II. COMMENTAIRE DU CONTENU DE L'ACCORD DU 16 DÉCEMBRE 1991
A la différence des accords d'union douanière, tel l'accord conclu entre l'Union européenne et la Turquie, tout récemment ratifié par le Parlement européen, l'accord CEE - Saint-Marin inclut des stipulations concernant la coopération entre les Parties ainsi que des clauses intéressant le domaine social. L'accord du 16 décembre 1991 a donc un champ d'application plus vaste qu'un accord d'union douanière classique .
Comparé aux accords d'association conclus par Bruxelles avec les pays d'Europe centrale et orientale et avec certains pays du Maghreb, on remarque (sans d'ailleurs s'en étonner) que l'accord CEE - Saint-Marin s'appuie sur des clauses beaucoup moins détaillées en matière de coopération que les accords d'association. Par ailleurs, les stipulations commerciales du présent accord visent l'application aux pays tiers du même tarif douanier, ce que ne prévoient pas les accords d'association dont les clauses commerciales ont pour objet la création de zones de libre-échange.
Ainsi situé l'accord CEE - Saint-Marin par rapport à d'autres conventions liant Bruxelles à certains de ses partenaires, votre rapporteur présentera successivement les clauses relatives à l'Union douanière instaurée entre les Parties par le présent accord, les engagements souscrits par les Parties en matière de coopération, ainsi que les stipulations concernant la protection sociale dont bénéficient les travailleurs san-marinais dans les Etats membres de la Communauté, et les ressortissants de la Communauté dans la république de Saint-Marin. Il convient d'avoir toujours présent à l'esprit, en appréciant le contenu du présent accord, que celui-ci concerne un micro-Etat dont la population est comparable, quantitativement, à celle de Bergerac ou de Mont-de-Marsan.
A. CLAUSES RELATIVES À L'UNION DOUANIÈRE
Ainsi que votre rapporteur l'a précisé en avant-propos, les clauses de l'accord du 16 décembre 1991 établissant une union douanière entre les Douze et Saint-Marin sont applicables depuis 1992.
1. Champ d'application de l'accord CEE - Saint-Marin
L'article 2 de l'accord se réfère à l'éventail le plus large possible de produits (c'est-à-dire l'ensemble des produis visés par le tarif douanier commun). Toutefois, l'accord CEE - Saint-Marin exclut les produits visés par le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, alors que ces produits font partie du champ d'application des accords d'association.
En effet, l'accord du 16 décembre 1991 a été conclu par la Communauté économique européenne, là où les accords d'association ont été conclus par les communautés européennes (CEE, CECA et Euratom). Cette différence tient probablement aux structures de l'activité économique san-marinaise, qui paraît exclure l'usage du charbon et des produits tirés de la sidérurgie.
L'Union douanière concerne donc les marchandises produites dans la Communauté ou à Saint-Marin, ainsi que les marchandises dites « en libre pratique » dans la Communauté ou dans la république de Saint-Marin, c'est-à-dire les produits en provenance de pays tiers pour lesquels les droits de douane à l'entrée du territoire d'un Etat membre ou de Saint-Marin ont été acquittés (art. 3).
2. Engagements souscrits par les Parties
Les Parties s'engagent à n'introduire entre elles aucun nouveau droit à l'importation et à l'exportation , y compris les taxes d'effet équivalent (art. 5-1). Saint-Marin ne devra donc pas modifier les droits appliqués, au 1er janvier 1991, aux importations en provenance de la Communauté. Cette obligation ne concerne toutefois pas les échanges entre Saint-Marin et l'Italie, régis par un échange de lettre du 21 décembre 1972 (art. 5-2) : l'accord du 16 décembre 1991 tient donc compte de l'étroitesse des liens et de la spécificité de la coopération entre Saint-Marin et l'Italie.
L'article 6 prévoit l'exemption de tout droit de douane sur les échanges commerciaux entre la Communauté et Saint-Marin. Les restrictions quantitatives aux échanges sont proscrites par l'article 9.
