ANNEXES
ANNEXE I - L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT : ÉTUDE DE DROIT COMPARE
SÉNAT
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES
Division des Etudes de législation comparée
Le 12 octobre 1995
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT : ÉTUDE DE DROIT COMPARE
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
La proposition de loi adoptée en juillet 1995 par l'Assemblée nationale, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques, attribue à ce dernier une double mission :
- d'une part, une mission d'évaluation rétrospective en le chargeant « d'informer le Parlement sur l'adéquation entre les moyens juridiques, administratifs ou financiers consacrés à toute politique publique (...) » ;
- d'autre part, une mission d'évaluation prospective en lui demandant de « fournir également au Parlement des études sur les moyens juridiques, administratifs ou financiers qui seront nécessaires pour atteindre les objectifs assignés » aux politiques financées grâce à des ressources publiques.
La comparaison entre cet Office et les organes qui existent dans les Parlements étrangers en vue des mêmes objectifs exige donc que soient pris en compte non seulement les dispositifs d'information et d'aide à la prise de décision permettant une évaluation prospective, mais aussi les instruments de mesure des effets de politiques déjà engagées.
A cet égard, on a exclu du champ de l'étude l'évaluation de l'efficacité de la loi. La question de savoir si la loi répond aux objectifs qu'elle s'est donnés est en effet traitée dans l'étude portant sur l'évaluation de la législation puisqu'il s'agit d'une compétence du futur Office parlementaire d'amélioration de la législation.
Pour situer l'Office parlementaire d'évaluation des politiques Publiques par rapport à quelques-uns de ses homologues étrangers, on s'est efforcé de présenter les différents instruments dont disposent les Parlements en distinguant évaluation prospective et évaluation rétrospective. Six pays ont été retenus : la Belgique, l'Italie, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et les États-Unis.
Cette analyse permet de conclure que, mis à part les Parlements italien, et surtout suisse, qui ont introduit des mécanismes originaux d'évaluation des politiques publiques, les autres Parlements européens utilisent leurs liens privilégiés avec la Cour des Comptes.
Le Congrès des États-Unis dispose quant à lui de moyens très importants difficilement comparables à ceux des assemblées européennes.
I - L'ITALIE, ET SURTOUT LA SUISSE, ONT INTRODUIT DES MÉCANISMES ORIGINAUX D'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES.
1) Les informations économiques et financières fournies par le gouvernement avant l'examen des projets de loi
En Italie, une loi de 1988 oblige le gouvernement à joindre un rapport technique à ses projets de loi et à ses amendements comportant des dépenses, nouvelles ou en augmentation. Ces rapports techniques doivent permettre au Parlement de vérifier les données et les méthodes utilisées par le gouvernement pour chiffrer les dépenses. L'absence de rapport technique empêche la transmission des projets aux commissions compétentes.
Cette disposition a obligé chacune des deux assemblées à se doter d'un service du budget pour analyser les rapports techniques du gouvernement.
De la même façon, la loi suisse sur les rapports entre les Conseils prévoit que le Conseil fédéral indique à l'Assemblée fédérale quelles sont les conséquences économiques et financières des projets de loi et d'arrêté
qu'il lui transmet. Toutefois, le groupe de travail interministériel AGEVAL, constitué en 1987 pour proposer les mesures nécessaires au renforcement de l'évaluation des effets de la législation, a conclu que les exigences posées par la loi étaient respectées plus sur la forme que sur le fond.
2) L'organe parlementaire de contrôle de l'administration en Suisse
Depuis 1990, il existe un Organe parlementaire de contrôle de l'administration (O.P.C.A.) qui « examine, sur mandat particulier des commissions de gestion, les tâches de l'administration, leur accomplissement et les effets découlant de l'activité des autorités et de l'administration. Ce contrôle s'exerce selon les critères de la légalité, de l'opportunité, du rendement et de l'efficacité » .
La création de cet organe fait suite à une initiative des commissions de gestion.
Opérationnel depuis 1991, l'O.P.C.A., qui est rattaché au secrétariat des commissions de gestion, publie des rapports dits scientifiques pour ces commissions qui, ensuite, élaborent des rapports politiques adressés au Conseil fédéral.
Les derniers rapports de l'O.P.C.A. aux commissions de gestion traitaient respectivement de l'amélioration de l'efficacité de l'administration fédérale, de la coordination des politiques ayant des incidences régionales, de la prévoyance professionnelle.
Dans son rapport final rendu à la fin de l'année 1991, l'AGEVAL concluait à la nécessité de coordonner l'ensemble des activités d'évaluation, non seulement au sein de l'administration, mais également entre l'administration et le Parlement. Bien que les deux Conseils composant l'Assemblée fédérale aient voté une motion demandant au gouvernement de prendre les mesures préconisées par l'AGEVAL, aucune mesure n'a été prise depuis lors.
II - LES AUTRES PARLEMENTS EUROPÉENS UTILISENT LEURS RELATIONS PRIVILÉGIÉES AVEC LA COUR DES COMPTES.
La commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes entretient en effet des relations très étroites avec le National Audit Office, institution supérieure de contrôle des comptes publics.
En Belgique et en Suède, la Cour des Comptes peut même être considérée comme une émanation du Parlement.
1) La commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes
Cette commission fait partie des sélect committees, commissions compétentes pour contrôler l'action du gouvernement, contrairement aux standing committees, chargés de l'examen des textes avant leur passage en séance publique. La commission de contrôle des comptes publics, dont la création remonte à 1861, a peu à peu modifié la teneur de son contrôle et s'est orientée vers des études d'évaluation. Elle publie chaque année une cinquantaine de rapports sur les sujets les plus variés, ceci malgré le personnel réduit dont elle dispose, mais grâce aux travaux du National Audit Office.
