N° 5
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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 2 octobre 1996
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord du 18 mars 1993 modifiant l'accord du 3 août 1959 modifié par les accords du 21 octobre 1971 et du 18 mai 1981 complétant la convention entre les Etats Parties au traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, en ce qui concerne les forces stationnées en République fédérale d'Allemagne,
Par M. Serge VINÇON,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux.
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes invités à examiner, dans le but d'en autoriser la ratification, un accord multilatéral, signé le 18 mars 1993 entre la France, l'Allemagne, la Belgique, le Canada, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne.
Cet accord modifie un important accord du 3 août 1959 précisant les modalités de stationnement des forces OTAN non allemandes sur le territoire fédéral, en application d'une convention, signée à Londres en 1951, précisant les règles générales du stationnement sur le territoire d'un Etat partie au Traité de l'Atlantique-Nord des forces d'un ou de plusieurs autres Etats Parties.
Globalement, cet accord de 1993, en tirant les conséquences de la réunification allemande, entend permettre l'application prioritaire du droit allemand dans les différents domaines du stationnement de forces étrangères, bénéficiaires jusqu'alors de nombreuses mesures dérogatoires.
Avant d'analyser les principales dispositions de cet accord, votre rapporteur rappellera les bases juridiques du stationnement de forces étrangères en territoire allemand. Il évoquera ensuite l'évolution des effectifs de ces forces qui permet de constater, pour tous les états concernés, une réduction drastique de leur présence militaire en République fédérale. La France ne fait pas exception, comme le démontrent les projets de restriction de nos unités, présentés par le Ministre devant votre commission le 17 juillet dernier.
I. LES BASES JURIDIQUES DU STATIONNEMENT DES FORCES MILITAIRES ÉTRANGÈRES EN ALLEMAGNE
A. DE L'APRÈS-GUERRE JUSQU'À LA RÉUNIFICATION DE L'ALLEMAGNE
Entre 1951 et 1959 deux séries de textes ont jeté les bases juridiques et politiques de la présence de forces militaires non-allemandes sur le territoire de la république fédérale. Une première série prise en dehors du cadre OTAN, la seconde prise en application de conventions élaborées dans le cadre de l'Alliance atlantique.
1. En dehors du cadre OTAN
La première série de textes -Conventions de Bonn du 26 mai 1952 amendées par les accords de Paris du 23 octobre 1954- implique, outre la République fédérale, les trois puissances « occupantes » de l'époque : Etats-Unis, Grande-Bretagne, France. Ces textes consacrent la souveraineté de la RFA (née juridiquement en 1949) et mettent fin au régime d'occupation prévalant depuis la chute du IIIe Reich.
Cependant, par ces textes, les trois puissances « se réservent les droits antérieurement exercés ou détenus par elles en ce qui concerne le stationnement de forces armées sur le territoire de la République fédérale » , la mission de ces forces étant « la défense du monde libre dont la République fédérale et Berlin font partie ».
A cet effet, une convention spécifique, rattachée à la convention de Bonn et signée le même jour, avait posé les « droits et obligations des forces étrangères et de leurs membres sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne ».Cette convention a été, depuis, abrogée par l'accord de 1959.
Deux ans plus tard, les conventions de Bonn furent amendées dans le cadre des « accords de Paris » du 23 octobre 1954.
En particulier, fut alors conclue la Convention relative à la présence des troupes étrangères sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne, dont l'article premier prévoit qu' « à partir de l'entrée en vigueur des arrangements sur la contribution allemande à la défense (l'accession de l'Allemagne à l'OTAN et à l'UEO fut conclue le même jour, le 23 octobre 1954, pour entrer en vigueur le 5 mai 1955 en ce qui concerne l'OTAN), des forces de même nationalité et de même importance que celles qui se trouveront à cette date (5mai 1955) sur le territoire de la République fédérale, pourront y être stationnées ».
C'est cette convention qui, aujourd'hui encore, constitue le fondement essentiel du stationnement des forces britanniques, américaines et françaises en territoire allemand.
