B. LA NÉCESSITÉ DE MOBILISER LES RECETTES NON FISCALES
Les recettes non fiscales sont majorées de 18,798 milliards de francs par rapport à la loi de finances rectificative du 4 août 1995.
Évaluation des recettes non fiscales
Après la première lecture de l'Assemblée nationale, ce montant a été majoré de 1 milliard de francs, supplément provenant d'un versement par la Banque de France d'une partie du gain réalisé par elle à l'occasion de la démonétisation de certains billets de banque
Le détail des variations est donné dans le tableau ci-après
ÉVALUATION DES RECETTES NON FISCALES
(écarts par rapport à la loi de finances rectificative du 4 août 1995)
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Une observation liminaire doit être faite. L'absence de rattachement des fonds de concours conduit à minorer le volume des recettes d'environ 60 milliards de francs (soit près de 40 % des ressources non fiscales). En toute rigueur, une observation analogue devrait être présentée dans l'analyse des dépenses.
En 1994, les recettes non fiscales s'étaient élevées à 200 milliards de francs. La baisse constatée en 1995 résulte pour l'essentiel de la décision d'exclure les recettes de privatisation du champ des recettes du budget général.
En effet, hors recettes de privatisations, le montant des recettes non fiscales aurait été de 150 milliards de francs en 1994.
Les principaux mouvements affectant les ressources non fiscales dans le présent collectif sont les suivants :
1. La révision à la baisse des dividendes d'entreprises publiques non financières
Initialement estimé à 9,671 milliards de francs puis révisé en août à 9,871 milliards, le montant des dividendes perçus par l'État actionnaire de ses entreprises non financières devrait être de 8,969 milliards de francs soit en baisse sensible de 902 millions de francs (9 % des dividendes espérés).
Si l'on exclut les dividendes versés par France Télécom afin de conserver un échantillon représentatif, on ne peut que constater une baisse tendancielle des encaissements de dividendes par l'État.
Montant des dividendes reçus par l'État de ses entreprises non financières
La tendance s'explique par les privatisations successives qui diminuent le nombre d'entreprises concernées et aussi par la situation financière de certaines entreprises publiques. Si 1995 fait exception, c'est en raison des résultats d'EDF dont l'acompte versé au titre de la rémunération des dotations en capital a été majoré de 1 milliard de francs.
Mais dès 1996, une nouvelle inflexion des dividendes des entreprises publiques est anticipée (-916 millions de francs).
Une remarque technique doit être faite : lorsque l'État opte pour le paiement en actions de son dividende, les recettes provenant de la cession des titres correspondants sont inscrites sur le compte de commerce relatif à la gestion des titres du secteur public et non sur la ligne 116 des recettes non fiscales. C'est ce qui s'est produit cette année, à hauteur de 83 millions de francs, pour le paiement du dividende de Total.
2. La réévaluation du montant des intérêts divers
La ligne 499 regroupe les intérêts reçus par l'État au titre d'opérations de prêts ou d'avances de nature diverse.
Sont ainsi principalement retracés :
ï les intérêts d'avances au fonds de soutien des rentes (FSR) ;
ï les intérêts d'avances à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
ï les intérêts des prêts du Trésor consentis dans le cadre de l'aide publique au développement.
La révision des recettes d'intérêt est importante (+ 2 milliards) et représente près de 70 % de l'évaluation initiale.
Ce phénomène est traditionnel. La prévision en la matière étant considérée comme impossible, les intérêts reçus de l'ACOSS et du FSR ne sont pas évalués dans la loi de finances initiale.
La révision opérée par le présent collectif représente donc les deux mois de recettes encaissées entre la fin juillet et la fin septembre. Elle est déjà dépassée puisque, depuis la préparation du collectif, les recouvrements auprès de l'ACOSS et du FSR se sont accrus de 258.6 millions de francs.
Un supplément de recettes devrait à nouveau être constaté lors de la loi de règlement.
3. L'accroissement des recettes diverses
a) Le prélèvement de 15 milliards sur la Caisse de garantie du logement social
Un prélèvement de 15 milliards de francs sur la Caisse des dépôts et consignations figure parmi les recettes diverses non fiscales (ligne 899).
Malgré son montant élevé qui fait suite aux 23,3 milliards de francs prélevés en 1995 au titre de la garantie que l'État apporte aux livrets réglementés, ce versement ne devrait pas poser de difficultés de paiement à la Caisse des dépôts. Il est jugé indispensable pour maintenir le déficit budgétaire dans l'épure initialement votée.
Ce prélèvement pose toutefois deux problèmes connexes : celui de sa nature, celui de son périmètre.
