les évolutions restent à venir.
I. FRANCE TÉLÉCOM
Au premier semestre de cette année, il a été décidé, d'une part, d'organiser la libéralisation du secteur des télécommunications en France et, d'autre part, dans ce nouvel environnement juridique, de changer le statut de France Télécom. Deux lois ont été votées à cet effet et promulguées le 26 juillet 1996 : la loi de réglementation des télécommunications et la loi relative à l'entreprise nationale France Télécom.
A. LA LIBÉRALISATION DU SECTEUR DES TÉLÉCOMMUNICATIONS
Conformément à la décision du conseil des ministres européen du 16 juin 1993 de généraliser la concurrence pour tous les services de télécommunications à compter du 1er janvier 1998, la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 permet à de nouveaux opérateurs d'établir et d'exploiter un réseau ou de fournir un service de télécommunication.
En conséquence, le monopole de France Télécom disparaît. Cependant, un service public des télécommunications est défini et France Télécom en aura, pour l'essentiel, la responsabilité. Son financement sera réparti entre tous les opérateurs ; il comprendra deux mécanismes :
- une rémunération additionnelle à la charge d'interconnexion en vigueur pour compenser la péréquation géographique et le déséquilibre (provisoire) de la structure tarifaire de France Télécom,
- un fonds de service universel pour compenser la péréquation sociale, le coût des cabines publiques, des services de l'annuaire et des renseignements, ainsi qu'à terme (après la disparition de la rémunération additionnelle) la péréquation géographique.
Le contenu du service public des télécommunications
La loi de réglementation des télécommunications a défini le contenu du service public des télécommunications. Celui-ci comporte trois éléments :
1. Le service universel
Il s'agit des prestations suivantes :
- l'acheminent des communications téléphoniques entre les points d'abonnement,
- l'acheminement gratuit des appels d'urgence,
- la fourniture d'un service de renseignements,
- la fourniture d'un annuaire d'abonnés sous formes imprimée et électronique,
- la desserte du territoire national en cabines téléphoniques installées sur le domaine public.
Ce service universel est fourni à tous. Il doit être "un service téléphonique de qualité à un prix abordable". La loi a prévu que France Télécom sera le seul opérateur chargé du service universel.
2. Les services obligatoires
Ces services doivent être offerts sur l'ensemble du territoire. Il s'agit de :
- l'accès au réseau numérique à intégration de services (RNIS),
- la fourniture de liaisons louées,
- la fourniture de la commutation de données par paquets,
- l'offre de services avancés de téléphonie vocale,
- le service télex.
La loi charge France Télécom de fournir tous ces services.
3. Les missions d'intérêt général
Ces missions sont :
- la défense et la sécurité publique,
- l'enseignement supérieur,
- la recherche publique et le développement
Les conséquences de cette libéralisation des services de télécommunications sont de plusieurs ordres. Sur un plan institutionnel, la nouvelle réglementation entraîne la création de deux nouveaux organismes : l'Autorité de régulation de télécommunications et l'Agence nationale des fréquences. Elle conduit également au transfert à l'État de la responsabilité de l'enseignement supérieur public des télécommunications.
1. L'institution d'une Autorité de régulation des télécommunications
Cette Autorité aura le statut d'autorité administrative indépendante et sera mise en place le 1er janvier 1997.
Elle aura pour mission de veiller au respect des règles de la concurrence dans le secteur des télécommunications, d'arbitrer les litiges relatifs à l'interconnexion, de calculer la compensation des coûts du service universel assuré par France Télécom et d'instruire les dossiers de licences des candidats opérateurs.
Elle se substituera au ministre chargé des télécommunications pour l'attribution des fréquences et la délivrance des autorisations pour les réseaux indépendants.
Elle aura des pouvoirs de sanction importants.
Les moyens destinés à l'Autorité de régulation des télécommunications sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997. Ils s'élèvent à 70,2 millions de francs. Ils correspondent à des dépenses de personnel, de fonctionnement, d'informatique et d'études.