En effet, bien que le National Audit Office soit un organe indépendant qui ne reçoit aucune instruction, en pratique il travaille en symbiose totale avec la commission de contrôle des comptes publics de la Chambre des communes. Fort d'un personnel d'un millier de personnes, il apporte sa capacité d'expertise à la commission. Celle-ci, dotée d'une autorité morale incontestée, rehausse le prestige du National Audit Office en reprenant ses critiques dans les rapports qu'elle adresse au gouvernement.
En outre, le contrôleur général qui se trouve à la tête du National Audit Office est nommé sur proposition de la Chambre des communes et la loi le considère comme appartenant au personnel de l'Assemblée.
2) La Cour des comptes belge et les réviseurs du budget suédois
En Belgique et en Suède, les liens entre l'instance de contrôle des comptes publics et le Parlement sont encore plus étroits qu'au Royaume-Uni.
Pour la Suède, il faut cependant préciser que ce contrôle est partagé entre deux organes, administratif et parlementaire, et que le premier, beaucoup plus puissant, est chargé de la vérification technique, tandis que le second se réserve l'appréciation de l'efficacité de la gestion.
Cet organe parlementaire est constitué de 14 réviseurs du budget que le Parlement suédois désigne en son sein. Ils conservent formellement leur statut de députés, mais se consacrent entièrement à leur fonction de contrôle.
La Cour des comptes belge peut elle aussi être considérée comme une émanation du Parlement : ses membres sont nommés par la Chambre des représentants qui peut également les révoquer, et l'une de ses attributions consiste à conseiller le Parlement en matière financière. Parallèlement à son activité de contrôle de la régularité des comptes, elle effectue depuis peu des études d'évaluation. Cette évolution résulte d'une motion votée à l'unanimité en juillet 1991 par la Chambre des représentants.
II - LE CONGRÈS AMÉRICAIN DISPOSE DE DEUX AGENCES TRÈS PUISSANTES.
Parmi les agences du Congrès des États-Unis, deux jouent un rôle particulièrement important en matière d'évaluation des politiques publiques :
- le General Accounting Office (G.A.O.), créé en 1921 et dont le rôle a peu à peu évolué du contrôle des comptes aux études d'évaluation ;
- le Congressional Budget Office (C.B.O.), créé en 1974, en même temps que les commissions du budget des deux Chambres, pour rendre plus effectif le pouvoir budgétaire du Congrès.
Le G.A.O. réalise essentiellement des évaluations rétrospectives portant sur l'adéquation des programmes administratifs aux objectifs qui leur ont été donnés, la possibilité de les réaliser à des coûts moindres...
Le C.B.O., créé pour analyser le coût des choix politiques effectués Par le Congrès, procède surtout à des évaluations prospectives. Progressivement, il s'est cependant orienté vers un véritable contrôle des dépenses publiques.
La puissance de ces deux agences -le G.A.O. emploie environ 5 000 personnes et le C.B.O. plus de 200- ne permet pas une comparaison avec l'Office dont la création est envisagée en France.
L'évaluation des politiques publiques par le Parlement constitue une préoccupation assez récente partagée par tous les pays étudiés.
Le seul Parlement qui se soit doté d'un système complet d'évaluation est le Congrès américain. Les moyens importants qu'il met en oeuvre excluent toute transposition dans notre pays.
De la même façon, la solution retenue par le Royaume-Uni, la Belgique et la Suède semble difficilement envisageable car la Cour des comptes française n'assiste pas exclusivement le Parlement.
L'Office français se rapprocherait davantage du service du budget des deux Chambres italiennes et plus encore de l'Office parlementaire de contrôle de l'administration créé en Suisse en 1990.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
BELGIQUE
Il n'existe pas de service ou d'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Toutefois, la Cour des comptes, dont l'une des principales missions est de conseiller le Parlement en matière de finances publiques, s'est depuis quelques années orientée vers le contrôle de gestion.
Cette évolution résulte de l'adoption par le Chambre des représentants d'une motion votée à l'unanimité le 8 juillet 1991.
La Cour des Comptes est une véritable « émanation » du Parlement. En effet, ses membres sont nommés pour six ans par la Chambre des représentants qui a également le droit de les révoquer. Elle est totalement indépendante de l'exécutif qui a recours à ses propres experts qui sont les inspecteurs des finances.
La Cour, qui est divisée en deux Chambres, l'une d'expression française, l'autre d'expression néerlandaise, comprend 12 membres dont 2 présidents, 8 conseillers et 2 greffiers. Ses services sont organisés en 14 directions représentant un effectif d'environ 600 agents, qu'elle recrute librement suivant leurs compétences.
Jusqu'en 1991, la Cour des comptes était investie de deux missions
- informer le Parlement de l'exécution du budget sous l'aspect de la légalité et de la régularité des dépenses ;
- examiner la liquidation et l'arrêté des comptes des comptables de l'État ou autres institutions publiques.
En 1989, la procédure budgétaire a été modifiée et, depuis 1990, le budget se présente sous une nouvelle forme. Celle-ci prévoit notamment l'insertion dans le projet de budget de notes justificatives exposant les lignes générales de la politique envisagée pour chaque poste budgétaire, les missions assignées aux différentes divisions organiques, les objectifs poursuivis par les programmes et les moyens à mettre en oeuvre pour les réaliser.
Selon la Cour des Comptes, « le but de la réforme budgétaire dépasse une meilleure information au stade de l'élaboration du budget : il s 'agit également de rendre plus effectif le contrôle exercé par le Parlement sur la gestion du gouvernement » .
Dans le but d'actualiser ce contrôle parlementaire, la loi prévoit que la Cour, en attendant le règlement définitif du budget, communique au Parlement une préfiguration des résultats de l'exécution du budget dès le mois de mai suivant l'exercice écoulé. La Cour a estimé que, à l'occasion de l'établissement de cette préfiguration, il était opportun de développer des analyses permettant d'effectuer un parallèle entre le coût des différents services et les objectifs qui leur sont assignés et de rechercher dans quelle mesure les moyens budgétaires votés par le Parlement ont permis à l'exécutif d'atteindre les objectifs fixés.
