2. Un rééquilibrage contrarié par le ralentissement de l'activité économique
Votre commission souhaite insister dans le cadre du présent rapport, sur l'évolution globale des dépenses et des recettes du régime général en 1996, tout en renvoyant aux rapports consacrés aux branches maladie, famille et vieillesse.
Incontestablement, on observe que la progression des dépenses du régime général s'est infléchie en 1996. Mais cette tendance a été neutralisée en totalité par des rentrées de cotisations considérablement plus faibles que celles initialement prévues.
a) Une évolution des dépenses dans l'ensemble comparable aux estimations
L'annexe C du présent projet de loi fait état d'une évolution des dépenses du régime général comme suit :
Ces chiffres font apparaître une quasi stagnation des dépenses du régime général qui n'augmenteraient que de 4 milliards sur l'exercice 1996.
Au sein de chaque branche, le rythme de progression des dépenses s'est ralenti.
- S'agissant de la branche maladie-maternité-invalidité-décès, la progression est de 14 milliards, soit une augmentation de 2,6 % par rapport à 1995 ;
- la branche accidents du travail enregistre une stagnation de celle-ci ;
- la branche vieillesse-veuvage connaît une progression de 13,7 milliards, soit + 4 % ;
- la branche famille enregistre en revanche une baisse de ses dépenses de 24,1 milliards, soit - 9,2 %.
Si on se réfère aux évolutions passées retracées dans les rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le taux de progression des dépenses du régime général a été de 6,4 % en 1993, de 3 % en 1994, de 7,2 % en 1995 et de 0,4 % en 1996 7 ( * ) .
Le principe des dépenses ainsi réalisé apparaît donc tout à fait incontestable même si les écarts entre branches restent significatifs.
Le bilan de la mise en oeuvre des mesures d'urgence présenté par le Gouvernement met essentiellement l'accent sur le freinage des dépenses d'assurance maladie.
Il précise, en outre, que les deux postes qui expliquent le surcroît de dépenses enregistré par rapport aux prévisions des précédentes Commissions des comptes de la sécurité sociale sont celles du secteur médico-social (dont le rythme annuel est supérieur à 8 %) et aux dépenses induites par la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille qui se sont révélées plus dynamiques que les prévisions initiales.
Cette analyse rejoint dans ses grandes lignes celles présentées dans le cadre des deux rapports de la CCSS de juin et septembre 1996. L'accroissement des prévisions de dépenses contenues dans le premier rapport affecte en effet principalement la CNAF et résulte pour l'essentiel de la nouvelle majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire qui n'avait pas été inscrite dans les prévisions de juin 1996. S'y ajoute une aggravation de la dérive financière imputable à la mise en oeuvre de la loi famille.
Quant aux dépenses de la CNAMTS, l'alourdissement des prévisions de dépenses trouve son origine, selon la CCSS, dans les dépenses d'hospitalisation, notamment privée. Dans le secteur de l'hospitalisation publique, elle relève l'alourdissement des dépenses afférentes aux établissements médico-sociaux (+ 650 millions de francs) et aux établissements conventionnés avec l'aide sociale (+ 320 millions). L'alourdissement des prévisions de dépenses de soins ambulatoires est présenté comme étant d'un montant comparable à celui de l'hospitalisation.
D'un point de vue général, on regrettera une fois encore les écarts entre les comptes prévisionnels figurant dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1996.
Par ailleurs, les comptes prévisionnels du régime général présentés par le Gouvernement supposent le strict respect de l'objectif quantifié des dépenses d'assurance maladie correspondant à 2,1 % des dépenses remboursables par rapport aux résultats dégagés en 1995 par l'ensemble des régimes sociaux, et à 2,2 % pour le régime général.
Comme le note le rapport de la CCSS susmentionné, compte tenu de l'inflexion à la baisse constatée au cours des derniers mois, les prévisions de dépenses ne paraissent pas irréalistes.
b) Un effondrement des recettes
Le plan de rééquilibrage des comptes du régime général présenté le 15 novembre 1995 étant fondé sur des prévisions de recettes calculées à partir d'une hypothèse de croissance de 2,8 % et d'une progression de la masse salariale estimée à 5,3 % pour 1996.
Celles-ci conduisaient le Gouvernement à envisager un déficit prévisionnel du régime général de - 53,3 milliards pour 1996 8 ( * ) (hors charges d'intérêts) soit :
• - 30,1 milliards pour la branche
maladie ;
• - 10,5 milliards pour la branche
famille ;
• - 12,7 milliards pour la branche
vieillesse.
Or ces prévisions ont été revues à la baisse de manière drastique. En 1996, la croissance du PIB français est désormais estimée à 1,3 % et celle de la masse salariale à 2,3 %.
Selon la CCSS de juin 1997, le tassement de la croissance constatée en fait dès la deuxième partie de l'année 1995 et qui s'est prolongé durant le premier semestre 1996, a affecté défavorablement les prévisions de recettes de la sécurité sociale et notamment celles portant sur les cotisations sociales. La moindre croissance enregistrée sur la fin de l'année 1995 a eu un premier effet en conduisant à une diminution de 6,8 milliards de la masse des recettes sur l'exercice 1995. S'y ajoutent les conséquences du taux de progression de l'assiette des cotisations attendues en 1996 (soit environ 22,7 milliards de recettes), le report, imputable aux mouvements sociaux de la fin de l'année, sur 1996 de l'encaissement de cotisations de 1995, à hauteur de 3,2 milliards.
