Article 42 - Répartition du produit de la contribution sociale des sociétés

Commentaire : le présent article tend à donner une base légale aux règles de répartition de la contribution sociale de solidarité des sociétés entre les différents régimes de non salariés bénéficiaires, et à limiter les conséquences de l'annulation par le juge administratif des répartitions déjà effectuées entre 1980 et 1994.

I. UNE REPARTITTION EFFECTUEE JUSQU'A PRÉSENT SUR DES BASES JURIDIQUEMENT FRAGILES

Instituée par la loi n° 70-13 du 3 janvier 1970, la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (CSSS) participe au financement des régimes d'assurance maladie et vieillesse des non salariés. Cette contribution a pour but de compenser l'amenuisement des ressources des régimes concernés induit par le développement de l'emploi salarié et par le mouvement de transformation des entreprises individuelles en sociétés. Son régime juridique est fixé par les articles L. 651-1 à L. 651-9 du code de la sécurité sociale.

Jusqu'en 1991, le produit de la contribution a été directement réparti par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, sans que le décret d'application prévu à l'article L. 651-9 ait été pris au préalable.

Le produit de la contribution a ainsi été réparti en fonction des besoins de trésorerie présentés par le régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés non agricoles (CANAM), les régimes d'assurance vieillesse des professions artisanales (CANCAVA), industrielles et commerciales (ORGANIC) et le régime complémentaire obligatoire des entrepreneurs du bâtiment et travaux publics (CNREBTP).

L'article 52 de la loi de finances pour 1992 a étendu le champ de la contribution sociale de solidarité des sociétés aux régimes d'assurance vieillesse des professions agricoles, des ministres des cultes (CAMAVIC) et des avocats (CNBF), ce qui a permis au BAPSA d'absorber en deux ans les 7,3 milliards de francs de réserves accumulées à la fin de 1990 par l'ORGANIC, qui est chargée du recouvrement et de la gestion de la CSSS.

Le tableau ci-dessous retrace la répartition du produit de la contribution sur les cinq dernières années et les prévisions pour 1996. On remarquera le net accroissement de son rendement dans la dernière période résultant de l'article 30 de la première loi de finances rectificative pour 1995, qui a porté le taux de la CSSS de 0,1 % à 0,13 % dès 1995, et étendu son champ d'application à compter de 1996.

Répartition du produit de la contribution sociale de solidarité depuis 1991

(En millions de francs)

Ainsi, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) n'a jamais reçu de CSS depuis l'instauration de celle-ci 1970, bien qu'elle figure parmi les régimes bénéficiaires énumérés à l'article L. 651-1 du code de la sécurité sociale. Une telle exclusion se comprend aisément, dans la mesure où la CNAVPL, à la différence des autres régimes de non salariés, est démographiquement équilibrée et financièrement excédentaire. Mais, bien que cette exclusion soit conforme à la logique de la CSSS, elle ne résulte d'aucune disposition législative expresse.

Contestant cette situation, la Caisse autonome des médecins français, qui est une section professionnelle de la CNAVPL, a engagé un recours contre les arrêtés de répartition pris entre 1980 et 1991, dont elle a obtenu annulation. Le décret n° 91-1268 du 19 décembre 1991 ayant repris les montants de CSS fixés par les arrêtés annulés, le même requérant a obtenu du Conseil d'Etat l'annulation de ce décret par un arrêt du 29 juillet 1994, au double motif que la procédure de répartition de la contribution n'avait jamais été fixée par le décret prévu à l'article L. 651-9 du code de la sécurité sociale et que la CNAVPL ne figurait pas parmi les bénéficiaires de cette répartition.

Le décret n° 93-1306 du 9 décembre 1993 est venu enfin fixer les principes de répartition du produit de la CSSS, avec un dispositif en deux étages :

- une attribution prioritaire aux régimes déficitaires qui ont bénéficié de la CSS avant le 31 décembre 1991 (CANAM, CANCAVA, ORGANIC et CNREPTP) ;

- une répartition du solde éventuel entre les autres régimes énumérés à l'article L. 651-1 du code de la sécurité sociale, au prorata des montants perçus au titre de la compensation démographique pour l'année en cours.

Les répartitions de 1992, 1993 et 1994 ont été faites en application de ce décret, sur une base réglementaire apparemment plus solide que les répartitions des années antérieures.

Cependant, saisi de nouveau par la Caisse autonome des médecins français, le Conseil d'Etat a partiellement annulé, par un arrêt du 9 décembre 1994, le décret n° 93-1306 du 9 décembre 1993 au motif que celui-ci ne pouvait pas, pour distinguer deux catégories de bénéficiaires de la CSSS, se borner à se référer à la répartition agréée avant le 31 décembre 1991 sur la base du décret précédemment annulé.

