N° 282

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mars 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, MODIFIÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la lutte contre le blanchiment et le trafic des stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime,

Par M. Paul GIROD,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Sénat : Première lecture : 611 (1993-1994), 18 et T.A. 2 (1995-1996).

Deuxième lecture : 227 (1995-1996).

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2298, 2518, et T.A. 479.

Stupéfiants.

RAPPORT

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi relatif à la lutte contre le blanchiment et le trafic de stupéfiants et à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation des produits du crime a été adopté en première lecture à l'unanimité tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.

Le texte issu des travaux de celle-ci est par ailleurs fort proche de celui que nous avions adopté le 18 octobre 1995.

En effet, douze des dix-huit articles ont d'ores et déjà été votés dans les mêmes termes.

Sur les six articles modifiés par nos collègues députés, trois ont fait l'objet de simples amendements d'ordre rédactionnel, d'ailleurs opportuns. Il s'agit des articles 4 (délit douanier de blanchiment), 4 -bis (possibilité pour TRACFIN de communiquer ses informations à des États étrangers) et 5 (champ d'application de la coopération internationale).

En définitive, l'Assemblée nationale n'a apporté au texte issu des travaux du Sénat que deux modifications de fond, concernant trois articles.

La première modification, portant sur l'article premier, a consisté à prévoir que les personnes physiques encourraient non seulement les peines complémentaires prévues par le Sénat (interdiction d'exercer une fonction publique ou une activité professionnelle ou sociale, interdiction de détenir une arme soumise à autorisation, suspension ou annulation du permis de conduire, interdiction de séjour...) mais également la peine complémentaire, pour une durée de cinq ans au plus, d'utiliser des cartes de paiement et d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré. Votre commission a jugé cette adjonction particulièrement utile dans la mesure notamment où elle permettrait de priver l'auteur du délit de blanchiment de l'un des instruments de l'infraction.

La seconde modification apportée par l'Assemblée nationale, concernant les articles A-bis et 4-ter, a consisté à exiger que les agents des douanes habilités à exercer le contrôle des changeurs manuels aient au moins le grade de contrôleur. Encore convient-il de noter que cette modification paraît se situer dans la droite ligne de ce qu'avait décidé le Sénat, lequel avait réservé aux agents des douanes ayant au moins le grade de contrôleur le droit de se faire communiquer les registres et les documents professionnels des changeurs manuels. Or, comme l'a fort justement souligné notre collègue député M. Michel Hunault, rapporteur à l'Assemblée nationale, « dès lors que seuls ces contrôleurs pourront se faire communiquer les documents nécessaires à l'exercice de leur mission et accéder aux locaux professionnels, il est logique de n'investir qu'eux seuls du pouvoir de rechercher et constater les infractions ».

Telles sont les raisons qui ont conduit votre commission des Lois à approuver les modifications apportées par l'Assemblée nationale.

Elle a par ailleurs de nouveau procédé à un large échange de vues sur les conséquences du présent projet de loi pour les établissements de crédit.

Sur ce point, elle rappelle tout d'abord que les textes généraux du droit pénal (code pénal et circulaire d'application) confèrent sans ambiguïté aucune un caractère intentionnel au délit de blanchiment. Ces textes, déjà évoqués par votre rapporteur en première lecture, sont présentés en annexe du présent rapport.

Par ailleurs, votre commission a bien noté l'engagement de M. le Garde des Sceaux pris lors de la discussion à l'Assemblée nationale de réserver les poursuites pénales aux agissements les plus graves de la même manière qu'il avait affirmé devant le Sénat que seule une fraude caractérisée pourrait donner lieu à condamnation.

Votre commission a cependant cru voir une contradiction dans les propos de M. le Garde des Sceaux : se fondant sur le caractère intentionnel du délit de blanchiment, il a indiqué à l'Assemblée nationale -à juste titre- que « les guichetiers de banque n'ont rien à craindre car ils ne font pas partie de ceux qui savent qu'ils manient -encore moins qu'ils blanchissent- des sommes provenant d'un crime ou d'un délit ». Or, devant le Sénat, le ministre de la justice avait déclaré, après avoir rappelé le « devoir de non-ingérence » des banques dans les affaires de leurs clients : « les établissements financiers doivent être vigilants, car c'est par eux que les opérations peuvent le plus souvent passer. Il convient donc qu'ils évitent d'apporter leur concours à de telles opérations quand elles leur sont connues ».

Compte tenu de ces différentes observations, votre commission ne vous propose pas dès à présent d'amendement au présent projet de loi mais souhaiterait obtenir du Gouvernement, en séance publique, la confirmation du caractère intentionnel du blanchiment qui exclurait des poursuites contre les personnes qui, comme les employés de banque, manient des fonds dont elles ne peuvent connaître l'origine frauduleuse.

Sous réserve de cette confirmation qu'elle considère comme fondamentale, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi sans modification.

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