Rapport n° 361 (1995-1996) de M. Pierre FAUCHON , fait au nom de la commission des lois, déposé le 14 mai 1996

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N ° 36 1

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996


Annexe au procès-verbal de la séance du 14 mai 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN DEUXIÈME LECTURE, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques,

Par M. Pierre FAUCHON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le 14 mai 1995 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission a examiné, sur le rapport de M. Pierre Fauchon, la proposition de loi tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale.

Elle a adopté trois amendements :


• pour rétablir, à l' article premier, l'obligation de déposer devant les commissions spéciales ou permanentes, et sa sanction, qu'elle a toutefois limitée à une peine d'amende ;


• pour rétablir l' article premier bis supprimé par l'Assemblée nationale afin d'ouvrir aux commissions spéciales et aux commissions permanentes la faculté de demander à leur assemblée de leur accorder, pour une durée et un objet limités, les pouvoirs des commissions d'enquête ;


• pour modifier l' article 3 instituant un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques afin :

- de préciser que l'office est composé de deux Délégations constituées l'une à l'Assemblée nationale et l'autre au Sénat,

- de rétablir la faculté, pour l'office, de recourir à la Cour des comptes, au Commissariat général du plan, aux inspections générales de l'État et aux organismes administratifs remplissant une mission d'évaluation,

- de réserver au destinataire des travaux de l'office le soin de décider l'usage qu'il fait de ceux-ci,

- de renvoyer les autres modalités de fonctionnement de l'office à son règlement intérieur, après avoir précisé que ses dépenses sont financées et exécutées comme des dépenses des assemblées parlementaires.


• Pour l' article 2, qui élargit la saisine de la Cour des comptes à toutes les commissions permanentes, la commission a décidé de s'en remettre, comme en première lecture, aux propositions de la commission des Finances saisie pour avis.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

L'Assemblée nationale a adopté, en juillet 1995, une proposition de loi tendant à renforcer les moyens d'information et de contrôle du Parlement.

Le titre premier complète les moyens d'information des commissions spéciales et permanentes en instituant une obligation de comparution devant elles et en leur ouvrant la faculté de saisir la Cour des comptes aux fins d'enquête sur les services, établissements et entreprises soumis à son contrôle.

Le titre II créé un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques sous la forme d'une délégation parlementaire commune aux deux assemblées.

Le Sénat, qui a examiné cette proposition de loi en première lecture le 31 janvier 1996, a approuvé l'initiative des députés dans son principe. Il a en effet estimé qu'elle était de nature à donner un nouvel élan à l'évaluation parlementaire, dans le prolongement des travaux conduits depuis de nombreuses années par ses commissions permanentes, leurs missions d'information ou groupes d'études, ainsi que par ses commissions d'enquête.

1. Les pouvoirs d'information des commissions du Parlement


• Le Sénat a approuvé, en première lecture, l' article premier de la proposition de loi qui introduit une obligation de déférer aux convocations des commissions spéciales ou permanentes. Il a toutefois estimé nécessaire de la compléter par l'obligation de déposer devant ces commissions.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'a pas souhaité retenir la sanction du refus de déposer.

Votre commission des Lois continue de penser qu'il convient de prévoir une double obligation de déférer à la convocation d'une commission permanente ou spéciale et de déposer devant celle-ci. En effet, si dans son esprit l'obligation de venir devant une commission comprend évidemment l'obligation de déposer devant celle-ci, au point où en est le débat, la suppression de la mention de cette obligation pourrait être comprise comme fondant le refus de déposer.

Elle vous propose donc de reprendre dans le texte la mention expresse de l'obligation de déposer. Toutefois, elle estime que la sanction initialement prévue est en partie inadaptée à la nature et au rôle des commissions permanentes ou spéciales, c'est pourquoi l'amendement qu'elle vous propose tend à supprimer la peine d'emprisonnement de six mois et à limiter la sanction à une peine d'amende de 50.000 francs.