A cet effet, la Chambre des représentants a souhaité, dans une motion votée le 8 juillet 1991, que la Cour des Comptes exerce un contrôle de gestion pour le compte du Parlement, en vue de pouvoir apprécier les moyens mis en oeuvre dans le cadre des politiques menées.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
ITALIE
En 1988, un mécanisme original d'évaluation financière des projets de loi a été introduit : le gouvernement a l'obligation de joindre à ses projets de loi ou à ses amendements comportant des dépenses nouvelles un rapport technique qui doit permettre au Parlement de contrôler le chiffrage effectué par l'administration.
Par ailleurs, les liens privilégiés que la Constitution a établis entre la Cour des comptes et le Parlement permettent aux assemblées d'utiliser la capacité d'expertise de la Cour des comptes.
I - L'ÉVALUATION PROSPECTIVE
1) L'obligation pour le gouvernement de chiffrer les dépenses nouvelles contenues dans les projets de loi autres que les projets de loi de finances
a) La loi de 1988 sur le budget et la comptabilité de l'État
L'article 81-4 de la Constitution dispose que « toute autre loi ( ( * )3) comportant des dépenses nouvelles ou accrues doit préciser les moyens d'y faire face » .
En application de cette disposition, le gouvernement s'est longtemps borné à indiquer le montant total des dépenses et les moyens permettant d'y faire face sans préciser comment le chiffrage était réalisé.
Depuis 1988, le Parlement dispose d'une meilleure information. En effet, l'article 7 de la loi n° 362/1988 (document n° 1) a imposé au gouvernement de joindre un rapport technique à ses projets de loi ou à ses amendements comportant des dépenses nouvelles ou en augmentation. Le contenu de ces rapports techniques, est précisé par la loi. Ils doivent fournir au Parlement les données et les méthodes utilisées pour le chiffrage, leurs sources et tout autre élément utile pour son contrôle
b) Les règlements des assemblées
Les règlements des assemblées ont été modifiés pour permettre l'application de la loi 362/1988.
Ainsi l'article 76 bis du règlement du Sénat énonce :
« 1. Les commissions permanentes compétentes ne peuvent être saisies des projets de loi d'initiative gouvernementale, d'initiative régionale ou du CNEL ( ( * )4) qui ont pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, et qui ne sont pas accompagnés du rapport technique conforme aux prescriptions de la loi et chiffrant les charges relatives à chaque disposition et les couvertures correspondantes.
« 2. Les amendements d'initiative gouvernementale qui ont pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, et qui ne sont pas accompagnés du rapport technique rédigé dans les conditions prévues à l'alinéa 1er, ne peuvent être proposés.
« 3. Les commissions compétentes pour la matière et, en tout cas, la 5ème Commission permanente peuvent demander au gouvernement le rapport visé à l'alinéa 1er pour les projets ou propositions de loi d'initiative populaire ou parlementaire ainsi que pour les amendements d'initiative parlementaire soumis à leur examen, en vue d'effectuer la vérification technique du chiffrage des charges qu'ils entraînent. Le rapport sur les projets ou propositions de loi doit être transmis par le gouvernement dans un délai de trente jours suivant la demande.
« 4. Lorsque le tiers au moins des membres des commissions compétentes pour la matière en font la demande par écrit, le Président du Sénat, conformément aux dispositions de la législation en vigueur, demande au Président de la Cour des comptes ses appréciations sur les conséquences financières qu'entraîneraient la conversion de décrets-lois ou la promulgation de décrets législatifs. Pour les décrets-lois, la demande ne peut être présentée au-delà du cinquième jour qui suit le renvoi du projet de loi de conversion à la commission compétente. »
Au Sénat, la 5ème commission est la commission de la programmation économique et du budget.
Lorsque la commission n'est pas d'accord avec le chiffrage gouvernemental, c'est l'assemblée qui tranche en application de l'article 102 bis du règlement : « Sur les amendements, les articles, les projets ou propositions de loi qui ont pour conséquence, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique, soit la diminution d'une ressource publique et pour lesquels la Sème Commission permanente a émis un avis contraire en motivant son opposition par le manque de couverture financière prescrite par l'article 81, dernier alinéa, de la Constitution, la délibération est prise par un scrutin public ».
La Chambre des députés a inclus dans son règlement des dispositions équivalentes qui concerne la commission dite du budget, du trésor et de la programmation.
c) Le service du budget des assemblées
Pour être en mesure d'évaluer les rapports techniques du gouvernement, chacune des deux assemblées s'est dotée d'un service du budget indépendant du service des études. Le vade-mecum des sénateurs décrit ainsi les attributions du service du budget, qui par ailleurs est compétent pour tout ce qui concerne les lois de finances : « réunir et classer les éléments de documentation afin de vérifier le chiffrage des conséquences financières des textes législatifs, tout en maintenant des relations avec le ministère du trésor et avec les autres administrations et entités publiques ainsi qu 'avec les organismes de recherche économique et financière (...) » .
Au Sénat, le service du budget se compose de deux divisions :
-l'une est chargée de recueillir et de classer la documentation relative aux textes pour lesquels la vérification du chiffrage des effets financiers s'impose ;
- l'autre vérifie les chiffrages gouvernementaux sur la base des éléments fournis par la première.
Ceci se traduit concrètement par la rédaction et la publication de plusieurs catégories de documents :
- notes de lecture contenant des « analyses et confrontations des méthodes, des données et des techniques de chiffrage des dépenses publiques contenues dans les projets de loi pour lesquels le gouvernement a préparé des rapports techniques » ;
- documents de base constitués par des études portant sur des points particuliers de comptabilité ou de finances publiques et réalisés à l'occasion de l'examen des documents financiers de l'État ;
- éléments de documentation consistant en analyses de thèmes précis de finances publiques.
En moyenne, le service du budget du Sénat produit environ 25 de ces documents par an.
Parallèlement à l'obligation qu'impose au gouvernement la loi 362/1988, une autre loi de 1988 permet aux présidents des assemblées parlementaires ou des commissions compétentes de demander à la Cour des comptes que cette dernière transmette au Parlement ses évaluations sur les conséquences financières découlant de la conversion en loi d'un décret-loi ou de la promulgation d'un décret législatif pris par le gouvernement sur délégation du Parlement.
