Rapport n° 164 (1995-1996) de M. Guy PENNE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 17 janvier 1996

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N° 164

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 17 janvier 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d' Albanie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements ,

Par M.Guy PENNE ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi a pour objet l'approbation d'un accord signé à Paris le 13 juin 1995 entre la France et l'Albanie sur l'encouragement et la protection des investissements.

Après quarante cinq années d'isolement où l'avait plongé la dictature d'Enver Hoxha, l'Albanie s'ouvre enfin au monde. Les changements paraissent incontestables et les biens de consommation commencent à circuler dans une société où, par exemple, la propriété de voitures particulières avait longtemps été bannie. Il reste toutefois à apprécier la profondeur et la pérennité de ces mutations dans un pays où les structures économiques sont frappées d'obsolescence et où les comportements restent modelés par des décennies d'immobilisme.

Aussi, afin de mieux mesurer la portée du présent texte et avant d'en présenter le contenu d'ailleurs classique, votre rapporteur présentera les facteurs politiques et économiques dont l'évolution conditionne l'intérêt de nos investisseurs pour l'Albanie.

I. UNE TRANSITION DÉMOCRATIQUE ENCORE FRAGILE

A. LES PROGRÈS VERS LA CONSTRUCTION DE L'ETAT DE DROIT

Rarement autant qu'en Albanie les effets de la tyrannie auront touché à l'absurde (interdiction de porter des lunettes de soleil, de posséder une voiture ...). C'est à l'aune de ce régime despotique qu'il convient de juger les changements, incontestables mais encore incertains, vers la démocratie.

Les progrès dans la construction d'un Etat de droit se sont manifestés d'une part par la formation d'une vie politique pluraliste, d'autre part par la mise en oeuvre d'une constitution respectueuse des principes démocratiques.

1. 1992 : La première alternance au pouvoir après quarante-sept ans de dictature

Le successeur d'Enver Hoxha (1945-1985), Ramiz Alia, a voulu maintenir l'isolement dans lequel son ancien maître avait enfermé l'Albanie. Mais ce pays, bien qu'avec retard, n'allait pas échapper à l'ébranlement général des régimes communistes européens. Le régime de Ramiz Alia crût pouvoir préserver l'essentiel de son pouvoir en composant en apparence avec le mouvement de démocratisation : il consentit à l'organisation d'élections législatives que la faiblesse et le manque de moyens de l'opposition l'assuraient d'emporter. Mais ces expédients firent long feu.

Devant l'ampleur des manifestations et les vagues de départ des réfugiés vers l'Italie, le pouvoir se résigna à accepter des élections, réellement libres, placées sous le contrôle d'observateurs internationaux . Le suffrage populaire permis en mars 1992 au parti démocratique fondé en 1990 -premier parti d'opposition créé en Albanie depuis la fin de la guerre- de conquérir les deux tiers des sièges du Parlement. Le nouveau président de la République, M. Sali Berisha, qui à la tête du parti démocratique, avait animé le mouvement étudiant contre l'ancien régime en 1990, disposait ainsi d'une large majorité confortée encore par deux petites formations (républicains et socio-démocrates).

2. Des principes constitutionnels respectueux de l'Etat de droit

Le renouveau de la vie politique repose sur une assise constitutionnelle respectueuse des principes démocratiques. Compte tenu du rejet du projet de constitution lors du référendum de novembre 1994, la loi constitutionnelle provisoire adoptée en avril 1991 sous la pression du parti démocrate alors dans l'opposition, conserve sa validité. Ce texte pose les principes fondamentaux de la nouvelle « République d'Albanie » : souveraineté nationale exercée par le peuple, Etat de droit, défense des droits de l'homme, séparation des pouvoirs, droits des minorités ...

