Rapport n° 18 (1996-1997) de M. Hubert DURAND-CHASTEL , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 9 octobre 1996

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N° 18

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 octobre 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Arménie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ,

Par M. Hubert DURAND-CHASTEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet l'approbation d'un accord signé à Erevan le 5 novembre 1995 entre la France et l'Arménie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Avant d'en analyser les clauses, largement inspirées de la quarantaine de conventions comparables conclues entre la France et divers pays, votre rapporteur souhaite retracer l'évolution récente de la situation politique et économique de l'Arménie, marquée par la recherche d'une solution politique au conflit du Haut-Karabakh qui conditionne en partie la résorption des déséquilibres économiques et la consolidation de l'Etat.

Votre rapporteur évoquera également l'état des relations bilatérales franco-arméniennes, établies dès l'accession à l'indépendance et fondées sur des liens historiques et culturels traditionnellement étroits entre les deux nations.

I. DANS UN ENVIRONNEMENT EXTÉRIEUR MOINS CONFLICTUEL, L'ARMÉNIE ÉPROUVE DES DIFFICULTÉS À CONSOLIDER SA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE

Considérée comme l'une des plus anciennes du monde, la nation arménienne possède une histoire troublée alternant de brèves périodes d'indépendance et plusieurs siècles de domination étrangère.

Elle le doit très largement à sa position géographique , au coeur de la Transcaucasie et au carrefour des influences russe, turque et perse.

Fondue dans l'empire ottoman depuis 1375, l'Arménie est en partie conquise par la Russie durant la première moitié du XIXe siècle et se trouve ainsi divisée entre les deux puissances.

La partie turque est le théâtre d'incessantes persécutions qui culmineront avec le génocide de 1914-1915 évalué à plus de 1 million de morts et qui sera à l'origine de la fuite, vers les Etats-Unis et la France notamment, de plusieurs centaines de milliers d'Arméniens.

Lors de l'effondrement de l'empire tsariste, la partie russe proclame son indépendance et parvient à conquérir quelques territoires de l'Arménie "turque".

Le traité de Sèvres, en août 1920, reconnaît l'indépendance de l'Arménie proclamée en 1918, mais dès le mois suivant la Turquie déclenche une offensive militaire victorieuse dont les gains territoriaux seront confirmés par un traité russo-turc d'abord, puis en 1923, par le traité de Lausanne. Vaincue et à nouveau amputée d'une partie de son territoire, l'Arménie se tourne vers la Russie et devient en 1920 une république soviétique, tout en conservant son identité propre, fondée notamment sur la langue et l'appartenance à une religion dominante, incarnée par l'Eglise apostolique arménienne autocéphale. Durant toute cette période, la question du Haut-Karabakh, enclave de population arménienne au sein de la république voisine d'Azerbaïdjan, continue de nourrir un fort courant nationaliste arménien, y compris dans les rangs du Parti communiste.

La crise de l'été 1991, après le coup d'Etat manqué contre M. Gorbatchev, précipite la dissolution de l'Union soviétique. Après un référendum, l'indépendance de l'Arménie est proclamée le 23 septembre 1991 .

Les événements intervenus depuis 5 ans ont montré combien l'Arménie, malgré son indépendance nouvellement acquise, demeurait tributaire de son environnement extérieur.

L'apaisement des tensions dans la région s'avère donc indispensable à la consolidation des institutions du nouvel Etat et à l'amélioration de sa situation économique.

A. UN PAYS TRIBUTAIRE DE SON ENVIRONNEMENT ET DE SES RELATIONS EXTÉRIEURES

Plus petite république de l'ex-Union soviétique, l'Arménie est un pays montagneux de 29.800 km2 et 3.300.000 habitants. Peu pourvu en ressources naturelles, disposant de faibles surfaces cultivables, il est de surcroît enclavé entre la Géorgie au Nord, l'Azerbaïdjan à l'Est, l'Iran au Sud et la Turquie à l'Ouest.

Privée d'accès à la mer, l'Arménie dépend donc directement de ses voisins pour son approvisionnement.

Mais, au-delà des aspects économiques, c'est l'existence même d'un Etat arménien qui, à travers l'histoire, s'est jouée autour des diverses influences dominantes de la région.