2) Les requêtes au Conseil national de l'économie et du travail
L'article 49 du règlement du Sénat prévoit la possibilité pour les commissions de saisir le Conseil national de l'Économie et du Travail :
« /. Les commissions ont la faculté de s'adresser au Président du Sénat pour qu'il invite le CNEL (Conseil national de l'économie et du travail) à donner son avis sur des questions dont elles sont saisies, lorsque ces questions comportent des orientations de politique économique, financière et sociale ou qu'elles relèvent, de toute façon, du domaine de l'économie et du travail. Le Président se charge de transmettre cette requête au Président du CNEL, en fixant un terme pour la présentation de l'avis. Si ce terme excède le délai qui a été imparti à la Commission pour faire rapport sur la question, le Président soumet cette question à l'Assemblée en vue d'un sursis aux termes de l'article 44, alinéa 3.
2. L 'avis du CNEL est imprimé et publié en annexe au rapport de la commission ou, dans le cas d'un projet ou d'une proposition de loi renvoyés pour une procédure de délibération, en annexe au projet ou à la proposition de loi.
3. Avec l'assentiment du Président du Sénat et d'un commun accord avec le Président du CNEL, les commissions peuvent inviter aux séances prévues par l'article 48 les membres des commissions ou des comités au CNEL compétents pour la matière.
4. Les présidents des commissions ou, sur leur désignation, les vice-présidents, chargés de cette tâche par leurs commissions respectives, peuvent prendre part aux séances du Conseil national de l'économie et du travail ainsi que des commissions de celui-ci.
5. Les commissions peuvent s'adresser au Président du Sénat pour qu 'il invite le CNEL à effectuer des études et des enquêtes sur des sujets auxquels elles s'intéressent, lorsqu'il s'agit de matières entrant dans la sphère de compétence du CNEL. Les résultats de ces études et de ces enquêtes sont publiés dès leur obtention.
6. Sont également publiées dans des imprimés appropriés les observations et les suggestions que le CNEL pourrait avoir envoyées sur des projets ou des propositions de loi à l'examen du Sénat. »
II - L'ÉVALUATION RÉTROSPECTIVE
Aucun dispositif spécifique n'a été mis en place pour permettre au Parlement d'évaluer les effets des politiques publiques engagées, mais les assemblées peuvent utiliser la capacité d'expertise de la Cour des comptes.
Ainsi, les règlements des assemblées prévoient que des enquêtes particulières peuvent être effectuées par la Cour des comptes sur des sujets donnés à la demande du Parlement. En pratique, les assemblées utilisent assez régulièrement cette possibilité.
De plus, l'article 7 de la loi 362/1988 a prévu l'obligation pour la Cour de transmettre tous les quatre mois au Parlement un rapport sur la couverture financière des lois dans la période venant de s'écouler et sur les techniques utilisées pour en mesurer les coûts.
Ceci constitue la conséquence logique des liens privilégiés que la Constitution établit entre la Cour et le Parlement. A l'article 100-2, elle énonce en effet : la Cour des comptes « communique directement aux Chambres le résultat des vérifications effectuées. »
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
ROYAUME-UNI
La Commission parlementaire de contrôle des comptes publics,
initialement chargée de l'examen de la régularité des comptes, s'est, au cours des dernières années, essentiellement occupée d'évaluer les politiques publiques. Elle travaille en étroite symbiose avec le National Audit Office, organe indépendant doté d'un personnel nombreux et qualifié, créé en 1983 par la loi sur la vérification des comptes publics.
I - L'ÉVALUATION PROSPECTIVE
La bibliothèque de la Chambre des communes comprend une section dite de « la politique économique et des statistiques » qui réalise des études économiques à la demande des élus. Elle peut également leur fournir le résultat de simulations économiques.
Bien que, depuis plusieurs années, elle enregistre peu de demandes dans ce domaine, elle escompte une relance de cette activité car elle est désormais en mesure de donner des résultats sectoriels ou géographiques. Auparavant, elle ne pouvait donner que des résultats globaux. Toutes les simulations sont réalisées à l'aide de modèles développés par des organismes de recherche extérieurs avec lesquels la Chambre des communes a conclu des conventions.
II - L'ÉVALUATION RÉTROSPECTIVE
La commission parlementaire de contrôle des comptes publics travaille en étroite collaboration avec l'organe équivalent de notre Cour des comptes, le National Audit Office.
1) Les commissions parlementaires chargées du contrôle de l'action gouvernementale
Contrairement aux standing committees, commissions chargées de l'examen des textes législatifs avant leur passage en séance publique, les 41 sélect committees sont compétents pour contrôler l'action du gouvernement. Ils ont tous la possibilité de recruter des experts pour les conseiller.
Parmi les sélect committees, si la plupart ont des attributions qui correspondent exactement à celles des différents départements ministériels, les autres ont des attributions plus ou moins transversales et contrôlent précisément certains aspects de l'action gouvernementale. C'est le cas de la commission de contrôle des comptes publics.
2) La commission de contrôle des comptes publics
Créée en 1861, la commission de contrôle des comptes publics (Public Accounts Committee : PAC) se compose de 15 membres nommés pour la durée d'une législature. Sa composition politique reflète celle de la Chambre des communes, mais elle est traditionnellement présidée par un député expérimenté de l'opposition, souvent par un ancien ministre du Trésor.
Après la commission des immunités, la commission de contrôle des comptes publics est la plus ancienne commission de la Chambre des communes.
La commission, qui ne peut se réunir que les semaines où le Parlement siège, tient ses réunions deux fois par semaine, c'est-à-dire à peu près 45 fois par an. Chacune d'elles dure environ deux heures et demie.
Le règlement de la Chambre des communes a chargé la commission de contrôle des comptes publics de « l'examen des comptes en mettant en évidence l'affectation des crédits votés par le Parlement aux dépenses publiques (...) » et l'a dotée d'un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place.