L'article premier bis résulte d'une initiative du Sénat, sur proposition de sa commission des Lois qui souhaitait compléter les moyens d'information des commissions permanentes ou spéciales. Il prévoit que celles-ci peuvent demander à leur assemblée de leur conférer, pour une mission déterminée et pour une durée n'excédant pas six mois, les prérogatives des commissions d'enquête.

L'Assemblée nationale a supprimé cette disposition au motif que l'ouverture de cette faculté risquerait de priver les commissions d'enquête de leur utilité.

Votre commission des Lois estime que cette objection n'est pas fondée. La faculté que le Sénat a souhaité reconnaître aux commissions permanentes ou spéciales, et dont bénéficie d'ailleurs déjà l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, n'est en effet destinée qu'à leur permettre de surmonter d'éventuels obstacles dans l'exercice de leur mission de contrôle. Elle ne prive donc aucunement les commissions d'enquête de leur utilité spécifique dans la mesure où elles constituent l'instance la mieux adaptée à la conduite d'investigations approfondies, pendant six mois, sur des faits déterminés ou sur le fonctionnement d'un service public.

Bien plus, elle conforte le rôle des commissions d'enquête car elle en réserve l'usage à leur véritable objet tandis que grâce au dispositif proposé, les commissions permanentes ou spéciales qui rencontreraient des difficultés pour accéder à certaines informations ou à certains locaux, -par exemple l'un ou l'autre des lieux de garde à vue ou des établissements pénitentiaires auxquels votre commission des Lois s'intéresse actuellement-, disposeront d'une réponse adaptée et la création d'une commission d'enquête, détournée en l'espèce de son objet, pourra être évitée.

Pour ces motifs, votre commission des Lois vous propose d'adopter un amendement tendant à rétablir l'article premier bis dans le texte adopté en première lecture par le Sénat, sous réserve d'y préciser explicitement que les conditions d'octroi et d'exercice par les commissions permanentes ou spéciales des pouvoirs des commissions d'enquête sont celles que prévoit, pour lesdites commissions, l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.


• Par l' article 2, l'Assemblée nationale a souhaité ouvrir aux commissions permanentes la faculté, actuellement réservée aux seules commissions des finances et aux commissions d'enquête, de demander à la Cour des comptes de procéder à des enquêtes sur la gestion des services, organismes et collectivités soumis à son contrôle.

Craignant que la Cour des comptes ne soit pas en mesure de répondre à un trop grand nombre de demandes, le Sénat a préféré, en première lecture, n'étendre la saisine actuelle qu'à l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques institué par le titre II de la proposition de loi.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'a pas été sensible à cet argument et a donc rétabli son texte initial.

Comme en première lecture et étant observé que votre rapporteur est tout à fait sensible aux observations formulées en première lecture devant le Sénat par le rapporteur général de la commission des Finances, notre collègue M. Alain Lambert, votre commission des Lois s'en remet sur cet article aux propositions de la commission des Finances saisie pour avis.

2. L'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques

En première lecture, le Sénat a estimé que la création, par l' article 3, d'un instrument spécifique destiné à renforcer la capacité évaluative du Parlement était susceptible d'éclairer très utilement l'appréciation que le législateur doit porter sur les politiques publiques, au regard, notamment, de leur coût et de leur efficacité.


• Il lui a toutefois semblé que la création d'un organisme commun aux deux assemblées ne pouvait pas se faire dans l'ignorance de la structure bicamérale du Parlement, sous peine de compromettre l'avenir de cette institution. C'est pourquoi, il a souhaité que l'office soit composé de la réunion de deux Délégations constituées l'une au sein de l'Assemblée nationale et l'autre au sein du Sénat.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale n'a pas retenu cette solution, la rédaction du Sénat pouvant être interprétée comme signifiant que chaque Délégation constituait une structure autonome dont la réunion au sein d'un office aurait présenté un caractère exceptionnel.

Votre commission des Lois persiste à penser que la constitution de l'office à partir de deux Délégations est préférable sans pour autant compromettre le caractère unitaire de l'office, le fonctionnement indépendant des Délégations n'étant envisagé qu'à titre subsidiaire dans l'hypothèse de divergences entre les deux assemblées.