II. LA SOLUTION PROPOSÉE

Les péripéties contentieuses évoquées ci-dessus justifient le présent article qui tend, d'une part, à fixer les règles de répartition de la CSSS pour l'avenir et, d'autre part, à limiter les inconvénients de l'annulation des répartitions passées.

A. LA LÉGALISATION DES RÈGLES DE RÉPARTITION DU PRODUIT DE LA CONTRIBUTION DE SOLIDARITÉ ENTRE LES SOCIÉTÉS

Le 1° du paragraphe I du présent article tend à insérer dans les dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la CSSS un article L. 651-2-1 précisant les règles de répartition du produit de celle-ci. Ces règles sont celles qui avaient déjà été fixées par le décret n° 93-1306 du 9 décembre 1993, annulé par l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 décembre 1994.

Le premier alinéa du texte proposé pour cet article L. 651-2-1 prévoit que le produit de la CSSS est d'abord réparti entre la CANAM, la CANCAVA et l'ORGANIC. Les régimes prioritaires sont ainsi limitativement énumérés. La CNREBTP n'est pas citée à ce niveau légal dans la mesure car elle bénéficie réglementairement d'un prélèvement sur la fraction de CSS attribuée à l'ORGANIC, en vertu de l'article L. 651-19 du code de la sécurité sociale.

Une déduction est opérée sur le produit de la CSSS au profit de ORGANIC, au titre des frais de recouvrement de la contribution dont elle est chargée. A l'inverse, ce produit est, le cas échéant, abondé du solde positif de exercice précédent.

Les régimes prioritaires ainsi définis reçoivent chacun une fraction de CSS égale à la différence entre leurs dépenses et leurs recettes, abstraction faite de la CSS reçue au titre des exercices antérieurs et de la subvention d'équilibre que l'Etat peut verser à l'ORGANIC et à la CANCAVA en application du 5° de l'article L. 633-9 du code de la sécurité sociale (en pratique il n'y a pas de précédent d'une telle contribution budgétaire à ces régimes). Ainsi, seuls les cotisations et les transferts de compensation démographique sont pris en compte pour le calcul des besoins de financement des régimes bénéficiaires.

Enfin, si le produit de la CSS ne suffit pas à les combler, il est réparti proportionnellement aux déficits comptables ainsi calculés.

Votre commission vous propose pour cet alinéa un premier amendement tendant à une rédaction plus économe et syntaxiquement plus correcte.

Egalement dans le souci d'en alléger la rédaction, elle vous propose, par un deuxième amendement, de faire figurer à l'article L. 651-4 du code de la sécurité sociale le principe du remboursement à ORGANIC des frais occasionnés par le recouvrement et la gestion de la CSS.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 651-2-1 prévoit que le solde éventuel du produit de la CSS, une fois les déficits des régimes prioritaires comblés, est réparti à son tour entre les autres régimes mentionnés l'article L. 651-1 comme bénéficiaires de la contribution : régimes assurance vieillesse des professions libérales, des non salariés agricoles, des ministres des cultes et des avocats. Ce solde est réparti au prorata des montants reçus au titre de la compensation démographique et dans la limite de leurs déficits comptables.

Il convient de remarquer que la CNAVPL, qui est contributrice dans le système de compensation démographique (elle a versé 2,16 milliards de francs à ce titre en 1995), est a priori exclue de ce second étage de répartition de la CSS. Cette position contributrice marque bien le caractère favorable de son rapport démographique entre cotisants et retraités.

De toute façon, la répartition de ce reliquat est dans l'immédiat toute théorique, puisque les 14,22 milliards de francs attendus de la CSS en 1996 permettront seulement de ramener les besoins de financement des quatre régimes prioritaires de 15,3 milliards de francs à 1,14 milliard de francs Situation financière des régimes prioritairement bénéficiaires avant et après versement de la CSS depuis 1994

Le troisième alinéa du texte proposé pour l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'un arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget fixe les montants de CSS ainsi répartis.

Votre commission vous propose, par un troisième amendement, une rédaction plus concise pour la première phrase de cet alinéa.

Le 2° du paragraphe I du présent article étend à la CSS certaines dispositions relatives aux cotisations de sécurité sociale : l'article L. 243-3 du code de la sécurité sociale, qui autorise l'admission en non-valeur des cotisations, et l'article L. 243-6 du code précité, qui prévoit la prescription par deux ans des demandes de remboursement des cotisations indûment versées.

Enfin, l e 3° du paragraphe I du présent article rectifie la rédaction de l'article L. 651-9 du code précité, qui ne précisera plus que le décret d'application auquel il renvoie détermine "la procédure de répartition des sommes recouvrées entre les régimes bénéficiaires", puisque cela est précisément l'objet du nouvel article L. 651-2-1 créé par ailleurs.