Au cours des dernières années, la commission de contrôle des comptes publics a essentiellement procédé à des études d'évaluation, vérifiant l'efficacité et la rentabilité de l'administration ainsi que les contrôles que cette dernière exerce sur ses propres dépenses.
Elle publie chaque année une cinquantaine de rapports (63 en 1992-1993, 50 en 1993-1994 : document n° 2) sur les sujets les plus variés (fraude à la T.V.A., administration des prêts aux étudiants, accidents du travail...)
Comme tous les sélect committees, la commission de contrôle des comptes publics peut procéder aux auditions qu'elle estime nécessaire. L'interdiction qu'ont les fonctionnaires de témoigner sur les processus décisionnels internes de l'administration ne s'applique pas devant la commission de contrôle des comptes publics.
La commission dispose d'un personnel réduit : seuls trois fonctionnaires de la Chambre des communes (dont une secrétaire) sont mis à sa disposition. En revanche, elle bénéficie des travaux du National Audit Office (N.A.O.), l'instance supérieure de contrôle du bon emploi des fonds publics, créé par la loi de 1983 sur la vérification des comptes publics (document n° 3). Cette loi se donne d'ailleurs pour objet « le renforcement du contrôle parlementaire et de la surveillance de la dépense publique. »
3) Les relations entre le National Audit Office et la commission de contrôle des comptes publics
Le N.A.O. emploie presque 1 000 personnes, surtout des experts-comptables. Son budget est arrêté par le Parlement. Le N.A.O. est installé à proximité immédiate de la Chambre des communes. Il ne reçoit pas d'instructions de la Chambre des communes. C'est son responsable, le « contrôleur et auditeur général » (Comptroller and Auditor General : C&AG), nommé par la Reine sur proposition de la Chambre des communes et considéré, aux termes de la loi de 1983, comme appartenant au personnel de la Chambre des communes, qui choisit lui-même les sujets de recherche et décide seul du contenu des rapports. Cependant, dans les faits, il se met d'accord avec la commission de contrôle des comptes publics.
Le N.A.O. et la commission travaillent en étroite symbiose, le premier apportant sa capacité d'expertise et la seconde son autorité morale. Le N.A.O. apprécie que ses critiques soient reprises dans les rapports de la commission de contrôle des comptes publics.
Comme l'indiquait un ancien président de la commission : « l'efficacité du C&AG dépend largement du fait que ses rapports sont examinés et suivis par la commission ; l'efficacité de la commission dépend du fait qu'elle dispose de ces rapports comme points de départ. »
En effet, le N.A.O. établit entre 30 et 40 rapports par an sur le coût et le rendement des services publics. Chacun de ces rapports est présenté à la commission qui l'utilise pour auditionner les responsables du ministère ou de l'organisme contrôlé. Les commissaires disposent du rapport publié. De plus, le N.A.O. prépare, pour le président, un résumé du rapport et une liste de questions à poser. Le C&AG, ou son adjoint, assiste à chaque réunion en tant que conseiller technique. L'équipe du N.A.O. qui a rédigé le rapport est également présente pour assister le C&AG.
Le lendemain de la réunion, le C&AG dresse le bilan de la réunion avec l'équipe responsable de l'étude. Ceci permet de définir le contenu du rapport de la commission de contrôle des comptes publics, que le N.A.O. rédige. Ce rapport, qui reprend les principaux points du rapport du N.A.O. en les complétant par les informations données en séance par les représentants de l'administration et contient des recommandations de réforme, est publié 3 à 4 mois après la réunion.
Le gouvernement répond à ces recommandations dans les « notes du Trésor » (treasury minutes) en soulignant les améliorations acceptées ou mises en oeuvre. Lorsque la note conteste les recommandations de la commission de contrôle des comptes publics, celle-ci peut poursuivre ses investigations et réaliser un nouveau rapport. En pratique, ceci arrive rarement. Au contraire, le gouvernement accepte la plupart des recommandations parlementaires. Ainsi, en 1989-1990, le gouvernement a accepté 192 des 200 recommandations, elles-mêmes fondées sur les suggestions faites par le N.A.O. dans une trentaine de rapports.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
SUÈDE
Tous les Parlements nordiques ont leurs réviseurs du budget, chargés du contrôle de l'exécution du budget.
Ces réviseurs s'assurent, au nom du Parlement, non seulement de la régularité, mais également de l'efficacité de la gestion financière du gouvernement.
Le Danemark, la Finlande, l'Islande et la Suède ont opté pour une division du travail entre contrôles administratif et parlementaire ; les principes de répartition entre les deux types de contrôles varient d'ailleurs d'un pays à l'autre. A l'opposé, la Norvège a décidé d'unifier le contrôle des finances et de la placer sous l'autorité des réviseurs.
On a choisi de présenter ici le système suédois car il a paru le plus représentatif du modèle Scandinave.
L'article 7 du chapitre 12 de la Constitution dispose : « Le Riksdag désignera dans son sein six réviseurs chargés de contrôler les activités de l'État et pourra étendre ce contrôle à d'autres activités. Il émettra des instructions à leur attention.
Ces réviseurs pourront, conformément aux dispositions de la loi, requérir les actes, les renseignements et les avis nécessaires à l'exercice de leur contrôle. »
Les réviseurs sont actuellement 14 (avec autant de suppléants). Ils sont désignés proportionnellement à l'importance des groupes politiques.
Dans les faits, ils constituent une agence du Parlement car, bien que conservant formellement leur statut de députés, ils se consacrent entièrement à leur fonction de contrôle.
Les modalités d'exercice de leur contrôle ont été précisées par une loi qui leur donne le droit de surveiller l'ensemble de l'activité des services étatiques, à l'exception du gouvernement et des ministères. En effet, la Constitution distingue les fonctions gouvernementales, qui sont attribuées au gouvernement et aux ministères, des fonctions purement exécutives relevant des agences administratives. Les fonctions gouvernementales sont contrôlées par la commission de la constitution.