2. Le cadre OTAN
Peu après la conclusion du Traité de l'Atlantique Nord -le 4 avril 1949-, les Etats signataires à ce traité ont signé à Londres, le 19 juin 1951, la Convention entre les Etats parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces. Cette convention détermine, d'une façon générale, les règles applicables aux forces étrangères stationnant sur le territoire d'un autre Etat partie : principe du respect de la législation de l'Etat de séjour, exonérations diverses, fiscales ou douanières, dont lesdites forces peuvent bénéficier, règles juridictionnelles, dispositions relatives à l'indemnisation des dommages éventuels etc..
En conséquence de l'accession effective, en mai 1955, de la République fédérale à l'OTAN, fut signé le 3 août 1959 un accord complétant la convention de 1951 précisant le régime des forces OTAN stationnées en RFA. C'est cet accord complémentaire, déjà modifié en 1971 et en 1981, qu'il nous est aujourd'hui proposé de modifier à nouveau par l'accord du 18 mars 1993 présentement soumis à notre examen.
L'accord complémentaire du 3 août 1959, dans la logique de la convention de 1951, fait application, au cas particulier de la RFA, des grands principes qu'elle pose. Il traite d'une part des facilités accordées aux forces alliées pour l'exercice de leur mission en RFA et des modalités de coopération entre l'Etat de séjour -la RFA- et les Etats d'origine des forces. D'autre part, il règle la situation des forces et de leurs membres, civils et militaires à l'égard de la loi allemande.
B. LE STATUT DES FORCES DEPUIS LA RÉUNIFICATION DE L'ALLEMAGNE
La réunification de l'Allemagne a notamment entraîné la conclusion préalable, le 12 septembre 1990, du Traité dit 4+2 -les quatre grandes puissances plus les deux Etats allemands- fixant notamment les frontières définitives de l'Allemagne unifiée, mettant fin aux droits et obligations des quatre puissances et, en rendant caducs les accords quadripartites, notamment pour Berlin, conférant à l'Allemagne sa pleine souveraineté.
A la suite de cet accord, des accords sous forme d'échanges de lettres furent conclus le 25 septembre 1990. Confirmant la validité des accords de stationnement antérieurs -convention de 1951 et accord complémentaire de 1959, convention de Paris du 23 octobre 1954 sur la présence des troupes étrangères- ces accords prévoyaient également d'une part le maintien temporaire, à la demande de l'Allemagne, de forces étrangères à Berlin ; ce dispositif, spécifique à Berlin, a été abrogé le 31 décembre 1994. D'autre part ils réglaient les modalités de déplacement des forces pour leur activité officielle dans les nouveaux Länder, déplacement qui nécessite le consentement exprès des autorités allemandes.
C. LA SPÉCIFICITÉ DU STATUT DES FORCES FRANÇAISES
1. Les forces françaises après le retrait de 1966 du dispositif intégré
Les Forces françaises stationnées en Allemagne sont régies par les mêmes accords de stationnement auxquels sont soumises les autres forces non-allemandes. Toutefois, des particularités ont résulté de la décision de 1966 de se retirer de l'organisation intégrée.
Dans deux aide-mémoire des 11 et 29 mars 1966, la France exprima sa volonté de maintenir des forces françaises en RFA « en vertu de la convention du 23 octobre 1954 » (donc hors OTAN), ce que la République fédérale accepta.
D'autres modalités particulières furent alors prévues : le double pavoisement, l'information préalable du gouvernement fédéral quant au choix du commandant en chef des FFA, l'intention de la RFA de ne pas remettre en cause l'implantation des unités et installations des FFA, la notification annuelle au gouvernement fédéral des effectifs, de la structure et des matériels des FFA, l'obligation enfin de notifier à l'autorité allemande les mouvements, manoeuvres et exercices à partir du niveau du régiment.
2. Les réalisations communes en matière de défense
En novembre 1987 fut décidée, lors du 50e Sommet franco-allemand, la création de la brigade franco-allemande. Un arrangement administratif spécifique à l'organisation et au fonctionnement de cette unité fut conclu en novembre 1989, mais il s'inscrit néanmoins dans le dispositif des accords de stationnements antérieurs. Cet arrangement administratif est en voie d'aménagement afin de prendre en compte notamment la création décidée depuis, de l'Eurocorps, auquel la brigade franco-allemande est subordonnée.