Sur ce total 52,5 millions sont des moyens transférés ou redéployés et 17,8 millions des crédits nouveaux.
S'agissant des emplois, 125 emplois sont transférés du budget de l'industrie (en provenance notamment de la direction générale des postes et télécommunications) et 13 emplois sont créés.
Ces 13 emplois nouveaux sont les 5 membres de l'Autorité (dont 3 sont nommés par décret et 2 par les présidents des assemblées) et les 8 secrétaires et chauffeurs affectés aux membres de l'Autorité.
2. La création de l'Agence nationale des fréquences
L'Agence nationale des fréquences est également créée par la loi de réglementation du 26 juillet 1996. Il s'agit d'un établissement public à caractère administratif qui remplace le Comité de coordination des télécommunications et qui absorbe le Service national des radiocommunications.
L'Agence a pour mission de planifier, gérer et contrôler l'utilisation des fréquences, de préparer et coordonner la position française dans les négociations internationales sur les fréquences et de coordonner au plan national les implantations de stations radioélectriques.
Les crédits qui lui sont alloués dans le projet de loi de finances pour 1997 s'élèvent à 200,7 millions de francs.
Sur ce total, 92,5 millions sont des moyens transférés ou redéployés et 37,7 millions sont des crédits nouveaux correspondant à des dépenses de personnel, de fonctionnement, d'informatique et de crédits d'études.
Par ailleurs, une subvention d'investissement de 74,5 millions de francs en autorisations de programme et de 70,5 millions de francs en crédits de paiement est prévue pour financer des travaux immobiliers et les équipements de l'Agence, ainsi que le fonds d'aménagement du spectre des fréquences radioélectriques.
S'agissant des emplois, 227 emplois sont transférés du budget de l'industrie -les personnels du Service national des radiocommunications et du Comité de coordination des télécommunications- et 35 nouveaux emplois sont créés.
3. Le transfert à l'État de la charge de l'enseignement supérieur public des télécommunications
L'article 4 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a confié à France Télécom la charge d'assurer, sous le contrôle du ministre chargé des postes et télécommunications, la mission du service public d'enseignement supérieur des télécommunications, mission qui était auparavant de la responsabilité de l'État.
Cet enseignement supérieur est donc géré par la Direction de l'enseignement supérieur des télécommunications de France Télécom. Il comprend trois écoles et quatre filiales qui ont pour mission de former des ingénieurs des télécommunications, aussi bien pour France Télécom que pour l'ensemble du secteur industriel des télécommunications. Ces écoles et filiales assurent également une partie de la formation professionnelle et continue des ingénieurs de France Télécom.
Les trois écoles sont :
- l'École nationale supérieure des télécommunications de Paris qui forme à la fois des ingénieurs civils et les ingénieurs du corps interministériel des télécommunications,
- l'École nationale supérieure des télécommunications de Bretagne qui forme des ingénieurs civils des télécommunications,
- l'Institut national des télécommunications d'Evry qui forme des ingénieurs et des gestionnaires.
Les quatre filiales ou participations sont :
- l'École nationale des ingénieurs en communication gérée avec l'Université de Lille,
- l'EURECOM qui forme à la communication en lien avec l'École polytechnique de Lausanne,
- l'Institut Theseus, sous forme de GIE à Sophia Antipolis,
- l'École franco-polonaise de Poznan pour la formation d'ingénieurs polonais.
L'ensemble des élèves gérés par la Direction de l'enseignement supérieur des télécommunications de France Télécom représentait un effectif de 3.041 en 1995, dont 2.230 dans les trois écoles. La même année, les effectifs en personnel s'élevaient à 931, dont 398 enseignants.
Le budget global de la Direction était de 592,6 millions de francs en 1995, répartis entre :
- 378 millions de francs de frais de personnel,
- 186 millions de francs de frais de fonctionnement,
- 28,6 millions de francs de frais d'investissement.