Depuis 1987, les réviseurs peuvent aussi étendre leurs investigations aux entreprises publiques ainsi qu'aux sociétés privées et aux particuliers qui bénéficient d'une aide financière de l'État.
A l'origine, les réviseurs examinaient surtout la régularité des comptes. Désormais, ils se livrent à de véritables études d'évaluation puisqu'ils cherchent avant tout à savoir :
- si les autorités exécutent les lois de manière efficace ;
- si les services administratifs ont un rendement satisfaisant ;
- si les moyens financiers alloués sont affectés conformément aux objectifs arrêtés par le Parlement ;
- si les mesures prises par l'administration permettent d'atteindre les buts fixés par les lois votées par le Parlement.
Une loi de 1974 accorde aux réviseurs la possibilité d'accéder sans limites aux documents officiels, d'entreprendre des inspections sur place et de procéder aux auditions qu'ils estiment nécessaires.
Les réviseurs entreprennent des études de grande ampleur qui sont planifiées longtemps à l'avance. Ils ne cherchent pas à donner à leurs travaux un grand retentissement médiatique.
Ils réalisent une dizaine d'études chaque année (document n° 4). Les dernières ont porté sur le système d'assurances sociales, les abris contre les raids aériens, l'inspection dans plusieurs services publics, la criminalité en col blanc, la privatisation de la société Celsius, les mesures de développement régional...
Les réviseurs emploient 20 personnes. Ils peuvent également recourir à des experts extérieurs.
Une commission gouvernementale devrait être prochainement créée pour examiner l'organisation du système de contrôle. Ceci résulte d'une demande du Riksdag, qui par ailleurs a décidé qu'à l'avenir, ses commissions devraient davantage mettre l'accent sur l'évaluation.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
SUISSE
L'évaluation des politiques publiques a fait l'objet de réflexions très approfondies : à l'automne 1987, le Département fédéral de la justice et de la police a institué le groupe de travail interministériel AGEVAL, chargé de proposer les mesures nécessaires pour renforcer l'évaluation prospective et rétrospective des effets de la législation.
Le rapport final de l'AGEVAL (document n° 5), rendu à la fin de l'année 1991 et intitulé « Mieux connaître les effets de l'action étatique », concluait notamment à la nécessité de créer une conférence fédérale de l'évaluation, administrativement rattachée au Département fédéral de la justice et de la police, mais autonome dans l'exercice de ses fonctions. Cette conférence devait coordonner l'ensemble des activités d'évaluation au sein de l'administration, ainsi qu'entre l'administration et le Parlement.
Le gouvernement a pris connaissance du rapport mais, à ce jour, aucune mesure concrète n'a été prise malgré une motion votée par les deux chambres du Parlement demandant au gouvernement de prendre les mesures institutionnelles préconisées par le groupe AGEVAL.
Cependant, il existe plusieurs dispositifs permettant au Parlement d'évaluer les politiques publiques, parmi lesquels l'office parlementaire de contrôle de l'administration.
I - L'ÉVALUATION PROSPECTIVE
Les messages et rapports présentés par le Conseil fédéral constituent le seul élément d'évaluation prospective dont dispose le Parlement.
L'article 43-3 de la loi sur les rapports entre les Conseils prévoit la fourniture obligatoire au Parlement de certains renseignements :
« 1. Pour chaque projet qu'il soumet à l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral expliquera la relation existant avec les grandes lignes de la politique gouvernementale et le plan financier (...)
2. (...)
3. Dans ses messages et ses rapports, il indiquera :
a) Les conséquences financières et les effets sur l'état du personnel qu'aura pour la Confédération l'application des règles et mesures proposées, en particulier la manière dont les frais seront couverts et l'influence qu'ils exerceront sur la planification financière ;
b) Les frais qui s'ensuivront pour les cantons et les communes ;
c) Les conséquences qui en résulteront pour l'économie ;
d) Dans la mesure du possible, la relation entre l'utilité des règles et mesures proposées, et les frais causés pour leur application ; (...) »
L'information ainsi fournie concerne donc les charges financières nouvelles et les effets prévisibles sur l'économie.
Les exigences posées par la loi ont été précisées en 1988 par le « schéma pour l'établissement de messages du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale » (document n° 6) : non seulement les différents points de l'article 43-3 de la loi sur les rapports entre les conseils font l'objet d'un commentaire détaillé mais il est également précisé que, indépendamment des conséquences financières et des effets en matière de personnel, les messages doivent « mentionner brièvement, dans un chapitre spécial, d'autres effets que pourrait avoir un projet, à moins que ce point n 'ait déjà été traité auparavant dans le message. Dans la partie générale de celui-ci, il est de règle de préciser les effets souhaités, c'est-à-dire les objectifs que les mesures proposées visent ou les résultats qu'elles cherchent à obtenir. On peut en tout cas s'y référer. Cependant, il faudrait également souligner les effets accessoires éventuels (souhaités ou non souhaités, dans le domaine voulu ou hors de celui-ci), ainsi que les conséquences lointaines des mesures.
Il convient notamment de préciser les effets qui paraissent importants sur les plans sociologique, social, économique et écologique, ainsi que du point de vue de l'aménagement du territoire et de la politique régionale. Il s'agit aussi de mentionner les conséquences importantes pour les relations internationales entretenues par la Suisse. Sur le plan économique, les répercussions peuvent être importantes pour la situation des entreprises, surtout petites et moyennes.
Il faut de plus indiquer les bases sur lesquelles s'appuient les déclarations concernant les effets probables des mesures (expérience de l'administration, audition d'experts, enquêtes fondées sur des méthodes scientifiques, etc...). »
Dans les faits, on reproche l'absence de rigueur de l'évaluation fédérale : l'AGEVAL qui, pendant sa mission, a analysé plusieurs messages du Conseil fédéral a conclu que les exigences sont respectées formellement, mais beaucoup moins en ce qui concerne leur contenu.