Techniquement, le prélèvement portera sur les résultats des fonds d'épargne centralisés à la Caisse des dépôts. Il s'agit des fonds déposés sur les livrets réglementés (Livret A, Codevi, Livret d'épargne populaire...). Leur trésorerie est abondante (177 milliards de francs au 30 septembre 1995). Cependant, l'État ne peut prélever sur ces fonds sans motif. La commission de surveillance de la Caisse, qui compte notamment trois parlementaires, est investie d'une mission particulière de protection à cet égard.
Ayant épuisé ses droits au titre de la garantie, le gouvernement justifie ce prélèvement par la récupération de subventions versées en excédent à la Caisse de garantie du logement social pour financer les prêts accordés aux HLM entre 1966 et 1985. Compte tenu du profil de son échéancier, la CGLS recouvrera ces subventions à partir de 2003, et l'État les rappelle donc par avance.
Cependant, ce prélèvement peut s'interpréter différemment. On pourrait le concevoir comme le rachat à l'État, par la Caisse des dépôts et consignations, du bilan de la CGLS, pour une valeur de 15 milliards de francs. Il s'agirait en ce cas d'une opération patrimoniale, que l'État ne pourrait affecter aux recettes courantes au regard des critères du traité sur l'Union européenne.
Les deux interprétations sont d'ailleurs compatibles puisque l'une peut s'appliquer au point de vue de la recette de l'État et l'autre à celui de la dépense de la Caisse.
Quelle que soit l'interprétation retenue sur la nature du prélèvement, le second problème est celui du périmètre exact. Le gouvernement considère que l'excédent dégagé à l'avenir par le portefeuille de la CGLS sera le produit d'un taux d'intérêt de 5,8 % ; alors que la Caisse des dépôts estime que ce taux est de 6,5 % et qu'il faut tenir compte des risques de remboursement anticipé et de signature. Si la valeur de 15 milliards de francs était retenue, la Caisse des dépôts estimerait devoir passer des provisions d'un montant de 3,9 milliards de francs en déduction du résultat des fonds d'épargne pour l'exercice 1995.
La protection des fonds d'épargne exige une certaine prudence dans ces évaluations, car ils appartiennent aux épargnants, souvent modestes, et non à l'État.
Cependant, il est indispensable de maintenir à 15 milliards de francs le montant du prélèvement. Une solution médiane peut être proposée : que la somme prélevée englobe la récupération d'autres subventions, à savoir le reliquat de trop versé restant dans le portefeuille de prêts et emprunts transférés de la CGLS à la CDC en 1988, et qui est évalué à 3,9 milliards de francs.
b) Les autres prélèvements
Outre le prélèvement de 15 milliards sur la section des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts, le présent collectif effectue plusieurs ajustements sur la ligne 899 des recettes diverses :
ï 215 millions de francs sont prélevés sur les réserves financières de l'Institut national de la propriété industrielle (article 4 du projet de loi).
ï 680 millions de francs sont prélevés sur les réserves déposées auprès de la Caisse des dépôts par l'ORGANIC, au titre de la taxe sur les grandes surfaces (article 5 du projet de loi),
ï 604 millions de francs proviennent d'un remboursement anticipé d'avances de l'État par la société d'autoroutes Cofiroute.
ï A l'inverse. 410 millions de francs viennent en diminution de ces recettes du fait d'un moindre remboursement d'avances aéronautiques.
4. Le versement d'un "culot d'émission" par la Banque de France
Au cours de l'examen du projet de loi de finances devant l'Assemblée nationale, le gouvernement a fait voter une disposition ayant pour effet d'augmenter les ressources non fiscales de l'État de 1 milliard de francs.
Il s'agit de prendre acte du versement d'un acompte sur le "culot d'émission" de la Banque de France.
Le "culot d'émission" correspond au gain qui résulte pour la Banque de France du défaut de présentation d'une partie des billets démonétisés pour échange avec les billets nouvellement émis.
Ce défaut de présentation a pour effet d'améliorer le passif de la Banque de France qui se trouve allégé mécaniquement de la charge de remboursement des billets concernés.
Comme le pouvoir de battre monnaie appartient à l'État il est légitime que celui-ci recouvre le gain ainsi dégagé.
Le versement opéré porte sur les gains réalisés à l'occasion de la démonétisation du billet "Corneille" et du billet "Quentin-Latour" de 50 francs.
Autant le "culot" sur la première coupure apparaît en voie de tarissement, autant celui qui concerne la deuxième coupure ne le semble pas.
Le montant du versement apparaît en tout cas compatible avec celui des gains provenant de ces deux opérations de démonétisation.
Il y a là une recette de poche bienvenue pour l'État qui provient, il faut l'observer, d'un abandon de créances de la part des porteurs de billets.