L'organisation institutionnelle s'apparente au régime d'assemblée 1 ( * ) . Le président de la République, élu pour cinq ans par l'assemblée populaire, désigne le Premier ministre qui forme le gouvernement et engage sa responsabilité devant les députés. Malgré l'importance des pouvoirs dévolus au parlement, la personnalité actuelle du président de la République, doté d'un réel charisme, lui permet de jouer un rôle majeur dans la vie politique albanaise.

Par ailleurs, la loi électorale adoptée en janvier 1992 conjugue le scrutin majoritaire uninominal au premier tour et la proportionnelle au second tour.

B. UNE DOUBLE MENACE D'INSTABILITÉ INTÉRIEURE ET EXTÉRIEURE

Le processus de démocratisation reste fragile. Deux sources de tension menacent en effet de le ralentir, voire de le remettre en cause : les incertitudes politiques intérieures en premier lieu, un environnement extérieur instable ensuite.

1. Les incertitudes politiques

Comment gérer l'héritage politique du communisme ? Faut-il ouvrir le procès des anciens représentants d'un régime désormais honni ou, au contraire, oublier les blessures du passé ? Ce débat, présent dans tous les anciens pays du bloc communiste, se présente avec une vive acuité en Albanie où la démocratisation apparaît plus récente et où une très large partie de l'élite s'est compromise avec le régime d'Enver Hoxha.

Le gouvernement albanais semble avoir hésité entre les deux positions : condamnation de quelques personnalités de l'ancien régime (la veuve d'Enver Hoxha et Ramiz Alia) avant que leur peine ne soit réduite aux termes d'une loi d'amnistie en novembre 1945. Mais il n'évite pas toujours les ambiguïtés. Ainsi, les chefs d'inculpation retiennent plus souvent la corruption que les crimes politiques.

La condamnation en 1994 pour détournement de fonds publics de M. Fatos Nano, président du parti socialiste et ancien premier ministre de Ramiz Alia pendant la période de transition a en particulier soulevé une large réprobation, au-delà des seuls rangs de l'opposition. Les intérêts politiques peuvent interférer avec le souci de sanctionner les comportements répréhensibles.

La position du président Berisha s'est en effet affaiblie au cours des deux dernières années : le rejet (par 54 % des voix) du projet de nouvelle constitution jugé trop « présidentiel et personnel » par l'opposition a constitué un premier avertissement suivi d'ailleurs par un large remaniement ministériel (décembre 1994) et une reprise en main du parti démocratique par le président Berisha en mars 1995.

Après l'échec du référendum, le parti social-démocrate et le parti républicain ont rejoint l'opposition où le parti socialiste (héritier du parti communiste défunt) pourrait jouer un rôle clef. La désaffection des Albanais, déçus par le coût social des réformes, à l'égard du pouvoir en place pourrait faire le lit d'un retour des anciens communistes sur le devant de la scène politique. Dans ce contexte politique, les résultats des prochaines élections législatives du printemps 1996 demeurent très incertaines.

2. Un environnement extérieur tendu

La stabilité de l'Albanie et la pérennité des réformes entreprises restent également conditionnées par l'environnement extérieur. Or plusieurs contentieux opposent l'Albanie à ses voisins immédiats : ils trouvent leur origine dans la présence, dans les Etats limitrophes, d'importantes minorités albanaises -estimées à 2,5 millions de personnes et concentrées principalement au Kosovo (1,8 million), en Macédoine (400 000) et en Grèce (200 000)-. Dans les frontières de l'Etat albanais, la population s'élève à 3,37 millions d'habitants.

La province serbe du Kosovo est peuplée à plus de 90 % par des Albanais. L'autonomie dont cette province avait été dotée en 1974 lui a été retirée en 1988. Tirana soutient la volonté d'indépendance de la communauté kosovare (qui a élu clandestinement un parlement et un président) alors que le Kosovo demeure pour les Serbes le berceau historique de leur nation.