En outre, l'obligation d'évaluation ne vaut que pour les projets de lois et d'arrêtés fédéraux. Elle ne concerne pas les projets normatifs de rang inférieur parmi lesquels les ordonnances, qu'il s'agisse des ordonnances d'exécution ou des ordonnances prises en vertu d'une délégation législative.
II - L'ÉVALUATION RÉTROSPECTIVE
Elle est réalisée par l'organe parlementaire de contrôle de l'administration (O.P.C.A.) créé par la loi fédérale du 22 juin 1990, en vigueur depuis le 1er octobre 1990, et qui a modifié la loi sur les rapports entre les conseils (document n° 7).
L'O.P.C.A. a été créé à la suite d'une initiative des commissions de gestion des deux assemblées. Elles avaient d'ailleurs envisagé la constitution d'un organe commun au Parlement et au Conseil fédéral, mais le gouvernement a estimé, dans l'avis qu'il a rendu sur l'initiative parlementaire, que la distinction des fonctions exécutives et législatives s'opposait à la création d'un organe commun.
Aux termes de la loi, l'organe parlementaire de contrôle de l'administration est un auxiliaire des commissions de gestion ( ( * )5) des deux chambres, elles-mêmes chargées « d'examiner les rapports de gestion du Conseil fédéral, des entreprises et établissements de la Confédération et des tribunaux fédéraux, ainsi que d'examiner et de surveiller l'activité de l'administration fédérale et des organes judiciaires ».
L'O.P.C.A. « examine, sur mandat particulier des commissions de gestion, les tâches de l'administration, leur accomplissement et les effets découlant de l'activité des autorités et de l'administration. Ce contrôle s'exerce selon les critères de la légalité, de l'opportunité, du rendement et de l'efficacité. »
Le terme choisi « mandat particulier » exclut toute autorisation générale de procéder à des contrôles. L'O.P.C.A. travaille donc dans le cadre d'un programme annuel approuvé ou sur demandes particulières.
L'O.P.C.A. décrit ainsi lui-même ses attributions : « réaliser des évaluations au sujet :
- des interactions entre le Parlement et le Gouvernement, y compris son administration,
- de la mise en oeuvre de programmes administratifs,
- du rendement et de l'efficacité de l'organisation, ainsi que des moyens engagés,
- des effets des activités étatiques sur la société. »
L'O.P.C.A. a les mêmes pouvoirs de contrôle que les commissions de gestion et peut donc exiger la remise des documents qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission.
Opérationnel depuis le milieu de l'année 1991, l'O.P.C.A. est administrativement rattaché au secrétariat des commissions de gestion. Il emploie 5 personnes. Il dispose d'un budget annuel variant entre 200.000 CHF ( ( * )6) et 300.000 CHF.
L'O.P.C.A. peut recourir à des experts externes. Différents modes de collaboration sont possibles, depuis la simple consultation orale jusqu'à l'élaboration complète d'une expertise qui constitue la base du jugement de l'O.P.C.A.
L'O.P.C.A. établit des rapports « scientifiques » destinés aux commissions de gestion. Ces dernières adressent ensuite des rapports politiques au Conseil fédéral.
Depuis sa création, l'O.P.C.A. a publié 3 rapports :
- sur les mesures transversales susceptibles d'améliorer l'efficacité de l'administration fédérale en octobre 1993,
- sur l'évaluation de la coordination des politiques de la Confédération ayant des effets régionaux en mars 1994,
- sur l'évaluation de la réglementation extra-parlementaire en matière de prévoyance professionnelle (document n° ) en octobre 1994.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT
ÉTATS-UNIS
Le Congrès des États-Unis dispose de plusieurs agences dotées de moyens techniques très développés et d'un personnel extrêmement qualifié.
Parmi elles, deux jouent un rôle particulièrement important en matière d'évaluation des politiques publiques :
- le General Accounting Office, créé en 1921 et chargé, à l'image de la Cour des comptes française, de vérifier les comptes ;
- le Congressional Budget Office (document n° 8), créé en 1974 dans le but d'analyser le coût des choix politiques effectués par le Congrès.
Il n'a pas été possible de distinguer, comme pour les autres pays, l'évaluation prospective de l'évaluation rétrospective compte tenu des attributions des deux agences. En effet, si le General Accounting Office intervient essentiellement en matière d'évaluation rétrospective, le Congressional Budget Office intervient aussi bien avant qu'après la prise de décision par le Congrès.
I - LE GENERAL ACCOUNTING OFFICE
Créé en 1921 par le Budget and Accounting Act, loi destinée à accroître les pouvoirs budgétaires du Président des États-Unis, notamment par la création du Bureau du budget, devenu en 1970 Office of Management and Budget, le General Accounting Office (G.A.O.) constituait à l'origine un moyen de contrebalancer les pouvoirs accrus de l'exécutif.
Le General Accounting Office est un organe indépendant, dirigé par le « contrôleur général » (Comptroller general) des États-Unis qui est nommé pour 15 ans par le Président des États-Unis. La liste des candidats au poste est établie par le Congrès et le Sénat doit confirmer la nomination. Le personnel du General Accounting Office est recruté uniquement sur la base de ses compétences professionnelles. Sa gestion est assurée par le General Accounting Office lui-même, indépendamment de l'exécutif.
Jusqu'au milieu des années 40, le General Accounting Office s'est essentiellement occupé de vérifier la régularité des comptes en examinant les pièces comptables.
La charge de travail croissante a incité le General Accounting Office à modifier ses méthodes de travail à partir du début des années 50. Il met désormais l'accent sur les études d'évaluation, s'efforçant de confronter le coût des programmes fédéraux à leur qualité et à leur efficacité et de répondre aux questions suivantes :
- les programmes du gouvernement sont-ils réalisés en application des lois et des règlements ? Les données fournies au Congrès à propos de ces programmes sont-elles exactes ?
- est-il possible de supprimer les gaspillages ?
- les fonds publics sont-ils dépensés en toute légalité et leur comptabilité est-elle exacte ?
