II. ARTICLE 92 RATTACHÉ
L'article 92 rattaché au budget du logement a pour objet de fusionner les barèmes de l'aide personnalisée au logement.
Actuellement, l'aide personnalisée au logement est scindée en deux barèmes :
• celui de l'
APL1
concerne les
logements conventionnés avant le 31 décembre 1987 ; et la
location de logements neufs, acquis ou améliorés après le
31 décembre 1987 ; ou situés dans des foyers, ou en
accession à la propriété.
• celui de l'
APL2
concerne les
logements conventionnés après le 31 décembre 1987 et qui
ne présentent pas les caractéristiques ci-dessus.
Le barème de l'APLl est plus favorable que celui de l'APL2. Cette distinction a été introduite par la loi de finances pour 1988 dans un souci d'amélioration du parc HLM.
Mais le résultat aujourd'hui est qu'à loyer et à niveau de ressources égaux, le taux d'effort (proportion du revenu consacrée au loyer) des locataires est nettement plus élevé lorsqu'ils perçoivent l'APL2, et ce d'autant plus que leur famille est plus nombreuse.
C'est pourquoi le gouvernement considère qu'il faut unifier les barèmes, en se souciant surtout de cohérence dans les taux d'effort.
L'APLl concerne environ 1,3 million de locataires pour un coût (budgétaire et extrabudgétaire) de 18 milliards de francs, l'APL2 concerne environ 0,7 millions de locataires pour un coût de 8 milliards de francs.
Le nouveau mode de calcul du barème est de nature réglementaire. Elle a été soumise au Conseil national de l'habitat le 8 octobre. La fusion se fera à un niveau intermédiaire entre les deux barèmes actuels, ce qui occasionnera un surcoût de 200 millions de francs compte tenu de la pondération entre les deux aides.
III. PRINCIPALES OBSERVATIONS
Première observation
Le budget du ministère du logement reste à un niveau élevé en 1997. Certes inférieur au niveau de 1996 (42,1 milliards de francs) mais supérieur à celui de la loi de finances initiale pour 1995 (39,5 milliards de francs), il se maintient au-dessus des 40 milliards de francs. Il paraît ainsi souffrir moins que d'autres budgets d'intervention, de l'effort de réduction des dépenses de l'Etat et du déficit budgétaire.
Ce constat est confirmé si l'on regarde les dépenses (crédits de paiement) consolidées en faveur du logement dans le budget de l'Etat. S'ajoutent alors au budget du logement les dépenses en faveur du logement du fonds d'aménagement de la région Ile-de-France (661 millions de francs), du nouveau fonds pour le logement des personnes en difficultés (450 millions de francs) et du fonds pour l'accession à la propriété (3,5 milliards de francs). Cet effort consolidé progresse de 2,5 %.
Cependant, la stabilité des crédits dont le ministre du logement est ordonnateur ne doit pas masquer deux évolutions profondes.
La première est la forte réduction de l'effort national en faveur du logement. En effet, pour maintenir le niveau des dépenses budgétaires tout en participant à la réduction du déficit, il a fallu faire transiter par le budget de l'Etat des dépenses qui empruntaient d'autres canaux, et supprimer des dépenses fiscales. Ainsi, la participation des employeurs à l'effort de construction devra soustraire 7 milliards de francs de dépenses d'investissement directes pour les affecter à l'Etat. De même, l'expiration de deux importantes mesures fiscales telles que la réduction de 35 % des parts départementale et régionale des droits de mutation à titre onéreux et la réduction d'impôt sur le revenu pour intérêts d'emprunt vont réduire l'effort national en faveur du logement d'environ 5 milliards de francs chacune (la première dès 1997, la seconde à partir de 1998).
Il appartiendra à la commission des comptes du logement, en 1998, d'estimer cette réduction des dépenses de la nation en faveur du logement mais un chiffre supérieur à 10 milliards de francs dès 1997 n'aurait rien d'étonnant.
La seconde évolution est l'accentuation du déséquilibre structurel au sein de ce budget entre les aides à la personne et les aides à la pierre. L'Etat est contraint d'abandonner le terrain de la construction et de la réhabilitation sous la contrainte de ses obligations d'aide sociale. C'est l'idée même de politique de construction qui est mise en cause par le caractère dévorant des aides à la personne.
Sur ce point, le budget 1997 ne parvient pas à traduire les souhaits exprimés par votre commission lors du débat d'orientation budgétaire : une plus grande maîtrise des aides à la personne pour limiter la contraction des aides à la pierre.
Ce budget est donc plutôt restrictif sur le plan de l'investissement, ce qui peut avoir des conséquences sur une activité traditionnellement soutenue par la dépense publique. Cette rigueur bénéficie néanmoins d'une conjoncture favorable : les taux d'intérêt et les prix sont bas, et le secteur libre devrait pouvoir compenser partiellement le recul du secteur aidé.