En Macédoine , les Albanais (23 % de la population) se concentrent principalement à l'ouest du pays autour de la ville de Tetovo. Tirana souhaite la reconnaissance des Albanais comme peuple constitutif de la République (et non comme minorité), le statut de langue officielle pour l'Albanais et enfin une régionalisation fondée sur une base ethnique. Ces revendications ont paru à l'Albanie mieux servies par une politique de bon voisinage : reconnaissance de la Macédoine en avril 1993, ouverture du port de Durrës au commerce macédonien menacé d'étouffement par l'embargo décrété en février 1994 par les Grecs. Cependant ce rapprochement reste à la merci d'incidents comme ceux survenus à Tetovo en février 1995 (opposition des autorités macédoniennes à l'ouverture d'une université albanaise réclamée par des manifestants).

Les relations avec la Grèce paraissent compliquées par la présence en Albanie d'une minorité hellénophone (estimée à 60 000 personnes par Tirana et à 300 000 par Athènes) dont les droits sont jugés insuffisants par la Grèce et par la présence de travailleurs clandestins albanais en Grèce (environ 200 000) dont le statut reste très précaire. Des incidents de frontière ont opposé les deux pays en 1994. Toutefois les fils du dialogue n'ont pas été rompus comme en témoigne la visite du ministre des affaires étrangères grec, M. Papoulias en mars 1995.

Dans ce contexte régional marqué par d'importantes tensions, le gouvernement de Tirana cherche de nouveaux partenaires. Il a notamment renforcé ses liens avec les Etats-Unis (adhésion de l'Albanie au partenariat pour la paix, accueil d'experts militaires américains, installation d'une base américaine de drones -avions de reconnaissance sans pilote-). De même l'Albanie a adhéré à l'Organisation de la Conférence islamique : si elle a refusé les avances de rapprochement de pays réputés extrémistes (la Libye) elle a signé des accords de coopération économique avec l'Egypte et l'Arabie saoudite et surtout la Turquie avec laquelle elle a également noué une coopération militaire.

C'est toutefois de l'Europe que l'Albanie a souhaité se rapprocher le plus : signature d'un accord de commerce et de coopération avec l'Union européenne en avril 1992, octroi, au titre du programme Phare , d'une aide de 35 millions d'écus pour 1995 et de 210 millions d'écus pour les années 1996-1999.

Par ailleurs, l'Albanie est devenue membre du Conseil de l'Europe le 13 juillet 1995.

Si parmi ses partenaires européens l'Albanie tend à privilégier l'Italie, pour des raisons historiques mais aussi en raison de l'importance des vagues de réfugiés qui a conduit Rome à apporter une assistance massive à l'Albanie, elle nourrit aussi un intérêt pour la culture française . Même si le français n'occupe que la seconde place des langues étrangères derrière l'anglais, son apprentissage concerne 95 000 élèves dans le primaire et le secondaire, encadrés par 900 professeurs de français. Les moyens mis à la disposition de l'action linguistique (1,5 million de francs en 1995) paraissent insuffisants au regard des enjeux que présente la consolidation de la francophonie en Albanie. Quant à la coopération économique, elle reste très en deçà des besoins et de l'attente exprimée par nos partenaires albanais.

II. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ENCORE PEU PROPICE AU DÉVELOPPEMENT DE L'INVESTISSEMENT PRIVÉ

A. MALGRÉ DES PROGRÈS, L'ÉCONOMIE ALBANAISE RESTE ENCORE TRIBUTAIRE DE L'AIDE INTERNATIONALE

1. Les atouts de l'économie

Parmi les atouts économiques de l'Albanie, il convient de mentionner d'une part les richesses naturelles de ce pays et d'autre part le redressement économique opéré au cours des derniers mois.

Sans doute l'agriculture continue-t-elle d'occuper une place prépondérante dans l'économie albanaise. De type méditerranéen (vigne, agrumes, légumes, huile d'olive ...) elle se concentre principalement dans les plaines tandis qu'elle présente un caractère souvent autarcique dans les montagnes.