Quelles sont aujourd'hui les relations de l'Arménie avec ses voisins immédiats ?

1. Vers une solution politique dans le conflit du Haut-Karabakh ?

Dès la fin de 1991, la guerre éclate entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, entraînant immédiatement la suspension des approvisionnements, notamment énergétiques, transitant par cette dernière.

Ce conflit porte sur la région à dominante arménienne du Haut-Karabakh , enclavée depuis 1921 dans l'Azerbaïdjan, question qui constitue depuis lors un point de friction majeur entre les deux républiques.

Dès 1988, une véritable guerre civile s'est déclarée entre les Azeris et les Arméniens du Haut-Karabakh qui voulaient défendre leurs droits culturels et politiques garantis par le statut de région autonome. Parallèlement, plusieurs pogroms anti-arméniens, faisant plusieurs milliers de morts, ont éclaté en Azerbaïdjan, notamment à Soumgaït.

Avec le soutien de l'Arménie, les indépendantistes du Haut-Karabakh ont entrepris en 1992 et 1993 plusieurs offensives qui leur ont permis de contrôler l'ensemble de la région et de larges portions de l'Azerbaïdjan.

Un cessez-le-feu est intervenu le 12 mai 1994 entre les parties et il a été globalement respecté jusqu'ici.

Depuis lors, la recherche d'une solution politique n'a guère progressé, malgré plusieurs interventions diplomatiques, dont celles conduites au sein du "groupe de Minsk", créé en 1992 au sein de la CSCE.

L'Azerbaïdjan reste fermement attachée au principe de l'intégrité territoriale des Etats, d'autant que la sécession du Haut-Karabakh la couperait un peu plus du Nakhitchevan, dont elle est séparée par un long "corridor" au sud de l'Arménie et qui se retrouve de ce fait enclavé entre cette dernière, l'Iran et la Turquie.

L'Arménie met en avant le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et la garantie de la sécurité des arméniens du Haut-Karabakh.

L'issue du conflit semble encore lointaine mais le statu quo instauré depuis le cessez-le-feu a, semble-t-il, permis aux deux parties de prendre conscience de la nécessité d'une solution politique.

L'Arménie ressent durement les conséquences du blocus économique azéri et voit, tout comme l'Azerbaïdjan d'ailleurs, ses perspectives de développement économique entravées par le conflit. Il paraît en outre évident que le maintien de la situation actuelle, issue des opérations militaires, ne peut déboucher sur une solution durable. A défaut d'avancée concrète sur le point central du statut du Haut-Karabakh, les pourparlers diplomatiques en cours depuis 2 ans, sous l'égide notamment du groupe de Minsk, semblent néanmoins traduire le souci commun des deux parties de ne pas voir perdurer un conflit dont les victimes se montent à plus de 20.000 personnes.

2. Des relations étroites avec la Russie

Les relations entre l'Arménie et la Russie sont traditionnellement étroites, la "protection" de cette dernière s'étant toujours avérée indispensable dans une région où musulmans et turcophones sont nombreux. De même, l'attitude de la Russie pèse fortement dans la résolution de la question du Haut-Karabakh.

Aussi l'Arménie s'est elle dès l'origine fermement arrimée à la Communauté des Etats Indépendants (CEI), dont elle a signé tous les accords et suivi tous les engagements et au sein de laquelle elle a toujours plaidé pour un approfondissement des mécanismes de coopération.

Dans le cadre des accords conclus au sein de la CEI, l'Arménie a confié la garde de ses frontières "extérieures", c'est-à-dire celles de l'ex-URSS, à la CEI et, en pratique, aux troupes russes, celles-ci étant notablement plus présentes sur la frontière turque que sur la frontière iranienne.

La présence des troupes russes en Arménie a été juridiquement officialisée par un accord arméno-russe du 16 mars 1995, le premier du genre à être signé entre la Russie et ses partenaires de la CEI.

3. L'antagonisme historique avec la Turquie s'est apaisé

La Turquie a pris fait et cause pour l'Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh, imposant un blocus total à l'Arménie depuis le printemps 1993.