Enfin, l'article 11 engage les Parties à s'abstenir de « toute mesure ou pratique fiscale interne établissant directement ou indirectement une discrimination entre les produits d'une Partie contractante et les produits similaires originaires de l'autre Partie contractante ».
Les obligations souscrites par la République de Saint-Marin à l'égard de ses relations commerciales avec les membres de l'Union européenne concernent :
. l'application de la réglementation communautaire en matière vétérinaire, phytosanitaire et de qualité (art. 6-4),
. l'application à l'égard des pays tiers du tarif douanier communautaire (art. 7-1),
. l'application de la réglementation communautaire relative aux échanges de produits agricoles, à l'exception des montants compensatoires et des restitutions (art. 7-1),
. l'instauration d'un impôt comparable à la TVA, appliqué aux produits nationaux destinés à la consommation intérieure, « calculé sur la valeur ajoutée des produits nationaux avec des taux égaux à ceux frappant les marchandises importées de même nature » (art. 6-2).
3. Une application progressive
Un régime transitoire, aujourd'hui caduc, a été initialement prévu à l'égard de l'Espagne et du Portugal. Ces deux pays n'étaient donc pas concernés, en 1991, par l'exemption des droits de douane pour les produits importés de Saint-Marin (art. 6-3).
La création par Saint-Marin de l'impôt compensatoire, comparable à la TVA, visé à l'article 6-2, avait pour objet de permettre l'élimination, au 1er janvier 1996, des taxes d'effet équivalent appliquées à la date de l'accord aux importations en provenance de la Communauté.
Pendant une période transitoire de cinq ans (c'est-à-dire jusqu'à 1997), la Communauté assure, pour le compte de Saint-Marin, les formalités de dédouanement, parmi lesquelles la mise en libre pratique des produits en provenance de pays tiers (art. 8-1). Les bureaux de douane communautaire compétents pour ces opérations de dédouanement sont, si l'on se réfère à l'annexe au présent accord, ceux de Livourne, Ravenne, Rimini et Trieste. Saint-Marin s'engage à ne pas rembourser aux intéressés les montants perçus par la Communauté. Celle-ci est autorisée par l'article 8-3 à prélever un pourcentage de ces droits de douane au titre de ses frais d'administration. Toutefois, les taxes et prélèvements perçus à l'importation de produits agricoles peuvent être utilisés par Saint-Marin « aux fins d'aide à la production ou à l'exportation ».
4. Les clauses dérogatoires
Par dérogation à l'obligation d'appliquer le tarif douanier de la Communauté vis-à-vis des pays tiers, l'article 7-3 fait bénéficier d'un régime de franchise les cadeaux offerts au gouvernement de la république de Saint-Marin (objets d'art, matériel scientifique, médicaments et appareils sanitaires, publications), ainsi que certains objets destinés à l'usage du gouvernement de Saint-Marin (timbres, médailles et insignes, et « autres objets ou valeurs similaires »).
L'article 10 autorise certaines restrictions à l'importation, à l'exportation ou au transit, à condition que ces mesures soient justifiées par des raisons d'ordre public, de moralité publique, de sécurité publique, de protection de la santé, de protection des trésors nationaux ayant une valeur historique, artistique ou archéologique. L'accord précise toutefois que ces restrictions ne doivent pas masquer des pratiques discriminatoires dans le commerce entre les Parties. L'article 10 qui constitue une clause-type inspirée d'une disposition du traité de Rome, n'appelle pas de commentaire particulier.
L'article 12 autorise l'adoption de mesures de sauvegarde « en cas de perturbations sérieuses dans un secteur de l'activité économique de l'une des Parties contractantes ». C'est en vertu d'une clause comparable à celle-ci que la France est habilitée à prendre des mesures destinées à protéger la banane originaire des Départements d'outre-mer contre les bananes provenant de pays tiers.