Cependant le pays dispose de richesses naturelles (cuivre, cuivre-métal, chrome, fer-nickel, pétrole et charbon), source de revenus à l'exportation et base d'un développement industriel axé surtout sur la chimie pétrolière (à Fieri, Durrës et Vlorë).

Certes, cette structure industrielle, conforme aux canons du développement économique à la soviétique, se trouve actuellement dans un état de délabrement avancé.

Le passif de l'ère communiste s'est conjugué au début de la présente décennie avec une profonde récession et a provoqué une chute de la production.

Le chômage qui a touché jusqu'à 26 % de la population active en 1992 et l'inflation (230 % en 1992) ont aggravé un phénomène de paupérisation à laquelle les campagnes n'ont pas échappé, origine des vagues de réfugiés vers l'Italie.

Le gouvernement de M. Sali Berisha a su cependant conduire une politique de rigueur qui s'est traduite par la stabilité monétaire, une inflation maîtrisée (12% en 1995), et un déficit budgétaire contenu (entre 19 et 21 % du PNB en 1994). Le taux de chômage bien qu'élevé (18 % de la population active) apparaît en net retrait par rapport aux pics de 1992. La privatisation des terres semble avoir favorisée une amorce de reprise dans le domaine agricole. D'après certaines estimations le taux de croissance pourrait atteindre 6 ou 8 % en 1995. Le revenu par habitant demeure cependant très faible (de l'ordre de 350 dollars par habitant) même s'il ne prend pas en compte les revenus procurés par une économie parallèle dont tout porte à croire qu'elle connaît une forte expansion. Par ailleurs, l'Albanie bénéficie des transferts de fonds de la communauté albanaise (400 000 à 600 000 personnes) installée aux Etats-Unis et en Europe occidentale. Malgré cette embellie, les résultats des réformes demeurent limités compte tenu de l'inexpérience des pouvoirs publics, de la pénurie de cadres et de moyens financiers.

Aussi l'aide internationale reste-t-elle encore indispensable .

2. L'aide extérieure : une condition préalable au décollage économique de l'Albanie

La communauté internationale a d'abord privilégié l' aide d'urgence : les fonds distribués jusqu'en 1993 par le canal de l'armée italienne dans le cadre de l'opération Pelican financée par l'Union européenne ont permis, sinon d'arrêter, du moins de ralentir les départs des Albanais. Tout en maintenant son soutien, l'Union européenne devrait désormais favoriser plus particulièrement les infrastructures de transport.

Les besoins considérables de l'Albanie ont entraîné ce pays à s'endetter auprès des créanciers internationaux. La dette est passée ainsi de 834 millions de dollars en 1993 à 1,1 milliard de dollars en 1994. La moitié de ce montant correspond à des arriérés de crédits à court terme accordés par une trentaine de banques commerciales européennes parmi lesquelles des banques françaises (pour un montant de 45 millions de dollars). L'incapacité de l'Albanie à faire face à ses engagements a rendu nécessaire une procédure de rééchelonnement dans le cadre du Club de Paris et du Club de Londres. Mais la fragilité financière de l'Albanie suscite encore une certaine suspicion chez les investisseurs étrangers.

B. LA PRÉSENCE FRANÇAISE, ENCORE MARGINALE, POURRAIT SE DÉVELOPPER

1. La position française à l'égard de l'Albanie reste prudente

Nos échanges commerciaux avec l'Albanie restent limités comme en témoigne la modestie du montant des achats de produits français par l'Albanie (10 millions de dollars sur un total de 607 millions de dollars) et des ventes de l'Albanie vers la France (3 millions de dollars sur un total de 160 millions de dollars).

La France occupe le 4e rang des fournisseurs de l'Albanie loin derrière l'Italie (qui représente près de 35 % du total).

De même les investisseurs français manifestent à l'égard de l'Albanie une prudence d'ailleurs partagée par nos partenaires occidentaux. Une société française se trouve engagée dans la recherche pétrolière aux côtés de sociétés anglaises, italiennes et surtout américaines.