Deuxième observation
La réforme des aides à la personne qui devait dégager 2,3 milliards de francs d'économie au cours de l'exercice 1996 n'a pas été entreprise. La loi de finances initiale pour 1996 a donc manifestement sous-évalué ce poste, et cela explique la forte progression observable en 1997.
Mais le gouvernement paraît décidé à une mise en oeuvre rapide, et votre rapporteur ne peut que l'y encourager.
Un premier élément de réforme est contenu dans le présent projet de loi de finances : il s'agit de la suppression de la distinction entre l'APL 1 et l'APL 2. Rien ne justifie plus l'existence de deux barèmes pour les logements locatifs sociaux. S'agissant d'aides personnelles, la différenciation des aides doit se faire selon des critères tenant au ménage (taille, niveau de ressources) et non selon des critères tenant à l'immeuble. Cette fusion des barèmes de l'APL 1 et de l'APL 2 était d'ailleurs préconisée par le rapport de l'Inspection générale des finances de décembre 1994.
Il faudra persévérer, car il restera encore trois aides personnelles différentes - l'allocation de logement sociale (ALS), l'allocation de logement familiale (ALF) et l'aide personnalisée au logement (APL)- quand une seule serait justifiée. Cependant, l'unification des barèmes peut difficilement être réalisée sans coût, l'aide la plus efficace, l'APL, étant la plus coûteuse.
Outre cette simplification, le gouvernement annonce une rationalisation des barèmes selon deux axes : une prise en compte de la globalité des ressources des ménages ; la suppression de la distinction injustifiée entre revenus du travail et revenus de transfert. Cette réforme était déjà annoncée à l'appui du projet de loi de finances pour 1996.
Les barèmes, qui n'ont pas été réactualisés depuis juillet 1994, devraient l'être enfin au 1er janvier 1997. Votre rapporteur rappelle à cet égard que la loi 21 ( * ) prévoit une actualisation annuelle et que la volonté du législateur doit être respectée s'agissant d'aides touchant des millions de foyers.
Enfin, l'épineux problème de l'allocation de logement sociale des étudiants sera transféré au ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette clarification était indispensable puisque cette aide, qui occupe une place considérable dans le budget du ministère du logement, n'était pas maîtrisée par le ministre du logement. Cependant, votre rapporteur souhaite que le problème ne soit pas seulement déplacé, mais résolu. A cet égard, il ne peut que répéter une mise en garde constante de votre commission des finances : il n'est pas convenable d'augmenter le taux d'effort des ménages modestes par une pression générale sur les barèmes parce qu'on ne sait pas réduire une aide de confort accordée à une population particulière. Cette aide souvent injustifiée continuera en effet de peser sur l'effort national en faveur du logement au détriment d'autres actions plus utiles, telles que les interventions très sociales (FSL, ALT et logements d'urgence) qui bénéficient fort justement de l'attention du ministre et de plus de 600 millions de francs en moyens d'engagement dans le présent budget.
Troisième observation
Le budget du logement locatif social est peu modifié quant aux programmes physiques : 80.000 PLA, 120.000 PALULOS comme en 1996. On ne décèle que des nuances : 30.000 PLA seront très sociaux (on ne peut que se féliciter du succès croissant de cette formule malgré les doutes qu'elle avait suscités à l'origine) et pour la première fois, le ministre du logement prévoit que 25.000 PLA seront consacrés à la réhabilitation d'habitats anciens.
En revanche, les modalités de financement sont profondément bouleversées. Il est difficile de dire aujourd'hui quel en sera l'effet, mais une contraction des programmes est malheureusement à craindre.
D'une part, la TVA à taux réduit (5,5 %) se substitue à la prime de 12 % du montant des travaux pour les PLA neufs. La neutralité financière de cette substitution n'est pas clairement établie aujourd'hui. Si tel était le cas, son principal intérêt serait de donner davantage de souplesse dans l'engagement des travaux par les offices. Cela supposerait alors une procédure administrative allégée, notamment en termes d'autorisation préfectorale.
D'autre part, il est très probable que les organismes collecteurs de la participation des employeurs à l'effort de construction devront sensiblement réduire leur action en faveur du logement locatif social, du fait du prélèvement de 7 milliards de francs qu'ils devront acquitter en 1997. En 1994, 6,3 milliards de francs avaient été investis par le "1 % logement" dans le parc locatif social et les collecteurs avaient participé à 68.100 PLA. De tels niveaux d'engagements sont exclus en 1997, même si le "1 % logement" tentera de faire face par un emprunt, la baisse des taux d'intérêt de ses prêts et un effort sur ses frais de gestion.
