II. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ENCORE PEU PROPICE AU DÉVELOPPEMENT DE L'INVESTISSEMENT PRIVÉ
A. MALGRÉ DES PROGRÈS, L'ÉCONOMIE ALBANAISE RESTE ENCORE TRIBUTAIRE DE L'AIDE INTERNATIONALE
1. Les atouts de l'économie
Parmi les atouts économiques de l'Albanie, il convient de mentionner d'une part les richesses naturelles de ce pays et d'autre part le redressement économique opéré au cours des derniers mois.
Sans doute l'agriculture continue-t-elle d'occuper une place prépondérante dans l'économie albanaise. De type méditerranéen (vigne, agrumes, légumes, huile d'olive ...) elle se concentre principalement dans les plaines tandis qu'elle présente un caractère souvent autarcique dans les montagnes.
Cependant le pays dispose de richesses naturelles (cuivre, cuivre-métal, chrome, fer-nickel, pétrole et charbon), source de revenus à l'exportation et base d'un développement industriel axé surtout sur la chimie pétrolière (à Fieri, Durrës et Vlorë).
Certes, cette structure industrielle, conforme aux canons du développement économique à la soviétique, se trouve actuellement dans un état de délabrement avancé.
Le passif de l'ère communiste s'est conjugué au début de la présente décennie avec une profonde récession et a provoqué une chute de la production.
Le chômage qui a touché jusqu'à 26 % de la population active en 1992 et l'inflation (230 % en 1992) ont aggravé un phénomène de paupérisation à laquelle les campagnes n'ont pas échappé, origine des vagues de réfugiés vers l'Italie.
Le gouvernement de M. Sali Berisha a su cependant conduire une politique de rigueur qui s'est traduite par la stabilité monétaire, une inflation maîtrisée (12% en 1995), et un déficit budgétaire contenu (entre 19 et 21 % du PNB en 1994). Le taux de chômage bien qu'élevé (18 % de la population active) apparaît en net retrait par rapport aux pics de 1992. La privatisation des terres semble avoir favorisée une amorce de reprise dans le domaine agricole. D'après certaines estimations le taux de croissance pourrait atteindre 6 ou 8 % en 1995. Le revenu par habitant demeure cependant très faible (de l'ordre de 350 dollars par habitant) même s'il ne prend pas en compte les revenus procurés par une économie parallèle dont tout porte à croire qu'elle connaît une forte expansion. Par ailleurs, l'Albanie bénéficie des transferts de fonds de la communauté albanaise (400 000 à 600 000 personnes) installée aux Etats-Unis et en Europe occidentale. Malgré cette embellie, les résultats des réformes demeurent limités compte tenu de l'inexpérience des pouvoirs publics, de la pénurie de cadres et de moyens financiers.
Aussi l'aide internationale reste-t-elle encore indispensable .
2. L'aide extérieure : une condition préalable au décollage économique de l'Albanie
La communauté internationale a d'abord privilégié l' aide d'urgence : les fonds distribués jusqu'en 1993 par le canal de l'armée italienne dans le cadre de l'opération Pelican financée par l'Union européenne ont permis, sinon d'arrêter, du moins de ralentir les départs des Albanais. Tout en maintenant son soutien, l'Union européenne devrait désormais favoriser plus particulièrement les infrastructures de transport.
Les besoins considérables de l'Albanie ont entraîné ce pays à s'endetter auprès des créanciers internationaux. La dette est passée ainsi de 834 millions de dollars en 1993 à 1,1 milliard de dollars en 1994. La moitié de ce montant correspond à des arriérés de crédits à court terme accordés par une trentaine de banques commerciales européennes parmi lesquelles des banques françaises (pour un montant de 45 millions de dollars). L'incapacité de l'Albanie à faire face à ses engagements a rendu nécessaire une procédure de rééchelonnement dans le cadre du Club de Paris et du Club de Londres. Mais la fragilité financière de l'Albanie suscite encore une certaine suspicion chez les investisseurs étrangers.
B. LA PRÉSENCE FRANÇAISE, ENCORE MARGINALE, POURRAIT SE DÉVELOPPER
1. La position française à l'égard de l'Albanie reste prudente
Nos échanges commerciaux avec l'Albanie restent limités comme en témoigne la modestie du montant des achats de produits français par l'Albanie (10 millions de dollars sur un total de 607 millions de dollars) et des ventes de l'Albanie vers la France (3 millions de dollars sur un total de 160 millions de dollars).
La France occupe le 4e rang des fournisseurs de l'Albanie loin derrière l'Italie (qui représente près de 35 % du total).
De même les investisseurs français manifestent à l'égard de l'Albanie une prudence d'ailleurs partagée par nos partenaires occidentaux. Une société française se trouve engagée dans la recherche pétrolière aux côtés de sociétés anglaises, italiennes et surtout américaines.
Dans les autres secteurs, les quatre cents petites et moyennes entreprises albano-étrangères ne comptent guère que deux sociétés françaises (Ducros Albanie pour la production et le commerce d'épices et ADA pour l'import-export et le transport aérien entre Tirana et Bari) ; 53 % de ces PME sont albano-italiennes et 20 % albano-grecques.
2. Des perspectives plus favorables pour les relations économiques franco-albanaises
Toutefois, la présence française pourrait se développer à l'avenir. Quatre facteurs principaux paraissent en effet jouer en faveur de l'Albanie.
En premier lieu, les besoins de l'Albanie restent considérables . La réhabilitation des infrastructures apparaît une priorité. Dans ce domaine, les autorités albanaises souhaitent que la rénovation du barrage de Baranja, construit dans les années 1980 par des sociétés françaises, revienne à ces mêmes sociétés. L'Albanie dispose en outre d'un potentiel touristique largement inexploité pour lequel le Club Méditerranée ainsi que le groupe Accor ont d'ailleurs manifesté récemment un intérêt.
En second lieu, les financements apportés par les organismes internationaux paraissent susceptibles d' ouvrir des marchés intéressants pour nos entreprises.
Trois opérations ont pu à ce jour se concrétiser :
- contrat d'étude financé par l'Union européenne attribué à BCEOM pour l'aménagement du terminal des car-ferries de Durrës ;
- rénovation, également sur financement communautaire, des chaudières de quatre hôpitaux albanais par l'entreprise Jacques (de Lyon) ;
- contrat d'étude et d'assistance technique financé par la Banque européenne de développement -BERD- attribué à SOGREAM pour la réhabilitation et le développement des centrales hydroélectriques du pays.
Par ailleurs, l'Albanie a réformé sa législation relative aux investissements étrangers . Comme l'a signalé le rapport précité de l'Assemblée nationale, « un investisseur étranger n'est plus obligé de s'associer à un Albanais et peut acquérir des biens immobiliers, à l'exception de la terre, qui elle peut faire l'objet d'un bail de 99 ans ».
Le processus de privatisations mis en oeuvre pour les plus grandes entreprises à compter de septembre dernier (après avoir concerné les petites et moyennes sociétés) pourrait procurer les occasions de tirer parti de ce cadre juridique plus favorable.
Enfin notre pays tente d'intéresser les entreprises françaises à l'Albanie : réouverture du poste d'expansion économique à Tirana , initiatives privées telles que la création d'une Association pour le développement des relations économiques avec l'Albanie. Cependant l'absence de toute forme de garantie à l'exportant par la COFACE, en raison de la solvabilité jugée insuffisante de l'Albanie, constitue un handicap majeur pour le développement des investissements français.