Dans les autres secteurs, les quatre cents petites et moyennes entreprises albano-étrangères ne comptent guère que deux sociétés françaises (Ducros Albanie pour la production et le commerce d'épices et ADA pour l'import-export et le transport aérien entre Tirana et Bari) ; 53 % de ces PME sont albano-italiennes et 20 % albano-grecques.

2. Des perspectives plus favorables pour les relations économiques franco-albanaises

Toutefois, la présence française pourrait se développer à l'avenir. Quatre facteurs principaux paraissent en effet jouer en faveur de l'Albanie.

En premier lieu, les besoins de l'Albanie restent considérables . La réhabilitation des infrastructures apparaît une priorité. Dans ce domaine, les autorités albanaises souhaitent que la rénovation du barrage de Baranja, construit dans les années 1980 par des sociétés françaises, revienne à ces mêmes sociétés. L'Albanie dispose en outre d'un potentiel touristique largement inexploité pour lequel le Club Méditerranée ainsi que le groupe Accor ont d'ailleurs manifesté récemment un intérêt.

En second lieu, les financements apportés par les organismes internationaux paraissent susceptibles d' ouvrir des marchés intéressants pour nos entreprises.

Trois opérations ont pu à ce jour se concrétiser :

- contrat d'étude financé par l'Union européenne attribué à BCEOM pour l'aménagement du terminal des car-ferries de Durrës ;

- rénovation, également sur financement communautaire, des chaudières de quatre hôpitaux albanais par l'entreprise Jacques (de Lyon) ;

- contrat d'étude et d'assistance technique financé par la Banque européenne de développement -BERD- attribué à SOGREAM pour la réhabilitation et le développement des centrales hydroélectriques du pays.

Par ailleurs, l'Albanie a réformé sa législation relative aux investissements étrangers . Comme l'a signalé le rapport précité de l'Assemblée nationale, « un investisseur étranger n'est plus obligé de s'associer à un Albanais et peut acquérir des biens immobiliers, à l'exception de la terre, qui elle peut faire l'objet d'un bail de 99 ans ».

Le processus de privatisations mis en oeuvre pour les plus grandes entreprises à compter de septembre dernier (après avoir concerné les petites et moyennes sociétés) pourrait procurer les occasions de tirer parti de ce cadre juridique plus favorable.

Enfin notre pays tente d'intéresser les entreprises françaises à l'Albanie : réouverture du poste d'expansion économique à Tirana , initiatives privées telles que la création d'une Association pour le développement des relations économiques avec l'Albanie. Cependant l'absence de toute forme de garantie à l'exportant par la COFACE, en raison de la solvabilité jugée insuffisante de l'Albanie, constitue un handicap majeur pour le développement des investissements français.

III. UN DISPOSITIF CLASSIQUE DE PROTECTION RÉCIPROQUE DES INVESTISSEMENTS

A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'ACCORD

1. Champ d'application géographique

Il comprend le territoire et la zone maritime (incluant la zone économique et le plateau territorial) de chacune des parties (art. 1.5).

2. Investissements concernés

Les investissements recouvrent l'ensemble des avoirs dont l'article 1.1 de l'accord donne une liste qui comprend notamment les biens meubles et immeubles ainsi que les autres droits réels (hypothèque, cautionnement...), les actions, les obligations, les droits d'auteur et de propriété industrielle, les concessions accordées par la loi en vertu d'un contrat.

Par ailleurs, la protection ne jouera que pour les investissements conformes à la législation de la partie contractante sur le territoire de laquelle ils sont réalisés.

3. Les investisseurs intéressés

Il convient de distinguer d'une part les personnes physiques qui doivent posséder la nationalité de l'une des parties contractantes et d'autre part les sociétés constituées conformément à la législation de l'Etat contractant où se trouve situé leur siège social (art. 1.2).

4. Les revenus visés

Les revenus recouvrent « toutes les sommes produites par un investissement (...) durant une période donnée » (art. 1.3).