Depuis lors, les relations entre les deux pays se sont apaisées, le blocus turc ayant été assoupli (ouverture d'un corridor aérien et passage de marchandises), l'Arménie se faisant quant à elle plus discrète sur les références au contentieux historique.

D'un côté comme de l'autre, l'objectif semble bien être la normalisation des relations.

4. Une ouverture récente sur l'Iran

L'intensification des relations avec l'Iran a permis de limiter les effets du blocus économique de la Turquie et de l'Azerbaïdjan.

Pour diversifier son approvisionnement énergétique, très dépendant de la Russie, l'Arménie a lancé la construction d'un gazoduc avec l'Iran. C'est également par l'Iran que l'Arménie doit se connecter, par un système de fibre optique, au réseau euroasiatique de télécommunications.

Par rapport à ses toutes premières années d'existence, marquées par la guerre du Haut-Karabakh, la jeune république d'Arménie semble aujourd'hui évoluer dans un environnement extérieur stabilisé qui doit lui ouvrir de réelles perspectives de consolidation de ses institutions et de développement économique.

B. UNE SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE ENCORE TROUBLÉE

Les cinq années consécutives à l'indépendance ont été marquées par de sérieuses difficultés dans la reconstruction de l'Etat et la persistance d'une situation économique sinistrée.

1. La difficile reconstruction de l'Etat

Elu le 16 octobre 1991 avec 84 % des suffrages, le président TER PETROSSIAN vient d'être réélu le 22 septembre dernier avec 52 % des suffrages, dans un climat particulièrement tendu.

Les incidents qui ont marqué cette élection se situent dans le prolongement des turbulences qui secouent la vie politique arménienne depuis près de cinq ans.

Sur le plan institutionnel, il a fallu attendre juillet 1995 pour qu'une nouvelle constitution démocratique remplace les textes antérieurs, hérités du système soviétique. Elle met en place, conformément aux voeux de M. TER PETROSSIAN, un pouvoir présidentiel fort. Une cour constitutionnelle a également été installée au début de cette année.

Pour le reste, l'ordre juridique reste très largement issu du précédent régime et si un certain nombre d'amendements ont pu d'ores et déjà être apportés, il reste à accomplir une oeuvre considérable pour affermir l'état de droit.

Les faiblesses des structures étatiques ont été exploitées par de puissants réseaux "mafieux" qui ont développé toutes sortes de trafics, particulièrement pendant la période de blocus économique liée à la guerre du Haut-Karabakh. Tout récemment, l'ONU s'alarmait de l'apparition de nouveaux itinéraires pour le trafic de drogue passant par l'Arménie et les autres républiques du Caucase.

La vie politique est dominée par le Mouvement national arménien, au pouvoir depuis 5 ans, hérité des comités "Karabakh" qui ont conquis l'indépendance après avoir lutté, contre le pouvoir soviétique, pour la réunion des populations de l'Arménie et du Haut-Karabakh. Aux côtés du Parti communiste coexistent de nombreux autres partis dont des formations nationalistes qui se sont développées en exil, notamment le "Dachnak" principal opposant au pouvoir actuel. Ce dernier a toutefois été interdit au début de l'année 1995 après avoir été accusé d'implication dans des trafics de stupéfiants et un assassinat politique.

Les conditions dans lesquelles se sont déroulées les élections législatives de juillet 1995 ont été contestées par les partis d'opposition qui ont reproché au pouvoir en place de multiplier pressions et fraudes. Autrement plus graves apparaissent les incidents qui ont émaillé le déroulement de l'élection présidentielle du 22 septembre dernier .

Sans qu'il soit possible à votre rapporteur, en l'état actuel de ses informations, de porter un jugement sur le fond de cette affaire, il ne peut que relever les faits inquiétants qui se sont produits en Arménie à l'occasion de ce scrutin :

- mise en cause, par les partisans du candidat nationaliste Vazguen Manoukian, de la régularité des opérations électorales et de la sincérité des décomptes effectués par la commission électorale ;

- assaut lancé, par des éléments de l'opposition, contre le Parlement où se réunissait la commission électorale, et dont le Président, M. Ararktsian, a été molesté ;

- affrontements entre manifestants et forces de l'ordre et recours à l'armée ;

- levée de l'immunité parlementaire de certains députés de l'opposition, dont M. Manoukian qui n'a cependant pas été arrêté.