Quatrième observation
Pour la cinquième année consécutive, une forte priorité est accordée à l'accession à la propriété. Le gouvernement a raison de poursuivre en ce sens. Il s'agit du souhait le plus cher de nos concitoyens.
Le prêt sans intérêt est un succès, 120.000 seront financés en 1997 comme en 1996. Le marché de la maison individuelle, qui avait fortement décliné de 1985 à 1993, progresse depuis de façon irrégulière mais continue. 22 ( * ) Ce retournement de tendance traduit la réalisation d'une aspiration profonde des Français qui avait été contrariée pendant de longues années.
Les moyens mis à la disposition des accédants à la propriété sont probablement les plus complets jamais mis en place. Le prêt à taux zéro se révèle un excellent produit d'accession sociale, les quatre cinquièmes des ménages bénéficiaires ne disposant pas de plus de 3 SMICs et demi. Le prêt d'accession sociale (PAS), après des débuts balbutiants, a connu une montée en puissance significative (6.000 par mois au premier semestre 1996, notamment en complément du prêt à taux zéro) 23 ( * ) . Dans le secteur libre, les accédants bénéficient de la démarche opiniâtre du ministère de l'économie et de la Banque de France en vue de réduire les taux d'intérêt, pratiquement au plus bas depuis la seconde guerre mondiale, et parmi les plus bas du monde.
Les conditions sont donc réunies pour que l'accession à la propriété connaisse un vif succès.
Cinquième observation
Le ministère du logement parvient dans l'ensemble à maintenir ses priorités malgré une forte contrainte financière. Une large zone d'ombre ternit cependant cet effort remarquable : le mauvais traitement du logement ancien.
Elle résulte de la conjonction de deux facteurs : une baisse des crédits budgétaires et l'expiration de mesures fiscales favorables.
La réduction des crédits budgétaires est d'abord manifeste s'agissant de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat. L'écart entre les crédits de l'agence pour la réhabilitation du parc locatif privé et la taxe additionnelle au droit de bail, censée la financer, atteint un niveau sans précédent (le rendement de la TADB est évalué à 3,2 milliards de francs, les crédits de l'ANAH s'élèvent à 2 milliards de francs). Ensuite, la mesure de réduction de la quotité de travaux pour bénéficier d'un prêt à taux zéro (de 35 % à 20 % du coût total), qui n'a pas achevé sa montée en puissance, se termine fin 1996. Un crédit d'un milliard de francs avait été ouvert pour cette disposition et il sera probablement dépassé. Enfin, les autorisations de programme de la prime à l'amélioration de l'habitat (600 millions de francs) seront probablement insuffisants (800 millions de francs auront été nécessaires en 1996).
Dans le même temps, de nombreuses mesures fiscales en faveur du logement ancien arrivent à échéance. Parmi elles, deux méritent de retenir l'attention : la réduction d'impôt pour intérêts d'emprunt et la réduction de 35 % des parts départementale et régionale des droits de mutation à titre onéreux.
Lorsqu'à été créée l'avance à taux nul pour le logement neuf, celle-ci ne pouvait se cumuler avec la réduction d'impôt pour intérêts d'emprunt. En 1997, ni l'une ni l'autre ne seront utilisables pour le logement ancien. Certes, la réduction du barème de l'impôt sur le revenu compense la perte d'un certain nombre d'avantages fiscaux. Certes, la détention des logements anciens est favorisée par la rénovation du régime de la réduction d'impôt pour grosses réparations. Mais aucune de ces deux compensations ne concerne directement l'acquisition de logements anciens avec peu de travaux, déjà relativement pénalisée dans le secteur locatif par la création de l'amortissement "Périssol".
Cette réorientation de l'économie du logement vers l'acquisition de biens neufs est partiellement involontaire. Elle résulte en effet de la conjonction de mesures d'ordre général touchant la dépense publique ou la fiscalité du revenu, et de mesures sectorielles. Or, délaisser le logement ancien serait une grave erreur. Le marché du logement est un continuum. En rompre un segment revient à casser le marché 24 ( * ) . C'est pourquoi il conviendrait que le débat sur ce projet de loi de finances permette de prendre des dispositions de nature à éviter une rechute des transactions au début de 1997.
* 21 Article L.351-3 du code de la construction et de l'habitation.
* 22 La construction de maisons individuelles excède celle de logements collectifs depuis le second trimestre 1995 (environ 35.000 par trimestre)
* 23 Il semble cependant que le dispositif de sécurisation des PAS qui devait être confié au « 1 % logement » soit aujourd'hui au point mort.
* 24 Sur 100 transactions réalisées dans l'ancien, 28 sont des opérations d'acquisition-amélioration, et 10 donnent lieu à l'achat d'un logement neuf. Source : CEREVE.