- les programmes correspondent-ils aux objectifs qui leur ont été assignés ?
- peut-on les réaliser à des coûts moindres ?
Pour cela, il dispose d'un personnel nombreux et qualifié : environ 5 000 personnes spécialisées dans différents domaines (comptabilité, droit, économie, gestion, informatique ...)
Le General Accounting Office peut également faire appel à des experts extérieurs en cas de besoin.
Les deux tiers du personnel du General Accounting Office travaillent à Washington et les autres sur tout le territoire des États-Unis, dans des bureaux régionaux et dans des bureaux installés dans certaines administrations, ainsi qu'à l'étranger.
Tous les domaines d'activité de l'administration fédérale sont susceptibles de faire l'objet d'études du General Accounting Office. Toutes les pièces dont dispose l'administration doivent être fournies à ses enquêteurs sur demande. Font exception les activités de la C.I.A. et certaines fonctions du FED.
Le General Accounting Office est organisé en secteurs de recherche (issue areas), au nombre d'une trentaine, spécialisés par thème (transports, éducation, santé publique...). Chaque secteur établit un plan de travail annuel qui est régulièrement mis à jour en fonction des besoins du Congrès.
Les secteurs sont eux-mêmes regroupés en sept divisions.
Les rapports du General Accounting Office, environ 1 000 chaque année, sont le plus souvent rendus publics et sont en général adressés au Congrès. Ils peuvent contenir des recommandations destinées aux agences de l'exécutif. Ces dernières doivent répondre devant le Congrès. Dans les faits, plus des trois quarts des recommandations sont mises en oeuvre dans un délai de moins de 4 ans.
En outre, le General Accounting Office est amené à témoigner plusieurs centaines de fois par an devant les commissions du Congrès.
II - LE CONGRESSIONAL BUDGET OFFICE
Le Congressional Budget Office (C.B.O.) est né, en 1974, de l'établissement de la nouvelle procédure budgétaire qui a permis de rendre plus effectif le pouvoir budgétaire du Congrès. Sa création a coïncidé avec celle des commissions du budget de chaque assemblée.
Le Congressionnal Budget Office est présidé par un directeur nommé pour 4 ans conjointement par les présidents des deux assemblées sur proposition des présidents des commissions du budget des deux assemblées. Il peut être démis de ses fonctions par résolution de l'une ou l'autre des assemblées. Le directeur nomme un directeur-adjoint chargé de l'assister et de le suppléer. Le personnel du Congressionnal Budget Office, recruté librement par le directeur a le même statut que les employés de la Chambre des Représentants. Le Congressionnal Budget Office emploie actuellement plus de 200 personnes.
Le Congressionnal Budget Office permet en effet au Congrès de vérifier les évaluations économiques et budgétaires présentées par le gouvernement et d'adopter toutes les décisions influant sur le budget, en connaissance de cause.
Progressivement, le Congressionnal Budget Office s'est par ailleurs orienté vers un véritable contrôle de l'évolution des dépenses publiques.
Parmi ses activités figurent notamment :
- la réalisation, deux fois par an, de prévisions économiques et d'analyse des tendances de l'économie et des différentes politiques fiscales envisageables ;
- la vérification de l'adéquation entre les décisions budgétaires du Congrès et les objectifs budgétaires déjà fixés par résolution ;
- l'estimation sur cinq ans du coût budgétaire des dispositions de chaque proposition de loi ou proposition de résolution transmise aux commissions ;
- l'évaluation sur cinq ans de l'évolution des recettes et dépenses fédérales à législation et politique constantes ;
- l'élaboration d'un rapport annuel sur les différentes options budgétaires prioritaires ;
- l'assistance aux commissions, et en priorité à celles du budget, et la réalisation d'études à leur demande ;
- l'évaluation des politiques publiques affectant le budget fédéral.
Le Congressionnal Budget Office comprend six sections principales :
- analyses budgétaires,
- analyses macro-économiques,
- analyses fiscales,
- ressources nationales et commerciales,
- ressources humaines et santé,
- sécurité nationale et affaires internationales.
Dans le cadre des missions de l'Office, le directeur peut s'assurer les services d'experts ou de consultants pour une durée maximale d'un an et requérir tous documents des différents ministères, agences ou établissements gouvernementaux ou d'autres agences du Congrès, et notamment du General Accounting Office.
L'ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES PAR LE PARLEMENT LISTE DES TEXTES ANALYSES
Document n°1 Italie - Loi n° 362/1988 sur le budget et la comptabilité de l'État (langue originale)
Document n° 2 Royaume-Uni - Liste des rapports publiés par la
Commission des comptes publics de la Chambre des communes en 1992-93 et en 1993-94 (langue originale)
Document n° 3 Royaume-Uni - National Audit Act de 1983 (langue originale)
Document n° 4 Suède - Liste des études réalisées par les réviseurs
du budget au cours des 4 dernières années (langue anglaise)
Document n° 5 Suisse - Rapport final de l'AGEVAL : « Mieux connaître les effets de l'action étatique »
Document n° 6 Suisse - Schéma pour l'établissement de messages du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale
Document n° 7 Suisse - Articles 43 et 47 ter à 47 septies de la loi sur les rapports entre les conseils
Document n° 8 Suisse - Rapport de l'organe parlementaire de contrôle de l'administration sur l'évaluation de la législation extra-parlementaire en matière de prévoyance professionnelle
Document n° 9 États-Unis - Articles du code des États-Unis relatifs au Congressional Budget Office (langue originale)
* (3) Les alinéas précédents traitent du budget et de la loi de règlement.
* (4) Conseil national de l'Economie et du Travail, le CNEL est un organe consultatif comparable au Conseil économique et social français. Il a été institué par l'article 88 de la Constitution.+
* (5) Les commissions de gestion font partie des commissions de contrôle. II existe par ailleurs des commissions législatives pour l'examen des projets de textes législatifs.
* (6) Actuellement, un franc suisse vaut environ 4,20 FRF.