S'agissant des élections elles-mêmes, les observateurs de l'OSCE ont relevé de nombreuses irrégularités mais ils n'ont pas pour autant estimé qu'elles avaient eu une influence déterminante sur les résultats du scrutin.

Quoi qu'il en soit, après ces événements, on ne peut que souligner la fragilité de l'évolution démocratique de l'Arménie .

2. Une situation économique qui s'améliore lentement

Déjà très durement atteinte par les destructions provoquées par le séisme de 1988, l'économie arménienne a subi de plein fouet les conséquences de la dislocation du système soviétique, au sein duquel elle était intégrée, et du blocus décidé par l'Azerbaïdjan et la Turquie lors du conflit du Haut-Karabakh. Elle s'est alors brutalement retrouvée confrontée à ses handicaps naturels : l'enclavement, la faiblesse des ressources naturelles, notamment énergétiques, l'insuffisance d'une agriculture pénalisée par le relief et le climat.

La crise économique a été particulièrement sévère, entraînant une forte inflation, une chute de niveau de vie et une pénurie généralisée . Une émigration massive , chiffrée en centaines de milliers de personnes, s'est déclenchée, notamment vers la Russie. Elle touche principalement les catégories les plus qualifiées : ingénieurs, médecins, enseignants. La situation du pays a justifié l'attribution d'une aide humanitaire d'urgence par différents pays occidentaux.

Le cessez-le-feu dans le Haut-Karabakh constitue un élément positif dans un contexte aussi dégradé. Un certain nombre de réformes de structure, devant traduire le passage à l'économie de marché, ont pu progressivement se mettre en place.

Depuis 1995, l'Arménie a retrouvé la croissance économique. L'augmentation du PIB de 5,2 % en 1995 est la plus forte de tous les Etats de la CEI. Il faut dire que le PIB avait chuté de plus de 60 % depuis 1991.

Les déficits, extérieur comme intérieur, demeurent considérables. L'inflation a toutefois été réduite et l'état de pénurie s'avère moins sévère que par le passé. L'effort de stabilisation financière a été reconnu par les institutions financières internationales qui ont accordé au pays une aide conséquente.

Il semble toutefois que cette légère amélioration ne peut se confirmer sans apport massif d'investissements étrangers.

II. LES RELATIONS FRANCO-ARMÉNIENNES ET LES PERSPECTIVES D'INVESTISSEMENT

Compte tenu des liens historiques entre la France et l'Arménie, dont certains sont fort anciens mais qui ont également été resserrés par la présence en France d'une communauté d'origine arménienne comptant 400.000 personnes, la France a reconnu la République d'Arménie dès 1991 et a été l'un des premiers pays à envoyer un ambassadeur à Erevan.

Le traité d'entente, d'amitié et de coopération signé le 12 mars 1993 à Paris entre les deux pays est le premier traité bilatéral conclu par la République arménienne avec un Etat occidental depuis son accession à l'indépendance.

L'Arménie souhaite s'ancrer à l'Europe et c'est avec la France qu'elle entretient le dialogue politique le plus nourri.

Mais si les relations franco-arméniennes sont marquées par de fortes affinités culturelles, elles demeurent encore très modestes sur le plan économique.

A. DE FORTES AFFINITÉS CULTURELLES

Environ près du quart des élèves arméniens étudient le français, langue qui occupe également une place importante au sein des élites.

Aussi la coopération entre les deux pays s'est elle assez rapidement développée en matière culturelle, qu'il s'agisse de l'enseignement (mise en place de filières bilingues à Erevan et Gumri) ou de l'audiovisuel (couverture de l'Arménie par les radios et télévisions francophones, RFI et CFI).

La coopération française cherche également à conforter les liens avec les disciplines scientifiques particulièrement prisées en Arménie (astrophysique, sismologie notamment). Un appui technique très important a été apporté à l'Arménie pour la préparation et la mise en oeuvre de réformes institutionnelles, législatives et administratives.

B. DES RELATIONS ÉCONOMIQUES ENCORE MODESTES

En 1995, les exportations françaises en Arménie se sont montées à 58,5 millions de F, inférieures à celles réalisées par l'Italie qui a ainsi pris la place de premier exportateur européen dans ce pays. Inversement, la France n'a importé que pour 1,4 million de F de produits arméniens.