Elle vous propose donc une nouvelle rédaction de l'article 3 faisant apparaître sans ambiguïté cette approche.


• S'agissant de la mission de l'office (§ I, alinéa 2), votre commission des Lois considère qu'elle est comprise dans la désignation même de l'office qui est chargé d' » évaluer les politiques publiques » . Cette solution permet en outre d'éviter des discussions quelque peu formelles sur la définition de cette mission.

En première lecture, le Sénat avait souhaité rappeler que cette mission évaluative s'exerçait sans préjudice des compétences des commissions permanentes. Cette précision, qui trouve son fondement dans la fonction constitutionnelle des commissions parlementaires, conduisant toutefois à surcharger le texte finalement très succinct qui vous est proposé, il n'a pas paru indispensable à votre commission des Lois de la reprendre dans l'amendement qu'elle vous propose.


• Pour ce qui concerne la composition de l'office ainsi que sa présidence, l'une et l'autre assemblée souhaitent qu'y soient rassemblés, sous la présidence annuelle alternative des présidents des deux commissions des finances, les représentants des commissions permanentes et des groupes politiques composant chacune des Délégations (§ II).

L'amendement qui vous est proposé reprend ces dispositions, étant entendu que dans l'esprit de votre commission, ce dispositif implique que chaque Délégation est présidée par le président de la commission des Finances de l'assemblée à laquelle elle appartient.


• Les deux assemblées ont par ailleurs entendu réserver la saisine de l'office aux commissions permanentes, aux Bureaux et, par l'intermédiaire de ces derniers, aux groupes politiques. Votre commission des Lois vous propose de reprendre cette disposition (§ III).

Pour lever toute éventuelle ambiguïté, il convient de préciser que la saisine du Bureau ne signifie pas que la compétence de celui-ci est liée.


• S'agissant de la publicité donnée aux travaux de l'office, votre commission des Lois vous propose, comme en première lecture mais contrairement à ce que prévoit le texte adopté par l'Assemblée nationale, de réserver au destinataire des travaux de l'office le soin de décider l'usage qu'il fait de ceux-ci (§ V).

Il n'apparaît en effet pas souhaitable que l'office puisse prendre l'initiative de publier des travaux effectués à l'initiative et pour le compte de commissions ou de groupes politiques. En d'autres termes, l'office ne pourra pas publier ses travaux si l'auteur de sa saisine s'y oppose.


• Pour ce qui concerne le fonctionnement de l'office, le Sénat avait souhaité, en première lecture, s'en tenir aux quelques dispositions exigeant l'intervention de la loi : les pouvoirs d'information et le financement des dépenses, étant précisé, comme l'a souhaité l'Assemblée nationale, que le règlement intérieur de l'office sera soumis à l'approbation des Bureaux des deux assemblées (§ VI).

Votre commission des Lois vous propose de reprendre cette approche en deuxième lecture et de supprimer en conséquence les dispositions relatives, notamment, au conseil scientifique ou aux règles de vote.

Il lui paraît toutefois utile de mentionner, comme le Sénat l'avait fait en première lecture, la faculté pour l'office de recourir, pour la réalisation des études, à la Cour des comptes, au Commissariat général du plan, aux inspections générales de l'État ou aux organismes administratifs remplissant des missions d'évaluation, ainsi qu'à tous organismes experts, ceux-ci ayant vocation à varier en fonction des sujets d'étude (§ IV).

L'Assemblée nationale ayant émis des réserves sur la demande d'études à la Cour des comptes, -on observera qu'il ne s'agit pas d'enquêtes-, votre commission des Lois s'en remet, sur l'opportunité d'introduire cette faculté, à l'appréciation de la commission des Finances saisie pour avis.


• On relèvera enfin qu'il n'est pas nécessaire que les modalités de fonctionnement des Délégations soient précisées dans la loi : il incombera au règlement intérieur et, le cas échéant, au Règlement de chacune des assemblées de les fixer.

Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous propose, votre commission des Lois vous demande d'adopter en deuxième lecture la présente proposition de loi.

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