B. DES STIPULATIONS CLASSIQUES TENDANT À ENCOURAGER ET PROTÉGER LES INVESTISSEMENTS RÉCIPROQUES

1. L'encouragement des investissements

Le principe, posé par l'article 2, se traduit sous deux formes :

- l'octroi d'un traitement « juste et équitable » pour ces investissements (art. 3)

- l'application par chaque partie d'un traitement au moins aussi favorable aux investisseurs de l'autre partie que celui accordé à ses propres investisseurs, ou l'octroi de la clause de la nation la plus favorisée, si celle-ci se révèle plus avantageuse (art. 4).

Ce régime d'encouragement ne s'étend pas cependant aux avantages consentis dans le cadre d'accords particuliers à l'image d'une zone de libre-échange, d'une union douanière, d'un marché commun ou d'une autre forme d'organisation économique régionale.

Par ailleurs il convient également de souligner que le principe d'un traitement aussi favorable pour les investissements nationaux que pour les investissements de l'autre partie, ne s'appliquent pas dans le domaine fiscal. Compte tenu de l'importance des allégements fiscaux accordés à certains investisseurs nationaux, ces derniers bénéficient ainsi d'un net avantage.

2. La protection des investissements : trois principes traditionnels

Les investisseurs de l'autre partie doivent d'abord bénéficier, en cas de dépossession (nationalisations, expropriations...), d'une « indemnité prompte et adéquate », dont le montant est évalué par rapport à une « situation économique normale et antérieure à toute menace de dépossession » (art. 5.2).

En second lieu, en cas de dommages et pertes provoqués par des circonstances exceptionnelles telles qu'un conflit armé, une révolution, l'état d'urgence, les investisseurs étrangers ont droit à un traitement aussi favorable que celui des investisseurs nationaux (art. 6).

Le principe de la liberté des transferts , essentiel pour les investisseurs, se trouve garanti à l'article 7 de l'accord. Il s'applique sans réserve notamment aux revenus et aux produits de la liquidation de l'investissement (y compris les plus-values). Son application apparaît, en revanche, limitée pour les transferts des revenus des ressortissants de l'une des parties travaillant sur le territoire de l'autre partie à une « quotité appropriée de leur rémunération » (art. 7).

C. UN MODE TRADITIONNEL DE RÈGLEMENT DES CONFLITS

L'accord prévoit deux dispositifs différents de règlement des conflits.

1. Différends entre l'une des parties et un investisseur de l'autre Etat

Dans cette hypothèse et lorsqu'un règlement à l'amiable n'a pu être obtenu au terme d'un délai de 6 mois, le différend est soumis à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) créé sous les auspices de la Banque mondiale, par la Convention de Washington du 18 mars 1965 (art. 7). Quand l'une des parties effectue au profit de l'un de ses investisseurs un versement au titre d'une garantie qu'il lui accorde pour investir sur le territoire de l'autre partie, elle se trouve « subrogée dans les droits ou actions de ce national ou de cette société ». Il convient de relever ici que la COFACE ne garantissant pas les investissements français en Albanie, le principe par essence protecteur de la subrogation prévu à l'article 10 ne peut jouer et il faut le regretter.

2. Différends relatifs à l'interprétation et à l'application du présent accord

A défaut de règlement amiable par la voie diplomatique dans un délai de six mois, ces différends sont soumis à un tribunal d'arbitrage ad hoc dont les décisions sont définitives et exécutoires de plein droit (art. 11).

*

Quant aux dispositions finales de l'accord, elles prévoient l'entrée en vigueur de l'accord un mois après le jour de la réception de la dernière notification de l'accomplissement des procédures internes requises.

L'accord est conclu pour une durée initiale de 10 ans et sera reconduit tacitement après ce terme, sauf dénonciation par l'une des parties avec préavis d'un an. Enfin, il prévoit de prolonger pendant vingt ans la protection des investissements effectués pendant la période de validité de l'accord (art. 11).