Une aide importante a été accordée par la France en décembre 1995 dans le cadre de protocoles financiers du Trésor pour un montant de 20 millions de F de dons et de 24,5 millions de F de prêts. Elle s'est concrétisée par un don de 4.000 tonnes de céréales et un financement pour les installations aéroportuaires d'Erevan et le stockage des déchets nucléaires de la centrale de Medzamor.

L'Arménie vient de remettre en service l'un des deux réacteurs de cette centrale nucléaire qui était arrêtée depuis le séisme de 1988, une remise en état ayant été effectuée avec l'aide des russes. Pour l'Arménie, quasiment privée de ressources énergétiques, ce redémarrage était considéré comme vital. Pour bon nombre d'experts occidentaux, la sûreté de l'installation demeure insuffisante.

Aussi l'aide française n'a-t-elle pas porté sur la remise en état du réacteur mais seulement sur le traitement et le stockage des déchets.

En dehors de ces éléments, les investissements français sont pratiquement inexistants mais de grandes entreprises du secteur des communications et des travaux publics s'intéressent de près aux projets de réhabilitation ou de modernisation des infrastructures.

Conscient de l'impérieux besoin d'un apport en capitaux et en technologie, le gouvernement arménien a fait adopter le 31 juillet 1994 une loi sur les investissements étrangers. Cette loi ouvre largement l'ensemble des secteurs de l'économie aux investissements étrangers, sauf dans quelques secteurs sensibles comme l'armement.

Une agence de développement de l'entreprise et de promotion des investissements étrangers vient, en outre, d'être créée. S'agissant de la France, la COFACE accorde une garantie-investissement identique à celle en vigueur pour les autres Etats de la CEI.

Tel est le contexte dans lequel intervient l'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

III. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD

1. Champ d'application géographique

Il comprend le territoire et la zone maritime (incluant la zone économique et le plateau territorial) de chacune des parties (article 1.5).

2. Investissements concernés

Les investissements recouvrent l'ensemble des avoirs dont l'article 1.1 de l'accord donne une liste qui comprend notamment les biens meubles et immeubles ainsi que les autres droits réels (hypothèque, privilège, usufruit, cautionnement ...), les actions, les obligations, les droits d'auteur et de propriété commerciale ou industrielle, les concessions accordées par la loi ou en vertu d'un contrat.

Par ailleurs, la protection ne jouera que pour les investissements conformes à la législation de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils sont réalisés.

3. Les investisseurs intéressés

Il convient de distinguer d'une part les personnes physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des parties contractantes (article 1.2) et d'autre part les sociétés constituées conformément à la législation de l'Etat contractant où se trouve situé leur siège social (article 1.2).

4. Les revenus visés

Les revenus recouvrent « toutes les sommes produites par un investissement (...) durant une période donnée » (article 1.4).

B. DES STIPULATIONS CLASSIQUES TENDANT À ENCOURAGER ET PROTÉGER LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES

1. L'encouragement des investissements

L'encouragement des investissements, dont le principe est posé par l'article 2, revêt deux formes :

- l'octroi d'un traitement « juste et équitable » pour ces investissements conformément aux principes du droit international (article 3), ce qui exclut notamment toute restriction à l'achat et au transport des matières nécessaires à la production et à l'exploitation ainsi que toute entrave à la vente et au transports des produits,

- l'application par chaque partie d'un traitement au moins aussi favorable aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses propres investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée , si celle-ci se révèle plus avantageuse (article 4).

Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun ou d'une autre forme d'organisation économique régionale.

Par ailleurs, il convient également de souligner que le principe d'un traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les investissements de l'autre partie, ne s'applique pas dans le domaine fiscal. Compte tenu de l'importance des allégements fiscaux accordés à certains investisseurs nationaux, ces derniers bénéficient ainsi d'un net avantage.

2. La protection des investissements : trois principes traditionnels

Les investisseurs de l'autre partie doivent d'abord bénéficier, en cas de dépossession pour cause d'utilité publique (nationalisations, expropriations ...), d'une « indemnité prompte et adéquate » , dont le montant est évalué par rapport à une « situation économique normale et antérieure à toute menace de dépossession » (article 5.2).