Ce constat recoupe largement l'analyse présentée par le Gouvernement en annexe du présent projet de loi et qui est résumée dans le tableau suivant :
Il en ressort que les pertes de recettes liées à la conjoncture sont intervenues pour 85 % dans l'écart constaté entre l'objectif initialement défini et le résultat prévisionnel sur l'exercice 1996.
Cette « évolution catastrophique » selon l'expression de Jean Marmot (rapport CCSS juin 1996) appelle deux remarques majeures :
1) Elle conduit à s'interroger d'abord sur la fiabilité des hypothèses macro-économiques qui sous-tendent les prévisions de recettes et de dépenses des régimes de sécurité sociale. Il faut rappeler que le budget économique de la Nation d'octobre 1995 pronostique une augmentation de la masse salariale de 5,7 %, comme plusieurs instituts indépendants de conjoncture. On mesure l'ampleur de l'erreur d'appréciation commise par ces instituts. On peut constater d'ailleurs qu'aucun institut de conjoncture ne prévoyait à l'automne 1995 une croissance de la masse salariale inférieure à 3,8 %.
Il paraît indispensable, en outre, que les hypothèses macro-économiques retenues seront identiques pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale compte tenu de liens étroits qu'unissent les comptes sociaux et les comptes publics.
On ne saurait en revanche qu'encourager le Gouvernement à présenter comme le fait d'ailleurs régulièrement la CCSS 9 ( * ) les estimations proposées par les différents instituts de conjoncture économique afin d'apprécier si les projections présentées sont cohérentes, plutôt pessimistes ou plutôt optimistes, ou irréalistes.
2) L'impact du ralentissement constaté de la croissance a été d'autant plus important sur les comptes de la sécurité sociale que son mode de financement dépend très étroitement de l'évolution de la masse salariale.
Le financement de la sécurité sociale dans notre pays est encore largement assuré par les cotisations sociales. Celles-ci représentent 85 % du financement du régime général. De surcroît, 80 % des cotisations reçues par ce régime sont issues du secteur privé.
Cette situation conduit naturellement à soulever la question du mode de financement des régimes de sécurité sociale et en particulier de celui du régime général. On notera que les réformes entreprises depuis le début des années 90 sont allées dans le sens d'un élargissement de l'assiette des cotisations et du financement par l'impôt de la sécurité sociale.
Le présent projet de loi de financement ne fait que proposer de franchir une étape supplémentaire dans ce mouvement de fond qui tend à rendre les recettes de la sécurité sociale moins sensibles à la conjoncture.
*
* *
Au total, les mesures urgentes de redressement financier ont eu un impact financier de 29,4 milliards de francs sur les 35 milliards attendus 10 ( * ) en permet au Gouvernement d'affirmer que 85 % de l'objectif assigné a donc été atteint.
Ce résultat appelle trois observations :
1°) les prévisions présentées en novembre 1995 lors de l'annonce du plan de réforme de la protection sociale fixaient cet objectif à 36,7 milliards. Le rendement des mesures prises représente, par rapport aux données initiales, 85 % de cet objectif ;
Dès son rapport de juin 1996, la Commission des comptes de la sécurité sociale annonçait la réalisation de 85 % de l'objectif affiché (p. 28 de ce rapport). Toutefois, certaines informations apparaissent contradictoires, comme une prévision des recettes de 0,4 milliard au titre des prestations familiales servies par les régimes spéciaux alors que le bilan présenté par le Gouvernement ne fait apparaître aucune somme à ce titre et que le commentaire qui l'accompagne précise même que cette mesure n'interviendra qu'en 1997. On ne saurait que souhaiter à l'avenir une meilleure harmonisation des données transmises par le ministère des Affaires sociales à la Commission des comptes de la sécurité sociale avec celles transmises au Parlement.
2°) sur les causes de l'écart de 85 % entre les prévisions et les réalisations présentées par le Gouvernement, le bilan figurant en annexe invoque à titre principal le report sur l'exercice 1997 de deux mesures : d'une part, la participation de la branche « accidents du travail » à la prise en charge par la CNAMTS des maladies professionnelles ; d'autre part, l'augmentation du taux de cotisations familiales pour les entreprises publiques. Ces deux mesures auraient dû selon les prévisions initiales rapporter environ 1,7 milliard de recettes supplémentaires à la branche maladie, soit seulement 30 % du manque à gagner constaté (1,7 milliard sur les 5,6 milliards de différence entre les prévisions et les réalisations figurant en annexe).
En réalité, l'essentiel du dérapage apparaît lié aux dépenses résultant de la loi famille dont le coût en 1996 s'est révélé de 3 milliards supérieurs aux dépenses prévisionnelles.
3°) 90 % des écarts constatés apparaissent, en définitive, liés à la faiblesse des recettes constatées en 1996.
* 7 Ce dernier chiffre légèrement supérieur à celui résultant des comptes figurant à l'annexe C.
* 8 Compte tenu de la prise en charge par la CADES de 16,6 milliards.
* 9 Voir rapport CCSS octobre 1995, p. 14.
* 10 Les prévisions présentées le 15 novembre 1995 comptaient même sur 36,7 milliards d'efforts financiers en 1995.