B. LA LIMITATION DES CONSÉQUENCES DE L'ANNULATION DES RÉPARTITIONS PASSÉES

Le paragraphe II du présent article tend à limiter les conséquences de l'annulation des arrêtés de répartition intervenus entre 1980 et 1994.

Il ne s'agit évidement pas de valider ces arrêtés annulés, ce qui contredirait directement des arrêts du Conseil d'Etat en violation flagrante du principe de séparation des pouvoirs.

La solution proposée consiste simplement à préciser que les sommes perçues et comptabilisées au profit des régimes bénéficiaires au titre de la CSS, pour les exercices 1980 à 1994, leur sont définitivement acquises. Environ 130 milliards de francs de CSS ont été répartis entre les régimes bénéficiaires sur la période concernée.

Les arrêtés de répartition antérieurs n'ayant pas été annulés, il n'est Pas nécessaire de remonter plus loin dans le temps.

Enfin, le paragraphe III du présent article dispose que les nouvelles règles de répartitions légalisées par l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale sont applicables au produit de la CSS à compter du 1er janvier 1995.

Ainsi, les répartitions effectuées à titre provisoire l'an dernier, sur la base du décret n° 95-716 du 9 mai 1995 qui prévoit la possibilité d'acomptes Provisionnels, deviendra définitive.

III. LA QUESTION DU RECOUVREMENT DES COTISATIONS SOCIALES DUES AUX RÉGIMES DES NON SALARIÉS

Le dernier paragraphe de l'article 30 de la première loi de finances rectificative pour 1995 prévoyait que le gouvernement présente au Parlement un rapport sur la situation financière des régimes bénéficiaires de la CSSS avant le 31 décembre 1995. Lors de la discussion de cet article, le Parlement avait en effet estimé qu'il ne disposait pas de toutes les informations nécessaires pour l'éclairer sur la nécessité d'augmenter le taux et d'élargir l'assiette de la CSSS. Ce rapport devait préciser notamment la répartition de la contribution entre les régimes bénéficiaires, les emplois et les ressources de chaque régime, l'état de leurs réserves, ainsi que les modalités de recouvrement des cotisations.

Lorsque la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui est à l'origine de cette demande d'informations supplémentaires, a examiné le présent article, elle ne disposait pas encore du rapport qui aurait dû être déposé sur le bureau des assemblées depuis deux mois déjà. Cette négligence du gouvernement, alors même que celui-ci proposait de modifier une nouvelle fois la CSSS, a motivé de sa part un amendement de suppression destiné à marquer son mécontentement.

Ce rapport a été providentiellement déposé la veille de la discussion en séance publique à l'Assemblée nationale. Votre rapporteur a donc pu en prendre connaissance en temps utile.

Il est toutefois au regret de constater que ce rapport est très décevant. S'il en apprécie la remarquable concision, il déplore de n'y avoir trouvé aucune information qui n'ait déjà été rendue publique par les rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

En particulier, le rapport n'aborde pas la question essentielle des difficultés rencontrées par les régimes de non salariés pour recouvrer les cotisations auprès de leurs assurés. La Cour des comptes a pourtant consacré des développements édifiants à cette question dans son premier rapport au Parlement sur la sécurité sociale (pages 163 et 165).

Dans ce rapport, après avoir rappelé que le montant global des dettes accumulées par les adhérents de la Confédération de défense des commerçants et artisans (CDCA) envers la CANCAVA, l'ORGANIC et la CANAM était estimé par les caisses concernées à 850 millions de francs en 1993, la Cour relève que ce mouvement de refus du paiement des cotisations commence à s'implanter parmi les professions libérales, notamment médicales.

Les procédures contentieuses de recouvrement des cotisations mises en oeuvre par les caisses se heurtent à une résistance juridique organisée de façon systématique par la CDCA, qui les retardent et en accroît le coût.

Certaines caisses en sont venues à mettre en concurrence les huissiers chargés de signifier les contraintes, pour stimuler leur zèle.

Au total, il ne semble pas inutile d'évaluer de la façon la plus précise les montants de cotisations non recouvrées par les régimes de non salariés, en distinguant dans la mesure du possible ce qui relève de refus délibérés, et de faire un bilan des dispositions tendant à pénaliser les assurés se soustrayant volontairement à leur obligation de cotisation ainsi que les personnes qui les y incitent.

En effet, il y a un lien évident entre ce problème et la situation financière des régimes concernés, c'est-à-dire en dernier ressort le montant de CSSS nécessaire à leur équilibre financier. Rappelons que le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juillet 1995 relevait que le taux des restes à recouvrer atteignait 17,59% pour les employeurs et travailleurs indépendants, à comparer avec un taux de 1,57 % pour les entreprises de salariés.

Votre commission vous propose donc, par un quatrième amendement, de demander au gouvernement un rapport complémentaire sur cette question précise, avant le 30 septembre 1996.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié et complété.

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