L'essentiel de ce budget est financé par une subvention d'équilibre de France Télécom, soit 428 millions de francs en 1995. Le complément provient de ressources propres des écoles, notamment par le biais de contrats de recherche ou de la formation continue, à hauteur de 164,6 millions de francs en 1995.
Actuellement, l'État n'intervient donc pas dans le financement de cet enseignement supérieur public, dont les bénéficiaires s'étendent pourtant bien au-delà de France Télécom.
La loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a posé le principe du transfert à l'État, à compter du 1er janvier 1997, de la responsabilité et du financement de renseignement supérieur des télécommunications.
L'article premier de la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom a précisé les modalités de ce transfert : "Les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom nécessaires aux missions de service public d'enseignement supérieur des télécommunications sont transférés à l'État".
Un arrêté -non encore intervenu- des ministres chargés de l'économie, du budget et des télécommunications doit déterminer la liste des biens, droits et obligations qui sont transférés.
À priori, il semble que les trois écoles et deux filiales -l'École nationale des ingénieurs en communication et l'EURECOM- doivent faire partie du service public de l'enseignement supérieur public des télécommunications. C'est en tout cas la conclusion à laquelle est parvenue une mission conjointe de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des postes et télécommunications menée à cet effet au cours du premier semestre 1996.
En revanche, l'Institut Theseus et l'École franco-polonaise de Poznan devraient rester sous la responsabilité -et donc à la charge- de France Télécom.
Conformément à la loi de réglementation des télécommunications, ces écoles devraient être regroupées au sein d'un établissement public à caractère administratif auquel seront mis à disposition, jusqu'au 1er janvier 2001, les personnels contractuels de France Télécom participant à la mission de service public d'enseignement. En conséquence, l'établissement public remboursera à France Télécom les rémunérations de ces agents.
Par ailleurs, la loi de réglementation des télécommunications a prévu que la loi de finances fixerait les conditions du transfert de la charge financière de l'enseignement supérieur des télécommunications. C'est l'objet de l'article 22 du présent projet de loi de finances.
Il s'agit en fait de rendre progressive la nouvelle dépense que ce transfert entraîne pour l'État.
À cet effet, un prélèvement exceptionnel sur France Télécom correspondant à une fraction de la subvention de l'État à l'enseignement supérieur public des télécommunications est créé.
Ce prélèvement interviendra pendant 3 ans. En 1997, il représentera les trois-quarts de la subvention inscrite au budget de l'État, en 1998 il en représentera la moitié et en 1999 un quart.
Ainsi, pour 1997, le budget de l'établissement public chargé de gérer l'enseignement supérieur des télécommunications devrait être fixé à 558,6 millions de francs, dont 146 millions de francs de ressources propres et 412,6 millions en provenance du budget de l'État. Cette somme est inscrite au budget de la poste, des télécommunications et de l'espace sur un chapitre créé à cet effet (chapitre 36-40).
France Télécom y contribuera à hauteur des trois-quarts, soit de 309,45 millions de francs, le reste, soit 103,15 millions de francs, représentant la charge budgétaire nette de l'État à l'enseignement supérieur public des télécommunications en 1997.
Selon les prévisions du Gouvernement, la contribution de France Télécom devrait diminuer d'environ 100 millions de francs chaque année jusqu'en l'an 2000 ainsi que le retrace le tableau ci-après.
Évolution des crédits destinés
à l'enseignement supérieur
des
télécommunications
(en millions de francs)
1997 |
1997 |
1999 |
2000 |
|
Crédits budgétaires |
412,6 |
402,0 |
392,0 |
382,0 |
Contribution de France Télécom |
309,45 |
201,0 |
98,0 |
0 |
Charge budgétaire nette |
103,15 |
201,0 |
294,0 |
382,0 |
On observera que le budget global de l'enseignement supérieur public diminue dans ces prévisions. Un certain nombre d'économies sont en effet prévues, grâce au développement de plus grandes synergies entre les écoles.
Au total, un équilibre a donc été trouvé pour permettre à la fois le désengagement de France Télécom et la reprise progressive par le budget de l'État de la charge de renseignement supérieur des télécommunications.