En second lieu, en cas de dommages et pertes provoqués par des circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers ont droit à un traitement aussi favorable que celui des investisseurs nationaux ou de la nation la plus favorisée (article 5.3).

Le principe de la liberté des transferts , essentiel pour les investisseurs, se trouve garanti à l'article 6 de l'accord. Il s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la cession ou de la liquidation de l'investissement (y compris les plus-values). Son application apparaît, en revanche, plus restreinte pour les transferts des revenus des ressortissants de l'une des parties travaillant sur le territoire de l'autre partie puisque ceux-ci ne sont garantis que dans la limite d'une « quotité appropriée de leur rémunération » (article 6).

C. UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS

L'accord prévoit deux dispositifs différents de règlement des conflits.

1. Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre Etat

Dans cette hypothèse et lorsqu'un règlement à l'amiable n'a pu être obtenu au terme d'un délai de six mois, le différend est soumis à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) créé sous les auspices de la Banque mondiale, par la Convention de Washington du 18 mars 1965 (article 7).

L'article 8 stipule que lorsque l'une des parties effectue au profit de l'un de ses investisseurs un versement en vertu de la garantie donnée pour un investissement sur le territoire de l'autre partie, elle se trouve « subrogée dans les droits ou actions de ce national ou de cette société ».

2. Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord

A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (article 10).

*

* *

Quant aux dispositions finales de l'accord, elles prévoient l'entrée en vigueur de l'accord un mois après le jour de la réception de la dernière notification de l'accomplissement des procédures internes requises.

L'accord est conclu pour une durée initiale de dix ans et sera reconduit tacitement après ce terme, sauf dénonciation par l'une des parties avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger pendant vingt ans la protection des investissements effectués pendant la période de validité de l'accord (article 11).

A la date de rédaction du présent rapport, les autorités arméniennes n'avaient pas procédé à la ratification de l'accord de protection des investissements du 4 novembre 1995.

*

* *

CONCLUSION

Même si depuis le cessez-le-feu de mai 1994 l'Arménie n'est plus en état de guerre, bien des interrogations subsistent sur sa capacité à retrouver le chemin du développement économique et à assurer la stabilité des institutions dans le cadre d'un état de droit démocratique.

L'Arménie éprouve un besoin crucial d'investissements étrangers mais ceux-ci restent modestes. De grandes entreprises occidentales, françaises notamment, suivent cependant avec intérêt la mise en oeuvre des réformes économiques libérales et des privatisations ainsi que les opportunités de participation à des projets d'infrastructure.

Cet accord d'investissement, qui renforce les relations déjà étroites entre l'Arménie et la France, répond donc à la nécessité de garantir les entreprises françaises disposées à investir dans ce pays.

C'est pourquoi votre rapporteur vous invite à adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 9 octobre 1996.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin, président, a demandé des précisions sur le déroulement de la récente élection présidentielle. M. Hubert Durand-Chastel, rapporteur, a rappelé que celle-ci avait vu la réélection du Président sortant M. Ter Pétrossian face à son principal adversaire M. Manoukian. Il a évoqué les contestations relatives à la régularité des opérations et les manifestations qui avaient entraîné l'intervention des forces de sécurité à Erevan, ainsi que la levée d'immunité parlementaire de M. Manoukian.

La commission a alors approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvenement de la République d'Arménie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Erevan le 4 novembre 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi 1 ( * ) .

ANNEXE - ETUDE D'IMPACT 2 ( * )

- Etat de droit et situation de fait existants et leur insuffisance : sans objet.

- Bénéfices escomptés en termes :

* d'emploi : impossible à quantifier ;

* d'intérêt général : enrichissement de nos relations diplomatiques ;

* financière : permettra au Gouvernement d'accorder la garantie de la Coface pour les investisseurs français, conformément à la loi de finances rectificative pour 1971 ;

* de simplification des formalités administratives : aucune ;

* de complexité de l'ordonnancement juridique : sans objet.

* 1 Voir le texte annexé au document Sénat n° 495 (1995-1996).

* 2 Présentée par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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