Les autorités albanaises n'ont pas, au moment où ce rapport est rédigé, ratifié l'accord de protection des investissements du 13 juin 1995.

CONCLUSION

Les progrès de l'Albanie dans la construction d'un Etat de droit et d'une économie de marché peuvent nous paraître superficiels et trop lents. Ils restent cependant considérables au regard de l'immobilisme dans lequel ce pays s'était figé pendant des décennies.

L'économie albanaise présente encore bien des traits propres au sous-développement. Quelques pistes se dégagent toutefois pour nos investisseurs (notamment le tourisme qui pourrait s'avérer l'un des secteurs les plus prometteurs). Il convient de les encourager. Sans doute la signature du présent accord constitue un premier pas positif. Mais un engagement de la COFACE en faveur des investissements en Albanie (que devrait autoriser le rééchelonnement des dettes accordées aux autorités de Tirana) constituerait un signe plus décisif encore.

Au-delà des seules considérations économiques, l'accord permet de conforter l'ouverture de l'Albanie et de rapprocher la France d'un pays où la francophonie reste vigoureuse.

C'est pourquoi votre rapporteur vous invite à adopter le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord franco-albanais sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du 17 janvier 1996.

A l'issue de l'examen du rapporteur, M. Gérard Gaud a d'abord souhaité expliquer la place importante qu'occupait notre langue dans la culture albanaise. En effet l'Albanie, qui s'est éloignée successivement de l'ancienne Union soviétique et de la Chine, n'a pas favorisé l'enseignement de la langue de ces deux pays, mais a souhaité privilégier l'apprentissage du français auquel s'attache, aux yeux des Albanais, le prestige du passé révolutionnaire.

M. Gérard Gaud a souligné, en second lieu, que l'acuité des problèmes sociaux en Albanie menaçait la position du président Sali Berisha et pouvait susciter un éventuel retour des communistes au pouvoir.

Par ailleurs M. Gérard Gaud a insisté sur les potentialités économiques de l'Albanie et a relevé la contradiction entre les nuisances provoquées par l'exploitation du pétrole sur les côtes et le développement touristique de l'Albanie.

Enfin, il a souligné la sagesse diplomatique dont avait témoigné le président Berisha, notamment dans les relations avec le Kosovo voisin.

Le rapporteur a indiqué que les liens entre la France et l'Albanie remontaient à l'époque d'Enver Hoxha, pendant laquelle, d'une part, Radio Tirana diffusait des émissions dans notre langue et, d'autre part, une certaine coopération, notamment dans le domaine médical, s'était nouée entre nos deux pays. Il a rappelé également que l'écrivain Ismaïl Kadaré était une des grandes figures de la francophonie.

M. Guy Penne a par ailleurs souhaité que la COFACE assouplisse sa position à l'égard des investissements français en Albanie.

M. Xavier de Villepin, président, a rappelé à ce propos que la COFACE observait une grande réserve à l'égard des pays qui enregistraient des retards de paiement.

Il a souhaité savoir, en second lieu, si le mouvement migratoire albanais vers l'Italie se poursuivait.

M. Guy Penne lui a répondu que les départs continuaient, mais à un rythme désormais ralenti. Il a indiqué à l'intention de M. Jacques Habert, qui s'interrogeait sur l'étonnante capacité de Radio Tirana à émettre au delà des frontières nationales, que dans ce domaine l'Albanie avait longtemps bénéficié de l'appui chinois.

La commission a alors, suivant l'avis du rapporteur, adopté le présent projet de loi à l'unanimité.

PROJET DE LOI

(Texte proposé par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Albanie sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements, signé à Paris le 13 juin 1995 et dont le texte est annexé à la présente loi (1) .

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(1) Voir le texte annexé au document Sénat n° 117 (1995-1996)

* 1 Voir à cet égard les développements très intéressants consacrés à l'Albanie par M. Claude Marcus, député, membre de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale dans son rapport La France et l'Albanie nouvelle , rapport d'information n° 2372

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